Il y a tant de camarades dont les Français ignorent tout, le monde est vaste et le communisme et la poésie se conjuguèrent, la mort fut au rendez-vous, mais elle ne vint pas de ‘ennemi mais des rangs de ses compagnons. Depuis la bataille est menée pour restaurer l’honneur du poète salvadorien qui disait que le monde était beau et que la poésie était le droit de tous, que cet article pour une part emprunté et traduit de Mundo obrero en soit le simple rappel (note et traduction de Danielle Bleitrach).
La biographie de Roque Dalton est marquée par ses deux grandes passions: la poésie et la révolution. Considéré comme une référence dans la littérature latino-américaine, son engagement politique lui coûtera la vie le 10 mai 1975.
Il est né le 14 mai 1935 dans la capitale de la République d’El Salvador au sein d’une famille riche, ce qui lui a permis d’étudier dans les meilleurs centres éducatifs du pays et d’étudier le droit à l’Université catholique du Chili. C’est là qu’il entre en contact avec le marxisme, étant un très jeune militant des organisations révolutionnaires.
Il a fondé l’ University Literary Circle, qui ferait la promotion des œuvres de jeunes écrivains qui, comme lui, faisaient partie de la génération dite engagée, de rupture dans l’écriture et la réflexion sur la littérature et l’engagement intellectuel. Sa qualité artistique a été reconnue en 1956, 1958 et 1959 lorsqu’il a reçu le Prix de poésie d’Amérique centrale, l’une des reconnaissances les plus prestigieuses dans le domaine littéraire latino-américain.
Poète prometteur, Roque Dalton a participé au Festival mondial de la jeunesse qui s’est tenu en 1957 en URSS. Là, il est entré en contact avec des intellectuels et des politiciens influents tels que le révolutionnaire nicaraguayen Carlos Fonseca, le poète guatémaltèque Miguel Ángel Asturias ou l’Argentin Juan Gelman. Ce voyage a marqué sa vie, à son retour prenant la détermination de rejoindre le Parti communiste salvadorien.
Roque Dalton a mené une intense activité politique au Salvador, qui lui aura coûté plusieurs fois la prison, l’exil et, finalement, sa propre vie. Il est rentré clandestinement dans son pays à la fin de 1973, rejoignant l’ Armée révolutionnaire populaire, une organisation politico-militaire embourbée dans de fortes luttes internes pour sa stratégie et son leadership entre courant marxiste révolutionnaire et sociaux-démocrates.
En 1975, il était de retour à El Salvador travaillant dans la clandestinité. Ce fut une période difficile pour l’ERP, au sein de laquelle existait une tendance marxiste (dont Dalton Roque était proche) et une tendance social-démocrate. Ce serait dans une maison du quartier de Santa Anita à San Salvador, que Roque et Armando Arteaga dit « Pancho » ont été assassinés, probablement sur ordre de Joaquín Villalobos, sous le chef d’accusation d’être agents de la CIA des États-Unis. Il a également été accusé d’intelligence avec Cuba, ce qui a été peut-être une des « circonstances aggravantes » pour son assassinat. Les accusations ont été réfutées par la suite. Son assassinat a déclenché une forte crise au sein de l’ERP, aboutissant au départ de 2 000 guérilleros qui créent alors la Résistance nationale.
Plus d’un an après l’assassinat, Villalobos dirigea l’ERP et par la suite fit partie du commandement général du Front Farabundo Martí de libération nationale du Salvador (FMLN) et en cette qualité, fut signataire des accords de paix en 1992 avant de renier son passé révolutionnaire et de s’associer à la droite. Cependant, on ne sait pas qui a appuyé sur la gâchette ni avec précision, où il a été assassiné. Deux versions existent : la plus probable dans le quartier Santa Anita, au sud de la capitale, l’autre à El Playón, endroit où se trouve la lave séchée du volcan San Salvador.
Le poète, qui avait échappé à deux reprises à la peine de mort imposée par le gouvernement capitaliste contre lequel il se battait, aura été abattu par ses propres camarades de guérilla. Sa carrière militante incontestable au service de la cause révolutionnaire et l’absurdité des accusations portées contre lui étaient dérisoires. Son meurtre reflète grossièrement le drame des luttes internes au sein de la gauche et la manière dont la social-démocratie n’a pas craint d’attaquer en son sein les plus révolutionnaires.
Le recours à la Cour suprême
Il s’est écoulé 45 ans depuis sa mort, mais le crime continue de secouer la société salvadorienne. En juin 2019, le président Nayib Bukele a limogé Jorge Alberto Meléndez, ancien commandant de l’ERP, en tant que directeur de la protection civile pour son lien avec le meurtre de Dalton, dont le corps n’a toujours pas été retrouvé. La lutte contre l’impunité pour la mort de son père, a conduit Juan José Dalton à déposer un recours devant la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice pour traduire en justice les assassins du poète, protégés pendant des décennies par la loi d’amnistie, résultat des négociations de paix entre la guérilla du FMLN et l’oligarchie représentée à l’ARENA. C’est le dernier espoir d’une famille qui veut que justice soit faite.
Car dans la mémoire collective du peuple salvadorien restent les vers immortels de Roque Dalton et de sa rébellion contre une société fondée sur la discrimination. Lui, qui aurait pu vivre confortablement et jouir de sa renommée de poète, a plutôt choisi la voie incertaine de la lutte révolutionnaire. Et ce sont les grands révolutionnaires, ceux qui sacrifient tout pour une utopie de justice et d’égalité qui parfois sont les victimes.
El Ché Jesucristo
fue hecho prisionero
después de concluir su sermón en la montaña
(con fondo de tableteo de ametralladoras)
por rangers bolivianos y judíos
comandados por jefes yankees-romanos.
Lo condenaron los escribas y fariseos revisionistas
cuyo portavoz fue Caifás Monge
mientras Poncio Barrientos trataba de lavarse las manos
hablando en inglés militar
sobre las espaldas del pueblo que mascaba hojas de coca
sin siquiera tener la alternativa de un Barrabás
(Judas Iscariote fue de los que desertaron de la guerrilla
y enseñaron el camino a los rangers)
Después le colocaron a Cristo Guevara
una corona de espinas y una túnica de loco
y le colgaron un rótulo del pescuezo en son de burla
INRI: Instigador Natural de la Rebelión de los Infelices
Luego lo hicieron cargar su cruz encima de su asma
y lo crucificaron con ráfagas de M-2
y le cortaron la cabeza y las manos
y quemaron todo lo demás para que la ceniza
desapareciera con el viento
En vista de lo cual no le ha quedado al Ché otro camino
que el de resucitar
y quedarse a la izquierda de los hombres
exigiéndoles que apresuren el paso
por los siglos de los siglos
Amén.POEMA SIGUIENTE
Como un ángel social de alto velamen,
lejano de la angustia y capitán
de nueva clorofila,
como una flor indomeñable
que falta haríale al maíz en la coronación de su significado,
como un lejano caracol que huyó del pecho rojo,
caminaré desde hoy
gritando que conozco,
aunque resulte herida
mi bondad y mi sangre
Porque cual repentino rayo de raíces secretas
uno cae en la cuenta que no respira solo,
que hay hermanos dormidos,
cortadas ramas retoñables,
pianos de primer piso, dulces
rosas descoloridas sin morir.
Además, es este siglo obligatorio
que en airada espesura nos reúne,
el que regala al ojo la cumbre y el camino,
el que pregunta al alma por sus puños finales,
el que deja vibrando la fiel liquidación de las preguntas.
El panorama es un cuchillo rudo: uno nace entre todos
los hombres y los árboles,
pariendo el junco responsable que el huracán penetra:
posee uno la lámpara que con su luz idéntica
descubre donde nace la lágrima
digna de ser borrada en lo que nos rodea.POEMA SIGUIENTE
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