Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La différence de choix économiques entre la Chine et les pays occidentaux

Toutes les économies du monde ont souffert de l’épidémie du coronavirus et de l’arrêt qui en a résulté. Mais cet arrêt n’a le plus souvent fait que révéler des problèmes antérieurs et l’insuffisance des solutions mises en œuvre pour les résoudre. Ce qui apparaît au niveau des “remèdes” est de même nature: en effet, la plupart des économies sitôt le confinement levé, repartent dans des stratégies antérieures. Il suffit de comparer les choix des économies occidentales comme les Etats-Unis et l’UE par rapport à ceux de la Chine pour mesurer à quel point on ne change pas une stratégie perdante. L’UE en état de coma dépassé sur le plan de la solidarité épidémique et maintenant économique ne s’accorde un sursis qu’en poursuivant les vieilles recettes.

l’UE, au-delà de ses péripéties, ses antagonismes et ses soumissions internes, poursuit la même politique économique que celle des Etats-Unis tout en prétendant à plus d’autonomie par rapport à ces derniers. Voici ce qu’en dit un économiste chinois de Global Times Yao Yang (1). Ces propos sont d’ailleurs corroborés par les choix de Xi Jinping qui fait le tour des provinces chinoise en affirmant trois priorités : 1) poursuivre le programme de lutte contre la misère par l’emploi, et en développant un système de santé 2) protéger l’environnement en favorisant les initiatives locales 3) créer les conditions de l’harmonie entre les diverses nations à l’intérieur de la Chine.

Cette analyse de deux orientations politiques a une importance stratégique sur le long terme, celui où non seulement se dessine le futur leadership mondial mais encore son orientation fondamentale: socialisme ou crise aggravée, paix ou guerre, coopération ou concurrence jusqu’à la destruction?

1-La différence des Plans de relance chinois avec les occidentaux, gérés au niveau des villes et des comtés

La Chine a annoncé son plan de politique macroéconomique annuel, qui recommande de mettre en œuvre la politique axée sur les moyens de subsistance et l’emploi des personnes, plutôt que sur les plans de relance à grande échelle des pays occidentaux. Le billion de yuans (141 milliards de dollars) de dette nationale et le billion de yuans de dette nationale spéciale nouvellement émis par le gouvernement central pour lutter contre la pandémie iront directement aux villes et aux comtés. En ce qui concerne la politique monétaire, le rapport de travail du gouvernement de cette année a mis l’accent sur une facilitation précise, les fonds allant directement aux petites, moyennes et micro-entreprises qui ont été gravement touchées par COVID-19.”

On peut s’étonner que le gouvernement central chinois délègue ainsi par “décentralisation” le coup de fouet de l’économie, alors qu’il y a eu jusqu’ici plutôt l’apparence d’une lutte entre le gouvernement central et les dirigeants locaux accusés d’inertie ou de corruption, mais cette décentralisation correspond à deux objectif: le premier est de traiter les problèmes au plus près de l’endroit où ils apparaissent et où les initiatives individuelles et collectives peuvent être favorisées en étant mises en relation non seulement avec l’administration locale mais avec des instituts et organisations de recherche, le modèle a donné des résultats en matière d’environnement mais aussi en matière économique. Ainsi après avoir fait la chasse à l’informel, les marchés de production locale sont encouragés. Le second objectif témoigne sans doute du renforcement de l’autorité de Xi Jinping et la manière dont aujourd’hui il a réussi à mettre au pas les “féodalités” locales.

2-Par rapport aux milliards de dollars de plans de relance des pays occidentaux, la Chine, sur la base de fondamentaux économiques favorables,

Avant la pandémie, le taux de croissance économique de la Chine s’était déjà engagé sur une voie de reprise rapide, qui ne sera pas inversée par le virus. L’économie chinoise connaît une reprise stable car la nation a généralement maîtrisé le virus. L’indicateur de la consommation, qui a le plus reculé au premier trimestre, a inversé sa direction en mai.

L’économie du pays a montré des signes d’une reprise en forme de V, et une croissance annuelle positive est réalisable tant que le pays ne voit pas une recrudescence à grande échelle des infections au second semestre.

La stabilisation de l’emploi et des moyens de subsistance des populations grâce à des mesures adaptées pour soutenir les citoyens après l’épidémie pourrait également stimuler la consommation sociale et créer une demande pour les entreprises. Le problème le plus urgent auquel les entreprises sont désormais confrontées est l’insuffisance des commandes, qui ne peut être résolu efficacement à court terme en augmentant les liquidités ou en investissant dans des projets d’infrastructure qui prennent du temps. Les coupons de consommation et les subventions en espèces sont le moyen le plus efficace de résoudre ce problème.”

Il faut considérer que ces choix sont différents de ceux adoptés en 2008, face à la crise financière, la Chine avait choisi des investissements massifs dans les infrastructures en particulier comme dans l’immobilier.

On retrouve dans ce diagnostic de l’économiste chinois Yao Yang ce que nous venons d’énoncer à savoir que ces choix sont la poursuite de ceux avant la crise et qui débouchent sur une relance par la consommation en particulier intérieure. Notons que l’objectif fondamental de réduction de la pauvreté pour 2020 qui était celui prévu avant l’épidémie loin d’avoir été abandonné est au contraire celui prioritaire comme d’ailleurs un système de santé amélioré qui lui est apparu au niveau de l’épidémie. Notons également que la Chine a plus ou moins réussi à juguler les risques d’inflation (2) ce qui permet une politique de relance par la consommation intérieure.

3- Critique par la Chine des politiques de relance des USA et des pays occidentaux

En revanche, un assouplissement monétaire massif dans les pays occidentaux est une recette pour un désastre. Dans le sillage de la déroute du marché boursier américain, la Fed a fourni jusqu’à 6 billions de dollars de liquidités grâce à une série de mesures et a augmenté son bilan de plus de 1 billion de dollars grâce à des opérations d’open market.

L’énorme liquidité sert d’abord à aider le gouvernement américain à émettre plus de dette. L’augmentation de la liquidité a abaissé les taux d’intérêt et rendu moins coûteux pour le gouvernement américain d’émettre de la dette. Il entrera également sur le marché américain des actions et des obligations d’entreprises, afin de maintenir le faux boom de l’ensemble du système financier. Les investisseurs américains s’intéressent peu à la fabrication. Au lieu de cela, ils préfèrent investir leur argent dans des activités financières à rendement élevé.

La liquidité supplémentaire sert également à répondre aux besoins de couverture des capitaux étrangers, car le marché des capitaux américain, avec sa base solide, a été un refuge pour les fonds étrangers lorsque l’économie mondiale rencontre des turbulences.

À court terme, la liquidité injectée conduira à deux résultats. À l’échelle mondiale, les États-Unis détourneront leur fardeau vers le reste du monde et utiliseront l’épargne d’autres pays pour stimuler leur propre consommation. Au niveau national, Wall Street procédera à une redistribution inversée massive de la richesse et des revenus aux États-Unis, ce qui rendra plus riches ceux qui possèdent des actifs et ceux qui n’en ont pas.

À long terme, la liquidité augmentera non seulement la dette du gouvernement américain envers sa population, mais aussi envers le monde. À l’heure actuelle, les États-Unis pourraient encore réduire leur fardeau de la dette avec plus de dollars, mais à un moment donné, cette méthode échouera et devra payer avec des actifs réels.”

Ce que prévoit à terme le gouvernement chinois c’est une crise monétaire du dollar et sa dévaluation autant que des révoltes devant des politiques favorables essentiellement aux secteurs financiarisés et non aux populations. L’analyse qu’ils font de la crise qui vient de secouer les Etats-Unis est moins de nature raciste que de classe mis en lumière par une épidémie qui a frappé en premier les catégories populaires et un chômage massif.

Notons que les dirigeants de l’UE qui ont adopté la même politique que les Etats-Unis perçoivent également les risques du plan de relance américain, la possibilité de leur faire payer la dévaluation qui les rendra encore moins compétitifs et ils amorcent un certain découplage par rapport aux grands piliers de la politique américaine : le dollar et l’armée, en espérant se garantir des marchés y compris dans les pays que les USA prétendent contraindre économiquement l’Iran, la Chine elle-même entre autres.

Mais dans la mesure où ces dirigeants ont adopté la même politique d’aide massive à leurs monopoles financiarisés eux-mêmes souvent totalement imbriqués dans ceux des Etats-Unis (comme l’armement), leur tentative d’autonomie ne leur économisera pas la crise de la chute de l’empire américain.

Le gouvernement chinois, en revanche, a clairement adopté des politiques budgétaires et monétaires prudentes qui sont correctes et nécessaires. La reprise de l’économie après l’épidémie par des mesures de stabilisation de l’emploi et des moyens de subsistance des populations est clairement la meilleure option. Il n’est pas nécessaire que la Chine suive les plans de relance à grande échelle des pays occidentaux.”

Outre le fait que le choix de relance par la consommation intérieure et par la stabilisation de l’emploi correspondent à la vocation socialiste d’un pays dirigé par un parti communiste, il est une garantie d’efficacité. La Chine est le pays où la lutte contre la pauvreté a connu un des plus grands succès dans le monde ces dernières années. Selon le PNUD, la proportion des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour en Chine a chuté de 33 % en 1990 à 16 % en 2000. Elle ne serait plus aujourd’hui que de 15 %. La Chine est même le seul pays en développement à avoir réussi à atteindre les objectifs de lutte contre la pauvreté fixés par les Nations Unies. Il n’y aurait plus que 85 millions d’analphabètes contre 180 millions il y a dix ans. C’est donc un formidable succès de la politique globale. Et la crise ne détourne pas au contraire le gouvernement chinois d’un objectif qui devait être celui de 2020, même si de nouveaux problèmes sont venus s’ajouter aux anciens défis.

Analyse de Danielle Bleitrach

(1) L’auteur est doyen de la National School of Development de l’Université de Pékin. bizopinion@globaltimes.com.cn

(2) L’indice des prix à la consommation (IPC) de la Chine, principal indicateur de l’inflation, a continué de ralentir la croissance en mai. La nouvelle baisse est principalement due à la baisse des prix des denrées alimentaires alors que la vie et la production reviennent progressivement à la normale via des politiques monétaires souples et des politiques budgétaires positives, ont déclaré les experts. L’indice est tombé à 2,4% en glissement annuel en mai, contre 3,3% en avril, a annoncé mercredi le Bureau national des statistiques (NBS).

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2 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Dans la dernière partie de son ouvrage, JC.Delaunay traite de la corruption. C’est un gros problème. Son éradication est indispensable pour faire avancer la société. Je cite JC.Delaunay:” l’axe profond de la lutte contre la corruption est la construction de la nation économique chinoise dans le cadre de la dictature du peuple. page 358″.
    Il affirme que la Chine est un pays sous-développé désormais située sur l’orbite du développement. Mais il n’est pas possible de développer économiquement un pays sans en modifier les structures mentales……….On y est!!! Le covid-19 est passé par là!!!…Selon Yao Yang, la gestion du plan de relance est confiée aux villes et aux comtés. Cette décentralisation est le signe d’une grande confiance dans l’évolution positive des mentalités.

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  • Jean François DRON
    Jean François DRON

    très bon article.je confirme cette évolution qui rentre dans les orientations de Xi Jin Ping d’mener la chine à une société de moyenne aisance en 2050.

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