Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Poutine doit continuer à mener le grand jeu géopolitique par Petr Akopov

On sait que dans le cadre des débats sur la transformation de la Constitution russe (celle d’Eltsine que personne n’apprécie), il a été introduit un amendement qui propose le maintien quasiment à vie de Poutine. Seul le KPRF s’y est opposé. Ici Akopov, que l’on peut considérer comme un “poutinien” soviétique, explique les raisons d’une telle adhésion du peuple. Il s’agit essentiellement de sa politique internationale alors qu’il est très critiqué au plan de la politique intérieure. Il ne s’agit pas de croire que seuls les Russes raisonnent ainsi et nos politiciens français à courte vue qui semblent croire que seule la politique intérieure détermine le choix du peuple français ont tort, le patriotisme, le collectif national, la manière dont un homme ou un parti l’incarne est déterminant (note et traduction de Danielle Bleitrach)

La situation internationale instable est peut-être la raison la plus fondamentale pour laquelle nos concitoyens s’inquiètent de la possible démission de Poutine à la présidence en 2024. Il ne fait aucun doute que dans les années à venir, cela ne deviendra pas plus facile – le monde devenu très exigu est entré dans l’ère de la transformation mondiale. Et un leader expérimenté dans ces conditions devient l’avantage concurrentiel le plus important de la Russie.

S’exprimant à la Douma d’État, lors de l’examen de l’amendement lui permettant de se présenter aux élections présidentielles en 2024, Vladimir Poutine a souscrit aux paroles de la célèbre astronaute Valentina Tereshkova: «ce dont nous discutons actuellement n’est pas l’actualité, ce sont des questions qui touchent à notre avenir dans un monde en mutation» . Tereshkova vient de parler des craintes de ce qui se passerait si quelque chose intervenait après 2024, et elle a qualifié «l’autorité la plus puissante de Poutine» de «garantie de stabilité à la fois à l’intérieur du pays et le long de son contour extérieur, de ses frontières».

Oui, c’est l’inquiétude pour l’avenir de la Russie dans le monde après 2024 qui est l’une des principales raisons pour lesquelles la plupart de nos concitoyens plaident pour que Poutine ait à nouveau la possibilité de briguer la présidence. Désormais, le peuple pourra s’exprimer sur ce sujet lors du vote d’avril sur les amendements constitutionnels: en les approuvant, il donnera au président le droit de retourner aux urnes et de continuer à diriger le pays. Ensuite, l’anxiété des gens disparaîtra. Mais les problèmes et les défis eux-mêmes ne disparaîtront pas. 

Il est clair ce que les opposants attendent de nous – Poutine les a appelés ceux qui veulent restreindre la Russie et sont prêts à saisir toute opportunité pour cela:

«Ils s’attendent à ce que nous commettions une erreur quelque part ou que nous glissions, que nous perdions nos lignes directrices ou, pire encore, que nous nous enlisions dans des conflits internes, qui sont parfois réchauffés, nourris et même financés de l’extérieur.

La dernière menace est la plus compréhensible: au cours du siècle dernier, nous avons par deux fois perdu toutes les positions dans le monde, perdues avec des conséquences catastrophiques pour nous précisément à cause des troubles internes – en 1917 et 1991. Et les deux fois, nous avons du lutter longtemps et douloureusement pour restaurer notre influence dans le monde, et surtout – dans notre pays. Même maintenant, nous n’avons pas entièrement surmonté les conséquences des événements d’il y a près de 30 ans.

Ce n’est pas un hasard si Poutine, dans son discours à la Douma d’État, a spécifiquement noté que nous n’avons pas encore surmonté tous les bouleversements et les difficultés après l’effondrement de l’Union. Ici, le président avait à l’esprit tout ensemble – la crise ukrainienne, la position de la Russie sur la scène mondiale et la situation intérieure.

La stabilité interne est une condition préalable à toute activité réussie de politique étrangère, car il est impossible d’être stable à l’extérieur dans une situation interne faible.

De plus, dans le cas de la Russie, cela est particulièrement fortement lié: en raison de sa position géopolitique unique, notre pays sera toujours l’objet des pressions extérieures, des intrigues et des provocations les plus sévères. Tout cela pour plus de simplicité, nous appelons une «politique de confinement». Bien qu’il comprenne non seulement l’opposition à nos tentatives de créer des conditions extérieures favorables, non seulement la pression la plus variée sur nous, mais aussi un travail direct pour nous déstabiliser de l’intérieur. Le lien direct entre la politique intérieure et la politique étrangère est un donné permanent de la Russie de la mêle manière que notre vaste territoire et la complexité florissante de notre culture.

Naturellement, c’est la stabilité interne avec un développement et une croissance constants qui a toujours été et restera la principale préoccupation de Vladimir Poutine. Mais avec tout le succès, si l’on compare la situation avec 2000 ou même 2010, il y a plus qu’assez de problèmes. C’est pourquoi, dans le même discours, Poutine a utilisé la même expression qu’il a utilisée à l’automne 2011:

«Tout le monde comprend parfaitement qu’à l’intérieur du pays, nous avons malheureusement encore beaucoup de ce qui est appelé, fait, comme le disent les gens,« sur un fil vivant », et avons encore beaucoup de vulnérabilités. Cela vaut également pour la stabilité politique intérieure, l’harmonie interethnique et interreligieuse, le développement économique et social . »

Il est clair que la Russie est devenue beaucoup plus stable qu’elle ne l’était il y a quelques années, mais des menaces demeurent. Cependant, même si nous imaginons qu’elles sont réduites au minimum (c’est-à-dire que la stabilité interne est garantie, par exemple, pour les deux prochaines décennies), la question de l’avenir de Poutine ne perd pas son importance.

Parce que les changements qui se produisent dans le monde sont vraiment marquants. Poutine les a appelés cardinaux et irréversibles, affectant littéralement tous les aspects de la vie. Et ce n’est pas une exagération: sur la façon dont la “carte” se trouve littéralement dans la prochaine décennie, cela dépend de la place que tel ou tel pays occupera dans le monde pour le reste du XXIe siècle. C’est un énorme défi et le coût des erreurs est tout aussi élevé.

Et quand Poutine dit qu ‘”ils s’attendent à ce que nous commettions une erreur quelque part ou que nous glissions, nous perdrons des points de référence”, il ne parle pas seulement de l’opération en Syrie, de la guerre du pétrole ou de la crise ukrainienne – il parle de la direction stratégique de la Russie. Sur une compréhension claire de nos intérêts nationaux et de nos objectifs stratégiques et plans tactiques construits sur cette base.

C’est Poutine qui définit et dirige ce jeu géopolitique de haut niveau depuis 20 ans dans toutes les directions et dans une grande variété de formats (du politique au économique). Son expérience et ses capacités ont fait de lui le joueur le plus qualifié dans ce domaine, capable de mener la Russie vers une place gagnante avec des ressources plutôt limitées et une position initialement faible.

Mais le jeu continue, et il est impossible de changer simplement le joueur agissant au nom de la Russie, le laissant comme entraîneur et mettant un de ses élèves sur le terrain. La géopolitique est un art dont la connaissance peut bien sûr être transmise aux étudiants, mais l’expérience personnelle et les compétences ne peuvent pas être transférées. Ce n’est pas un hasard si Kissinger, 96 ans, continue d’influencer la très grande politique.

Après avoir échangé Poutine contre un autre président en 2024, la Russie se privera d’un avantage supplémentaire unique – son expérience personnelle, son autorité et son poids, ses connaissances, y compris les sources cachées du jeu mondial. Oui, ses réalisations, le parcours général et les positions gagnées par la Russie resteront, mais un joueur incomparablement moins expérimenté les défendra. Pourquoi risquer la position russe actuelle.

Poutine perçoit le pouvoir comme un service rendu à son pays. Et le pays a le droit de compter sur lui comme défenseur de nos intérêts nationaux aux frontières extérieures.

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1 Commentaire

  • Pierre Martin
    Pierre Martin

    Oui , certes moi aussi je perçois bien cet enjeu, mais il n’en reste pas moins vrai qu’il fait apparaître la faiblesse du système Poutine, en 18 ans il a été incapable de faire émerger une candidature autre que la sienne, il apparaît de plus en plus comme une personne seule contrainte par les limites de son âge. Il fait monter dans l’appareil soit des libéraux, soit des interventionnistes, mais in fine qui veut-il et pour quel futur.

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