Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Comment a commencé le goulaguisme ?

Excellent article traduit par Marianne, qui a dû se dire qu’au point où en sont certains, il convenait d’envoyer l’artillerie lourde et de révéler combien les Russes détestaient massivement l’auteur de l’archipel du Goulag (moi aussi surtout depuis que j’ai découvert à quel point il était antisémite). Mais je place en tête la conclusion, étant donnée que le texte est adressé à des Russes et là nous parlons à des Français qui bien qu’ils soient convaincus de tout savoir sont parmi les individus les plus crédules dans le fond au monde et ce n’est pas un hasard si le goulaguisme a commencé à Paris. Voici donc la conclusion : PS : Pour toutes les personnes qui sont particulièrement douées – tout ce qui précède ne signifie pas « qu’il n’y a eu aucune répression » (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société).

Как начиналось «гулагобесие»

Le mythe des «millions et millions» de réprimés a été inventé par un employé du Ministère de la Propagande du IIIème Reich

Mikhail Sinelnikov-Orishak

https://svpressa.ru/blogs/article/253550/

C’est à la veille du Nouvel An 1974 que l’archipel du Goulag de Soljenitsyne est publié pour la première fois à Paris. Deux points principaux, à mon avis, ont joué un rôle clé dans le succès du “goulaguisme”:

Premièrement le nom lui-même : l’archipel du Goulag est une référence à L’Île de Sakhaline de Tchekhov, un livre écrit par Anton Pavlovitch sur la base de ses notes de voyage en 1891-1893. À son tour, il avait été influencé par les Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski et La Sibérie et le bagne de l’académicien-ethnographe russe Maximov.

Deuxièmement, c’est dans «l’Archipel» que pour la première fois a été donnée une évaluation chiffrée des victimes du pouvoir soviétique en «millions et millions». La voici: «Selon les estimations du professeur de statistique émigré I.A. Kourganov, de 1917 à 1959, sans pertes militaires, uniquement à cause de la Terreur, des répressions, de la faim, de la mortalité accrue dans les camps, ainsi que du déficit dû au faible taux de natalité, il nous en a coûté … 66,7 millions de personnes. Soixante-six millions! » Mais ce n’est pas une limite, dans ses publications « le professeur de statistique Kourganov », sur l’autorité duquel s’appuie Soljenitsyne, atteint… 110 millions de personnes.

Pourquoi ai-je placé le rang scientifique et même le nom de famille entre guillemets? Parce qu’en fait, le «professeur de statistique Kourganov» s’appelle Ivan Kochkine, dont la formation se résume à des cours de comptabilité commerciale (1911) et une école de sous-officiers (1916). Après avoir brièvement étudié à la Faculté d’histoire et de philologie, il est arrêté par le pouvoir soviétique en tant qu’officier de Koltchak.

Néanmoins, il n’a purgé que six mois de prison en tout au maximum, avant d’entamer une carrière professionnelle tout à fait réussie comme expert commercial et financier, toujours sous le pouvoir soviétique. Il a soutenu une thèse, écrit des travaux sur la comptabilité, obtenu un appartement dans le centre de Leningrad et une datcha à Sosnovy Bor [villégiature au bord de la Mer baltique, NdT]. En 1942, après son évacuation à Essentuki [station thermale du Caucase, NdT], il s’est rallié aux nazis quand ils ont envahi la ville. Il a collaboré avec enthousiasme au ministère de la Propagande, tandis que sa fille artiste peignait des affiches pour le Troisième Reich.

Il a suivi la retraite des Allemands, a été membre du « Comité de libération » de Vlassov  et s’est finalement retrouvé avec les Américains, où il a poursuivi un long itinéraire depuis les publications dans diverses revues de l’émigration russe jusqu’aux conférences aux congrès de La Haye.

Bien sûr, la table de multiplication, même dans la bouche de Tchikatilo [un tueur en série ukrainien, NdT], ne cesse d’être correcte, alors est-il possible que les calculs de Kochkine sur les «victimes» soient également corrects? Bien sûr, on peut tout supposer, seulement …

  1. Kochkine n’a jamais eu accès à des documents ou archives secrets classifiés;
  1. Il n’a jamais été spécialiste en démographie;
  1. Il n’a laissé (il est décédé à New York en 1980) aucune œuvre reconnue par les spécialistes occidentaux (non soviétiques) comme “scientifique” ;
  1. Enfin, voici ce que Babionychev, un sociologue soviétique, dissident, militant des droits de l’homme qui s’occupait également de l’évaluation chiffrée des répressions et lui aussi émigré aux États-Unis, disait de Kochkine: «un représentant caractéristique de la pseudoscience… hostile à toute critique, et qui, tout en prétendant rechercher la vérité, refuse de discuter des questions de fond. “

PS : Pour toutes les personnes qui sont particulièrement douées – tout ce qui précède ne signifie pas “qu’il n’y a eu aucune répression”.

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