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Turquie: Pourquoi le «malade de l’Europe» s’excite-t-il en Syrie?

Nous assistons en ce moment-même à une tentative d’Erdogan pour faire bouger l’OTAN ou tout simplement se venger des pays européens qui ne soutiennent que mollement son offensive contre les Russes et la Syrie. Certes le choeur habituel des pleureuses de la CIA tente bien de nous émouvoir avec les rebelles vertueux d’Ilib ou les malheurs d’Alep, mais le coeur n’y est pas… Surtout quand Erdogan est en train de complaisamment conduire des cars entiers de Syriens vers les îles grecques. Lavrov a d’ailleurs déclaré qu’il refusait de considérer comme d’innocentes victimes les terroristes soutenus par Erdogan et les USA, sans parler des gouvernements français de Sarkozy à Hollande qui ont blanchi al qaida. Par parenthèse se confirme ce que certains d’entre nous n’ont cessé” d’affirmer face à la kurdomanie de Pierre Laurent -qui avait pour seule vocation de soutenir les expéditions guerrière des Hollande et autre Fabius en faveur de l’invasion de la coalition-, c’est la Russie et la Syrie la vraie garantie pour les Kurdes et pas le combat aux côtés des Etats-Unis et de l’extrême droite israélienne sur l’exemple des kurdes d’Irak. Ce qui apparaît est aussi le fait que l’empire américain ne tient plus ses vassaux et ne maintient son emprise que par la balkanisation, tandis qu’un nouveau monde basé sur la diplomatie, le respect des souveraineté demande à naître. (note et traduction de danielle bleitrach)

Si Erdogan de la Turquie avait des rêves «néo-ottomans», ils semblent avoir été presque entièrement brisés par l’offensive rapide Russo-Syrienne dans le nord de la Syrie et la récupération du territoire jusque-là contrôlé par les forces dites «rebelles», y compris ceux financés par la Turquie depuis le début de la «guerre civile» en Syrie. Une analyse de l’évolution de la politique turque en Syrie montre qu’il s’agit d’un échec massif. 

Tout a commencer par l’objectif de “ renvoyer Assad chez lui ”, ce qui signifiait finalement permettre à la Turquie d’étendre son influence en Syrie et ainsi d’imposer une “ solution permanente ” à son problème kurde, pour collaborer avec la Russie, l’Iran et la Syrie dans les processus de Sotchi et d’Astana, La motivation principale de la Turquie a toujours été de rehausser son profil stratégique régional d’une manière qui lui permette d’être une nouvelle hégémonie régionale.

Tant qu’il semblait possible à la Turquie de garder le contrôle du nord de la Syrie, tout allait bien. Cependant, son incapacité et peut-être sa réticence à retirer les éléments djihadistes d’Idlib ont conduit la Russie et la Syrie à renforcer leur offensive pour libérer l’ensemble de la Syrie des éléments djihadistes, y compris ceux financés par la Turquie. Cette offensive a certainement saboté les intérêts turcs, la forçant à perdre le contrôle de certains des principaux points territoriaux stratégiques en Syrie, y compris la très importante autoroute M-5, une route qui est au cœur de l’avenir de l’intégrité territoriale de la Syrie et sa politique et son économie. L’autoroute M-5 relie le centre économique de la Syrie, Alep, à la capitale et à d’autres zones clés, y compris la frontière avec la Jordanie.

Pour la Turquie, la route est importante car elle relie également la Syrie à la ville de Gaziantep, dans le sud de la Turquie, un centre industriel et un centre d’importations et d’exportations. Même selon les rapports des médias d’État turcs, si l’autoroute était restée sous le contrôle des groupes [soutenus par la Turquie], cela aurait signifié une incapacité physique permanente de la Syrie à établir son autorité sur l’ensemble du pays. D’un autre côté, le contrôle de l’autoroute par des groupes djihadistes [financés par la Turquie] aurait signifié un contrôle turc permanent de la veine jugulaire économique de la Syrie – ce qui aurait permis à Erdogan de réaliser ses rêves «néo-ottomans». Le fait que la Syrie, soutenue par la Russie, ait maîtrisé la route et même opérationnalisé la ville d’Alep, signifie que le propre «projet syrien» de la Turquie s’effondre. Il explique pourquoi les médias d’État turcs ont choisi d’appeler la chute de l’autoroute M-5 sous contrôle syrien un «coup d’État stratégique» [contre les intérêts turcs].

Bien que les États-Unis aient indiqué soutenir la position de la Turquie, Erdogan sait qu’il ne peut compter sur les États-Unis qu’au détriment de sa politique kurde, et d’un compromis majeur avec celle-ci, ce qui met en cause une fois de plus l’ensemble de son projet en Syrie. Et en ce qui concerne l’OTAN, ses responsables auraient déclaré que les pays de l’OTAN ne soutiendraient pas l’invocation de l’article 5 à la suite de la mort des troupes turques à Idlib ni fourniraient à la Turquie une assistance militaire en cas d’opération militaire dans le Région.

La Turquie, ayant ainsi été matée dans le nord de la Syrie, menace de lancer son offensive militaire en Syrie. Alors que le discours officiel reste axé sur les “ intérêts de sécurité nationale ” de la Turquie, le fait que les groupes djihadistes soutenus par la Turquie soient de plus en plus coincés en Syrie signifie également qu’ils pourraient fuir en Turquie, devenant une grave menace pour la sécurité d’Erdogan, lui coûtant sa fortune politique.

Et bien que la Turquie continue de faire pression sur la Syrie et la Russie en menaçant une offensive militaire, les faits sur le terrain montrent que les options de la Turquie sont minimales. Il n’y a aucun moyen que la Syrie et la Russie mettent le M5 sur la table des négociations. Ceci, encore une fois, est dû à l’incapacité et à la réticence des Turcs à mettre en œuvre l’accord Idlib original. Même Erdogan ne peut pas nier le fait que la situation à Idlib est arrivée à ce point depuis un certain temps depuis l’année dernière, lorsque la Russie et la Syrie ont estimé que la Turquie n’avait pas l’intention de respecter ses engagements d’expulser les affiliés d’Al-Qaïda. La Syrie et la Russie ne font que ce qu’Ankara était censé faire en Syrie: libérer le pays de l’emprise des djihadistes.

La guerre ne ferait donc aucun bien à la Turquie. Tout ce qu’elle peut espérer faire, en ce qui concerne la question de ses intérêts sécuritaires vis-à-vis du recul des Kurdes des zones proches de sa frontière, est de se coordonner avec la Syrie et la Russie et d’éviter une guerre. Comme l’a souligné le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, «il est naturel que les forces armées syriennes, réaffirmant leur attachement aux accords originaux sur Idlib, y compris un accord de cessez-le-feu, répondent à de telles provocations inadmissibles. Nous les soutenons dans ce domaine. »

La Turquie, comme la situation e témoigne, a beaucoup perdu en Syrie. Il n’y a aucun moyen de forcer les forces syriennes à s’éloigner des zones sous leur contrôle. Ce qui est rationnel pour elle, c’est d’ajuster sa position en fonction des réalités du terrain et de chercher à réaliser ses intérêts de manière à ne pas compromettre irrémédiablement ses relations avec la Russie; car, la Russie reste la clé pour réaliser l’intérêt principal de la Turquie en Syrie: le confinement des Kurdes. Cela explique pourquoi malgré toutes les “ tensions ”, les forces turques continuent de patrouiller conjointement avec les zones russes du nord-est de la Syrie pour empêcher le retour des forces américaines dans les régions frontalières turco-syriennes avec leurs alliés kurdes.

Salman Rafi Sheikh, chercheur-analyste des relations internationales et des affaires étrangères et intérieures du Pakistan, exclusivement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

https://journal-neo.org/2020/02/26/turkey-why-is-the-sick-man-of-europe-itching-in-syria/

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2 Commentaires

  • Jeanne Labaigt
    Jeanne Labaigt

    ” les forces turques continuent de patrouiller conjointement avec les zones russes du nord-est de la Syrie pour empêcher le retour des forces américaines dans les régions frontalières turco-syriennes avec leurs alliés kurdes.” dit cet article qui date déjà car les choses vont vite.
    Je crains que les Turcs n’ “invitent” les Américains à rentrer dans le conflit depuis trois jours.
    Il est question d’abandonner les discussions sous le “format d’Astana”.
    Les Etat-unis d’Amérique cherchent à reprendre pied.
    Les forces navales russes puissamment armées de missiles se dirigent vers la Syrie.
    Et le noeud autoroutier entre les autoroutes M4 et M5 (la ville de Saraqib) est de nouveau aux mains des Turcs depuis 6 jours.
    Du coup les contre-attaques Syriennes qui ont fait 33 morts turcs il y a trois jours se sont déportées vers le Sud Ouest plus près d’Idlib,le conseil de sécurité et les médias ne discutent que de cela sous fond de chantage avec les réfugiés et les Turcs continuent à essayer d’enfoncer la zone qu’ils ont déclarée leur, de l’autre côté de la frontière turco syrienne vers Saqarib (zone de prétendue protection).
    Il y a donc deux points très rudes de combats. La Turquie se pose en victime, mais a attaqué et est une puissance occupante.Elle est en train peut-être de “changer” une nouvelle fois “ses alliances”.
    Le tout est de savoir s’ils vont réintroduire les Etats-uniens (qui occupent toujours les puits de pétrole au Nord-est) et la “coalition” occidentale (attention au Conseil de défense prévu ce jour …à l’Elysée), l’occupation de la Syrie continue et reprend, les bruits de bottes sont inquiétants.
    La Russie semble très préoccupée.

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    • Danielle Bleitrach

      j’ai lu la presse russe, elle tente de maintenir le dialogue. Les Grecs ont bloqué tout appui de l’oTAN en mettant en avant le fait que les Turcs ne respectaient pas ce qui était convenu pour les réfugiés de Syrie.

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