Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

J.Edgard Hoover: funcking bastard and beautiful love story

Cet après-midi, je suis allée  voir un film de Clint Eastwood sur une des plus infâmes ordures politiques du siècle dernier J.Edgar Hoover qui a largement contribué à faire de ce pays ce qu’il est pour le pire et bien avant le Patriot Act.  Je me suis retrouvée, sans doute grâce au scénario de Dustin Lance Black (scénariste de Harvey Milk, le grand défenseur des gays et des lesbiennes dont le fim a été réalisé par Gus Van Sant en 2009), dans une splendide histoire d’amour entre J.Edgar Hoover et son second au FBI, Clive Tolson. Le tout à travers la mise en scène de J.edgar Hoover par lui-même qui à coup de références hollywoodiennes nous monte une énigme magnifiquement ficelée par Clint Eastwood: J.E.Edgar Hoover qui avait des dossiers compromettants sur tout le monde n’a rien laissé sur lui sinon une bande dessinée où il est superman, le FBI lui-même et il a bénéficié d’une complocité totale de ses proches, un dévouement sans faille.

Clint Eastwood est un conservateur qui a fait campagne pour Nixon et Reagan. On accusa l’inspecteur Harry son premier héros d’être un fasciste mais depuis on sait qu’il se fout complétement de l’idéologie et que la seule chose qui l’intéresse est de raconter une histoire. Donc il nous narre celle du fondateur du FBI, dont la mansuétude à l’égard du crime organisé n’eut d’égal que son acharnement anticommuniste. Même si le film n’insiste pas sur cette redoutable folie de la mise en fiche de l'”ennemi intérieur” et y voit presque un excés de patriotisme qui continue à le hanter alors que depuis les années 20 la violence révolutionnaire est un pur fantasme, il n’en demeure pas moins que Clint eastwood nous présente une plongée dans la noirdeur de l’âme américaine qui fait songer à cet autre conservateur qu’est l’écrivain Ellroy…  Hoover ce paranoïaque aurait été  marqué par une mère assez abominable.

Elle lui créa un destin en le rendant coupable de tout le mal intérieur menaçant le pays et lui-même  et ça c’est le sujet du film, une sorte de remake à l’échelle de l’appareil d’Etat de Psychose. Certes J.Edgar Hoover n’est plus tel Norman Bates planqué derrière le rideau de douche d’un motel, déguisé en sa mère,  en train d’assassiner Janet Leigh, mais c’est de son bureau qu’il tisse sa toile d’araignée dans laquelle se prennent les politiciens, les rebelles. S’il n’arrive pas à les faire plier par le chantage il organise leur assassinat. Avec en fond la mère de Psychose qui non seulement incite son fils à la paranoïa d’Etat mais à sa mort lui lègue bijoux et robe pour qu’il la pleure déguisé en elle devant la glace en rêvant et réalisant l’assassinat de Kennedy et celui de Martin Luther King.

Quelques grands moments d’horreur autour de la mort de John Kennedy, Hoover est en train d’écouter une partie de jambe en l’air de Martin Luther King sur un magnétophone.  Il est en train d’imaginer en sépia le couple en train de s’enlacer et il est suspendu à leurs halétements de plaisir quand sa secrétaire lui passe la communication d’un agent de Dallas qui lui annonce la mort du président. Tandis que le magnétophone poursuit ses petits couinements de plaisir, il écoute la nouvelle pendant  que la secrétaire elle aussi un tantinet perverse bénéficie  des ébats du leader noir. Et Hoover  téléphone, quelques instants après, à Robert kennedy pour lui annoncer séchement la mort de son président de frère.  Il coupe aussitôt. Cette annonce est si dure qu’elle nous laisse entrevoir la prochaine victime, Bob lui-même et pour l’enigme reste entière le dos de leonardo du Caprio remplit l’écran . D’ailleurs l’écran est comme saturé par les personnages pris souvent en gros plans avec à la sortie l’impression d’avoir vu un film en noir et blanc. Di Caprio est remarquable de densité, dangereux et empli de désespoir il fait par moment songer à Marlon Brando entre Apocalypse now et le parrain. Encore que Brando et Coppola auraient peut-être tiré le personnage vers l’Europe, vers un Vidoq Vautrin, le flic bagnard éperduement amoureux de lucien de Rubembré. Là, le choix est puritain, la conjugalité, les tableaux de Hooper et toujours l’univers d’Elleroy.

La mère est la seule à tenir le choc en tant qu’actrice face à Di Caprio, elle l’oblige a surmonter son bégaiement devant une glace et à apprendre à danser avec elle quand il ose lui avouer qu’il ne veut pas danser avec une fille.  Heureusement malgré la malédiction maternelle, par la grâce du scénariste il y a cette splendide histoire d’amour entre Hoover et son second. On rêve d’un tel amour, Philémon et Baucis, jhonny and Clive… L’ abandon dès la première rencontre où Hoover transpire et où Clive ouvre la fenêtre et lui tend un mouchoir parce qu’au premier regard le terrible chef du FBI a su qu’il ne pourrait pas se passer de Clive et que lui le paranoïaque peut l’aimer avec la même confiance qu’il a dans sa terrible mère, se donner jusqu’à la fin à celui qui sait tout de lui et rétablit une part de la vérité: “tu t’es mis en scène dans une bande dessiné”.

Tout est mise en scène, depuis la contemplation du balcon du FBI du passage du cortège présidentiel à chaque nomination jusqu’au soin que met Hoover à s’inventer en star d’événements dans lesquels il n’a même pas figuré, l’arrestation de Dillinger ou une fausse entrevue avec l’aviateur Charles Linbergh dont l’enfant a été enlevé mais à partir de ce crime sensationnel il va obtenir des pouvoirs fédéraux alors que jusque là chaque Etats avait sa propre police et effectivement Hoover va créer l’unité du pays pouvoir contre pouvoir avec le président et même contre le poste de ministre de la justice que lui propose Eisenhower il refusera de quitter son panoptique de surveillance. Il est à la fois le secret incarné et dans le même temps une mise en scène permanente de la sécurité, big brother veille sur vous, un grand classique…

 D’ailleurs à deux reprises on voit Edgar Hoover  au cinéma entre son amant et sa terrible maman en train de contempler les exploits de James Cagney distribuant des baffes à des femmes ou jouant de la mitrailleuse. A deux reprises qui marquent le temps, le film est redoutablement bien construit pour nous faire à la fois stationner dans une absence d’ Histoire autre que l’égrenement monotone des présidents et avancer dans un biographie qui multiplie les “avant et après'” Hoover. Si avant Hoover l’Amérique admire les gangsters (pas les communistes précise Clint Eastwood, l’américain méprise le communiste et vénère le gangster) . La vraie réussite de Hoover est d’avoir fait des agents du FBI les héros de l’Amérique. Le gangster et l’agent du FBI étant joué par le même james Cagney. En fait, l’ambition de Hoover était d’être James Cagney pour sa maman, pour son amant et surtout pour le public américain. Pour cela, il ment s’invente des exploits,  là que nous avons la véritable référence cinématographique du film : il s’agit de l’homme qui tua Liberty Valence de John Ford, ou quand la légende est plus belle que la réalité il faut décrire la légende. Est-ce parce que Clint eastwood s’est vu jadis piquer les rôles par James stewart? Parce qu’il n’a pu être que le héros de western spaghetti  qu’il a fait de J.Edgar Hoover le pur produit d’un puzzle hoolywoodien sur le héros de l’Amérique hanté par le désir viril de ressembler à James cagney. Et de ce fait une fois de plus le conservateur Clint eastwood fait une caricature de l’Amérique et de ses formes d’infantilisation d’un pouvoir totalement névrosé courant après sa propre représentation dans une gigantesque manipulation médiatique qui là encore fait songer à Coppola. La mort alterne dans un montage serré l’histoire d’amour fou et les mensonges du pouvoir. Le vieil amant clive Tolson  traverse la chambre de l’agonie, véritable hymne à l’homosexualité baroque, statues avec penis en érection, bijoux maternels dans une soucoupe, et dans un final d’opéra recouvre le corps nu de son amant qui a chuté dans la ruelle d’un dessus de lit en velours noir et tombe sur lui écrasé de douleur. Tandis que les hommes de Nixon, déjà plombiers du Watergate, cambriolent son bureau vidé des dossiers que la fidèle secrétaire déchiquète lentement et on entend le discours de Nixon célébrant “le grand américain qui vient de mourir”…

Il semble que le film ait provoqué quelque scandale de la part des fans de Hoover (Oui il y en a ) et aussi de ceux qui ont considéré que l’on brossait un personnage trop sympathique… Probablement nous aurons droit au même débat sur meryl Streep en Margaret Tatcher puisque visiblement le cinéma est en train de recycler quelques ordures du siècle dernier Sur le fond mon opinion est que nous avons un spectacle , l’histoire en bande dessinée d’un “fucking bastard and beautiful love story”… avec une mise en scène réussie d’une redoutable efficacité pour dire ce qu’il a à dire.

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