Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Vie privée, Et si la sophistication était la limite du plaisir pris au cinéma…

Hier j’ai vu avec un grand plaisir « Vie privée »de Rebecca Zlotowski , France , 2025, ce film cochait tellement toutes les cases de ma propre cinéphilie que je ne suis pas arrivée à vous raconter l’histoire. Alors en voici d’abord le résumé puis quelques références qui sont autant de clin d’oeil à ce qui me l’a tant fait aimé (le cinéma) dont vous pourrez vous passer parce que cela nuirait à ce que le film recèle de suspens, avec des moments très réussis. Pourtant je crains que ce soit là l’essentiel du film. En ce moment, je réfléchis beaucoup à l’autonomisation des champs culturels et politique, en fait un asservissement total qui peut se passer de censure officielle et la manière dont on nous a parqué dans ces espaces « privés », privés de quoi ?

Lilian Steiner (Jodie Foster) est une psychiatre reconnue. Quand elle apprend la mort de l’une de ses patientes, elle se persuade qu’il s’agit d’un meurtre. Troublée, elle décide de mener son enquête.

VIE-PRIVEE

« C’est le titre qui m’a d’abord obsédée : Vie privée, volé au beau film sans rapport de Louis Malle. Comme ces figurines d’enfant qu’on peut projeter dans plusieurs costumes, je laissais depuis des années dérouler plusieurs films sous ce titre, persuadée qu’il détenait une vérité que je devais percer : l’intime, le contraste entre ce que l’on sait de soi et ce que les autres pensent de nous. Et bien sûr son contraire, la vie publique, professionnelle, dans laquelle se noue une bonne part de nos contradictions. » (Rebecca Zlotowski) Puis il y eut la rencontre avec un scénario proposé par la romancière et scénariste Anne Berest, faisant le portrait d’une psychiatre en plein tourment.

Une patiente se suicide. Le bloc de sang-froid que constitue Lilian Steiner, la psychiatre, se fissure. Que n’a-t-elle pas vu ? Il ne peut s’agir que d’un meurtre, sa patiente ne peut avoir pris tous les cachets qu’elle lui avait prescrits. Lilian Steiner est au centre d’une crise personnelle, la menant de l’enquête policière au doux retour de son amour passé (délicat Daniel Auteuil). La raison rencontre l’irrationalité, et le film navigue finement entre œuvre philosophique et screwball comedy, faisant dialoguer morte et vivante.

Révélée en 2010 dès son premier long métrage, Belle Épine, Rebecca Zlotowski a construit une œuvre subtile auprès de sa famille de cinéma. Pour son sixième film, elle y accueille un nouveau membre et réalise un rêve auquel elle tient depuis toujours : diriger Jodie Foster. « Avec Vie privée, je sentais que sa connaissance parfaite du français, associée à son horizon américain, rendraient riches les déplacements de parole dans le film : ce qu’on a entendu, ce qui nous a échappé… Je ne connais pas d’autre actrice qui rende le trajet d’une pensée et d’une révélation aussi lisible sur un visage : la caméra filme son intelligence en route, à grande vitesse, vertigineuse. » (Rebecca Zlotowski)

Vie privée
France, 2025, 1h43, couleurs, format 2.39

Réalisation Rebecca Zlotowski
Scénario
 Anne Berest, Rebecca Zlotowski, avec la collaboration de Gaëlle Macé
Photo George Lechaptois
Musique RobMontage Géraldine Mangenot
Décors Katia Wyszkop
Costumes Bénédicte Mouret
Production Frédéric Jouve, Les Films Velvet

Interprètes Jodie Foster (Lilian Steiner), Daniel Auteuil (Gabriel Haddad), Virginie Efira (Paula Cohen-Solal), Mathieu Amalric (Simon Cohen-Solal), Vincent Lacoste (Julien Haddad-Park), Luàna Bajrami (Valérie Cohen-Solal), Noam Morgensztern (Pierre Hallan, le patient fumeur), Sophie Guillemin (Jessica Grangé, l’hypnotiseuse), Frederick Wiseman (le docteur Goldstein), Aurore Clément (Perle Friedman), Irène Jacob (Vera), Park Ji-min (Vanessa Haddad-Park), Jean Chevalier (Cameron), Emma Ravier (Paula, à 20 ans), Scott Agnesi Delapierre (le voisin), Lucas Bleger (Jacky Tiffou, l’homme à la veillée), Jérôme Lenôtre (l’homme du bus)

Présentation au Festival de Cannes 20 mai 2025
Sortie en France 
26 novembre 2025

Sortie le 26 novembre 2025 par Ad Vitam.
Remerciements 
au distributeur Ad Vitam

note de danielle Bleitrach

là je pense à Fritz Lang dans les bourreaux meurent aussi au moment où la gestapo va créer un faux coupable avec celui qui a collaboré… d’autres moment c’est charade, Vertigo…

Après m’être préoccupée toute ma vie de toutes les formes posibles du collectif auxquel il est encore possible d’adhérer, je dois dire que je commence à douter que l’on puisse en France et dans le monde occidentale faire autre chose que d’attendre que l’on vienne nous aérer l’intellect. j’ai découvert que l’écriture était une expérience frustrante ou du moins, elle exigeait un moment de « vérité » qui était nécessairement dans le monde tel qu’il est forcément partiel, nous sommes enfermés dans des ghettos, la cinéphilie, la psychanalyse et même le matérialisme historique. Ce qui est « existentiel » disparait dans ce qu’est devenu le « champ politique », l’engloutit pour abolir l’intérêt général et il ne s’agit pas de pudeur: il semble que les politiciens n’en aient plus aucune et ils se croient obligés de nous introduire dans leur intimité. Non ce qui est existentiel et dont il m’était difficile de parler est exactement ce dont il est question dans le film Vie privée de Rebecca Zlowotski, vie privée de quoi, de cet obscur objet qu’est le désir, la vie.

Du cinéma, nous avons oublié le plaisir enfantin de frémir de peur ou de rire aux éclats, et il reste à s’interroger sur le pourquoi de cet épuisement sur le divan. Et cela donne un film dans lequel personne ne s’écoute et tout le monde cherche un coupable, de l’analyse et de la liberté de l’analysant que n’écoute même plus l’analyste. Cette dernière qui vit dans l’opulence, se contente d’accumuler les bandes d’enregistrment.

C’est comme le cinéma né en même temps que la psychanalyse, dans cette brève période de l’histoire où le fait d’être juif a été plutôt un privilège chérement payé certes mais qui a accordé environ soixante dix ans de répit jusqu’à ce que tout cela s’écroule sans que l’on veuille savoir pourquoi. Peut-on faire du cinéma aux Etats-Unis et en France, être psychiatre sans être juif c’est déjà la question que posait Cronenberg récemment. Depuis il a fait son deuil et comme ce film tourne autour d’un cadavre, d’un deuil et de l’esotérisme. C’est le deuil de l’analyse et de cette catégorie de cinéma dans lequel excelle Hitchcock mais aussi les « comédies du remariage » dans lequel un couple n’en finit pas de s’aimer den cherchant une manière de poursuivre ce qui est perte du désir.

D’abord c’est la rencontre entre cinéma et psychanalyse. Mais pas n’importe quel cinéma et pas n’importe quelle psychanalyse. Les références cinématographiques sont exactement les miennes non seulement il y a Hitchcock, la maison du docteur Edwards et aussi vertigo, mais ces jalon cinéphiles incluent également Frederick Wiseman, devenu psychanaliste américain alors qu’il est ce magnifique docummentariste de toutes les intitutions, en passant par charade de stanley Donen et à travers Mathieu Alamaric c’est tout Desplechin qui est sollicité.

c’est-là le plaisir de l’entre soi, mais c’est devenu de la sophistication et je ne me ferai jamais à cette conception de la culture qui se résigne à n’être plus que pour avoir été. Cela dit après m’être montrée sévère, je voudrais dire ce qui est promesse dans ce film: l’amour de la France.

Dans un temps où tout est fait pour nous faire sous-estimer nos atouts et glisser dans le déclin, cette équipe qui s’est rassemblée dans ce film dit quelque chose qui demeure fondamental chez ces Américains comme « l’autrice »  Rebecca Zlotowski que je soupçonne de ne cesser de fuir aujourd’hui plus que hier et hélas bien moins que demain, Frederic Wieseman, qui passe son temps en France, Jodie Foster qui parle un français d’une pureté aussi tranchante que son personnage, aussi déterminé – à l’inverse des blondes créatures de Hitchcock – à accepter l’âge et à trouver une élégance confortable, et à ne se sentir libre de tout cela que sur le sol français, il y a les prémisses de quelque chose de cette mondialisation. Il y a certes cette manière d’aimer la France en choisissant les morceaux généralement les plus loins de son peuple et les plus près de du conformisme luxueux et stéréotypés comme si elle était morte. Mais c’est d’eux que ces bobos parlent et décrivent le mal vivre comme un refuge là où l’on peut encore dire ce malaise dans la civilisation. Et on atteint parfois dans ce genre de cénacle ce qu’Aragon défendait du réalisme socialiste qui n’était ni un naturalisme, ni un populisme et risquait à chaque instant de basculer dans l’un ou l’autre, un certain parachèvement de la pensée progressive française et de lui, les artistes qui cherchent à représenter pleinement notre pays, en donnant le meilleur d’eux mêmes, ils sont les prémisses que l’on ne peut pas se contenter de renvoyer à un prêt à porter festivalier et marchandisé… Tout cela est sur le fil du rasoir.

danielle Bleitrach

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