Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Unité, critique pour bâtir l’unité, la désignation trotskiste est-elle théorico-pratique ? par Danielle Bleitrach

La pause du week-end est aussi l’occasion de la réflexion critique, tout comme le cerveau – nous dit la science – trie les informations reçues pendant la pause du sommeil. Hier, un petit échange de commentaires a porté sur des théories que Xuan a qualifiée de « trotskistes », ce qui a suscité une réaction en mode « tous les trotskystes ne pensent pas cela » de Jean-Luc, qui disait également, restons utiles et l’utile est la recherche de l’unité la plus large. J’ai relativisé l’échange, car sur le fond, je pense que nous sommes tous d’accord sur cela et Danielle a écrit un long commentaire, qu’il me semble utile de méditer, dans cet esprit de bien savoir ce que nous gardons et ce que nous oublions, (les deux fonctions essentielles de la mémoire) de cet échange sur la manière de conduire les débats pour réaliser la critique et parvenir à l’unité. (note de Franck Marsal)

Nous poursuivons le débat entamé dans Histoire et societe sur l’unité des communistes.

Franck Marsal, qui est cette semaine le rédacteur en chef a été amené à spécifier la position des rédacteurs du blog, Xuan (jean jullien, un des rédacteurs) ayant parlé de trotskistes, Jean-Luc Picker avait très justement noté qu’il existait désormais des courants trotskistes dont WSWS qui se battaient contre l’OTAN et soutenaient la Chine et le monde multipolaire. Franck disait qu’il s’agissait de théories trotskistes. Xuan ne parle pas du mouvement trotskyste, mais parle « des théories trotskistes qui banalisent l’impérialisme ». Je ne sais pas si l’on peut encore parler de « mouvement trotskyste » tant ce courant est parti dans toutes les directions possibles et imaginables et, en outre, les « théories trotskistes » dont il est question ici peuvent exister à l’extérieur du « mouvement trotskyste ».

Voici esquissée ma position sur cette question de la désignation « trotskistes », staliniens et autres… , comme contribution à ce débat qui demeure ouvert :

Aussi loin que remonte ma mémoire, j’ai toujours éprouvé dans les débats théoriques, les joutes intellectuelles, de l’antipathie pour ces désignations. C’est sans doute dû à mes origines juives, je sais par atavisme que la désignation stigmatisante est souvent une paresseuse économie de preuve, du type « c’est la faute aux juifs et aux cyclistes », pourquoi les cyclistes ? est le mouvement naturel entretenu par deux mille ans de christianisme militant et actuellement les saloperies de Netanyahou. Ce dernier et ses pareils, flanqués d’antisémites qui adorent les Juifs, font la démonstration que les Juifs peuvent aussi avoir des fascistes et des supporters qui portent au plus haut tous les mythes concernant leur nocivité. De surcroit, ayant été élevée dans un monde de débat talmudique dans lequel le plaisir réside dans le perpétuel pilpoul, contredire tout et surtout les évidences, cette superficialité des « étiquettes » de surcroit gâchait mon plaisir. Sur le fond je n’ai pas changé et quand je pique une crise de colère, comme récemment avec l’université d’été et Roubaud Qashie, la censure stupide et obstinée de l’Humanité ou des demeurés de ma fédération, c’est en général devant cette forme d’étroitesse. Le fait est qu’il est impossible de l’attribuer à Marx et au matérialisme dialectique et historique. Non seulement, ces gens sont cons et méchants mais en plus d’une rare inefficacité et ils manquent totalement d’humour et là c’est un mode de rupture fondamental avec Marx qui était féroce et fort drôle.

Ces choses étant dites, il me semble qu’il y a quelque chose encore à l’œuvre dans ce que l’on désigne comme le trotskisme et le stalinisme qu’il ne faut pas ignorer. Parce qu’il y a là un problème très important, fondamental même aujourd’hui quand comme le note très justement Xuan et d’une manière plus « empirique » Fabien Roussel, il faut l’unité de tous contre l’impérialisme, l’hégémon et à tous les niveaux du local jusqu’à l’international, donc comme le dit Xuan, face à la contradiction fondamentale, il s’agit de procéder à une critique dans l’unité des intérêts et des affrontements secondaires, ceux qu’il faut surmonter qui peuvent et doivent l’être. Donc dans ce cas la critique a toujours pour but l’unité. Il s’agit de construire l’instrument de ce processus théorico-pratique d’élargissement des consciences en vue de l’intervention politique, économique, idéologique, c’est-à-dire le parti comme la force capable de réaliser cette unité-critique-unité. Donc par rapport à ce processus, il y a de multiples obstacles, toujours dans les divisions qui servent l’impérialisme. Derrière la désignation trotskiste ce qui est en cause est le fonctionnement en tendance, ou pire en faction, puisque dans ce qui peut exister selon Lénine dans les débats de congrès, les rassemblements autour de positions théorico-pratique, ne doit jamais dégénérer en factions. A savoir aller partout dans le parti mais aussi dans les syndicats, associations, organiser autour d’un chef qui choisit une posture (comme Mélenchon mais aussi Boulet dans le secteur international avec ses commissions et sa mainmise sur les revues, publications, organisation de colloques, etc) pour s’assurer un ancrage et une majorité fut-elle de division et de blocage.

Le tout pour défendre une ligne qui encore aujourd’hui s’étale dans l’Humanité à travers un article d’un certain christophe de Roubaix affirmant que Washington et Moscou choisissent l’escalade. L’article en question reprend toutes les thèses de l’oTAN et met en avant les propos de Medvenev comme étant ceux d’un décideur, en arguant que celui-ci serait au conseil de sécurité et un proche de Poutine, le tout pour justifier en fait l’attitude de Trump même si apparemment il y a renvoi dos à dos. Cette ligne qui en fait met en avant la menace russe justifie le surarment de l’UE. Elle n’a été décidée par personne mais elle est celle de l’entrisme d’un courant qui regroupe peut-être une majorité de trotskistes mais surtout celle de l’OTAN qui félicitait encore recemment Donald Trump: vous avez obtenu ce qu’aucun président n’a obtenu jusqu’ici à savoir les augmentations à 5% des frais militaires, en sachant que désormais ils serviront à acheter des armes américaines et accroître la dépendance. Merci l’humanité, merci Boulet…

Il y a deux manières fondamentales d’assurer la permanence de l’atlantisme aujourd’hui tout en feignant de dénoncer Trump et ses diktats, la première est de monter en épingle la menace quelle qu’elle soit en allant jusqu’à créer un signe d’égalité entre l’impéralisme américain et celui qui subit assaut, encerclement, guerre par procuration. La seonde est de cacher l’alternative du monde multipolaire qui se met en place et quand on le fait ce sera du côté des élements les moins offensifs de ce monde multipolaire, ceux qui sont systématisuement à la recherche d’une troisième voie. Il n’y a pas de hasard, la comédie de notre censure,par la presse dite communiste, puis par la librairie Renaissance et toutes les tables de « littérature » de la fête de l’humanité, puis par l’Université d’été en prélude de la fête de l’humanité et de notre exclusion de l’espace « livre » officiel, n’est pas simplement un « harcélement » personnel mais bien le choix de ne pas laisser le moindre espace à ceux qui s’inscrivent contre cette ultime défense de l’impérialisme par l’inertie.

Nous sommes dans ce mode de fonctionnement dans un cas d’école, illustrant ce que Lénine pendant le Xe Congrès, où il s’oppose fortement à Trotsky, décrit, l’art et la manière de choisir un sujet à la marge et non seulement à partir de là solliciter des partisans partout, dans le parti comme dans toutes les associations et l’appareil d’Etat, mais créer autour de sa « thèse » un ou plusieurs « groupes tampon » qui à partir de leur propres « obsessions », enjeux, gourous viendront le conforter en fait. Ce qu’il reproche à Boukharine, d’empêcher que la clarté soit faite sur les enjeux réels, ceux qui conditionnent la survie de l’URSS attaquée de tous côtés tandis que Trotsky a lancé un leurre sur la définition du rôle des syndicats. C’est exactement le fonctionnement du sieur Boulet et de sa faction et dans ce cas il est impératif de ne jamais montrer la nature réelle de l’impérialisme des USA et de ne jamais mener la bataille contre l’OTAN, le rôle de l’UE mais surtout l’existence d ‘une alternative dont le leader est la Chine communiste, empêcher à tous prix la participation aux débats de l’internationale actuelle des partis communistes. ce qui les contraint à interdire notre livre même et surtout avec une préface de Fabien Roussel y compris en favorisant une multitude d’intérêts qui se bâtissent comme divergents à travers leurs « obsessions ».

Cette pratique est insupportable et elle a été souvent portée par les trotskistes, les pires, les lambertistes, les plus légers et opportunistes comme le NPA, et mêmes ceux avec qui personnellement j’ai toujours eu d’excellentes relations parce que je les ai rencontrés en Amérique latine et dans des combats loyaux comme le note J.L.Picker. qui sont loin de ceux du sieur Boulet et autre kamenka. Il ne faut ni sousestimer la nocivité de cet entrisme et de ces pratiques au sein du parti, ni les surestimer. Elles ont d’abord un caractère plus général que ce qui se passe au sein du parti.


Ne nous cachons pas derrière le petit doigt pour une part toute la gauche fonctionne sous l’influence de l’entrisme trotskiste, qu’il s’agisse du PS, de LFI, ou du PCF actuel, partout il y a l’expérimentation d’un dévoiement du trotskisme qui ne provient pas du trotskisme mais de la contrerévolution qui nous a été imposée, et dans ce cas comme dans bien d’autres il faut partir de la maison mère le rôle du capital à son stade impérialiste… unité-critique-unité dirait Xuan. Le trotskisme devient alors une forme de social démocratie qui tend à économiser les mesures nécessaires pour se battre et tenir un discours « gauchiste » pour pratiquer le compromis ce qui fait partie des conditions de la bataille : il est normal que dans un rapport de forces défavorable surgissent des attitudes qui s’accommodent du repli, le justifient, le théorisent et retournent contre soi-même les raisons de la situation et « le stalinisme » n’en réchappe pas lui non plus.

Parce qu’il faut bien voir qu’aujourd’hui la question de l’entrisme et des factions ne se pose pas que pour les trotskistes (qui effectivement avec le sieur Boulet mais aussi Piquet donnent l’exemple de pratiques intolérables) mais également pour tous les « groupuscules » qui devraient selon moi retourner au parti. Alors qu’ils se revendiquent staliniens, syndicalistes révolutionnaires, ils ont pris des habitude de fonctionnement autour d’un gourou et il faut discuter franchement de ce que ça risque de créer dans la préparation du congrès. Ils portent souvent comme le PRCF la fermeté de classe, la défense de la mémoire du mouvement ouvrier, ce qui peut avoir un intérêt et renforcer un combat nécessaire mais cela peut être l’occasion d’avoir une secte de plus, qui avec celle des commissions impose d’abord le renforcement d’un courant contre d’autres. Ce qui sera catastrophique. Je suis et j’ai toujours été contre le mode d’organisation par la division qui est malheureusement devenu celui qui règne désormais y compris à la tête du parti, on étouffe son possible renouveau. Parce que tout fonctionnement en faction tend à substituer à la critique, l’illustration de l’excellence de la ligne du gourou et l’exclusion de celui qui ose contredire, par censure ou autre (1)

Donc pour en revenir à la désignation de Xuan je pense que l’on a toujours intérêt à ne pas se limiter aux étiquettes mais à savoir de quoi on parle et ce pour quoi il faut agir. Nous avons tous besoin de procéder à un examen critique de ce qui crée la division face à l’impérialisme et ce qui au contraire unit sur des bases réelles et pas en « imagination »… C’est possible parce que les masques tombent, les camps deviennent plus clairs et la question est de choisir le sien. Roussel nous propose de constituer un large rassemblement et il désigne l’adversaire c’est un appel indispensable.

Et là, il faut mesurer les possible, le fait d’abord que le rapport des forces a changé au niveau mondial, qu’il est impossible d’engager un combat de ce type sans que s’accélère une prise de conscience de la réalité de l’impérialisme. Si l’on prétend vider chaque combat de sa charge anti-impérialiste cela devient de plus en plus impossible, qu’il s’agisse de la lutte pour l’emploi, pour les services publics, ou de la prise de conscience de ce qui se passe réellement à Gaza, le blocus de Cuba…

On a toute chance si l’on veut donner du contenu, de constater que le vrai problème est celui de l’état réel des militants communistes, leur organisation, leur formation, leur nombre, leur origine et leur place dans le monde du travail, etc… et de la population française, il y a d’un côté un refus franc et massif des « solutions » impérialistes mais une incapacité à échapper au consensus idéologique qu’il a produit, une étroitesse dans laquelle le plus efficace est de désigner par des « étiquettes » stigmatisantes. A commencer par soi-même, je suis tout à fait consciente de n’avoir pas la solution, ni le langage qui convainc, c’est pour cela que j’apprécie notre fonctionnement collectif et que j’adhère à cet appel à l’unité de ceux qui savent dégager l’essentiel au stade où nous en sommes.

On pourrait même vu la dynamique historique envisager une cohabitation sur l’essentiel avec ceux qui proposent une sortie de l’OTAN, tout en continuant à dénoncer l’entrée en guerre de la Russie en Ukraine. C’est une courte vue qui ne se donne pas les moyens de rechercher une paix stable et durable, ni de répondre à ceux qui inventent la menace russe, chinoise ou tout autre pour maintenir la dite OTAN et la capitualtion multiforme de l’UE? Mais il y a une accélération telle que l’essentiel est la résistance, la conscience en naitra, encore faudrait-il qu’il soit renoncé à la pratique organisée de la censure et de l’interdiction des débats, L’utilisation de position qui sont elles-mêmes le fait du prince à l’intérieur de factions et en utilisant à plein le potentiel adhérent et le travail des militants. l’université d’été, dans sa formule actuelle constitue l’expression la plus achevée au sein du parti de ce délitement. Payer 80 euros de droit d’inscription, plus les déplacements, l’hebergement pour subir un endoctrinement massif du sieur Boulet et sa bande, assorti de quelques ateliers tolérés après moult demandes est déjà une étrange expérience, mais le faire dans des conditions telles que l’on doive subir la « naive » condescendance de celui qui se prend pour le maitre des lieux en contribuant au désordre général, c’est trop. La « réponse » de Roubaud Qashie n’était pas celle d’une « vipère lubrique trotskiste », selon les termes jadis consacrés, mais celle grotesque, entre Gogol et Courteline, à force d’impuissance bureaucratique assumée par le planton. Peut-être que c’est un brave type, en tous les cas, on peut être assuré qu’il ne mérite pas la guillotine ou le goulag, l’idée d’ailleurs d’infliger à lui et à ceux de son espèce proliférante y compris dans ma fédération, un châtiment aussi excessif vu les personnages, ne peut que plonger dans l’hilarité, tant il y a comme un hiatus entre eux et l’Histoire. Il y a eu depuis trente ans des gens dévolus patiemment à la tâche de couper le PCF, la France, de sa mémoire historique révolutionnaire, certains ont été des agents de la CIA ou de l’UNSAID incontestablement, mais il arrive un moment où ils ont engendré des gens pour qui s’est dévenu un automatisme, ils sont sujet de cette démission. Je ne sais où il faut placer Roubaud Qashie, mais si c’est simplement une tête légère, il aurait intérêt à repenser les fondamentaux de son action politique.

Moi tout ce dont je me sens capable c’est de porter l’optimisme d’un monde en train de naitre et la manière dont il correspond aux aspirations de la jeunesse et de ceux pour qui le communisme est la jeunesse du monde…

C’est ce que nous faisons dans Histoireetsociete avec de micro-résultats et en essayant de ne pas devenir une secte de plus et en notant simplement la nature de ce qu’il faudra quand nous serons en état d’accéder au pouvoir de nous poser…dans des conditions probablement entièrement renouvelées… Pour l’heure la question est celle de l’unité et la critique de ce qui divise… pour faire monter l’unité…

Danielle Bleitrach

‘(1) Le peuple est mécontent, Il faut changer le peuple disait Brecht face à l’attitude du gouvernement de la RDA, sans pour autant prétendre le moins du monde rompre avec ce dernier. Ce mode de fonctionnement est à la fois logique dans la dictature de la bourgeoisie comme dans celle du prolétariat, mais dans ce dernier le développement du savoir, de la conscience, doit favoriser une critique de cette tendance… Qui consiste à reproduire la manière dont fonctionne l’impérialisme , jusqu’au grotesque fascisant, qui nie toute capacité critique au peuple, ce matin par exemple (après avoir hier taxé d’une manière arbitraire toutes les économies mondiales et ordonné l’nvoi de deux sous marins nucléaires vers moscou) , et traité le patron de la Fed de crétin buté alors que celui-ci ne fait que ce qu’il est censé faire défendre le dollar et lutter contr l’inflation, Donald Trump renvoie la cheffe des statistiques après de mauvais chiffres de l’emploi. Le président américain a limogé la commissaire du Bureau of Labor Statistics, vendredi 1er août, “l’accusant sans preuve” d’avoir manipulé les données sur le chômage, après la publication de chiffres de l’emploi “désastreux”rapporte le Los Angeles Times. La croissance de l’emploi a stagné en juillet dans le pays, avec seulement 73 000 emplois créés, soit “bien moins que prévu”“L’administration Trump redouble d’efforts dans sa guerre commerciale contre une grande partie du monde, malgré des chiffres économiques de plus en plus alarmants aux États-Unis, les marchés boursiers et les rendements des bons du Trésor ayant chuté vendredi à l’annonce du ralentissement le plus important de la croissance de l’emploi depuis la pandémie”, fustige le journal.

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4 Commentaires

  • admin5319
    admin5319

    Xuan
    Bonne pioche Franck et merci à Danielle et Jean Luc Picker aussi.
    Le « trotskisme » n’est pas un concept scientifique pour définir le courant idéologique dont je parlais.
    Je crois qu’on pourrait parler plus justement de gauchisme, et définir par là ce que nous entendons aujourd’hui.
    En relevant que le gauchisme, sous des dehors plus rouges, aboutit finalement à l’opportunisme
    Dans un sens, en mettant dans le même sac ces positions différentes, j’ai commis la même dérive que celle qui range le sud global, la Chine, la Russie, etc. dans le sac de l’impérialisme.
    Et non seulement toutes les obédiences trotskistes n’en sont pas là, mais il existe même des groupes et des partis qui revendiquent l’héritage de Staline, et qui s’en prennent avec la même virulence à la Chine et à la Russie qu’à l’OTAN.

    Laissez-moi vous raconter une toute petite histoire, qui n’a rien à voir, on dirait :

    « Tous responsables ! »
    Ce jour-là, en revenant à l’atelier de chaudronnerie sur mon Fenwick, je sentis tout de suite la tension.
    Je faisais la navette entre les ateliers et je livrais les bonbonnes de gaz Argon et Atal pour les soudeurs, tous antillais. Tous sauf un manouche qui m’avait appris les rudiments du cordon « t’as une bonne main ! ». Et puis un ancien qui m’avait confié les larmes aux yeux comment le chef de service B. lui avait balancé « vous êtes au bout du rouleau !».
    Mais depuis quelques temps ma livraison hebdomadaire des bouteilles ne suffisait plus, un camion venait les livrer directement dans l’atelier. B. avait ajouté une équipe de nuit et augmenté les postes de travail sur la plateforme de montage. Les tôles épaisses des cuves se dressaient de partout comme une forêt.
    En pressant le pas un camarade m’indique une cuve en cours de montage « c’est P. il s’est blessé là ! ». A cause des vibrations du pont roulant une lourde tôle avait basculé, précipitant le brave camarade P. contre le chanfrein acéré qu’il était en train de souder, et sur la ferraille il y avait son sang et des petits morceaux d’os de son front.
    Debout sur son escalier B. faisait face au débrayage de tout l’atelier, blanc comme sa chemise. Il finit par bégayer « nous sommes tous responsables ».

    Et tous impérialistes !
    Depuis quelques décennies certains groupes « communistes » ont entrepris de démontrer « l’impérialisme» de la quasi-totalité des pays, y compris la Chine Populaire, les nations opprimées qui ont acquis l’indépendance politique et qui développent leur économie, les BRICS et notamment la Russie, argumentant qu’ils sont dirigés par des bourgeoisies et qu’ils sont aussi impérialistes que les pays occidentaux, ou sinon des impérialismes « en devenir »… Le motif serait notamment qu’ils exportent des capitaux, marque bien connue de l’impérialisme depuis l’ouvrage de Lénine.
    Mais en 1917 seuls les pays impérialistes étaient en mesure d’exporter des capitaux.
    Sauf que le monde a changé depuis, et que tous ces pays se battent aujourd’hui pour leur développement et qu’il leur faut investir, attirer des capitaux et commercer. C’est un passage obligé sinon ils continueront à gratter la terre avec une houe.
    Donc ils sont traités d’impérialistes même s’ils subissent les menaces, les sanctions économiques et financières, la proximité de plus en plus rapprochée des missiles de l’OTAN, la militarisation grandissante à leur frontière, la xénophobie et l’exaltation de la nostalgie néo fasciste.

    De son côté la social-démocratie tient un langage équivalent en tapant sur tous les lampistes, roitelets, autocrates ou despotes de la terre, mais en ménageant toujours et en défendant bec et ongles les pires impérialistes, ceux qui ont bombardé plus de vingt pays depuis Hiroshima. Ils ont poussé des cris abominables pour dénoncer un « génocide des Ouïghours » lorsque la population ouïghoure a augmenté, et hurlé au crime barbare des russes lorsque le massacre provocateur fut « découvert » à Bucha. Mais les malheureuses victimes portaient encore le brassard blanc des russophones.
    Lorsque les USA ont commençé à dresser les comptes de la guerre provoquée par eux en Ukraine et présenter leurs créances à toute l’Europe, les bourgeoisies d’Europe ont continué à répéter la leçon des USA et de Zelensky « La Russie va nous envahir ! Poutine bientôt à Brest ! », reproduisant le piteux navet de Jean Yanne « Les chinois à Paris ». Et maintenant les voimà tétanisés.

    La finalité de ces théories, tant côté gauchiste que côté droit, c’est de noyer le poisson pour dissimuler l’ennemi principal.
    Et dans le pire des cas c’est faire passer les proies de l’impérialisme pour l’agresseur, appeler contre elles à la mobilisation générale, voter des condamnations officielles et financer l’envoi de canons et de mercenaires, en attendant d’envoyer l’armée régulière.

    Donc je propose de parler de « gauchisme » et de ne plus utiliser l’étiquette « trotskiste« .

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  • jean-luc
    jean-luc

    au delà des étiquettes stigmatisantes, il y a, comme le propose Danièle, un nécessaire débat sur le bilan de la lutte entre le courant stalinien et l’opposition de gauche. Du moins, un débat qui sera nécessaire lorsque les communistes, c’est à dire les marxistes, seront à même de considérer prendre la direction d’un mouvement révolutionnaire. Nous avons tous conscience que nous n’en sommes pas là.

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    • admin5319
      admin5319

      (Franck Marsal)
      Je trouve amusant d’avoir commencé cette discussion (qui s’étale sur deux articles) dans la recherche de l’unité, de parvenir à « évitons les étiquettes stigmatisantes » et de nous proposer ces étiquettes typiquement trotskystes de « courant stalinien » et « opposition de gauche ».
      En réalité, il y a une majorité très très grande du mouvement communiste d’un côté et des groupuscules sans grande influence de l’autre. Le mouvement communiste, malgré tous les efforts de Trotski, ne se divise pas. La majorité reste unie dans la totalité (quasi-totalité ?) des partis de l’IC et ces gens-là ne sont pas n’importe qui. On parle de partis et de militants qui vont lutter sans merci contre le nazisme, contre le colonialisme, contre l’impérialisme, militer pendant des décennies sous la répression et réaliser toutes les révolutions socialistes du 20ème siècle et établir les premiers états socialistes après l’URSS. Donc, en réalité, Trotski n’est ni la solution, ni même – à mon avis – le problème. Le vrai problème – à mon sens – c’est Khrouchtchev. C’est lui qui va profondément diviser le mouvement communiste par la scission URSS – Chine, et lui qui va créer une crise de confusion idéologique particulièrement sournoise en attaquant la personnalité de Staline tout en faisant semblant de soutenir tout le cours de la politique soviétique ; qui va chercher l’apaisement avec les USA, qui eux, ne cherchent qu’à détruire l’URSS. Posture que reprendra à son compte Gorbatchev avec son principal conseiller Yakovlev qui avait été envoyé par Khrouchtchev étudier aux USA…
      On peut critiquer Staline, on peut critiquer l’URSS, la Chine, tous les états socialistes. Le marxisme est une théorie de la critique. Le problème – exactement comme en sciences, c’est que quand on critique et qu’on « déconstruit », il faut reconstruire, il faut réussir dans la pratique une nouvelle avancée historique. C’est la seule preuve scientifique de la validité d’une théorie en politique et en histoire, et il faut des preuves en sciences. Si on veut remplacer la relativité générale, ou l’évolution des espèces par une nouvelle théorie scientifique, celle-ci doit expliquer et permettre de faire tout ce que faisait les théories précédentes et résoudre de manière prouvée des problèmes supplémentaires. Si l’on veut remplacer le léninisme (c’est bien ce qu’a amorcé Khrouchtchev et que Gorbatchev a achevé), sous couvert de la « critique du culte de la personnalité » (ce qui d’un point de vue marxiste est ridicule car où est la critique de fond ? la critique théorique et pratique ?), il faut proposer un cadre théorique et pratique qui permette des avancées historiques supérieures sans rien perdre de ce qui a été gagné. A mon avis, seule la Chine semble avoir avancé sur cette voie (en prenant à rebours et Khrouchtchev et Gorbatchev), et pas les Khrouchtchevo-gorbatchéviens ni les eurocommunistes.

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    • admin5319
      admin5319

      Xuan @ Jean-Luc

      Le blog histoire et société n’est pas ce parti et il n’en a pas la vocation, ni celle d’une « opposition de gauche ». C’est un lieu de réflexion et de débat.
      Un parti communiste, comme il se reconstruit peut-être de nouveau, fonctionne avec le centralisme démocratique, avec la théorie marxiste-léniniste et avec l’expérience pratique de ses cellules d’entreprise, et non avec des oppositions comme un parlement bourgeois.

      Quant à l’étiquette stalinienne, elle a aussi connu des voies diverses tant dans son rejet que dans sa revendication.
      Ce qui devrait nous guider ce sont les faits, c’est-à-dire ce qui marche et ce qui foire dans l’expérience commune du mouvement communiste international, dans la voie du socialisme. Je ne vais pas répéter ce que dit Franck sur Khrouchtchev et Gorbatchev, avec les conséquences qu’on sait. Nous avions identifié quatre principes fondamentaux abandonnés en URSS et défendus en Chine et c’est ce bilan pratique qui présente pour notre pays une utilité.

      L’unité retrouvée du mouvement communiste international s’est aussi réalisée sur ces bilans de leur propre histoire. Ils sont évidemment les mieux placés pour cela et nous nous en tiendrons d’abord à leur propre jugement sur les principaux dirigeants qui ont guidé la révolution dans leurs pays.

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