Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Un continent en pleine ascension : la « génération Z » africaine et la fin de l’illusion occidentale de la démocratie

Un article de junge welt, particulièrement intéressant même si je ne sais pas personnellement ce qu’est la génération Z et s » il y a bien des chances qu’elle soit investie comme la plupart des « mouvements » par des spécialistes du détournement de ces mouvements sans véritable structuration. Ceux qui sont placés au pouvoir par de telles mobilisations peuvent être très différents et refléter des conceptions différentes de l’Etat et des institutions existantes. La situation au Burkina Faso le pays de Sankara, celui des « hommes intègres » n’est pas la même que celle qui peut prévaloir dans d’autres nations du sud mais il est juste comme le fait en particulier la Chine de dépasser les situations transitoires pour considérer la nature globale de ce mouvement de la jeunesse et de souveraineté populaire. L’analyse faite ici du rôle de l’armée semble juste même si elle peut a contrario dans un pays comme le Soudan avoir été une spoliation. (note et traduction de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Le coup d’État au Burkina Faso a été un tournant décisif. Non pas contre la démocratie, mais contre sa simulation par Junge Welt

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Ibrahim Traoré, 30 avril 2025 — image via le compte du Président sur X

Par Michaela Bindernagel, Junge Welt, 14 juin 2025. Traduit par Helmut-Harry Loewen.

J’ai récemment rencontré une femme d’affaires d’âge mûr à Ukunda, sur la côte kényane. Elle avait vécu dix-sept ans en Autriche et en Suisse avant de rentrer. Elle m’a dit : « Je me sens libre ici. Je ne veux plus jamais vivre en Europe. »

Une phrase qui résonne. Non pas parce qu’elle est exceptionnelle, mais parce qu’elle n’est plus un cas isolé dans le Kenya d’aujourd’hui. Cette phrase exprime un renouveau africain, un repositionnement radical. La « génération Z », en particulier, ne perçoit plus la liberté comme une exportation occidentale. Elle a son propre récit.

L’Afrique a passé des décennies à l’école des démocraties occidentales — et rares sont les pays qui ont réussi ses examens.

De nombreux pays ont organisé des élections formelles sous des systèmes à parti unique ou multipartite et ont adopté des constitutions de type occidental. Mais il n’en a résulté aucune cogestion, seulement des compromis avec les anciennes élites, des campagnes électorales permanentes sans développement et un idéal qui s’est heurté à la réalité.

Le Kenya, modèle africain par excellence d’exportation et de développement de la démocratie occidentale, a adopté une nouvelle constitution en 2010 sous la pression populaire. Celle-ci prévoit une participation citoyenne que la Constitution allemande (Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland) ne peut égaler. Mais elle n’a jamais été appliquée. C’est l’une des raisons pour lesquelles, au printemps et à l’été 2024, la « Génération Z » est descendue pacifiquement dans les rues à travers le pays et a clairement affirmé – malgré les violences policières, les provocateurs payés, les fusillades mortelles, les persécutions et les enlèvements – que « la démocratie est bien plus qu’un simple vote tous les quelques années ».

Une Kenyane de 26 ans m’a dit : « La démocratie, oui ; mais pas comme en Occident ! »

Les jeunes assis à table acquiescèrent tous. Ils ne font plus confiance à la démocratie partisane qui, depuis l’indépendance, a favorisé une corruption massive et accru la richesse des anciennes et nouvelles élites, tandis que le peuple s’enfonce toujours plus dans la pauvreté.

Lorsque les chefs militaires à Nairobi ont refusé d’obéir à l’ordre de déployer la force armée contre les manifestants, une sorte de coup d’État militaire planait sur le Kenya.

Au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée, les militaires ont renversé des présidents démocratiquement élus ces dernières années. Les médias occidentaux qualifient instinctivement ces actes de régressifs et d’autoritaires. Pourtant, dans les rues de Conakry, Ouagadougou, Bamako et Niamey, on danse. Ce sont des jeunes, et parmi eux, notamment des jeunes femmes et des filles. Sans le soutien de la « génération Z », les militaires n’auraient pas pu prendre le pouvoir.

Pourquoi ? Parce que beaucoup voient ce coup d’État comme une remise à zéro. Non pas contre la démocratie, mais contre sa simulation.

L’armée, notamment au Burkina Faso sous Ibrahim Traoré, promet une voie radicalement nouvelle, affranchie des anciens réseaux et de leurs maîtres à penser à Paris ou à Washington. « Nous ne sommes pas contre la démocratie. Nous sommes contre une démocratie qui nous asservit », a déclaré un jeune à Bamako.

Ibrahim Traoré, l’un des plus jeunes chefs d’État de l’histoire, a déclaré publiquement : « Nous ne sommes pas actuellement une démocratie. Nous sommes en pleine révolution. » Il bénéficie du soutien de toute l’Afrique et des communautés noires aux États-Unis et en Amérique latine. Il est devenu le nouveau leader non seulement de la « génération Z » africaine, mais aussi de leurs parents et grands-parents.

La démocratie occidentale à partis est devenue une coquille vide, une mascarade. Les coups d’État sont perçus comme une opportunité d’accéder enfin à une véritable souveraineté. Quant à l’armée ? Tel un médecin urgentiste, non comme un nouveau roi.

Ce que l’armée affirme à grande échelle est ressenti par de nombreux rapatriés à titre personnel. En Europe, ils se sentaient souvent réduits à leur couleur de peau, infantilisés, déconnectés d’eux-mêmes, incompris. Ils y perçoivent la liberté en termes de ce qui peut être dit, et non de ce qui devrait l’être.

De retour au Kenya ou en Afrique de l’Ouest, ils découvrent une autre conception de la liberté : la responsabilité plutôt que la réaction ; la proximité avec le peuple plutôt que la fonction ; la communauté plutôt que l’isolement. Le coup d’État imposé d’en haut se heurte ainsi à la conscience transformée qui émerge d’en bas.

Ces dernières décennies, l’Afrique a appris que le peuple ne gouverne pas, mais est constamment administré par des élites d’ONG, des conditions de crédit et des partis d’opposition financés de l’extérieur.

En Afrique aujourd’hui, un débat fondamental de philosophie politique se pose : la démocratie a-t-elle toujours besoin de partis ? Doit-elle se conformer aux normes occidentales ? Peut-elle inclure les communautés, les tribus, les conseils d’anciens et l’armée, pourvu qu’ils soient au service du peuple ?

Le retour des régimes militaires n’est pas une simple nostalgie des uniformes et de l’obéissance. C’est l’expression d’un continent qui aspire à se libérer de l’Occident et des illusions qu’il a engendrées.

Ce que vit actuellement l’Afrique est une forme d’éveil : non pas une question de réflexion, mais de sentiment de liberté. C’est un séisme qui ébranle nos catégories politiques. Une invitation à écouter plutôt qu’à subir des leçons.

« Ici, je me sens libre. »

Cette phrase résume le changement de paradigme : non pas la liberté de tout dire, mais la liberté de ne pas être infantilisé ; non pas la liberté d’être partout, mais la liberté de se trouver soi-même.

La « génération Z » africaine utilise TikTok, comprend les débats occidentaux et choisit consciemment une nouvelle voie : non pas un retour au passé, mais un chemin vers sa propre démocratie.

• Article original en allemand : « Kontinent im Aufbruch. Afrikas ‘Generation Z’ und das Ende der westlichen Demokratieillusion. » Essai de Michaela Bindernagel, junge Welt, 14.06.2025, page 5. Légèrement édité par le traducteur.

Michaela Bindernagel est née en 1959 en République démocratique allemande, sur l’île de Rügen, en mer Baltique. Elle a passé une partie de son enfance au Mali avec sa famille. Elle a étudié la cybernétique et l’ingénierie dans des universités de la RDA. Auteure prolifique, elle a publié des recueils de nouvelles, de poésie, de contes et de littérature érotique. Elle réside à Mombasa, au Kenya.

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