Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

TRIBUNE – Volodymyr Zelensky, le Fregoli de la diplomatie 

Leopoldo Fregoli est un acteur italien (1867-1936) célèbre pour avoir interprété une centaine de rôles différents dans un même spectacle. Quand on connaît le talent d’acteur de Zelenski, qui faisait rire les Russes en caricaturant la russophobie ukrainienne (!) à une certaine époque, et ses pitreries plutôt de mauvais aloi quand il jouait du piano debout, la comparaison s’impose en effet (note de Marianne Dunlop)

« Vous êtes de la merde dans un bas de soie » aurait dit Napoléon à la référence diplomatique suprême Talleyrand. Pour un diplomate de ce type, y compris Kissinger, il faut avoir derrière soi de la puissance et un cynisme absolu dans l’application des visées de la puissance en question. Rien alors de plus cruel à l’égard des marionnettes qui ont tout trahi, d’abord eux-mêmes, leur famille, leur pays, en proie à des addictions créées comme gage de la soumission et qui désormais se baladent hagards hors de chez eux en priorité (comme Macron) pour tenter de trouver des points d’appui qui se dérobent. (note de Danielle Bleitrach pour Histoire et Société)

Par Jean Daspry / 18 octobre 2025

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Volodymyr Zelensky diplomatie
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Jean Daspry, pseudonyme d’un haut fonctionnaire, Docteur en sciences politiques

« Le fort fait ce qu’il peut faire et le faible subit ce qu’il doit subir » (Thucydide). Il aura fallu plusieurs années, plusieurs mois au Président ukrainien pour appréhender la quintessence de cette pensée et en tirer les conséquences qui s’imposent dans sa relation complexe avec son homologue américain. Si la scène internationale s’apparente parfois à un théâtre des apparences, elle est très souvent le lieu où triomphe le réel. 

Si la forme est nécessaire, elle n’en est pas pour autant suffisante. Si la parole est d’argent, le silence est d’or. Si les jérémiades peuvent aider à plaider sa cause surtout lorsqu’elle est désespérée, elles peuvent aussi vous desservir. Si les réponses politiques à une guerre sont incontournables, ce qui compte, c’est la puissance. Voldymyr Zelensky doit comprendre, une fois pour toutes, que les perspectives d’une poursuite de la politique de Joe Biden relèvent désormais du mirage. La colère médiatisée et médiatique est pure perte de temps. Après le temps de la diplomatie de la bravade pratiquée en ce froid début du mois de mars vient immanquablement celui, moins glorieux, de la diplomatie de la reculade en ce doux mois d’octobre 2025.

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Le froid mois de mars : la diplomatie de la bravade 

Le 1er mars 2025, Volodymyr Zelensky découvre, à son corps défendant, ce qu’il en coûte de jouer crânement les bravaches dans le bureau ovale de la Maison Blanche. Sa diplomatie de la fanfaronnade lui vaut illico, par retour de bâton, un exercice de diplomatie de l’engueulade de la part du duo chic et choc Trump-Vance.

La diplomatie de la fanfaronnade

On se souvient du ton désinvolte et acrimonieux adopté par Volodymyr Zelensky en ce début du mois de mars 2025 à Washington, quarante jours après la prise de fonctions de Donald Trump à la tête de la superpuissance américaine. Se pensant en terrain conquis, il pratique à merveille la diplomatie de la rodomontade. Il a le toupet, l’outrecuidance de répondre du tac au tac à son homologue américain, estimant que ce dernier ne prend pas la juste mesure du problème. Il n’en ferait pas assez pour l’aider à bouter la soldatesque poutinienne hors de l’Ukraine. Il ose même, tel un enfant mal éduqué, répondre agressivement, faire ostensiblement la leçon à l’Oncle Sam (Président et vice-Président), y compris et surtout dans l’enceinte de la Maison Blanche. Rien ne semble l’arrêter dans sa philippique de mauvais aloi dans le contexte présent. En bonne diplomate, l’ambassadrice d’Ukraine à Washington, parfaitement au fait des us et coutumes du pays, n’en croit pas ses oreilles en entendant les nombreuses élucubrations de son Président. Elle s’accroche fébrilement à son siège, anticipant foudre et éclairs de la part des interlocuteurs interloqués de l’icône médiatique Volodymyr Zelensky. Elle voit juste. Le pire est à venir.

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La diplomatie de l’engueulade

Face à pareil crime de lèse-Amérique, les duettistes étasuniens ne restent pas inertes. Bien au contraire, ils sortent l’artillerie lourde, pilonnant l’intrépide qui ne sait plus où donner de la tête. Pendant que l’un lui reproche avec véhémence d’avoir oublié son costume de circonstance au magasin des accessoires du grand théâtre de Kiev, l’autre lui fait comprendre de quel bois il se chauffe, pas celui dont on fait les pipes. Le temps des expéditions militaires extérieures vouées à l’échec (Irak, Afghanistan …) est désormais révolu. Le contribuable américain n’a pas vocation éternelle à financer des guerres lointaines qui ne le concernent guère et qui se finissent toujours mal pour les valeureux GI qui n’en peuvent mais. Que l’Europe – avare pour assurer sa défense – prenne en charge celles qui se déroulent dans l’Ancien Monde. « America First » est le nouveau mantra des États-Unis. Le monde a changé. L’Amérique aussi. Preuve en est qu’elle vient de renvoyer le vieux Joe et la sémillante Kamala à leurs chères études. Il faudra que l’ex-comédien s’y fasse désormais. Aucune aide n’est automatique. Son attribution dépend de son intérêt bien compris pour la « Nation indispensable ». Qui plus est, le trumpisme n’est pas la maladie du monde, il en est le symptôme. Sous les conseils éclairés de ceux qui lui veulent du bien, il en est réduit à aller à Canossa en envoyant une pitoyable missive d’excuse au milliardaire américain.

Plusieurs mois après cette terrible scène d’humiliation publique et médiatique dans le Bureau Ovale, Volodymyr Zelensky en tire les leçons idoines en rencontrant son homologue américain à Washington le 17 octobre 2025. Il comprend enfin que « le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone » (George Orwell, Préface de La ferme des animaux).

Le doux mois d’octobre : La diplomatie de la reculade 

Le 17 octobre 2025, Volodymyr Zelensky change de registre dans sa plaidoirie pro domo pour tenter de sauver encore ce qu’il peut alors que la situation sur le terrain ne lui est guère favorable[1]. Sa diplomatie de la reculade lui vaut, par charité chrétienne, un exercice de diplomatie de la rigolade du 47ème Président des États-Unis entourée de sa fidèle garde rapprochée.

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Aujourd’hui, instruit par l’expérience passée, le chef de l’État ukrainien la joue modeste, conscient de sa faiblesse face au malappris à la crinière jaune tout auréolé de son succès sur le dossier sur Gaza. Pire encore, il le flatte lourdement pour tenter de l’amadouer sur la question de la livraison de missiles Tomahawk dont il a grand besoin pour repousser les assauts du mage du Kremlin. Devant son interlocuteur et la horde de journalistes qui se pressent autour de la Sainte Table et de la Sainte Famille, il fait assaut d’amabilités et de sourires. Il a enfilé sa plus belle tenue noire pour ne plus faire négligé. Il a bien enregistré que l’on ne crache pas dans la main qui vous nourrit. Il délaisse le ton belliciste pour adopter une dialectique plus accommodante envers l’approche de son hôte. Lui aussi est attaché à une paix durable à condition de disposer de sérieuses garanties de sécurité. Même s’il ne croit pas au sincère désir de paix de Vladimir Poutine, le jeu en vaut la chandelle. Il est disposé à participer à une rencontre à trois. Qui sait, il se verrait bien jouer les trouble-fêtes lors du prochain sommet russo-américain de Budapest ! Les bonnes intentions sont une chose, les actes en sont une autre. Un principe essentiel de la diplomatie consiste à ne pas prendre de position qu’on ne soit en mesure de tenir.

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Dans une scénographie surréaliste (autour d’une table de déjeuner et au milieu de journalistes excités par le plateau de vedettes) mêlant protocole cérémonieux et partenaires chaleureux, la rencontre prend un tour différent de celui du 1ermars 2025. Tout en feignant très diplomatiquement de comprendre l’importance des requêtes de son invité, Donald Trump déroule, ne variatur, son raisonnement accommodant à l’égard de Vladimir Poutine avec lequel il s’est entretenu, la veille, durant deux heures au téléphone. Un entretien qu’il juge franc, constructif, porteur d’espoir pour une paix durable dans un futur proche (« Je pense que le Président Poutine veut mettre un terme à la guerre »). Pratiquant la diplomatie de la rigolade empreinte d’une certaine forme d’ironie, il se plait à dérouler les invariants d’une diplomatie du cause toujours, tu m’intéresses. La guerre a fait trop de victimes. Il faut qu’elle cesse au plus vite. Tel est son objectif assumé ! Sur la question de l’éventuelle livraison de missiles Tomahawk américain (payés au prix fort par l’Union européenne), il se défausse, estimant que son pays ne dispose pas de surplus. En outre, il espère pouvoir s’en passer afin de ne pas être entraîné dans une escalade peu souhaitable avec la Russie[2]. C’est peu dire que Donald Trump reste sourd aux sollicitations pressantes de son ami ukrainien qu’il pourrait sacrifier, le moment venu, sur l’autel d’un « reset » des relations américano-russes, histoire d’enfoncer un coin entre Moscou et Pékin[3]. Manifestement, nos perroquets à carte de presse et autres experts auto-désignés en géopolitique, en relations internationales et en diplomatie ne comprennent rien à la stratégie claire de Donald Trump à la condition expresse d’aller au-delà de ses sinueux méandres tactiques[4].

Constance de l’inconstance ? 

« Il est temps de se réveiller, plus que temps. Se réveiller, cela signifie déchirer les voiles d’illusion qui recouvrent les réalités »[5]Le Président ukrainien semble commencer à le comprendre à la faveur de ses déplacements répétés à Washington pour réclamer plus d’aide américaine. Le spectacle n’est pas l’action. Le monde de demain exige des réponses tranchées et rapides à cent lieues de stériles incantations morales et moralisatrices. Dans la sphère diplomatique, l’on ne choisit pas ses partenaires. Ils vous sont imposés. Il est de bonne politique de chercher le chemin étroit qui répond à ses intérêts bien compris surtout lorsqu’il s’agit d’en finir avec une guerre d’usure ingagnable a priori. Car un peuple lassé de défaites sans lendemain peut se replier dans la servitude. Le défi est d’importance pour le plus haut responsable à Kiev : assumer l’incertitude tout en consolidant les certitudes. Faute de quoi, l’avenir ne se présenterait pas sous les meilleurs auspices pour lui, hélas ![6] Hier, le Président ukrainien se montre sous le jour du Fregoli de la démocratie[7]. Aujourd’hui, Voldymyr Zelensky apparait pour ce qu’il est aussi, le Fregoli de la diplomatie.

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Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur


[1] Chloé Hoorman/Élise Vincent, L’armée ukrainienne au défi des zigzags de Trump, Le Monde, 19-20 octobre 2025, p. 4.

[2] Piotr Smolar, Ukraine : Trump renvoie Kiev et Moscou dos à dos. Le nouveau tête-à-queue de Trump, Le Monde, 19-20 octobre 2025, pp. 1-2.

[3] Marie Jégo/Benjamin Quénelle, À Moscou, l’heure est à l’offensive de charme envers Washington, Le Monde, 19-20 octobre 2025, p. 4.

[4] Éditorial, Ukraine : la désespérante inconstance de Donald Trump, Le Monde, 19-20 octobre 2025, p. 30.

[5] Dominique de Villepin, Le pouvoir de dire non, Flammarion, 2025, p. 9.

[6] Jean Daspry, Quel avenir pour Volodymyr ?, www.lediplomate.media , 18 février 2025.

[7] Jean Daspry, Volodymyr Zelensky, le Fregoli de la démocratie, www.lediplomate.media , 30 septembre 2025.

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