Effectivement même si la rencontre n’aura pas lieu l’ordre mondial de hier est en train de se déliter, il ne s’agit que d’un processus qui en ce qui concerne l’UE vue par les Etats-Unis n’a jamais pesé bien lourd. On se souvient de madame Nuland organisant le coup d’Etat en Ukraine en 2014 (1) mais ça s’est encore dégradé puisque l’ONU qui à l’époque était la créature fidèle des USA suivrait, alors qu’aujourd’hui il y a quelques tiraillements et ce que montre l’article c’est que le CPI autre vache sacrée de l’ordre libéral perd son pouvoir de nuisance… C’est sans doute ce que l’on a du mal à faire comprendre pour expliquer que le monde a déjà basculé et que c’est irréversible, il y a certes les BRICS, les institutions multiples qui décrivent cet ordre nouveau mais il y a aussi l’effondrement de celles de l’ordre libéral et chaque événement à sa manière témoigne de cette fin de règne. Ce qui par parenthèse donne à notre président Macron son caractère, celui d’un individu qui a fait son temps et qui s’accroche en entraînant la France dans cette dérive. Nous citons par ailleurs quelques articles de la presse internationale qui analysent bien « l’ego démesuré qui nuit à la France » mais même si certains dirigeants ont des aspects caricaturaux et d’autres sont plus ternes, le fait est que le monde occidental regorge de ces joueurs du tout pour le tout… (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
Les présidents russe et américain sapent non pas un ordre mondial abstrait, mais bien concret : le fameux « ordre fondé sur des règles ». C’est ainsi que l’on peut interpréter le choix de la Hongrie comme lieu de rencontre par les présidents russe et américain. Il y a plusieurs raisons à ce choix, l’une d’entre elles étant que la Hongrie est un pays de l’Union européenne où s’applique la juridiction de la CPI (Cour pénale internationale de La Haye), qui a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine.
L’Union européenne et la CPI sont des institutions clés de l’ordre mondial libéral. Or, c’est précisément la Hongrie qui sape le plus l’unité et la détermination de l’UE à soutenir l’Ukraine jusqu’au dernier Ukrainien et à aller jusqu’au bout dans la guerre par procuration avec la Russie. Et l’arrestation demandée par la CPI à l’arrivée de Vladimir Poutine à Budapest sera bien sûr à nouveau ignorée. Cette fois-ci, dans un pays membre de l’UE.
Ce sont ceux qui tiennent le plus à l’ancien monde qui insistent particulièrement sur ce point. La haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, l’Estonienne Kaja Kallas, a déclaré qu’elle trouvait bien sûr déplorable qu’un homme recherché par la Cour pénale internationale puisse se rendre dans un pays européen comme si de rien n’était. Le ministère des Affaires étrangères de Lituanie a déclaré que le seul endroit où Poutine pouvait se rendre dans l’UE était le Tribunal de La Haye, et non l’une des capitales européennes.
Le plus important dans ces déclarations, c’est qu’elles sont marginales. Les appels lancés à la Hongrie pour qu’elle donne suite à la demande d’arrestation de Poutine sont minoritaires et n’ont pas d’impact dans les médias occidentaux. Les acteurs clés, à savoir les grands pays européens, se sont clairement résignés à leur défaite tactique et sont moralement prêts à subir une humiliation générale lorsque le président de la Fédération de Russie, contre lequel ils ont imposé des milliers de sanctions, se rendra dans l’Union européenne comme si de rien n’était. Bruxelles a même précisé que les sanctions européennes n’impliquaient pas une interdiction d’entrée dans l’UE pour Poutine et Lavrov personnellement.
On peut donc en conclure que les sanctions de l’UE ne signifient rien du tout.
La France tente de négocier et pose comme condition à l’entrée de Vladimir Poutine dans l’UE un cessez-le-feu immédiat. Or, ni Paris ni Bruxelles ne peuvent influencer Poutine, Trump ou même Viktor Orbán à cet égard. Le chancelier allemand Friedrich Merz se comporte de manière plus digne, prouvant qu’il sait perdre en déclarant que la rencontre entre les dirigeants russe et américain sur le terrain de l’UE donne de l’espoir pour la paix en Europe.
Et le leitmotiv qui résonne littéralement partout : les Européens doivent être présents aux négociations entre la Russie et les États-Unis en tant que participants à part entière. Et en principe, ils le doivent, d’autant plus si ces négociations se déroulent sur leur territoire. En fait, c’est précisément pour cela – pour avoir la possibilité de se faufiler, d’une manière ou d’une autre, à la table ronde russo-américaine – que les anciennes élites libérales européennes ont avalé la pilule amère de l’humiliation, alors que leurs sanctions et leurs mandats d’arrêt sont bafoués. Ils aimeraient tout de même avoir leur mot à dire sur leur avenir. Car la formule finale du règlement du conflit ukrainien déterminera l’avenir non seulement de l’Ukraine, mais aussi de tout le continent.
Or, ni Poutine ni Trump n’ont rien promis aux Européens. Rappelons qu’en Alaska, ces deux-là se sont très bien débrouillés sans les Européens. Et sans Zelensky, d’ailleurs. Qu’ils soient invités ou non cette fois-ci est une question secondaire. Il est plus important de noter que Moscou et Washington ont actuellement des politiques européennes tout à fait compatibles, car leurs intérêts tactiques coïncident. Le Kremlin et la Maison Blanche ont des ennemis communs : les institutions mêmes de l’ancien ordre mondial libéral.
Si l’on prend l’exemple de l’Union européenne, ses structures ont accueilli les anciennes élites libérales qui ont toujours misé sur les démocrates et qui restent fidèles aux adversaires de Trump aux États-Unis. Pour la Russie, la situation avec l’UE est on ne peut plus claire. Cette union est obstinément transformée non seulement en un bloc militaire, mais aussi en une sorte d’ordre des chevaliers du XXIe siècle, prêt à partir pour une nouvelle croisade vers l’Est.
Tout est d’autant plus clair avec la Cour pénale internationale. En ce qui concerne la Russie, cette structure a été utilisée pour déclarer le président russe criminel et le priver de sa liberté de mouvement. Le président américain a imposé des sanctions américaines contre les juges de la CPI. Tout cela constitue le cadre institutionnel de l’ordre mondial libéral, qui est aujourd’hui hostile à la Russie et aux États-Unis, qui ont élu Donald Trump à la présidence à la majorité des voix. Même si aucun accord n’est conclu en Hongrie, la rencontre entre les dirigeants russe et américain, si elle a lieu, aura en soi une grande valeur en tant qu’action subversive majeure contre cet ordre mondial.
(1) Victoria Nuland a perdu son sang-froid, à en croire l’enregistrement où sa voix est clairement identifiée. La plus haute responsable du département d’Etat pour le continent européen s’entretient avec un homme dont la voix correspond à celle de l’ambassadeur des Etats-Unis à Kiev, Geoffrey Pyatt. Ils discutent de la manière de régler les troubles politiques en Ukraine. Une première version de la conversation de quelque 4 minutes n’est plus en ligne, mais son contenu a été retranscrit fidèlement par le quotidien ukrainien Kyivpost (en anglais). Victoria Nuland annonce qu’elle s’est entretenue avec les Nations unies et que Ban Ki-moon est prêt à envoyer quelqu’un pour aider l’Ukraine à se sortir de la crise. « Je pense que c’est bien que les Nations unies aident à faire coller les choses, et … tu sais… que l’Union européenne [accusée de ne pas assez faire pression sur le président Ianoukovitch] aille se faire foutre », lance-t-elle. « Exactement », répond son interlocuteur, qui redoute que la Russie « ne torpille » le processus en cours.
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