C’est juste un changement de nom apparemment. Un retour aux sources si on veut : le ministère de la guerre fut créé en 1789 par G. Washington au lendemain de la guerre d’indépendance contre la Grande Bretagne. Installé au Pentagone, alors plus large complexe administratif du monde en 1943, il change de nom après la Seconde Guerre mondiale pour devenir « ministère de la défense » en 1949. Ici il s’agit de donner une image forte de la puissance militaire américaine. On a déjà eu une image forte de l’éviction de certains fonctionnaires dont les chiffres étaient déplaisants. Mais ce n’est pas une surprise, Trump et Hegseth ont parlé à plusieurs reprises de cette modification, Hegseth allant même jusqu’à créer un sondage sur les réseaux sociaux à ce sujet en mars. Au début de son mandat, Hegseth a fortement poussé à éliminer ce qu’il considérait comme les impacts de la « culture woke » sur l’armée en débarrassant le département non seulement des programmes de diversité, mais aussi en purgeant des bibliothèques et des sites web de matériel jugé diviseur. En conséquence, des centaines de livres, incluant des titres sur l’Holocauste, ont été examinés et retirés des académies militaires. Une image forte encore. Soyons attentifs aux faits, et en particulier aux conséquences que l’échec de la guerre économique pourrait entraîner.
Commentaire pour Histoire & Société – Xuan
______________________________________
Texte : Alexandre Yakovenko
Le changement de nom du ministère américain de la Défense en ministère de la Guerre a une signification non seulement symbolique, mais aussi sémantique. Pendant la période de détente, l’Union soviétique utilisait activement le terme « désarmement », car plusieurs initiatives de politique étrangère reposaient sur la réduction des armements de l’URSS et des États-Unis. C’était même le nom d’un département du ministère des Affaires étrangères. Puis, nous avons progressivement adopté la terminologie américaine et commencé à parler de contrôle des armements.
Ce terme impliquait l’augmentation de certains types d’armements parallèlement à la réduction d’autres. Nous en sommes restés là. À l’heure actuelle, les États-Unis se sont retirés de pratiquement tous les accords sur le contrôle des armements. Bien sûr, le changement de nom du ministère américain de la Défense ne changera pas grand-chose à la politique américaine. Le nouveau nom est plus honnête et plus compréhensible pour tous. Ce changement est-il une réaction à un monde multipolaire ? Bonne question. Il n’y a pas si longtemps, au ministère des Affaires étrangères de la Russie, le département de la coopération paneuropéenne a été rebaptisé département des problèmes européens. C’est à la fois symbolique et correct sur le fond. Et surtout, tout le monde comprend.
Il est important de noter que ce changement de nom reflète une tendance générale dans la politique occidentale, à savoir la recherche de la « paix par la force ». Trump a également adhéré à cette idée. Mais cela implique alors le démantèlement de tout le système d’après-guerre fondé sur l’ONU et les principes de sa Charte. Le principe clé de ce système est le refus de recourir à la force pour résoudre les conflits internationaux, qui était contrebalancé par le droit à la légitime défense prévu à l’article 51 de la Charte (d’où le refus des Britanniques de conserver leur War Office) et la protection des droits de l’homme et des minorités.
Au niveau des grandes puissances, le principe de l’unanimité des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (autrement dit, le droit de veto) a été spécialement prévu, ce qui les a incités à s’entendre entre eux. Dans la question ukrainienne, l’Occident a contourné le Conseil de sécurité et a tenté d’agir par l’intermédiaire de l’Assemblée générale, où la Russie n’a pas de droit de veto. Mais il y a plus important encore : l’Occident a sapé la confiance à son égard lorsque F. Hollande et A. Merkel ont déclaré qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de respecter les accords de Minsk de février 2015, qui avaient été approuvés par le Conseil de sécurité de l’ONU, c’est-à-dire avec la participation des États-Unis.
Un autre élément clé de la politique occidentale est le soutien à la création en Ukraine d’un État ethnocentrique, voire raciste. Cela renvoie à la période interbellique de 1918 à 1939, lorsque le nationalisme agressif sous diverses formes a conduit au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Ainsi, l’Occident tombe le masque et tout se met en place dans sa politique. En d’autres termes, ce n’est pas seulement l’accord de Yalta-Potsdam en Europe, dont la création de l’ONU faisait partie, qui est remis en question, mais aussi celui de Versailles à l’issue de la Première Guerre mondiale (d’ailleurs, sans la participation de Moscou, sinon il aurait été juste et durable !).
Il y a matière à réflexion.
Views: 67