Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Europe a besoin d’un plan pour être admise à la table des négociations

Consciente de l’inévitabilité de la défaite du régime de Kiev, du refus de principe de Trump de s’engager dans la guerre, ainsi que de la limitation de ses propres ressources militaires et économiques, l’Europe tente non pas tant de faire échouer le sommet russo-américain que d’assurer sa participation à la table des négociations. Voici grâce à la traduction de Marianne Dunlop, l’analyse d’un fin observateur russe, proche du pouvoir, et qui garde la tête froide sur les buts et les moyens de la nocive UE et ses belliqueux roquets dont notre président, ce qui est décrit ici est l’impuissance européenne à résoudre les problèmes européens et l’exercice d’une capacité de nuisance pour interdire que cela se fasse sans eux. Par parenthèse ce texte mérite d’être lu en regard de l’interpellation de Roussel à madame Vautrin et l’on mesurera que les propos du secrétaire du PCF commencent enfin à sonner juste. (note d’Histoire et societe, traduction de Marianne Dunlop)

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Texte : Gevorg Mirzayan, maître de conférences au département de sciences politiques de l’Université financière auprès du gouvernement de la Fédération de Russie

Consciente de l’inévitabilité de la défaite du régime de Kiev, du refus de principe de Trump de s’engager dans la guerre, ainsi que de la limitation de ses propres ressources militaires et économiques, l’Europe tente non pas tant de faire échouer le sommet russo-américain que d’assurer sa participation à la table des négociations.

Le régime de Kiev et les pays européens ont l’intention de présenter très prochainement un nouveau plan de paix commun pour l’Ukraine. On sait qu’il comportera 12 points. Leur contenu exact n’est pas encore connu, mais des sources dans les médias occidentaux indiquent qu’il y sera question d’un cessez-le-feu, d’un schéma d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, des conditions de financement de la reconstruction du territoire ukrainien, du maintien sous le contrôle du régime de Kiev d’une armée forte, etc. En outre, le plan prévoit la création d’un « Conseil de paix » sous la direction du président américain Donald Trump, qui contrôlera à la fois le processus de négociation et le respect des conditions acceptées par les parties.

Il semblerait qu’il s’agisse d’un énième document reflétant la réalité parallèle entre l’Europe et l’Ukraine. Celle dans laquelle l’Ukraine a des chances de gagner la guerre et peut donc dicter ses conditions de paix à la Russie. Celle dans laquelle l’Europe est prête à entrer en guerre aux côtés de l’Ukraine, et donc Moscou doit accepter ces conditions, car les suivantes seront pires que les précédentes. Enfin, celle où Moscou, accablée par le poids des sanctions occidentales, est prête à renoncer à ses objectifs initiaux et à accepter un simple cessez-le-feu, jusqu’à ce que l’Europe renforce et réarme le régime de Kiev.

Il y a eu beaucoup de documents de ce type, et tous ont été utilisés à des fins bien loin d’être la base d’un règlement pacifique de la crise ukrainienne. Cependant, il est déjà évident que ce document particulier se démarquera très nettement des autres. Pour au moins trois raisons.

Premièrement, il est plus souple et donne l’impression d’un certain compromis. Par exemple, le plan de paix actuel n’inclut pas l’intégration euro-atlantique complète de l’Ukraine, à laquelle s’opposent la Russie et les États-Unis. Il prévoit uniquement l’adhésion à l’UE (à laquelle Moscou ne s’oppose pas) et, selon toute vraisemblance, le renforcement de la coopération militaro-technique entre l’Ukraine et l’Occident collectif (ce qui ne convient pas à Moscou, mais convient à Washington).

Il y a la levée des sanctions contre la Russie (sur laquelle insiste Moscou), mais uniquement en échange d’un don « volontaire » par le Kremlin d’une partie des actifs russes gelés pour la reconstruction de l’Ukraine (une idée sur laquelle la Russie n’a pas pris clairement position, mais qui semble clairement négative). En fait, pour l’Union européenne, c’est le seul moyen sûr d’accéder à ces actifs, grâce auxquels elle accorde déjà des prêts garantis au régime de Kiev.

Enfin, le document ne semble pas exiger de Moscou qu’elle ramène l’Ukraine aux frontières de 1991, 2014 ou même 2023. Kiev et Bruxelles se montrent prêts à accepter à contrecœur un cessez-le-feu et un gel de la ligne de contact actuelle, en « vendant » cela comme une concession. Mais en réalité, il ne s’agit pas d’une concession : l’armée russe ne se contente pas d’avancer, elle forme également plusieurs véritables poches d’encerclement pour les forces armées ukrainiennes.

Deuxièmement, ce document prévoit une intégration étroite dans le processus de Donald Trump. Autrement dit, il ne doit pas s’agir d’un plan alternatif à celui de Trump (comme c’était le cas dans le projet élaboré à la va-vite à Anchorage), mais bien d’un document conjoint américano-européen. Et Bruxelles et Kiev tentent apparemment de jouer sur la vanité du leader américain, puisqu’ils lui proposent de diriger officiellement le processus, de présider le « Conseil de paix ». Et, à terme, d’obtenir en échange le prix Nobel de la paix tant convoité, que la bureaucratie européenne (qui contrôle le comité Nobel) lui garantira.

Et le pari sur Trump pourrait bien fonctionner. Non pas parce que le président américain se laissera séduire par la flatterie, mais parce qu’il y a son intérêt dans cette affaire. Trump comprend qu’il ne peut pas faire pression sur l’Europe et la forcer à accepter les conditions convenues avec Poutine à Anchorage – il ne lui reste donc plus qu’à chercher un compromis avec elle. En outre, une position commune avec l’Europe pourrait devenir un moyen de pression sur Moscou pour tenter de convaincre Poutine d’accepter la révision des accords d’Anchorage.

Troisièmement, ce projet montre que les intérêts de l’Europe sont en train de se transformer quelque peu. Oui, Bruxelles, comme auparavant, tente de faire échouer tous les accords russo-américains et d’entraîner Trump dans la guerre en Ukraine. En termes plus simples, infliger une défaite stratégique à la Russie et éviter la sienne (une défaite dans le conflit ukrainien pourrait porter un coup très sérieux à la position de la bureaucratie bruxelloise, qui a sacrifié les intérêts nationaux et l’économie de plusieurs États européens sur l’autel de cette guerre).

Cependant, un autre objectif, plus pragmatique, passe désormais au premier plan. Consciente de l’inévitabilité de la défaite du régime de Kiev, du refus de principe de Trump de s’engager dans la guerre, ainsi que de la limitation de ses propres ressources militaires et économiques, l’Europe tente moins de faire échouer le sommet que d’assurer sa participation à la table des négociations. Si elle ne parvient pas à convaincre d’être admise à cette table, elle tentera au moins d’échanger son admission contre l’abandon d’une position anti-russe radicale (raison pour laquelle l’Europe n’avait pas été admise auparavant). D’où les plans de compromis, le changement de rhétorique, etc.

Et ensuite, une fois à la table des négociations, l’Union européenne pourra soit faire échouer efficacement les négociations, soit faire en sorte que la défaite en Ukraine ne soit pas aussi stratégique.

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