Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

LES EMIRATS ARABES UNIS, UN PAYS DES BRICS

Je mets cet article dans la rubrique « Textes fondamentaux », pour deux raisons. D’abord parce que je pense qu’il est fondamental de démonter les réseaux d’influence mafieuse internationale par lesquels le tigre de papier se fait passer pour un véritable tigre. Ce qui est décrit ici, c’est aussi une déliquescence non seulement morale, mais aussi politique, organisationnelle et industrielle de l’impérialisme. Parce que l’on doit jouer sur des pays de plus en plus petits pour maintenir des pions face au monde nouveau qui se construit, et parce que, même là, on fait face à des gens qui jouent double jeu, un pied dans les turpitudes de l’occident et un pied dans les BRICS. La seconde raison, est la question soulevée de l’avenir de la France. La déliquescence est visible, ici peut-être plus qu’ailleurs, parce que nous pouvons encore la mesurer, en partie, à la France reconstruite par la résistance, notamment le PCF et la CGT. Mais il ne peut y avoir de chemin d’avenir sans un grand PCF et une grande CGT. Et, si la CGT tient bon an, mal an encore la corde, le PCF semble parfois ne plus savoir où est sa place. L’appel de Fabien Roussel à aller au contact de tout ce qui se met en mouvement dans la société est-il suivi ? Pourtant, le contact est bien plus facile qu’au moment des Gilets Jaunes, où Fabien avait lancé un appel similaire (et l’histoire lui a donné amplement raison, je le dis d’autant plus facilement qu’à l’époque, j’en doutais). Les « Indignez-vous » d’aujourd’hui reprennent beaucoup d’éléments de langage de notre parti et il y a beaucoup moins de freins au travail commun syndiqués-non syndiqués. La compréhension que le syndicat est un outil pour s’organiser, qu’il donne des droits et des moyens pour agir dans les entreprises se fait jour. Le moment n’est peut-être pas si loin où nombre d’entre eux se syndiqueront et ce sera peut-être l’occasion de voir réapparaître des sections syndicales dans des entreprises où elles ont aujourd’hui malheureusement cessé d’exister. Le parti communiste a un grand rôle à jouer dans de tels moments, et dans le mouvement lui-même. Cela suppose de revenir sur une des pires conséquences de la « mutation huienne », celle qui a rompu le lien historique entre le PCF et le mouvement syndical (notamment la CGT) et poussé le parti dans l’auto-mutilation de ses capacités de compréhension et d’action en retirant aux dirigeants syndicaux membres du parti leur place et leur poids dans la direction. Comment alors le parti peut-il jouer son rôle d’organisateur, de développement de la conscience politique ? Comment peut-il sortir d’une logique électoraliste ? A quoi cela sert-il de construire alors des sections d’entreprises si c’est pour se désintéresser des débats (nécessairement politiques) qui se déroulent au sein du mouvement syndical ? Peu importe qu’on soit optimiste ou pessimiste sur les possibilités de la France de se sortir de sa crise. Il est temps d’agir désormais. (note de Franck Marsal pour Histoireetsociété)

COMAGUER a raison d’insister sur la diversité des BRICS et il a encore plus raison de mettre en avant un point essentiel de la nouvelle configuration mondiale : malgré la diversité des BRICS et même des approches de la multipolarité, ce qui est la grande base de rupture dans la possibilité de percevoir la nouveauté et les opportunités de ce système est le poids présent et actuel de l’empreinte coloniale et néocoloniale, externe mais aussi interne. C’est pourquoi on ne peut être que pessimiste pour la France de septembre 2025, parce qu’il est évident qu’elle reste colonialiste même sans moyens d’exercer ses méfaits, largement chassée par les USA et la Grande Bretagne. Ce qui jadis représentait non seulement la lutte contre le colonialisme mais la force d’une unité interne de classe à savoir le PCF est attaqué de toute part et n’a pas une direction apte à mener ce combat face à toutes les liquidations qui l’assaillent et l’électoralisme qui le mine, son absence d’organisation dans le monde du travail. C’est assez proche de ce qui se passe aux USA et dans le reste de l’UE et tous « les « coalisés ». L’incapacité à même percevoir la réalité…

illustration : oeuvre de David Alekhuogie. Alekhuogie nous fait partager sa compréhension du lien entre modernité et colonialisme, Alekhuogie considère la photographie comme un lieu où se déroulent des processus historiques complexes et où leurs conséquences continuent d’être perceptibles.

Même si les BRICS donnent des cauchemars à Trump il n’est pas inutile ce que ne fait pas Trump qui ignore, on l’a compris, l’art de la nuance de regarder ce groupe d’un peu plus près pour en conclure qu’il n’est pas homogène, mélangeant monarchies et républiques, pays de tailles très différentes, anciens pays non alignés et anciens pays très alignés, de niveaux de développement variés et d’histoire et de cultures très différentes. Dans ce grand caravansérail de la multipolarité nous nous arrêtons sur un cas intéressant : les Emirats Arabes Unis entrés dans les BRICS le 01.01.2024
L’occasion nous en est fournie par la publication de deux articles éclairant la politique internationale de ce petit pays classé au sixième rang mondial pour les réserves pétrolières (voir plus loin les traductions françaises – traductions automatiques relues et retouchées par Comaguer).
Auparavant, rappelons quelques données sur ce pays récent et mal connu :

Point 1

Les 7 Emirats Arabes Unis sont égaux sur le papier mais il y a un émir plus « égal » que les autres : celui d’Abu Dhabi l’émirat le plus vaste qui détient sur son sol l’essentiel de la manne pétrolière et où est installée la capitale.
La Fédération des Émirats arabes unis (EAU) voit le jour en 1971, après la fin du protectorat britannique. Composé à l’origine de six émirats, le pays en compte aujourd’hui sept : Abu Dhabi, Dubaï, Ajman, Sharjah, Al-Fujaïrah, Ras al-Khaïmah et Oumm al Qaïwaïn. Avant le boom pétrolier sur ce territoire désertique, la seule richesse était la pêche en mer tant dans les eaux du Golfe que dans la mer d’Oman.
La population est passée de 2 à 11 millions d’habitants depuis l’indépendance (1971) mais les citoyens émiratis ne représentent que 11% de cette population, les immigrants – il peut en arriver 300 000 par an venant majoritairement du sous-continent indien (Inde, Bangladesh, Pakistan) 10% environ d’Egypte et 6% des Philippines pour le travail domestique – sont une main d’œuvre précaire dont le nombre est régulé autoritairement par le gouvernement. Politiquement cela veut dire que l’émir n’aurait de compte à rendre qu’à environ 1 million d’émiratis si existait , ce n’est pas le cas, une représentation officielle de cette population et que les 10 millions d’immigrés n’ont aucun rôle dans la définition de la politique de l’Etat. Bref l’Emir a beaucoup d’argent et les mains libres .
Le prince héritier Mohamed Ben Zayed, MBZ pour les intimes a donc les coudées beaucoup plus franches que son voisin et homologue saoudien MBS toujours emberlificoté dans des problèmes de cousinage à la cour et à la tête d’une population beaucoup plus nombreuse. MBZ peut effectivement comme tout autocrate subir des influences, défendre des intérêts très personnels (il est un des principaux dirigeants de la compagnie pétrolière de l’émirat) ou conduire une diplomatie hasardeuse on le verra plus loin .

Point 2 Présence militaire française

Quand Sarkozy président a réintégré complètement la France dans l’OTAN il a au passage en 2008 déplacé à Abu Dhabi le quartier général des forces militaires françaises dans la zone Moyen-Orient /Océan indien, installé de longue date à Djibouti. Ainsi le siège de ALINDIEN amiral commandant la flotte française est-il installé à Abu Dhabi.
Y stationnent en permanence 6 Rafale et un régiment de 900 hommes créé pour les besoins de la cause et à l’exclusion du Charles De Gaulle tous les bâtiments de la marine nationale peuvent y faire escale et toutes les interventions militaires françaises dans la zone (forces régulières et forces spéciales) que ce soit en Syrie, en Irak ou au Liban relèvent de son commandement. Par contre La réunion et Mayotte lui échappent

Ces données précisées la question peut se poser de savoir si les Emirats arabes Unis
sont un état voyou
Comme l’expliquent les deux articles qui suivent l’un très récent , l’autre plus ancien, les EAU sont devenus la base d’une activité mondiale qui a besoin de discrétion et qui se trouve à l’abri dans cette monarchie non contrôlée, sans parlement, sans journalistes indépendants et qui est devenue le lieu de recrutement et de formation des milices militaires privées qui moyennant finances interviennent dans tous les conflits au profit de celui qui les paye . Mais ce n’est pas simplement un lieu discret à l’image d’un paradis fiscal car la monarchie se sert aussi de ces milices pour assurer la protection de l’émir et de son entourage et pour accompagner sa politique étrangère.


Armées de l’ombre : les guerres secrètes des Émirats arabes unis au Soudan, au Yémen et à Gaza

Le réseau mondial de mercenaires d’Abou Dhabi déploie des combattants étrangers pour écraser la dissidence, poursuivre des ambitions expansionnistes et soutenir l’agenda géopolitique régional d’Israël.
Mawadda Iskandar
19 AOÛT 2025

Fuyant son tristement célèbre record et la surveillance juridique internationale croissante, Blackwater, la société militaire privée la plus tristement célèbre au monde, a trouvé refuge dans le golfe Persique. Là, les Émirats arabes unis ont ouvert leurs coffres, accueillant à bras ouverts la société de mercenaires. Un nouvel empire s’est forgé sur une base brutale : la sauvegarde des monarchies et l’exécution d’agendas étrangers en échange d’argent, d’immunité et d’impunité.
En 2009, Blackwater a changé de nom pour devenir Xe Services LLC après une série de crimes de guerre en Irak, notamment le Massacre de la place Nisour à Bagdad deux ans plus tôt. Ce changement cosmétique a masqué une continuité d’objectif, qui consiste à contourner le droit international et à orchestrer des opérations illicites dans l’ombre. Le fondateur Erik Prince a officiellement démissionné, mais délocalisé aux Émirats arabes unis en 2010, où il a lancé Reflex Responses (également connu sous le nom de R2) et conservé une participation de 51 %, inaugurant ainsi une nouvelle ère de recrutement de mercenaires à l’échelle industrielle.
Cité des mercenaires
En 2011, les contours d’une armée secrète de mercenaires émiratis avaient émergé, chargée d’exercer une influence en Asie occidentale et en Afrique. Ce n’est pas un hasard car Blackwater a joué un rôle central, avec le prince héritier d’Abou Dhabi de l’époque, Mohammed bin Zayed (MbZ) étant l’un de ses principaux mécènes.
Une foule de conditions favorables ont rendu le projet viable. Abou Dhabi est devenu un refuge pour les fugitifs et la finance illicite. La Colombie, en Amérique du Sud, est devenue le socle du recrutement grâce à un accord visant à constituer une force mercenaire dirigée par l’ancien agent du FBI Ricky Chambers, un proche allié de Prince. Ces mercenaires recevaient le «Rincón », leur accordant l’immunité de poursuites en vertu de l’appareil de renseignement militaire des Émirats arabes unis.
En mai 2011, le New York Times (NYT) a révélé les détails de 800 hommes qui sont entrés dans l’État du golfe Persique déguisés en ouvriers du bâtiment, mais qui ont été rapidement transférés à la ville militaire de Zayed par l’intermédiaire d’une entreprise dirigée par Prince, dans le cadre d’un accord de 500 millions de dollars. En juillet 2017, LobeLog (voir traduction à la suite ) a signalé que des centaines de combattants étrangers avaient été déployés au Yémen, dont 450 Latino-Américains originaires de pays comme le Panama, le Salvador et le Chili.
En 2022, le Washington Post a révélé que plus de 500 militaires américains à la retraite avaient été embauchés en tant que sous-traitants par les États du golfe Persique, dont les Émirats arabes unis, pour des salaires allant jusqu’à 300 000 dollars par an. Les chasseurs colombiens ont continué à arriver via GSSG et A4S International, puis ont été envoyés sur les lignes de front à travers l’Asie occidentale.
De la répression interne à la conquête régionale
Le premier contrat des Émirats arabes unis avec Blackwater en 2010 était axé sur la protection du cheikh. MbZ, doutant de la loyauté de sa propre armée, a fait venir des officiers étrangers pour sécuriser les palais, les infrastructures pétrolières et réprimer la dissidence. Ces mercenaires torturaient les détenus politiques, entretenaient des systèmes d’armes et servaient de garde prétorienne pour l’élite émiratie.
Erik Prince a personnellement supervisé la formation de 2 000 combattants somaliens en 2011 dans le cadre d’une campagne de lutte contre la piraterie soutenue par les États-Unis et financée par les Émirats arabes unis. Dans le même temps, le Yémen est devenu un terrain d’essai pour ces mercenaires, en particulier dans les zones frontalières résistantes et difficiles d’accès comme Saada et Najran.
Les forces alignées sur les Émirats arabes unis ont fait appel à des soldats contractuels du Tchad, du Chili, de la Colombie, de la Libye, du Panama, du Niger, de la Somalie, du Salvador, du Soudan et de l’Ouganda (Groupe des opérations de chasse au harpon), connu pour son programme d’assassinats au Yémen, a coordonné bon nombre de ces missions. Pendant ce temps, Lancaster 6 DMCC et Opus Capital Asset Ltd FZE – tous deux enregistrés dans les zones franches des Émirats arabes unis – ont opéré dans le cadre du soi-disant « projet Opus » pour soutenir la campagne de Khalifa Haftar en Libye. Au fur et à mesure que son empreinte régionale s’étendait, ce réseau militaro-corporatif a joué un rôle de premier plan dans la protection d’une série de ports gérés par les Émirats arabes unis, dans les efforts visant à établir une base en Érythrée en Afrique de l’Est et dans les plans visant à établir une base dans le Somaliland sécessionniste.
Blackwater, qui s’était à nouveau transformée en Academi, avait recruté quelque 43 000 combattants dans la région, devenant ainsi un bras majeur des aventures militaires d’Abou Dhabi, du golfe Persique à la Corne de l’Afrique.
Soudan : Guerre de mercenaires par procuration
À la mi-2023, la guerre au Darfour s’est intensifiée sur fond d’allégations crédibles selon lesquelles Abou Dhabi armait et finançait les controversées Forces de soutien rapide (RSF) libyennes, accusées d’atrocités systématiques. Un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU de janvier 2024 a confirmé que les réseaux émiratis étaient profondément ancrés dans les lignes d’approvisionnement des RSF. En mars 2025, le gouvernement soudanais a déposé une plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ), accusant Abou Dhabi de soutenir ces milices dans la perpétration de crimes au Darfour et dans d’autres régions.
Le journal colombien La Silla Vacia a documenté l’existence d’un réseau de recrutement émirati opérant via la société A4SI, dirigée par le colonel colombien à la retraite Alvaro Quijano. Ces mercenaires, à qui l’on avait promis des salaires allant jusqu’à 3 000 dollars par mois et des primes de 10 000 dollars, étaient équipés de drones et de lance-roquettes et passés clandestinement au Soudan via la Somalie et le Tchad. Les combattants blessés ont été évacués secrètement vers des hôpitaux militaires émiratis.
Le 10 août 2025, un avion émirati s’est écrasé au Darfour, révélant la mort de 40 mercenaires colombiens. Des images ont confirmé plus tard qu’un bataillon colombien entier soutenu par les Émirats arabes unis combattait aux côtés des RSF près de la mosquée Al-Fasher. L’ampleur et l’effronterie de l’implication des Émirats arabes unis étaient indéniables. Ces scandales ont incité le président colombien Gustavo Petro à émettre une condamnation officielle, déclarant « plus de marchands de mort », à la suite d’informations faisant état du meurtre de dizaines de Colombiens au Soudan.
Pendant ce temps, le ministère soudanais des Affaires étrangères a mis en garde contre une « guerre mercenaire transfrontalière » qui menaçait la souveraineté du pays, accusant les Émirats arabes unis de financer et de déployer ces combattants pour soutenir les milices.
Gaza : Des mercenaires sous la bannière de l’occupation
En octobre 2024, des rapports ont fait surface selon lesquels les Émirats arabes unis finançaient le recrutement de mercenaires africains pour combattre pour l’armée israélienne à Gaza et au Liban. Abou Dhabi a tiré parti de son alliance avec Addis-Abeba pour attirer des combattants d’Éthiopie, en passant des contrats avec des entreprises comme Raven et Global CST, qui ont des liens de longue date avec Tel Aviv.
Des témoins oculaires ont repéré des chars arborant des drapeaux israéliens et émiratis, et des témoignages de détenus de Gaza ont décrit des interrogatoires par des soldats s’exprimant dans un arabe à l’accent émirati. Selon des sources diplomatiques occidentales, ces mouvements s’inscrivent dans le cadre des « lendemains » de la bande de Gaza nettoyée sur le plan ethnique.
D’autres preuves ont émergé lorsqu’un commandant adjoint du groupe Abu Shabab, une milice soutenue par Israël à Gaza et liée à l’EI, a posté des photos à côté de véhicules immatriculés aux Émirats arabes unis. Les services de renseignement de la résistance palestinienne ont confirmé qu’une agence de renseignement arabe formait et équipait des mercenaires pro-israéliens à Rafah qui recevaient des fonds, des véhicules tout-terrain, du matériel de surveillance et des outils médiatiques pour faciliter la coordination interne. D’après un article du journal libanais L’Orient-le Jour Yasser Abu Shabab est le pilleur milicien de Gaza soutenu par Israël connu pour avoir volé de l’aide humanitaire l’année dernière, le trentenaire est à la tête d’une faction anti-Hamas, armée notamment par l’État hébreu. (OLJ / Par Georges SCHMITZ, le 11 juin 2025 à 23h00)
‘Port-au-Prince’
Erik Prince a signé un accord de 10 ans avec le gouvernement intérimaire d’Haïti pour déployer près de 200 combattants étrangers dans le cadre de sa nouvelle entreprise, Vectus Global. Ces forces, recrutées aux États-Unis, en Europe et au Salvador, sont chargées de lutter contre les gangs et de collecter des recettes fiscales. Ils opéreront avec des hélicoptères, des drones, des tireurs d’élite et des unités navales, faisant écho à la même structure et à l’impunité que Prince a perfectionnées aux Émirats arabes unis.
Cette expansion dans les Caraïbes n’est pas une déviation mais une continuation du même plan, qui consiste à contourner la souveraineté locale, à déployer des troupes étrangères sous commandement privé, à convertir des États effondrés en entreprises privées de violence externalisée, et à fournir un déni aux intérêts étrangers finançant ces initiatives.
Port-au-Prince n’est que le dernier terrain d’expérimentation d’un modèle cultivé sous le patronage émirati. Ce qui a commencé comme une protection de palais s’est métastasé en une entreprise mondiale. Alors que Prince dirige les opérations, ce sont les Émirats arabes unis qui financent, planifient et propagent cet empire de la guerre externalisée, désormais ancré dans des conflits s’étendant sur trois continents.
Aujourd’hui, les Émirats arabes unis se sont imposés comme une plaque tournante mondiale de la guerre mercenaire, utilisant la richesse comme arme pour écraser la dissidence, déstabiliser ses rivaux et aider Israël. Du Yémen au Soudan en passant par Gaza, chaque révélation enlève une autre couche de l’empire de l’ombre d’Abou Dhabi, une entreprise de violence secrète et d’assujettissement régional.
Source : The Cradle
***

D’ERIK PRINCE A BIN ZAYED

7 juillet 2017 David Isenberg
Par David Isenberg
En 2014, le général à la retraite James Mattis, aujourd’hui secrétaire à la Défense, aurait qualifié les Émirats arabes unis de « petite Sparte ». Il comparait favorablement les Émirats arabes unis à la cité-État grecque historique, connue pour ses prouesses militaires, en particulier contre les Perses pendant les guerres gréco-perses. Mattis l’a probablement fait non seulement en raison d’une forte alliance politico-militaire entre les États-Unis et les Émirats arabes unis, mais aussi parce que les Émirats arabes unis travaillent depuis des années au renforcement de leurs capacités militaires.
Mais dans un sens fondamental, la comparaison de Mattis est fausse. Les Spartiates étaient uniques, entre autres, en raison de l’entraînement militaire et de l’excellence qu’ils exigeaient de leurs propres citoyens. Ce n’est pas la voie choisie par les Émirats arabes unis.
Malgré leur récente entrée dans de sales guerres en Libye, au Yémen et en Syrie, les États du golfe Persique ont eu très peu de forces militaires efficaces. Traditionnellement, ils ont dû dépendre d’États extérieurs pour leurs armes, leur formation et leur main-d’œuvre.
Les Émiratis sont allés plus loin et ont fait appel à nul autre qu’Erik Prince pour former des mercenaires chrétiens à la poursuite des ennemis islamiques. Les Émirats arabes unis ont non seulement utilisé des entreprises de sécurité privées pour renforcer leur propre capacité d’autodéfense, mais les ont également utilisées pour s’engager dans des guerres étrangères et, potentiellement, dans la répression intérieure. L’époque où de minuscules royaumes travaillaient clandestinement avec la CIA pour financer des gens comme Oussama ben Laden ou négocier des accords délicats avec des otages est révolue. Aujourd’hui, seule une poignée d’Émiratis sur les lignes de front meurent aux côtés de leurs mercenaires.
Rien de tout cela ne devrait être une surprise. En 2011, le New York Times a révélé que le prince héritier d’Abou Dhabi avait engagé Erik Prince, cofondateur de la société de sécurité privée Blackwater, pour mettre sur pied un bataillon de 800 membres de troupes étrangères. Reflex Reponses (R2), l’armée privée que Prince a mise sur pied, devait entraîner la force à « mener des missions d’opérations spéciales à l’intérieur et à l’extérieur du pays, à défendre les oléoducs et les gratte-ciels contre les attaques terroristes et à réprimer la révolte interne ». Mais, comme le temps l’a montré, son rôle a été beaucoup plus important.
En avril, le Washington Post a rapporté que « les Émirats arabes unis ont organisé une réunion secrète aux Seychelles en janvier entre le fondateur de Blackwater, Erik Prince, et un proche russe du président Vladimir Poutine, dans le cadre d’un effort apparent pour établir une ligne de communication entre Moscou et le président élu Donald Trump ».
Lorsque Prince apparaît dans des réunions de haut niveau, vous pouvez être sûr qu’une armée d’entrepreneurs et d’entraîneurs n’est pas loin. Les étrangers travaillant pour les Émirats arabes unis, dans le cadre de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite contre les Houthis au Yémen, ont joué un rôle de premier plan.
Sur le terrain au Yémen
Bien que certains contestent que les étrangers qui servent actuellement dans l’armée des Émirats arabes unis soient des mercenaires au sens des Conventions de Genève, ceux qui sont embauchés par les Émirats arabes unis n’ont clairement rien à voir avec les entrepreneurs de sécurité privés en Irak, en Afghanistan et ailleurs.
Fin 2015, le Middle East Eye a rapporté que Mike Hindmarsh, un ancien officier supérieur de l’armée australienne, est publiquement répertorié comme commandant de la Garde présidentielle des Émirats arabes unis. La Garde présidentielle est une unité de marines, de reconnaissance, d’aviation, de forces spéciales et de brigades mécanisées. Selon The Eye, Hindmarsh a supervisé la formation de la garde au début de 2010, peu après avoir pris son emploi non imposable estimé à 500 000 dollars par an à Abu Dhabi, où il rend compte directement au prince héritier Mohammed bin Zayed al-Nahyan.
Des étrangers ont subi des pertes au nom des Émirats arabes unis. The Eye a rapporté que :
Des mercenaires ont été tués au Yémen. Le 8 décembre, le journal Saba News, dirigé par les Houthis, a rapporté que six Colombiens et leur commandant australien avaient été tués dans des combats autour de la province de Taïz, dans le sud-est du pays.
Saba News a mis à jour son rapport le 9 décembre pour indiquer que 14 mercenaires étrangers avaient été tués, dont deux Britanniques et un citoyen français, en plus des Australiens et des Colombiens, bien que cette affirmation ne soit pas confirmée.
Des mercenaires colombiens auraient combattu pour la première fois au Yémen en octobre, lorsqu’environ 100 anciens soldats colombiens auraient rejoint les troupes de la coalition, et qu’environ 800 au total devraient être envoyés pour soutenir les forces pro-Hadi.
Apparemment, les Colombiens qui se battent pour les Émirats arabes unis peuvent s’attendre à certains avantages. Counter Punch a précédemment rapporté qu’ils « recevront une pension et la citoyenneté des Émirats arabes unis, ainsi que des membres de leur famille. S’ils meurent au combat, leurs enfants iront à l’université gratuitement.
Bien qu’il ne soit pas clair si les victimes jusqu’à présent proviennent de membres de la Garde présidentielle ou de ce que l’on appelle R2, les deux forces relèvent du prince ben Zayed.
Quelle que soit l’unité, des centaines d’étrangers se battent pour les Émirats arabes unis au Yémen. Le New York Times a rapporté en décembre 2015 que « c’est le premier déploiement de combat pour une armée étrangère que les Émirats ont discrètement construite dans le désert au cours des cinq dernières années… L’arrivée au Yémen de 450 soldats latino-américains, parmi lesquels des soldats panaméens, salvadoriens et chiliens, s’ajoute au mélange chaotique des armées gouvernementales, des tribus armées, des réseaux terroristes et des milices yéménites actuellement en guerre dans le pays.
Les soldats étrangers sont loin d’être le seul type de sous-traitants étrangers auxquels les Émirats arabes unis font appel. Knowledge International LLC, qui opère près de l’aéroport national Reagan de Washington, DC, faciliterait 500 millions de dollars par an de ventes d’entraînement et d’équipements militaires aux Émirats arabes unis
Agréée en tant que marchand et courtier en armes, la société envoie des formateurs et des armes américains aux Émirats arabes unis, en organisant les licences et les accords nécessaires avec le département d’État et le département de la Défense.
Le conseil consultatif stratégique de l’entreprise est composé de certains des noms les plus brillants de la guerre terrestre américaine de la dernière décennie : le général à la retraite Bryan « Doug » Brown, qui a dirigé le Commandement des opérations spéciales des États-Unis ; le général à la retraite James Conway, ancien commandant du Corps des Marines et figure charismatique lors de l’invasion de l’Irak en 2003 ; et le général à la retraite Stanley McChrystal, qui commandait la Force internationale d’assistance à la sécurité, le commandement de l’OTAN en Afghanistan.
Au-delà du Yémen
Le Yémen n’est pas non plus le seul pays où les Émirats arabes unis font appel à des sous-traitants. Le New York Times a rapporté en 2012, dans un article bizarre, même selon les normes militaires privées et mondiales de la sécurité :
L’idée semblait simple : dans le chaos qu’est la Somalie, créer une force de combat sophistiquée et hautement entraînée qui pourrait enfin vaincre les pirates qui terrorisent les voies de navigation au large des côtes somaliennes.
Mais la création de la police maritime du Puntland a été tout sauf simple. Il a impliqué des dizaines de mercenaires sud-africains et la société de sécurité de l’ombre qui les employait, des millions de dollars de paiements secrets des Émirats arabes unis, un ancien officier clandestin de la Central Intelligence Agency et Erik Prince, l’ancien milliardaire de Blackwater Worldwide qui résidait à l’époque dans les émirats.
Et son destin fait de l’histoire des chasseurs de pirates à gages une étude de cas sur les dangers inhérents aux guerres externalisées en Somalie, où les États-Unis et d’autres pays se sont appuyés sur des forces par procuration et des entrepreneurs privés armés pour combattre les pirates et, de plus en plus, les militants islamiques.
On pensait qu’Erik Prince était tombé amoureux des Émirats après deux révélations majeures dans le New York Times et avait décidé de tomber amoureux du gouvernement chinois pour développer l’Afrique.
Mais Erik Prince est de retour. Il ne se contente pas de présenter le capitalisme colonial à Washington. Il est en train de colporter des armées de cipayes dirigées par d’anciens SF pour arracher l’Afghanistan, le Yémen, la Libye et peut-être, s’il est un jour capable d’influencer les faucons partageant les mêmes idées dans l’administration Trump, même l’Iran pour le libérer des infidèles.
David Isenberg est un chercheur et écrivain indépendant sur l’armée américaine, la politique étrangère et les questions de sécurité nationale et internationale. Il est analyste principal au sein du cabinet de conseil géopolitique en ligne Wikistrat et est un vétéran de la marine américaine. Il est l’auteur de Shadow Force : Private Security Contractors in Iraq. Son blog, The PMSC Observer, se concentre sur les contrats militaires et de sécurité privés, un sujet sur lequel il a témoigné devant le Congrès.

Views: 80

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.