Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le socialisme chinois à Grenoble : c’est l’ensemble du Parti qui doit s’emparer de ce débat

Débat sans tabou avec Marianne Dunlop, par Didier Gosselin

“Le vieux monde se meurt. Le nouveau tarde à apparaître. Et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.” (Gramsci)

De notre capacité à comprendre la Chine dépend désormais la possibilité d’envisager de construire une perspective socialiste tant en France qu’au niveau international faite de coopération, de multilatéralisme, de respect des peuples et des souverainetés. Faute de quoi l’enlisement dans la crise capitaliste s’approfondira avec son cortège de concurrence, de précarité et de pauvreté, voire son issue fasciste et guerrière…

Initié par la section communiste de Grenoble et soutenu par la Fédération de l’Isère, un débat s’est tenu lundi 8 décembre dans les locaux de la Fédération avec Marianne Dunlop, co-autrice avec Danielle Bleitrach, Jean Jullien et Franck Marsal du livre « Quand la France s’éveillera à la Chine », publié aux Editions Delga en avril 2025 et préfacé par Fabien Roussel. Par les temps qui courent de propagande contre le « péril jaune », et vu la censure contre ce livre, c’est quasiment un évènement politique… Le secrétaire fédéral, Jérémie Giono, a introduit la soirée en indiquant que la préoccupation actuelle sur les municipales ne devait pas nous empêcher de continuer à réfléchir à l’état du monde, d’où la grande utilité de cette rencontre. Laquelle, pour être clair, vient d’un communiste grenoblois qui a rencontré Franck Marsal à l’Université du PCF en août, ce qui confirme que la démarche des auteurs et autrices et notamment Danielle Bleitrach pour imposer la présence d’un débat avec Franck Marsal, à l’Université d’été du PCF, était plus que pertinente…

Concernant cette soirée on peut dire que la question, complémentaire à celle posée par le Travailleur Alpin (cf. https://travailleur-alpin.fr/…/grenoble-seveiller-a-la…/ : « Que se passe-t-il en Chine ? »), renvoie à notre capacité, à nous communistes bien sûr, mais plus largement à l’ensemble de la classe ouvrière et du peuple français, à comprendre ce que nous dit la Chine. Laquelle capacité passe par la formation, l’information, l’échange. L’entrée par l’histoire et la culture chinoises, proposée par Marianne Dunlop a permis de bousculer les idées reçues et d’amorcer un dialogue, à poursuivre et approfondir.

Jérémie Giono a, dans un premier temps, à travers une série de questions amené Marianne Dunlop a expliquer les enjeux liés à l’écriture de cet ouvrage. Puis un échange avec la salle s’est ensuite installé.

Gouvernance mondiale et communauté de destin.

L’intitulé « Servir le peuple », calligraphié en chinois sur la couverture, est pour Marianne Dunlop « tout ce qui fonde le travail du parti communiste chinois », et qui correspond à la nouvelle étape du PCC qui avec Xi Jinping « a décidé de revenir aux fondamentaux, aux souvenirs de la lutte révolutionnaire, et vraiment se mettre au service peuple », une ligne de laquelle le parti communiste s’était peut-être à un moment légèrement écarté souligne-t-elle. Ce travail du PCC s’inscrit dans une démarche plus globale sur la gouvernance mondiale et la communauté destin qui lie les peuples. « Comment peut-on entendre d’ici, de France, cette voix qui nous vient de Chine pour un avenir en commun, ce destin en partage de l’humanité ? Est-ce que cette voix peut vraiment être entendue ? ». D’où le titre « Quand la France s’éveillera à la chine », comme un appel à comprendre que la Chine n’est pas un objet exotique et éloigné de nous mais que ce pays fait bel et bien partie de notre histoire et « qu’il a vraiment quelque chose à nous dire ».

Une pensée millénaire et un esprit de curiosité.

La pensée chinoise, très différente de la pensée occidentale, et qui s’est construite depuis des millénaires « n’est pas dichotomique. L’unité des contraires, ce que l’on apprend dans la dialectique de Marx, c’est quelque chose qui est fondamental chez les chinois » précise Marianne Dunlop, faisant référence au cercle du tao où le yin se transforme en yang et vice-versa. La pensée chinoise n’est donc pas figée mais toujours en mouvement, une dimension que l’on retrouve par exemple dans la gymnastique chinoise ou les caractères calligraphiques chinois qui sont avant tout gestuels. Le syncrétisme religieux chinois, issu du bouddhisme, du taoïsme, et du confucianisme, traduit également ce mouvement d’enrichissement mutuel des différentes pensées ou croyances. Dans l’histoire millénaire chinoise pas de guerres de religions ou de tentative d’asservir via la religion. Citant Confucius, « si je marche avec deux autres personnes à côté de moi, il y en a une qui va m’apprendre ce qui est bien et l’autre qui va m’apprendre ce qu’il ne faut pas faire », Marianne Dunlop souligne que « les chinois sont très capables d’apprendre de leurs erreurs et des erreurs des autres et ne cherchent pas à exporter ni leur modèle de socialisme ni leur pensée », et qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur d’eux. Ils sont au contraire curieux de tout. Il y a en chine un travail phénoménal d’édition. « Les chinois traduisent tout parce qu’ils veulent absolument être au courant de tout ce qui se passe à travers le monde », insiste Marianne Dunlop.

L’enjeu de la révolution communiste.

Marianne Dunlop rappelle qu’au XVIIIe siècle la Chine et l’Inde étaient les pays les plus riches du monde avant d’être colonisés. Et qu’au XIXe siècle, l’Angleterre, et ses alliés dont la France, depuis sa colonie indienne et pour briser la puissance économique chinoise s’est lancée dans la guerre de l’opium qui s’est traduite notamment par la cession de Hong-Kong aux Britanniques et par la prise de marchés chinois par les occidentaux. « Petit à petit, la Chine a été asservie par le commerce et les canonnières ». A cela s’est ajoutée l’invasion japonaise en 1931 et les 35 millions de morts au cours de la seconde guerre mondiale, chiffre parfaitement ignoré dans l’histoire officielle de la seconde guerre mondiale…

Après un siècle de catastrophes, dit le « siècle de l’humiliation », 1949 « est la proclamation de la libération de la Chine » souligne l’oratrice. Libération à la fois de la colonisation japonaise et de la guerre avec les nationalistes du Kuomintang soutenus par les Etats-Unis, et qui se sont enfuis à Taïwan… En 1949, la Chine est l’un des pays les plus pauvres du monde. Dès 1950, la Chine communiste est à la tâche et « jusqu’en 1965 la production industrielle a été multipliée par treize, la consommation par habitant multipliée par trois ; mais avec un doublement de la population en même temps le niveau de vie n’a pas pu progresser énormément ». Marianne Dunlop indique par ailleurs que contrairement à une idée reçue le miracle économique n’a pas commencé soi-disant lorsque la Chine a décidé de devenir capitaliste et d’abandonner le socialisme… au contraire.

Le socialisme ce n’est pas la pauvreté, la pauvreté ce n’est pas le socialisme, le but du socialisme c’est d’apporter la prospérité (Deng Xiao Ping).

Si la notion de socialisme de marché peut être perturbante, reconnaît Marianne Dunlop, c’est parce qu’elle est inédite dans l’histoire où l’on a connu d’autres formes de socialisme. Les chinois, précise-t-elle, « se disent complètement héritiers de la révolution russe de 1917 ». Ils ne se construisent pas en opposition mais ont étudié et étudient encore les causes de la chute de l’URSS, tout en collaborant avec les communistes russes qui réfléchissent dans le même sens. Dans les années 1970, en lien avec cette phrase « le socialisme ce n’est pas la pauvreté » il faut trouver un moyen d’accélérer le développement en tenant des comptes des spécificités chinoises, pays agricole notamment, et ce moyen a consisté à introduire des mécanismes de marché. Outre le fait que les chinois ont constaté une réelle efficacité de ces mécanismes dans certains domaines, l’autre aspect a été, souligne Marianne Dunlop, relatif à « la théorie de Marx sur les forces productives et les rapports de production. En fait, la Chine, qui sortait du colonialisme et du féodalisme n’était pas encore dans des conditions suffisamment mûres pour construire directement le socialisme et il fallait utiliser la force du capitalisme, mais du capitalisme encadré », insiste Marianne Dunlop. Ce que les chinois ont par ailleurs retenu de l’URSS ce sont les plans quinquennaux, lesquels sont amendés après des mois de débats dans tout le pays, adoptés par le Parti Communiste et présentés à l’Assemblée consultative du peuple chinois. Le prochain plan sera présenté au printemps 2026. S’il est de bon ton d’affirmer que la Chine est capitaliste, Marianne Dunlop rappelle que « Le capitaliste en Chine est libre comme un oiseau dans sa cage. C’est un capitalisme très encadré et qui ne concerne pas toute l’économie de la Chine ».

Sur l’économie en tant que telle, Marianne Dunlop, agrégée de russe, professeure de linguistique chinoise et traductrice, avoue sincèrement ne pas être une spécialiste et renvoie aux travaux de ses camarades présentés dans le livre. Elle dit cependant avoir constaté lors de ses séjours réguliers en Chine les effets progressifs mais accélérés de ce développement, y compris dans ses aspects contradictoires lors de mutations industrielles par exemple. Elle souligne que tout ce développement se faisait dans « un sens qui allait vers le développement des forces productives et le bien-être général ». La planification chinoise « vise à parvenir à une société de moyenne aisance, et à travers ces réformes successives, qui ont été compliquées, les chinois sont arrivés à la situation aujourd’hui où dans les dix dernières années par exemple le salaire moyen a été multiplié par 2,5 ». Marianne Dunlop bat d’ailleurs en brèche l’idée reçue sur le dumping social chinois qui a pu être une réalité dans les années 1990 mais qui est de moins en moins de mise compte-tenu de cette évolution. A tel point qu’il est désormais, dans certains domaines, plus intéressant pour des chinois de rester travailler en Chine que de s’expatrier en Occident… ! A propos des coûts de production et de la fable du dumping social, on trouvera dans le livre, et notamment dans la partie développée par Jean Jullien, l’exemple de la nouvelle technique chinoise de production de l’acier, plus rapide, moins coûteuse et aussi plus respectueuse de l’environnement…

Depuis les années 1990, la Chine a fait d’incontestables progrès sociaux : couverture à 95% de la sécurité sociale, retraite généralisée… « Ce sont des choses qui se sont mises en place graduellement, souligne Marianne Dunlop. De même, le développement des régions de l’Ouest par rapport à celles de l’Est. On a construit Shenzhen, ancien village de pêcheurs situé sur la rive opposée de Hong-Kong, en Chine continentale. La ville est aujourd’hui devenue un des grands pôles économiques du pays, au cœur du delta de la Rivière des Perles, région peuplée de plus de 12 millions d’habitants qui connaît une croissance fulgurante. Marianne Dunlop insiste sur l’enthousiasme des chinois, notamment de la jeunesse et remet en cause l’authenticité des informations véhiculées par les médias par exemple sur cette jeunesse qui resterait allongée chez elle pour protester contre la société de consommation, dénommé le Tang Ping… Si Marianne Dunlop, qui va régulièrement en Chine, ne conteste pas un éventuel épiphénomène qu’elle n’a d’ailleurs jamais constaté, ce prétendu comportement généralisé de la jeunesse relève plus, selon elle, de la propagande visant à discréditer le modèle chinois. « Ça fait vingt ans que l’on dit que la Chine va faire un atterrissage plus ou moins en douceur, et ils continuent à avoir des taux de croissance élevés » conclut Marianne Dunlop.…

La Chine veut coopérer et travailler à une nouvelle gouvernance mondiale.

Dans la récente actualité et notamment le voyage de Macron à Pékin, l’idée qui s’impose est celle d’un renversement en termes d’avancées scientifiques, technologiques et industrielles, à un point tel que le président Macron en est venu à demander à la Chine d’investir en France et en Europe de façon à garantir des transferts de technologie ! La Chine, elle, par la voix Xi Jinping, a appelé la France à porter haut avec elle l’étendard du multilatéralisme et à se tenir du bon côté de l’Histoire… Résultat, Macron brandit des droits de douane contre la Chine sans avoir les moyens de sa politique, et en accusant celle-ci de vouloir « tuer ses clients » …

Marianne Dunlop balaie le non-sens de cet argument en soulignant que « la Chine ne veut pas tuer ses partenaires, parce que sinon elle n’en aurait plus. Or, l’intérêt de la Chine c’est d’avoir des pays développés autour d’elle, c’est ce qu’on appelle le co-développement. Ensuite par rapport à ce qu’on appelle une politique commerciale agressive de la Chine, ça n’a rien à voir avec les puissances impérialistes occidentales qui parfois par la force militaire, parfois par le FMI, le dollar etc. imposent par exemple des sanctions extraterritoriales. La Chine ne fait absolument pas ça. Dans ses rapports, aussi bien avec les pays des BRICS qu’avec les partenaires occidentaux, elle ne se présente jamais dans une position de force, elle fait du commerce simplement, du commerce gagnant-gagnant ».

Questionnée sur les BRICS, présentés comme un bloc agressif anti-occidental par le discours dominant, Marianne Dunlop précise « que ça n’est pas un bloc, mais qu’on pourrait plutôt rapprocher les BRICS de ce qu’étaient les non-alignés, de la Conférence de la Havane, du groupe des 77 etc., c’est-à-dire à l’époque ou le bloc soviétique faisait face au bloc occidental. Il y avait déjà à l’époque, précise-t-elle, ce qu’on appelle aujourd’hui le sud global mais qui voulait déjà s’associer mais de manière non contrainte, dans une association libre, et pas comme dans des carcans type Union Européenne. Et aujourd’hui à un niveau supérieur et avec l’appui de la Chine socialiste, leurs possibilités sont bien plus grandes ». A l’origine composés du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine, les BRIC ont été rejoints par l’Afrique du Sud, devenant les BRICS et aujourd’hui les BRICS+ avec une dizaine de pays supplémentaires, partenaires et ou candidats. « Aujourd’hui, indique Marianne Dunlop, le PIB des BRICS pris dans son ensemble est supérieur à celui du G7. Et c’est là qu’on peut dire qu’il y a un véritable basculement parce que la force économique n’est plus du côté des pays occidentaux mais du côté des pays des BRICS et du sud global ». Ce dispositif s’accompagne de nouvelles institutions telle que l’Organisation de coopération de Shanghai ou la Banque de développement et de projets de coopération tel Les Routes de la soie. « Ce sont toutes des organisations non contraignantes, justement, et qui sont attractives pour les pays du sud parce qu’il n’y a pas de conditions. Le FMI pose toujours des conditions, comme les plans d’ajustements dans les années 2000 qui réduisaient les pays à la misère pour obtenir quelques financements pour essayer de se développer. Alors que là c’est une espèce de co-développement, entre toutes sortes de pays qui décident ensemble d’échapper à la tutelle des grandes puissances occidentales, en particulier du dollar. Marianne Dunlop précise « qu’on ne peut pas non plus supplanter le dollar du jour au lendemain. Le but des chinois n’est pas non plus de faire couler les économies ni de tuer ses partenaires, au contraire, la Chine essaye d’éviter à tous prix les guerres commerciales, et les guerres tout court. Puisque ceux qui ont intérêt à la guerre sont ceux qui justement, dans cette confrontation dont on vient de parler, sont les perdants. Ils veulent renverser l’échiquier, ils veulent faire la guerre car vous le savez, l’impérialisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. Donc les BRICS, je pense qu’on en parlera de plus en plus », insiste Marianne Dunlop qui en profite pour développer quelques aspects coopératifs entre les pays des BRICS, notamment en ces temps de sanctions, en prenant l’exemple de l’Inde et de la Russie, l’Inde se retrouvant par exemple aujourd’hui en mesure d’apporter de l’aide à la Russie sur le plan de l’innovation technologique et l’IA, ce qui est aussi une forme de renversement par rapport à l’histoire de ces deux pays.

Pour Marianne Dunlop, la propagande antichinoise est contre-productive. « Actuellement, dit-elle nous sommes en perte de vitesse, la France est désindustrialisée, la population est, pense-t-elle, catastrophée et il faut absolument trouver un bouc-émissaire. Et évidemment c’est bien facile de trouver un bouc-émissaire à l’étranger. Mais, la désindustrialisation et les délocalisations, ce ne sont pas les chinois qui les ont réclamées, ce sont les capitalistes qui ont cherché de la main-d’œuvre à bon marché à l’étranger, et aussi qui ont aussi exporté leur pollution. La Chine est d’ailleurs le pays, souligne Marianne Dunlop, qui fait le plus d’efforts dans le domaine de l’écologie et l’environnement, notamment avec la reforestation, la protection des espèces, l’électrification des véhicules etc. Les mensonges sur la Chine visent à faire monter la tension. C’est une vielle recette des capitalistes que de détourner la colère des travailleurs, des peuples, contre la crise de ce système, vers un ennemi extérieur…

Ces mensonges visent aussi, insiste Marianne Dunlop, à compromettre toute idée de socialisme et c’est peut-être la chose la plus importante d’ailleurs, c’est-à-dire d’éviter que l’on parle du socialisme. Une autre chose importante, la Chine ne peut pas être une puissance impérialiste parce qu’il n’y a plus de place. Le système mondial s’est instauré petit à petit à travers la première guerre mondiale puis la deuxième guerre mondiale etc. Un pays qui voudrait devenir impérialiste du jour au lendemain il ne le pourrait pas, on ne devient pas impérialiste du jour au lendemain parce qu’on le veut. Je pense, dit Marianne Dunlop, que dans les années 90 en Chine il y a eu un flottement, entre 2000/2010, en tous cas il y a eu un moment où l’Occident espérait que la Chine allait redevenir une démocratie de type occidental, que le capitalisme allait triompher etc. et il y a eu surement en Chine des gens qui le pensaient et le souhaitaient. Mais en fait même s’ils l’avaient voulu cela n’aurait pas été possible, parce qu’ils n’auraient pu l’être qu’en état de périphérie, sous la forme d’une dépendance des impérialismes dominants ».

Pour Jérémie Giono, secrétaire fédéral, « tant que les chinois produisaient, pour simplifier, à bas coût et sans trop de normes, dans cette stratégie pensée mais pas forcément comprise par l’Occident de récupérer les transferts de technologies, il n’y avait pas de problème… La différence pour les chinois avec les autres pays émergents, ça a été de ne pas être pris pour des subalternes, d’accepter ce stade mais pour récupérer de la technologie et se hisser à un haut niveau de développement. C’est peut-être ça la singularité chinoise. Mais tant qu’on était dans cette phase-là, c’est frappant, personne ne se plaignait dans la bourgeoisie. Quand on ré-ouvre la presse d’alors, on avait des éloges de la Chine etc. Et en fait aujourd’hui on voit bien que c’est justement parce que la Chine a eu une trajectoire qui n’avait pas vocation à rester dans le côté « subalterne », que ça regimbe un petit peu et qu’il y a une conflictualité parce qu’on sort des logiques de domination ».

Sollicitée pour conclure son exposé et résumer en une phrase cette étude collective avec le livre « Quand la France s’éveillera à la Chine », Marianne Dunlop convoque Lénine qui disait : « Etudiez, étudiez et encore étudiez ! »

L’échange avec la salle n’a éludé aucune question, qu’il s’agisse des droits de l’homme, du syndicalisme, de la démocratie, du rôle du parti communiste. Marianne Dunlop a répondu en resituant le débat sur la réalité des faits à l’opposé de la propagande antichinoise, que ce soit sur les ouïghours aujourd’hui, les tibétains hier et en invitant à se documenter. Concernant le prétendu génocide des ouïghours, Marianne Dunlop rappelle que la population ouïghoure a doublé en Chine depuis les années 2000 et que cela ne cadre pas vraiment avec un « génocide » … Ayant passé un an au Xinjiang, Marianne Dunlop conteste tout aussi la notion de « génocide culturel » et affirme avoir constaté la présence dans cette province de librairies, et donc livres y compris pour les enfants, en langue ouïghoure, tout comme elle conteste toute persécution religieuse contre les ouïghours et toute autre religion d’ailleurs. Marianne Dunlop a rappelé le contexte politique, et notamment les attentats terroristes visant entre autres choses à la séparation de cette province. La Chine, comme tout pays prend très au sérieux la question du terrorisme et de la sécurité au quotidien. La Chine agit en conséquence, et reste d’autant plus vigilante lorsque ces opérations terroristes sont soutenues par des forces étrangères…

Sur le syndicalisme, Marianne Dunlop souligne que « son taux est très élevé et que la Chine pousse à l’implantation de syndicats, y compris dans les entreprises étrangères qui s’installent chez elle, comme Walmart par exemple qui a dû accepter une présence syndicale, ce qu’elle ne supporte pas aux Etats-Unis ». Pour information, on recense actuellement en Chine 2 665 000 organisations syndicales de base, qui comptent 280 millions de membres : c’est la plus grande organisation de masse du pays, et la plus grande organisation syndicale au monde. En tant que force importante dans l’édification et le développement du socialisme à la chinoise, les syndicats jouent un rôle important dans la vie économique, politique et sociale du pays (La Pensée, n°379-2014, Zhang Wencheng).

Marianne Dunlop indique que le rôle des syndicats intervient généralement en amont des problèmes plutôt qu’en aval, et que par ailleurs ces mêmes syndicats n’hésitent pas à se mettre en grève s’il le faut, notamment dans les entreprises étrangères et avec le soutien du parti communiste.

Sur le parti communiste chinois, Marianne Dunlop précise qu’il est, depuis l’arrivée de Xi Jinping, plus politisé, plus en phase avec la population et les objectifs globaux de développement du pays, ce qui est le fruit d’un travail interne théorique et politique énorme effectué en une quinzaine d’années.

Concernant la démocratie, Marianne Dunlop insiste sur le fait que « la liberté d’information est absolument gigantesque, inimaginable d’ailleurs, et une information qui est absolument excellente avec une très grande ouverture sur le monde, pas seulement la dimension occidentale, mais aussi l’Afrique à laquelle les chinois s’intéressent sincèrement et profondément ». Là aussi, il y eu des progrès ces dernières années en Chine sur l’ouverture aux autres pays et continents. « Les chinois s’ouvrent au maximum pour être aux aguets de tout ce qui passe dans le monde entier, et c’est ça qui leur donne un avantage, plutôt que de s’enfermer avec des murs. Et sur la démocratie, je peux dire aussi, conclut Marianne Dunlop, qu’on peut la constater dans la vie quotidienne avec la manière dont les chinois se comportent entre eux et avec les autres. C’est-à-dire que la discussion, le compromis, les palabres, ça montre qu’ils ont l’habitude de prendre des décisions collectivement, que chacun a l’habitude de s’exprimer librement et que c’est quelque chose qui fonctionne et qui doit fonctionner aussi dans l’entreprise ».

Différentes personnes ont fait part lors de ce débat de leur expérience positive de la Chine, soit à travers le tourisme, soit plus précisément dans le cadre de leur vie professionnelle. C’est ainsi qu’une intervenante, « travaillant depuis plus de vingt ans au Bénin très régulièrement » constate l’implantation « d’infrastructures incroyables offertes par la Chine pour le développement économique du Bénin ». Nombre d’occidentaux travaillant au Bénin et raillant cette réalité « cherchent à savoir quelle est la contrepartie. Et nos amis béninois, poursuit-elle, nous disent qu’il n’y a pas de contrepartie et que quand bien même les chinois achèteraient les terres ils ne vont pas les mettre dans leurs avions. La seule chose que j’ai vue, poursuit l’intervenante, à propos de l’ouverture, c’est quand même de petits chocs culturels dans certains espaces de travaux, entre le rythme de travail béninois et le rythme de travail chinois. Elle conclut en interrogeant Marianne Dunlop sur ce don sans réciprocité « qui nous parait, à nous, dans notre monde capitaliste occidental invraisemblable ». Très touchée par ce témoignage Marianne Dunlop évoque les années 1990 et les dérives libérales chinoises pendant lesquelles les chinois qui avaient fait fortune notamment à l’étranger, offraient des infrastructures (hôpital, stade, lycée…) à leur village natal. « C’était humanitaire, ce n’est plus le cas aujourd’hui » précise Marianne Dunlop, qui insiste sur le fait que les chinois trouvent effectivement « leur intérêt dans le développement de pays d’Afrique comme le Bénin, parce que l’Afrique est très riche. L’Afrique est très riche mais on l’a empêchée de se développer pendant des décennies et elle est en train de se développer et je pense que les chinois, pour leur développement ont besoin du développement des autres, c’est-à-dire qu’ils ont intérêt à avoir en face d’eux des pays développés ».

Plus globalement, lors de ce débat avec la salle, Marianne Dunlop a rappelé « qu’on est dans une période de bouleversement intense, on pourrait tout aussi bien dire de guerre de basse intensité, mais on est dans une situation très grave, préoccupante, mais qui est pleine de possibilités, de potentialités. En fait c’est une occasion en or où on pourrait faire des choses extraordinaires. Et je pense, poursuit-elle, que les communistes français devraient vraiment se mobiliser, dire et répondre autour d’eux qu’il ne faut pas taper sur la Chine mais taper sur nos propres capitalistes, c’est plus important, mais aussi de bien comprendre dans le monde d’aujourd’hui qui sont nos alliés, qui sont nos ennemis, et vers où on va, parce que les choses vont se précipiter, un petit peu comme la tectonique des plaques et je pense qu’on a intérêt à savoir où on met les pieds. Donc je pense que là il faut vraiment qu’on fasse un grand travail théorique ».

D’où l’intérêt de telles rencontres autour du livre « Quand la France s’éveillera à la Chine », à multiplier. Le fait que Marianne Dunlop n’ait pu, et en toute honnêteté, approfondir les questions économiques par exemple, en renvoyant à ses co-auteurs et sa co-autrice, m’incite à penser que les militants communistes devraient intervenir pour exiger que se tienne à la prochaine université d’été, voire au congrès et/ou à la fête de l’Humanité sur le stand du conseil national, un débat autour des ce livre et de ses enjeux avec la participation des quatre auteurs/autrices. Et Jérémie Giono serait très bien pour animer ce débat…

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