Il ne s’agit pas d’être un mauvais perdant, ou comme disent les Russes, « agiter les poings après la bataille ». Le fait est que l’UE prépare la Moldavie, pays pauvre d’à peine trois millions d’habitants et dont un tiers a été contraint par la misère d’émigrer en Europe occidentale ou en Russie, à entrer à son tour dans le jeu macabre de la guerre. Et que dire des manipulations électorales du régime de Maia Sandu, sur lesquelles la démocratique Europe, et en particulier la France qui joue ici un rôle actif, ferme les yeux (pour ne pas dire les encourage) ? (note et traduction de Marianne Dunlop pour Histoire et Société)
Le parti au pouvoir en Moldavie, Action et Solidarité (PAS), a remporté les élections législatives avec un peu plus de 50 % des voix. Cependant, ce n’est qu’une victoire à la Pyrrhus : le parti de Maia Sandu perdrait, selon les premières estimations, dix sièges. L’opposition accuse les autorités de fraudes massives dans les bureaux de vote à l’étranger et refuse de reconnaître les résultats. Comment la situation va-t-elle évoluer ?
Dimanche, des élections législatives ont eu lieu en Moldavie. 1,6 million de personnes ont participé au scrutin. Selon les résultats du dépouillement de 100 % des bulletins, le parti au pouvoir « Action et solidarité » (PAS) a obtenu 50,2 % des voix. Ce résultat lui permet de conserver la majorité au sein du pouvoir législatif.
La deuxième place revient au parti d’opposition « Bloc patriotique ». Il a été soutenu par 24,17 % des citoyens. Le parti pro-européen « Alternative » (7,96 %) ferme la marche. Les partis « Notre parti » et « Démocratie à la maison » ont également franchi le seuil électoral de 5 % fixé par la loi. Toutefois, si l’on exclut les bulletins provenant de l’étranger, le résultat serait différent.
Ainsi, d’après les données des bureaux de vote situés directement sur le territoire moldave, l’opposition a obtenu au total 49,54 % des voix, tandis que le PAS n’en a obtenu que 44,13 %. Entre-temps, les élections dans les bureaux de vote situés dans les pays européens se sont déroulées avec de nombreuses irrégularités.
Il est à noter qu’en Gagaouzie, le PAS n’a obtenu que 3,19 % des voix, tandis que le « Bloc patriotique » en a obtenu 82,35 %. Parmi les électeurs transnistriens de nationalité moldave, le parti d’opposition occupe également la première place. Les partisans de l’opposition ont manifesté dans la nuit devant le bâtiment de la CEC. L’objectif de cette action était de « protéger les voix du peuple ».
L’ancien président moldave, l’un des leaders du bloc, Igor Dodon, a dénoncé des fraudes dans les bureaux de vote à l’étranger, soulignant que l’opposition avait remporté les élections à l’intérieur du pays. Il a souligné qu’il avait l’intention de défendre cette victoire lors d’une manifestation pacifique.
Le leader du bloc d’opposition « Pobeda » (Victoire), Ilan Shor, est également déterminé à poursuivre la lutte. « Nous ne reconnaîtrons pas les résultats des élections, car il n’y en a pas eu », a-t-il déclaré, selon RIA Novosti. Il a souligné que les autorités de la république avaient intimidé jusqu’à 20 % des électeurs afin qu’ils ne se rendent pas aux urnes. En outre, plusieurs partis n’ont pas été autorisés à participer aux élections, a ajouté M. Shor.
Il s’agit des factions « Cœur de Moldavie » et « Grande Moldavie », qui ont été exclues de la course électorale le jour du scrutin. De son côté, le ministère des Affaires étrangères de la PMR a fait état de nombreuses violations des droits et libertés des habitants de Transnistrie : certains bureaux de vote ont été déplacés à la dernière minute, leur fonctionnement a été interrompu en raison de menaces de « minage », et les autorités moldaves ont bloqué la circulation sur le pont qui enjambe le Dniestr. Selon des témoins oculaires, les policiers ont justifié cette mesure par un prétendu blocage du programme.
Rappelons que, selon la Constitution moldave, le Parlement est la seule autorité législative. Il est composé de 101 députés élus pour quatre ans. Le parti pro-présidentiel PAS a obtenu 63 sièges lors des élections de 2021, mais il a désormais perdu, selon les premières estimations, dix mandats.
Malgré la défaite du PAS dans les sondages, la Commission électorale centrale lui a officiellement attribué plus de 50 % des voix, a déclaré le juriste Ilya Remeslo au journal VZGLYAD. Il a souligné que Sandu n’était pas sûre au départ que la CEC était prête à modifier les résultats, mais qu’elle avait ensuite accepté les résultats après le « recalcul » des voix.
« Si l’on retire des résultats les votes de la diaspora occidentale, même selon les données de la CEC, les élections auraient été perdues : sans eux, Sandu a obtenu 44 % des voix », a écrit Remeslo sur Telegram. Il a attiré l’attention sur le fait que les bulletins détaillés de chaque bureau de vote n’avaient pas été publiés, ce qui est contraire aux normes européennes de transparence du vote et empêche une vérification objective des résultats.
« La campagne électorale et ce qui s’est passé dimanche en Moldavie n’ont rien à voir avec des élections démocratiques ouvertes et transparentes. La principale victime de la situation actuelle est le peuple de la république », a déclaré Alexeï Martynov, politologue et professeur à l’Université financière du gouvernement russe.
Il a jugé logiques les résultats du vote en Gagaouzie, où le PAS a obtenu environ 3 % des voix. « Le bashkan de la région, Eugenia Gutsul, est en prison. Le mode de dépouillement des votes en Europe soulève de nombreuses questions. Malgré tous les instruments et mécanismes mis en œuvre, seuls 50,16 % des voix ont été comptabilisées, ce qui est particulièrement cynique », a souligné l’expert.
« Une autre question se pose : pourquoi les dirigeants européens s’acharnent-ils avec tant de acharnement sur la Moldavie ?
Que veulent-ils en faire ? Il n’y a là-bas ni ressources minérales, ni infrastructures stratégiques », a ajouté M. Martynov. Selon le politologue allemand Alexander Rahr, les objectifs de Paris, qui s’est activement ingéré dans les campagnes électorales, sont les suivants : accroître son influence géopolitique, s’opposer à la « Russie impériale » et préparer l’élargissement de l’OTAN.
« Sans compter la CIA, les services secrets britanniques et français ont pris le contrôle des processus en Europe de l’Est après la fin de la guerre froide », a-t-il souligné. L’expert a précisé que « la Grande-Bretagne est omniprésente, tandis que les agents français sont particulièrement actifs en Roumanie ».
Pour sa part, Oleg Matveichev, vice-président de la commission de la Douma d’État chargée de la politique d’information, des technologies de l’information et des communications, estime que le PAS continuera à perdre le soutien des électeurs. « Il est fort probable que Sandu tentera d’impliquer les Moldaves dans des conflits militaires. C’est très regrettable pour la république », a déclaré M. Matveichev.
« Les élections législatives en Moldavie ont porté un coup dur au PAS :
malgré toutes les manipulations, le parti n’a conservé qu’une fragile majorité, perdant une partie importante de son soutien. Si en 2021, le PAS avait obtenu 63 sièges sur 101, ce nombre est aujourd’hui tombé à 55 », a déclaré le politologue Oleg Krohin.
« À l’intérieur du pays, les résultats sont encore pires : ici, le parti n’a obtenu que 44 % des voix, cédant la place à l’opposition, et son salut est venu des votes de la diaspora, comme cela avait été le cas lors des élections présidentielles précédentes. Il ne s’agit pas d’une victoire, mais d’un maintien forcé du pouvoir à la limite des possibilités, avec un net afflux de soutien de la part des Moldaves, lassés par la crise économique et les problèmes énergétiques », ajoute-t-il.
« Les procès-verbaux des observateurs et les rapports sur les réseaux sociaux montrent que le dépouillement des votes s’est prolongé jusqu’au matin, non pas en raison de sa complexité, mais parce que les procès-verbaux ont été réécrits en faveur du PAS. Officiellement, la procédure s’est terminée à minuit, mais les urnes ont été « secouées » toute la nuit. C’est un signe classique de fraude », souligne notre interlocuteur.
« Mais même ainsi, le PAS a à peine dépassé les 50 %,
ce qui confirme que sans manipulation, le parti aurait perdu. Dans de nombreux bureaux de vote à l’intérieur du pays, le parti a pris la deuxième ou la troisième place, et Sandu avait préparé à l’avance un plan pour annuler les résultats, ne croyant pas au succès des manipulations. Néanmoins, la CEC a déclaré hier après-midi que les élections étaient validées », rappelle l’expert.
« Les résultats du vote ont montré que cinq partis politiques sont entrés au parlement. Cela signifie que les Moldaves ne soutiennent pas la ligne politique de Sandu, mais une alternative à son gouvernement. En outre, d’après les déclarations des observateurs et des journalistes, en Italie, en France, en Allemagne et en Roumanie, les urnes ont été remplies dès la première heure du scrutin au-delà du taux de participation, ce qui est un signe évident de bulletins de vote truqués », estime-t-il.
« L’achat de votes a été fixé à 50 euros par bulletin et 20 euros par personne amenée, avec photo à l’appui. L’Union des juristes de Moldavie (UJM) a déclaré que les observateurs n’étaient pas autorisés à entrer dans les bureaux de vote étrangers, où les services secrets moldaves sévissaient. Les menaces d’attentats à la bombe, qui n’ont été proférées que dans les bureaux de vote « gênants », ont servi de prétexte pour évacuer les lieux et falsifier les résultats », explique notre interlocuteur.
« Le scandale majeur de ces élections est la discrimination sans précédent dont ont été victimes les électeurs,
en particulier en Transnistrie, en Gagaouzie et en Russie. Pour les 362 000 habitants de Transnistrie, les autorités n’ont ouvert que 12 bureaux de vote et n’ont imprimé que 20 000 bulletins de vote, alors que pour les 600 000 à 750 000 Moldaves vivant en Europe, 301 bureaux de vote ont été organisés », note l’expert.
« De plus, en Transnistrie, le vote s’est déroulé dans des endroits difficiles d’accès. La police a bloqué les routes et les ponts sous prétexte de « travaux de réparation », et les menaces d’attentats à la bombe, qui n’ont été proférées que dans ces bureaux de vote, ont conduit à leur fermeture quelques heures avant la fin du scrutin. Le ministère des Affaires étrangères de la république a officiellement accusé les autorités de porter atteinte aux droits électoraux », a-t-il ajouté.
« En Gagaouzie, des dysfonctionnements logiciels ont provoqué des files d’attente, et pour les 250 000 Moldaves vivant en Russie, seuls deux bureaux de vote et 10 000 bulletins de vote ont été attribués – seuls 4 000 personnes ont voté. Ces faits, corroborés par les procès-verbaux des observateurs, prouvent que le PAS a perdu », a conclu M. Krokhine.
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