Que restera-t-il de nous dans cent ans. Les mots déjà usent la réalité, celui de « communiste » n’est plus d’usage, les artistes et les intellectuels, même les ouvriers et les paysans auraient été réprimés parce qu’ils étaient de « gauche ». On voit à la rigueur la « civilisation », l’anthropologie mais jamais en quoi la rencontre avec le marxisme léninisme a été et reste fructueuse, comment et pourquoi les peuples autochtones brisés par le colonialisme, l’impérialisme, leur histoire volée et violée l’ont retrouvé dans le sillage de l’immense épopée bolchevique… Encore aujourd’hui à propos de la Chine, nous occident sans communistes, sans parti soucieux de notre propre héritage, nous bradons tout le passé et sommes donc incapables de comprendre le présent et le futur. Celui-ci se lit dans les grands récits mais aussi et c’est qui m’intéresse dans les vies brisées dont je partage les brisures qui sont autant d’étoiles lumineuses dans la nuit qui est la nôtre. J’ai partagé la violence de Frida contre ces intellectuels de gauche de mes deux, ce « music hall des âmes nobles » mais aujourd’hui j’éprouve une étrange indulgence : il est évident qu’il n’y a pas la moindre « chose » qui de près ou de loin ressemble au parti communiste tel que je l’ai connu, mais en revanche la sagesse est de ne pas détruire le peu qui se fait… Je n’ai plus le luxe du mépris dans ces temps « défaits » il y a trop de nécessiteux, il faut tenter de sauver ce qui peut l’être en France, mais en sachant que l’Histoire déjà là se construit ailleurs autrement et qu’il faut ouvrir les vannes entre ceux qui déjà se rejoignent, ils sont plus nombreux que l’on ne le croit.
On sait que Frida Kalho et de son époux le très grand peintre Diego Rivera accueillirent Trotski lors de son exil au Mexique, il devint même brièvement l’amant de cette dernière. Pour autant ignorer à quel point ces deux artistes n’ont jamais renié l’URSS y compris « stalinienne » serait une hérésie. Nous sommes devant un autre continent, une histoire d’une violence inouïe mais aussi de données anthropologiques qui remontent sans cesse à la surface à partir desquelles nous devons comprendre l’adhésion jamais reniée au communisme dit « stalinien » et même le mépris de ces artistes pour la superficialité attribuée à Breton et aux surréalistes dans leur phase antistalinienne. La photographe mexicaine Gracia Iturbide a su saisir l’extraordinaire modernité de ce mausolée à la gloire de son épouse clos à sa mort par Diego. Une autre version de la plaie et le couteau d’Aragon. Nous avons vécu un temps de confusion et de contre-révolution dont nous ne sortons pas à l’identique : il faut reprendre l’Histoire dans ce qu’elle a de plus grand, la peine et le corps des êtres humains, le matérialisme et le combat. Quand j’ai découvert cette exposition aux journées de la photographie à Arles il y avait en Hongrie dans le pays du très conservateur Orban une exposition sur Frida Khalo, la communiste qui provoquait des protestations de l’extrême-droite dénonçant une apologie du communisme. Il est vrai que Lukacs lui était toujours plus ou moins interdit.

La formidable photographe mexicaine Graciela Iturbide a réalisé une exposition sur « El baño de Frida Kahlo« qui avait été montré aux journées d’Arles.
Depuis 50 ans la salle de bain de l’artiste était scellée selon la volonté de son mari Diego Riviera. La directrice de la maison-musée de Frida a ouvert les portes de ce temple de faïence à l’œil merveilleusement profanateur de Iturbide. Sobriété de chambre funéraire, souvenirs de la douleur du corps infirme, corsets, béquilles, drogues, appareillage rustique pour avortement, affiches communistes… On se croirait dans un tableau de la mexicaine, une ultime installation post mortem témoignant de ses expériences, angoisses et fantasmes. Tout est capté avec le sens du morbide, du hiératique et du sanglant dont l’une et l’autre, peintre et photographe, sont les expertes.
Voici ce que Frida pensait des « surréalistes » comme Breton en 1939, Frida Kahlo parle de Breton et des surréalistes dans une lettre à son amant le photographe Nikolas Murray :
» Tu n’as pas idée du genre de salauds que sont ces gens. Ils me donnent envie de vomir. Je ne peux plus supporter ces maudits « intellectuels » de mes deux. C’est vraiment au-dessus de mes forces. Je préférerais m’asseoir par terre pour vendre des tortillas au marché de Toluca plutôt que de devoir m’associer à ces putains d’« artistes » parisiens.
Ils passent des heures à réchauffer leurs précieuses fesses aux tables des « cafés », parlent sans discontinuité de la « culture », de l’ « art », de la « révolution » et ainsi de suite, en se prenant pour les dieux du monde, en rêvant de choses plus absurdes les unes que les autres et en infectant l’atmosphère avec des théories et encore des théories qui ne deviennent jamais réalité.
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Le lendemain matin, ils n’ont rien à manger à la maison vu que pas un seul d’entre eux ne travaille. Ils vivent comme des parasites, aux crochets d’un tas de vieilles peaux pleines aux as qui admirent le « génie » de ces « artistes ». De la merde, rien que de la merde, voilà ce qu’ils sont. Je ne vous ai jamais vu, ni Diego ni toi, gaspiller votre temps en commérages idiots et en discussions « intellectuelles » ; voilà pourquoi vous êtes des hommes, des vrais, et pas des « artistes » à la noix. Bordel !
Ça valait le coup de venir, rien que pour voir pourquoi l’Europe est en train de pourrir sur pied et pourquoi ces gens — ces bons à rien sont la cause de tous les Hitler et les Mussolini. Je te parie que je vais haïr cet endroit et ses habitants pendant le restant de mes jours. Il y a quelque chose de tellement faux et irréel chez eux que ça me rend dingue. »
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