Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La reprise des essais nucléaires de Trump est une gaffe présentée comme une force

Nous profitons du Week- end pour aider un lectorat critique et perspicace à vérifier la justesse de la remarque de Lénine (qu’il vaut mieux avoir lu avant de le citer) à savoir qu’il y a plus à glaner pour un révolutionnaire chez l’adversaire capitaliste que dans la littérature insipide d’une gauche qui se drape dans les bons sentiments et l’ignorance des causes et des conséquences. Sans parler de la propagande ordinaire de nos « élites » politico- médiatiques franco-belges derrière l’otan requinquée par la « gaffe présidentielle ». L’expédition de Trump en Asie a déclenché chez les investisseurs et même les chefs d’etat asiatique un grand désarroi, celle de gens lucides, qualité visiblement faisant défaut à la quasi totalité des commentateurs et politiciens français, et ils disent assez unanimes que l’approche de Trump en matière de politique d’armement nucléaire privilégie systématiquement et dangereusement les gestes dramatiques à la stratégie réfléchie… Certes l’arsenal nucléaire américain a pris du retard et est largement obsolète, l’empire ,n’a plus les moyens de couvrir l’espace qu’il s’est donné alors que la Chine encerclée de bases a mis au point ultrarapidement un potentiel capable de frapper les Etats-Unis. Ceux-ci qui sont à ce jour les seuls à avoir utilisé le feu nucléaire contre des populations civiles, et mener des guerres, des blocus et sanctions qui ne fasse plus la distinction entre terrain de bataille et population désarmée, la guerre hors limite selon l’expression consacrée, se retrouvent à leur tour encerclés… , mais cela ne justifie pas une reprise des essais d’armes nucléaires. Ni d’ailleurs les récentes propositions franco belges d’aller directement raser Moscou (1).. Du côté des « spécialistes » US, la question est comment peut-on sortir de ce guêpier ? A chaque fanfaronnade de Trump, la Russie répond en avançant ses propres atouts en la matière et exprime calmement une mise en échec puisque le roi est cerné et qu’il ne lui reste plus beaucoup de coups avant d’être échec et mat. Alors même que la partie principale engagée avec la Chine a débouché sur un « je vois la mise » et la main n’est pas bonne…

(1) Notons que ce bellicisme francophone repose sur trois propositions qui chacune au prix de contorsions et censures systématiques peuvent être défendues séparément mais pas ensemble:

  • 1. la Russie derrière le méchant Poutine a pour but d’envahir toute l’Europe et il faut tout sacrifier à cette menace dont personne ne dit les raisons si ce n’est que nous avons face à nous un nouvel Hitler comme pour Milosevic, saddam Hussein et Khaddafi, la paix et la démocratie régneront quand on l’aura mis hors d’état de nuire : on connaît le refrain et ce qu’il est advenu de telles expéditions et encore ces « monstres » n’avaient pas le feu nucléaire… Le tout en suivant un régime corrompu derrière un personnage en proie à des addictions et à la corruption dont l’entourage et la garde prétorienne ne dissimule pas ses sympathies pour les héros nazis et qui mène depuis 2014 une répression terrible y compris contre les civils dans le Don bass.
  • -2. La Russie est en échec et la petite Ukraine est sure de gagner si nous l’alimentons en armes que nous n’avons pas et dont les USA ne sauraient se passer pour leur propre usage pendant deux ou trois ans. bref à leur manière ils découvrent Mao et la guerre prolongée mais à rebours ce qui leur assure la désertion populaire et donc une issue défavorable. La Chine qui connait ses classiques ne dit rien d’autre et il faudrait l’entendre.
  • 3) Nous avons nous européens bien plus de moyens financiers et donc militaire de vaincre l’ignoble moscovite. Ceci est dit alors que se livre en France dans une des nations riches de cette UE dans laquelle se multiplient les tensions du sous développement, une « bataille pour faire payer « la dette » considérée comme abyssale mais qui par la vertu de la Constitution détache les options militaires de la compétence parlementaire. Le tout alors que nul ne sait comment va se constituer le dit arsenal et ce que donnera dans l’immédiat l’engagement à côté d’un pays en faillite qui est en train de perdre sur le terrain, sinon une afghanisation de l’Ukraine, et une « ukrainisation » de l’UE. Certes le ministre des affaires étrangères belge, qui il est vrai a « le privilège » d’abriter à Bruxelles le siège de l’OTAN, va encore plus loin que notre Barrot et rase déjà Moscou mais c’est l’humour belge sans doute, l’art d’en rajouter dans les stupidités françaises.. (noteet traduction de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

par Leon Hadar30 octobre 2025

L’arsenal nucléaire américain a pris du retard, mais cela ne justifie pas une reprise des essais d’armes nucléaires. Ni d’ailleurs les récentes propositions franco belges d’aller directement raser Moscou Image : Département américain de l’énergie

L’annonce du président Trump selon laquelle les États-Unis reprendront les essais d’armes nucléaires après un moratoire de 33 ans représente précisément le genre de réponse réflexive et musclée qui se substitue à la stratégie de l’establishment de la politique étrangère de Washington.

Prise quelques heures avant sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping, cette décision parvient à saper les intérêts américains tout en fournissant à Pékin et à Moscou précisément les munitions diplomatiques qu’ils recherchent depuis longtemps.

La justification du président – selon laquelle nous devons tester « sur un pied d’égalité » avec d’autres pays – repose sur un ensemble d’affirmations douteuses. Le récent essai par la Russie du missile de croisière à propulsion nucléaire Burevestnik impliquait le système de vecteur, et non une détonation nucléaire.

Le dernier essai d’arme nucléaire connu de la Chine a eu lieu en 1996. La Corée du Nord, la seule nation à avoir procédé à des essais nucléaires ces dernières années, n’est pas la norme par laquelle l’Amérique devrait calibrer sa posture stratégique.

Ce que Trump a fait, intentionnellement ou non, c’est donner une victoire de propagande à Pékin et à Moscou tout en accélérant potentiellement la concurrence nucléaire à laquelle il prétend répondre.

Les États-Unis maintiennent leur supériorité nucléaire non pas par des essais explosifs, mais par une modélisation informatique sophistiquée et des expériences sous-critiques – des technologies dans lesquelles nous possédons un avantage écrasant. En reprenant les essais, nous invitons nos rivaux à combler les lacunes de leurs capacités tout en gaspillant la supériorité morale qui découle de la retenue.

Le timing trahit la vacuité de cette décision. L’annonce d’une reprise des essais nucléaires quelques heures seulement avant de s’asseoir avec le président chinois Xi suggère qu’il s’agissait moins d’une véritable nécessité stratégique que d’une posture théâtrale – le genre de signal bon marché qui fonctionne bien sur les médias sociaux mais complique la diplomatie réelle.

On peut se demander comment le président compte négocier sérieusement sur le commerce, Taïwan ou la stabilité régionale tout en intensifiant les tensions nucléaires. De plus, cette décision sape des décennies d’efforts américains pour renforcer le régime mondial de non-prolifération.

S’il est vrai que le Sénat n’a jamais ratifié le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, les administrations successives des deux partis ont reconnu que la retenue volontaire de l’Amérique servait nos intérêts en décourageant les essais effectués par d’autres. Ce consensus bipartisan, forgé par un examen minutieux des réalités stratégiques, a maintenant été écarté avec désinvolture.

La tendance générale ici est troublante. L’approche de Trump en matière de politique nucléaire – qu’il s’agisse de menacer la Corée du Nord de « feu et de fureur », de se retirer de l’accord nucléaire iranien ou de reprendre les essais d’armes – privilégie systématiquement les gestes spectaculaires à la stratégie patiente. Le problème avec la politique étrangère pyrotechnique est que d’autres nations réagissent de la même manière, créant une dynamique d’escalade qui ne sert les intérêts de personne.

Ce qui rend cela particulièrement frustrant, c’est que les États-Unis sont confrontés à de véritables défis dans la gestion de la concurrence stratégique avec la Chine et la Russie. L’expansion rapide de l’arsenal nucléaire de Pékin mérite une attention et une réponse sérieuses.

Mais cette réponse devrait impliquer le renforcement de la dissuasion par le biais de capacités conventionnelles, le renforcement des alliances et le maintien de l’avance technologique qui rend l’arsenal nucléaire américain crédible sans essais explosifs. Au lieu de cela, les États-Unis choisissent une voie qui accélérera probablement le développement nucléaire chinois tout en fournissant une couverture aux violations russes des normes de contrôle des armements.

L’ironie est riche : un président qui a fait campagne contre les guerres sans fin et l’interventionnisme imprudent vient de prendre une mesure qui rend la prolifération nucléaire plus probable et la stabilité stratégique moins certaine. Ce n’est pas « la paix par la force », c’est l’instabilité par l’impulsivité.

Si le Congrès conserve un rôle significatif en matière de guerre et de paix, il devrait exiger des réponses sur la justification stratégique de cette décision, ses conséquences potentielles et si d’autres approches ont été sérieusement envisagées. Le pouvoir de reprendre les essais nucléaires après trois décennies de retenue ne devrait pas reposer sur un seul post impulsif de Truth Social.

La question n’est pas de savoir si l’Amérique possède suffisamment d’armes nucléaires, c’est le cas. La question est de savoir si les États-Unis possèdent suffisamment de sagesse stratégique pour exercer ce pouvoir de manière responsable. Sur cette mesure, l’annonce de Trump cette semaine offre une réponse décourageante.

Cet article a été publié à l’origine dans le Global Zeitgeist de Leon Hadar et est republié avec l’aimable autorisation. Devenez abonné ici.

Views: 35

Suite de l'article

1 Commentaire

  • Xuan
    Xuan

    Les contorsions et censures systématiques des bellicistes européens sont en effet contredites pas les faits. A tel point que ce matin Antenne2 titrait « La ville de Pokrovsk sur le point de tomber ».
    Le préposé aux affaires internationales, tout en affirmant des dizaines de milliers de morts côté russe, avouait que la presse ukrainienne préparait depuis plusieurs jours déjà le public à cette finalité, pour une ville quasi encerclée et à « un contre huit », tout comme Koupiansk.
    Ce qui permettrait à Poutine de conquérir « à terme l’oblast de Donetzk qui forme avec celui de Louhansk la région du Donbass. Il veut une victoire importante avant toute négociation » … « d’abord à l’attention de son peuple il veut une victoire à la soviétique, un peu comme la bataille de Stalingrad en février 1943 face aux nazis»… sic.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.