Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La longue marche vers un monde multipolaire rencontre-débat avec Danielle Bleitrach, 21 octobre, librairie Terre des livres, Lyon

C’est assez unique comme situation. Entre le moment où je commence la publication des articles du matin et la publication de ce dernier article, le gouvernement, qui avait mis quinze jours a être formé vient de s’auto-dissoudre au bout de 15 heures. Alors, cette annonce de débat, avec Danielle Bleitrach, fondatrice du blog et infatigable animatrice de la réflexion collective de ses coauteurs et lecteurs vient à point nommé. C’est notre texte fondamental du jour. Il nous faut désormais, comme le souligne Danielle « reconstruire une approche collective face aux défis de notre temps ». Le peuple a montré sa détermination à agir sur le cours des événements et c’est cette force seule qui désagrège le système politique bien rodé par lequel la bourgeoisie gouverne, opprime et mène notre pays dans l’abîme. Mais l’instinct de classe et le sens profond de l’intérêt de la nation, si puissants en France, ne peuvent suffire à surmonter tous les obstacles que les classes dominantes, nationales et internationales vont jeter sur la route pour essayer de dévier le mouvement collectif et le jeter dans le fossé. C’est le sens de l’appel au débat que nous formulons, non dans la perspective du débat seul mais bien dans l’objectif de « dépasser les stéréotypes » et de surmonter « les divisions qui nous paralysent » afin de donner à l’action collective l’ampleur et l’ambition nécessaires au succès, à la transformation sociale profonde de notre pays et du monde (note de Franck Marsal pour Histoire&Société)

Ce débat est au cœur de la problématique de notre livre, il est bien centré sur un constat qui est que rien ne peut demeurer en l’état, il faut agir. Comme nous l’avons analysé hier à travers les mémoires de Fouché, le peuple français est une fois de plus confronté à l’alternative dans laquelle se joue sa souveraineté à savoir vaincre par la Révolution ou avoir la révolution vaincue en lui. Comme les soldats de l’an II face à une coalition divisée et d’un monde mourant celui de l’Europe des rois choisissant de sauver la patrie et l’avenir. Et pour cela nous ne pouvons rien faire d’autre qu’aller à l’essentiel, il faut reconstruire une approche collective face aux défis de notre temps. Le discours par lequel notre classe dirigeante tente d’asseoir son leadership est inaccessible à l’exercice de la citoyenneté, ce qui vide notre démocratie représentative et ses élections de sens. Le discours des « élites politico-médiatique » correspond de moins en moins à l’action et en particulier celle liée au travail, à notre capacité productive, créative, qui est la manière de s’approprier le réel. Nous sommes dans un monde où l’on n’a pas besoin de nous et où nous sommes a priori coupables de ce qui va de plus en plus mal, et ce jusqu’à l’absurde. De même, au plan international, comme en écho, des peuples qui ont travaillé durement sans exploiter personne et qui réclament simplement que ce travail, leurs ressources, soient pris en compte dans une collaboration collective qui pourrait aboutir par la négociation a plus de justice et au respect des souverainetés, sont aussi accusés d’être à l’origine des problèmes. Il n’y a pas d’autre solution que de se parler, de dépasser les stéréotypes dans lesquels nous sommes paralysés dans la division. En ce qui me concerne, il est temps de prendre du recul et de savoir exactement là où le combat est le plus utile, le plus nécessaire, j’attends beaucoup de cette rencontre. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

  • La longue marche vers un monde multipolaire

La longue marche vers un monde multipolaire

Pour nous frayer un chemin au cœur de l’histoire, nous vous proposons une soirée autour du livre

« Quand la France s’éveillera à la Chine ? La longue marche vers un monde multipolaire ».

Nous percevons bien que nous sommes au cœur d’un basculement historique, mais, sous l’influence de nos « élites politico-médiatiques » tout est fait pour générer la peur et le pessimisme ; ce n’est pas sur nos peurs que table ce livre mais sur notre capacité collective à nous inscrire dans ce monde nouveau. Si nous en maîtrisons les réalités, nos atouts autant que nos points faibles, rien n’est joué. Le désastre que nous annoncent nos gouvernants n’a rien de fatal, il est le leur mais un autre destin est possible, il dépend de nos choix.

Les mêmes prophètes de l’apocalypse, nous ont annoncé la fin de l’histoire avec le triomphe définitif du capitalisme alors vainqueur de l’URSS. Aujourd’hui ils sont démentis. D’ailleurs, le fait est qu’ils n’ont cessé de se tromper, de nous tromper. Il y eut même un visionnaire de plateau de télé qui prétendit nous vendre la fin de l’histoire et déclarer : « la dialectique, celle du marxisme, est morte, le schéma historique qui était proposé depuis le XIXe siècle et qui reposait sur la lutte des classes s’est effondré ; s’ouvre, devant nous un horizon inattendu : celui de la fin de l’histoire où nous verrons l’extension partout de la démocratie et du marché. »

Quelle démocratie et quel marché ? Dans tous les cas de figure, il n’y a eu que ce qui a permis aux richissimes d’imposer leur loi. D’inventer à leur convenance le droit, celui du travail comme celui international, toute « réforme » étant en fait régression pour la majorité et surprofit pour une poignée. Les Etats-Unis et leurs vassaux alliés se sont arrogé le droit de recourir à la violence, le droit d’ingérence au lieu de la diplomatie. A chaque fois, ils nous racontaient que se dressait un nouvel Hitler et qu’il suffisait d’une armada punitive pour restaurer la démocratie menacée. Dans les faits, « le pillage » démocratique et même tolérance au génocide comme à Gaza…

La répression s’exerça contre le monde ouvrier dont on déplaçait les usines vers des pays où régnaient des conditions d’exploitation renouvelées, des pays dont on s’emparait à moindre coût des matières premières. Résultat, l’histoire et celle de la lutte des classes reparties de plus belle à l’échelle planétaire, une cascade de guerres toutes plus destructrices les unes que les autres, des attaques sans précédent des acquis sociaux, partout en Europe la montée du fascisme, la haine de l’autre généralisée et finalement la très mauvaise santé du marché, l’instabilité politique. Dans tous les grands sanctuaires qui s’en faisaient les propagandistes, une démocratie en berne. Comme le disait Marx ce système épuise les êtres humains comme l’environnement mais il est aussi épuisé et les auteurs du livre voient en Trump un syndic de faillite face au monde qui est déjà là et qui est le monde multipolaire.

Mais qu’est-ce que ce monde multipolaire ? Et y avons-nous notre place ? Comment ce monde multipolaire est-il apparu, quel rôle a joué la Chine et pourquoi la France devrait-elle s’y éveiller ? Pourquoi les auteurs ont-ils retourné la phrase célèbre : « quand la Chine s’éveillera le monde tremblera ? »

La Chine s’est bel et bien éveillée au cœur d’un processus qui s’est étalé sur quatre cents ans mais qui s’est incroyablement accéléré depuis ce qu’on considérait comme la fin de l’histoire et qui est devenu au contraire celui d’une transformation prodigieuse.

Une Chine qui a fait plus que s’éveiller. Qui s’est développée, jusqu’à devenir le pays puissant que craint l’impérialisme étatsunien… Et ce n’est pas seulement Trump qui voit en elle une menace à l’hégémonie atlantiste sur le monde. C’est Obama qui, déjà, parlait du « pivot asiatique ».

En fait, face au pillage, à l’ordre imposé par le monopole du dollar et celui des armées les plus puissantes du monde, les prolétaires face aux capitalistes, les pays du sud n’ont pas d’autre alternative que la lutte et l’organisation pour exister et se développer. Avec la financiarisation qui est devenue une économie de casino où l’annonce de licenciements fait monter les actions en bourse, avec le dollar devenu monnaie universelle, – ce qui permet aux USA de dépenser sans compter en reportant leur endettement sur tous les autres pays, en exerçant un chantage permanent, sanctions, blocus et aujourd’hui guerre tarifaire -, il est possible de ruiner des régions entières, de les vouer au désert, et à la surexploitation. Arrive le moment où le mode de production capitaliste devient un obstacle au développement des forces productives.

Aucun mode de production n’est éternel. Il est un temps où la classe bourgeoise a conquis le pouvoir, celui où elle a usé et abusé de ce pouvoir ; aujourd’hui parce qu’il est destructeur, y compris du peuple des Etats-Unis qui est entraîné vers la guerre civile, l’impérialisme qui n’a pas de patrie mais un bras armé – les Etats-Unis et la coalition de quelques pays occidentaux -, se heurte à la résistance de peuples du sud ; ces pays ne sont pas a priori hostiles mais ils exigent que soient respectées leurs ressources, leur souveraineté, et c’est ce mouvement dit des BRICS que nous présente ce livre.

Las des diktats mortifères de l’impérialisme, de sa conflictualité guerrière et du Chaos qu’il organise partout pour maintenir sa domination, les pays du sud se tournent vers la Chine et se saisissent de sa proposition, celle d’un « d’un destin commun pour l’humanité ». Nous sommes confrontés à une réalité nouvelle, « celle d’un monde qui naît et dans lequel nos aspirations, nos luttes, notre mémoire ont toute leur place ». Il faut entendre ce que nous dit la Chine, nous éveiller à sa réalité, nous ne pouvons pas faire autrement, nous n’avons pas le choix.

C’est à quoi nous invite le livre paru aux éditions Delga. Il en pose l’alternative dans son titre. Pourtant, Marx déjà dans des textes méconnus que les auteurs ont retrouvés avait anticipé sur le boomerang chinois. Dès le 21 septembre 1949 Mao Tsé Toung en avait eu la certitude quand, devant les délégués de la première session plénière de la Conférence consultative politique du Peuple chinois, il déclarait : « Notre nation ne sera plus jamais une nation humiliée, nous voilà debout ». Il le déclarait après avoir dit que « Désormais, notre nation a sa place au sein des nations du monde éprises de paix et de liberté. Nous travaillerons avec courage et assiduité à faire s’épanouir notre propre civilisation et à créer notre bonheur, tout en contribuant à promouvoir la paix et la liberté dans le monde ».

C’est dans la lignée de ce destin tracé, que, près de quatre-vingts ans après, Xi Jinping pouvait déclarer : « le renouveau de la nation chinoise est imparable et la cause de la paix et du développement de l’humanité triomphera » ! Argument qui lui permettait d’ajouter par ailleurs : « La lutte pour un avenir meilleur est la grande pratique de la Chine dans la promotion d’une communauté de destin pour l’humanité »

Parmi les questions qui suscitent invariablement de vifs débats, la suivante occupe une place particulière. L’humanité est-elle capable de renverser le cours de l’histoire ? Pour les révolutionnaires de 1789, pour ceux de 1917 comme pour ceux de 1949, la réponse était oui. C’est bien en effet de cela que Mao Tsé Toung avisait les délégués de la conférence susmentionnée !

Quel rôle peut-on jouer en France, dans notre pays qui est un pays impérialiste, colonialiste mais aussi le pays d’émeutiers dont parlait Marx dans « les luttes de classes en France », où la lutte de classe se poursuit, malgré les politiques libérales qu’il a subies et les carcans inventés pour briser ses humeurs révolutionnaires ?

C’est à cela que le livre « Quand la France s’éveillera à la Chine » nous invite à réfléchir en s’appuyant sur ce que la Chine nous dit alors qu’elle est devenue le pays leader de la longue marche entreprise vers le multilatéralisme. Et il le fait non pas pour que nous nous contentions de suivre un suzerain comme dans l’atlantisme, mais pour construire une perspective, la planification et le socialisme à la française, une perspective faite de sécurité économique plus encore que militaire.

Loin de proposer une ligne officielle, ce livre cherche à ouvrir un dialogue démocratique avec les communistes et les forces progressistes du pays. Il le propose en partant des faits produits dans un monde qui s’est mis en marche, et non à partir d’idéologies qui cherchent à en cacher la nature et la possibilité.

L’association l’Improbable qu’accueille la librairie « Terre des livres » vous propose d’échanger avec l’une des auteurs du livre, Danielle Bleitrach, universitaire, sociologue et ancienne membre du comité central du pcf. Elle sera accompagnée dans cette présentation par Sylvain Teyssier animateur de la revue Germinal et de la « société d’éducation populaire », qui sera son discutant,

Mardi 21 octobre à 19 h dans la librairie

Terre des livres, 86, rue de Marseille. 69 007 Lyon – Tél : 04 78 72 84 22

Gilbert Remond

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6 Commentaires

  • Frédéric Normand
    Frédéric Normand

    Le peuple ne désagrège pas le régime sous lequel la bourgeoise gouverne. Il le fonde. C’est le régime parlementaire, qui effectivement a une autre logique que le régime socialiste, vous avez raison de le souligner.
    Il se trouve qu’il y a en France, actuellement, un consensus en faveur du régime parlementaire. Un consensus qui inclut le parti communiste. Ce régime est donc assez solide quant à ses principes, même si ses modalités entraînent momentanément des situations confuses. Celle que nous vivons aujourd’hui ne risque pas d’arriver sous un régime socialiste, certes, mais, malgré cette crise, il est difficile de prédire la survenue de circonstances qui permettraient au socialisme de l’emporter.

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  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Lorsque je parle de « force qui désagrège le système politique bien rodé par lequel la bourgeoisie gouverne », je ne parle pas exactement du parlementarisme en lui-même, mais du bloc de forces qui donne – au sein du système parlementaire- la capacité à la grande bourgeoisie, classe très minoritaire au sens démographique, de conserver, en quasi toutes circonstances la haute main depuis très longtemps sur les orientations majeures du pays. Dans ce système, comme le disait Paul Valery, la politique est l’art d’empécher les gens de se méler de ce qui les regarde. Il ne suffit pas d’avoir le parlementarisme, qui, reconnaissons-le, n’est en général pas favorable aux classes dominées mais plutôt aux classes dominantes. Quoi, il suffit de contrôler 300 personnes bien choisies et de convaincre les électeurs que c’est eux qui ont choisi … Encore faut-il y parvenir, non une fois, mais à chaque élection. Il y a aussi tout autour l’état, les hauts fonctionnaires, les hauts gradés de l’armée, la presse, les notables et les faiseurs d’opinions, les idéologues. Toute une série de gens qui peuvent être en désaccords sur tel ou tel point, mais n’ont en rien intérêt à faire tomber le système. Et tout un système de contrôle social qui règle l’espace de liberté dévolu à chacun. Mais aujourd’hui, ce système se désagrège car celui qui en incarle la tête ne parviens plus qu’à provoquer des contradictions qui lézardent peu à peu l’édifice. Cela n’a pas forcément pour issue des choses favorables. A court terme, cela peut conduire à des formes de fascisme, l’exercice d’un pouvoir par la force, la répression sous différentes formes et incarnées par différents acteurs.
    Quant au consensus sur le parlementarisme, oui, ce consensus existe. Mais les consensus, même les plus stables, peuvent parfois basculer brûtalement, lorsque les circonstances les rendent abscons ou inopportuns à l’intérêt dominant. L’histoire de France en connaît quelques exemples.

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    • Frédéric Normand
      Frédéric Normand

      C’est noté, la précision est importante. Vous ne condamnez donc pas le régime parlementaire en soi. Non plus que la fonction publique, qui est nécessaire à tout État, quel que soit son régime. Les fonctionnaires se doivent d’être neutres politiquement, du moins quand ils sont au service d’un État de droit, lequel attend d’eux une compétence, non une conviction. L’avenir plus ou moins proche nous dira si la désagrégation des institutions actuelles débouche sur la substitution du socialisme au parlementarisme. Il est clair que les deux ne peuvent coexister.

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  • Xuan
    Xuan

    Le régime parlementaire est très ancien, mais il ne fonctionne que si un parti dirige de fait, ce qui n’est pas le cas maintenant.
    Ensuite il faut que la majorité accepte le système capitaliste, et que ceux qui veulent le socialisme restent minoritaires ou n’accèdent jamais à des postes de direction.
    Dans un sens ce système est au bout du rouleau parce que la contradiction de classe et celle entre forces productives et rapports sociaux de production arrivent à un stade antagonique.
    Après la perception qu’on en a peut mettre du temps à faire le focus mais si les idées révolutionnaires se développent, les masses sont débordantes d’imagination.
    La Commune de Paris était un corps législatif et exécutif à la fois, l’antithèse de la séparation des pouvoirs.
    Le parlementarisme n’est pas l’alpha et l’oméga de la démocratie.

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  • Frédéric Normand
    Frédéric Normand

    Non bien sûr il ne l’est pas mais il n’y a pas de démocratie sans parlement, sans séparation des pouvoirs, sans suffrage universel. Leur suppression n’est pas d’actualité.

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    • Franck Marsal
      Franck Marsal

      Je crois que c’est méconnaître la réalité de la « démocratie capitaliste » dans laquelle le suffrage universel voit, poussés vers l’abstention et la marginalisation politique, une large part du prolétariat, dans laquelle la séparation des pouvoir n’est qu’une forme et que tous les pouvoirs sont en réalité concentré entre les mains d’une seule classe sociale. La démocratie capitaliste réduit la souveraineté populaire à une forme et à un protocole. C’est méconnaitre aussi la richesse des expériences démocratiques différentes, dont la plus aboutie est probablement celle de Cuba, qui s’efforcent non pas d’enfermer la démocratie dans le respect d’un protocole mais de toucher la réalité de la volonté populaire pour la satisfaire et propose de juger la démocratie sur sa capacité réelle à investir le peuple de la réflexion et de l’action.

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