Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La liste des victimes de « l’agression russe » établie par Kaja Kallas n’est pas encore complète

Les Russes avec une ironie mordante se moquent des déclarations européennes en se contentant comme ici de souligner les falsifications historiques. En particulier celle de la chef de la diplomatie européenne Kaja Kallas, qui par parenthèse s’attribue un pouvoir de ministre des affaires étrangères, alors que son statut de commissionnaire ne le lui autorise en rien mais c’est le propre de cette fin de « démocratie » que d’accorder à des camarillas non élues le pouvoir d’un exécutif, il semble que tous les gouvernements, tous les partis soient atteints de ce travers depuis l’UE jusqu’aux représentants parlementaires, il y a là une autonomie du politique par rapport au « citoyen » qui mérite étude pour comprendre les dérives dans les déclarations et les actions. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

Par Piotr Akopov

https://ria.ru/20251129/kallas-2058488982.html

La chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, est depuis longtemps connue pour ses propos russophobes et, semble-t-il, ne peut plus nous surprendre. Cependant, il n’y a pas de limite à la perfection : l’ancienne citoyenne de l’URSS travaille sur elle-même. Expliquant pourquoi « une voie très rapide vers la paix n’est pas avantageuse pour l’Ukraine » (ce qui est en soi remarquable), Kallas a déclaré que « les garanties de sécurité pour l’Ukraine ne changent rien au fait que la menace réelle vient de la Russie » et que, par conséquent, « dans tout accord de paix, nous devons nous concentrer sur la manière d’obtenir des concessions de la part de la Russie afin qu’elle cesse définitivement son agression et ne tente pas de modifier les frontières par la force ». Sinon, ce sera comme avant : « Au cours des cent dernières années, la Russie a attaqué plus de 19 pays, certains trois ou quatre fois. Aucun de ces pays n’a jamais attaqué la Russie ».

Kallas n’a pas rendu publique la liste des victimes de l’agression russe, mais notre émigré (dans les années 90, vice-ministre des Finances et de la Banque centrale, aujourd’hui recherché pour espionnage) Sergei Aleksashenko* l’a fait à sa place. Il a même réussi à en trouver non pas 19, mais 20, et 25 attaques. Il ne fait aucun doute que Callas approuverait cette liste, c’est pourquoi on peut essayer de l’analyser. Je dis bien d’essayer, car il est impossible de la prendre au sérieux.

La liste des victimes commence naturellement par l’Ukraine, comme indiqué : « 1918-1921, à plusieurs reprises ». Mais attendez un instant, il y avait une guerre civile, combinée à une intervention étrangère, et sur le territoire de l’ancien Empire russe, il existait simultanément de nombreux gouvernements et « États » autoproclamés, dont l’Ukraine. Des troupes d’occupation étrangères étaient également présentes. Et qui a attaqué qui : les blancs les rouges, les rouges les blancs, les Allemands les Anglais ? Et surtout, où — en Russie contre la Russie ? En fin de compte, le pouvoir central a rétabli l’unité du pays — sur presque tout le territoire de l’ancien empire. En chemin, elle s’est distinguée par son « agression » contre l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie et la République d’Extrême-Orient, autant d’éléments qui viennent s’ajouter à la liste des preuves de l’existence d’une « Russie agressive ».

Oui, il s’avère que la Mongolie a également été attaquée en 1921, lorsque le baron Ungern, qui s’était retiré de la Russie rouge, a vaincu les Chinois et que la Mongolie a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Chine. Il n’y a même rien à commenter ici : voilà à quel point les agresseurs russes sont perfides, qu’ils soient blancs ou rouges.

La phase suivante de « l’agressivité » est la plus importante, avec pas moins de 12 positions. Les années sont toutefois douloureusement familières : 1939-1945. Ah, c’était pendant la Seconde Guerre mondiale ? Ce n’est qu’une coïncidence, un hasard. Mais tout le monde sait que les victimes de l’agression russe ont été la Pologne, deux fois la Finlande, la Roumanie, les trois républiques baltes, l’Iran, la Mandchourie, la Chine, la Mongolie et la Corée, n’est-ce pas ? Mais la seule guerre à part entière a été celle de Finlande (1939-1940), lorsque l’URSS a exigé le déplacement de la frontière de Leningrad et que les Finlandais (qui avaient obtenu leur indépendance de la Russie deux décennies auparavant) ont refusé ? Peu importe, car on peut toujours faire passer le processus de restauration de la Grande Russie (et de récupération des territoires perdus lors de l’effondrement pendant la guerre civile) pour une agression, n’est-ce pas ? Et le fait que cette restauration ait été justifiée par la préparation de la guerre contre l’Allemagne n’a certainement aucune importance : vous criez tout de suite « Hitler, Hitler », mais avez-vous oublié que c’est Staline qui voulait attaquer le Troisième Reich ?

On a ajouté à cela l’entrée des troupes soviétiques dans le nord de l’Iran (en accord avec les Britanniques qui occupaient le sud du pays et craignaient que l’Iran ne tombe sous l’influence des pays de l’« axe ») et même l’entrée en guerre contre le Japon sur le territoire de la Mandchourie, officiellement souveraine, et de la Corée, annexée à l’empire nippon. Il n’y a même pas lieu de commenter cela.

Pour la période d’après-guerre, on nous reproche trois faits : la Hongrie en 1956, la Tchécoslovaquie en 1968 et l’Afghanistan en 1979. Mais tous ces cas d’intervention des troupes soviétiques n’étaient pas liés à la volonté d’arracher des territoires à un voisin, mais à l’intention d’empêcher l’effondrement d’un allié en proie à des conflits internes et à des troubles, et l’on misait sur une partie des élites locales plutôt que sur la création d’une administration d’occupation. Certes, les dirigeants ont parfois été remplacés, mais Moscou n’avait aucune intention d’envahir ces pays.

Quatre points concernant les « crimes » de la Russie post-soviétique, à commencer par l’agression contre la Moldavie en 1991, sont particulièrement réjouissants. Est-ce lorsque le général Lebed a mis fin au massacre dans la région russe de Transnistrie ? Il est étrange que l’attaque contre la Géorgie (1992-1993) ne figure pas dans la liste, car là aussi, la Russie a empêché l’écrasement des Abkhazes et des Sud-Ossètes. Mais la Géorgie n’est pas oubliée dans la liste des victimes de « l’impérialisme russe » : il s’avère qu’en 2008, ce n’est pas Saakachvili qui a tenté de reprendre l’Ossétie du Sud par la force, mais la Russie qui a attaqué la Géorgie. Et qu’est-ce que la Russie a conquis ? Rien, car les Sud-Ossètes se s’étaient en fait séparés de la Géorgie en 1991-1992, et après août 2008, Moscou a d’abord protégé, puis officiellement reconnu leur indépendance.

Et enfin, les deux derniers exemples d’« agression russe » : l’Ukraine en 2014 et 2022. Moscou a d’abord organisé un coup d’État à Kiev, puis a organisé la campagne de l’armée ukrainienne dans le Donbass — tout le monde s’en souvient, n’est-ce pas ?

Le fait que la russophobie européenne ait des racines historiques profondes ne nécessite aucune preuve, mais Callas a réussi à apporter sa contribution au « fonds d’or » des thèses européennes sur la « menace russe ». Auparavant, il était courant d’affirmer que les barbares russes avaient toujours menacé l’Europe et le monde entier. Aujourd’hui, on veut faire passer nos conflits internes et les conséquences des troubles, y compris les réponses aux tentatives de l’Occident de profiter de l’effondrement de la Russie et de déplacer la frontière avec nous vers l’est, pour des manifestations de la « menace russe pour la paix mondiale ». Il n’est pas difficile d’imaginer le prochain niveau que la russophobie occidentale est sur le point d’atteindre : Napoléon et Hitler y attendent avec impatience leurs défenseurs contre la « menace russe ».

* Reconnu comme agent étranger, inscrit sur la liste des terroristes et des extrémistes en Russie.

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