D’immenses bâtiments en béton, des intérieurs décadents, des gares routières extravagantes : le modernisme soviétique est devenu si populaire qu’il a créé une esthétique emblématique. Au départ abandonnées, ces créations sont actuellement recensées et inspirent tout un courant esthétique mais aussi politique de la vie quotidienne, avec des sites urbains, cela va des monuments antifascistes au mobilier urbain en passant par les rythmes des façades. (note de Danielle Bleitrach)


Complexe culturel et sportif à Erevan (Arménie)
Le modernisme soviétique est un phénomène architectural qui s’est établi entre les années 50 et 80 du XXe siècle, avec le désir de donner expression, également à travers l’architecture, aux idéologies socialistes dans les États du bloc. C’est ce que l’on lit dans les manuels d’histoire de l’architecture. Comme le fait que la production architecturale de cette période reflète les besoins de la reconstruction d’après-guerre et va de pair avec l’affirmation du brutalisme en Europe, même dans le bloc occidental, avec pour résultat une architecture à la fois fonctionnelle et monumentale.
Aujourd’hui, quand on parle d’« architecture soviétique », on pense à des complexes résidentiels surdimensionnés, des bâtiments en béton en série, des constructions imposantes, mais pas seulement.
Il n’est donc pas étonnant que, à l’instar du brutalisme (nous en avons parlé ici), le modernisme soviétique ait subi une « tendance », et comme toutes les tendances, il ait aussi conquis Instagram : des images d’architecture massive étiquetées comme #sovietic et #brutalist circulent associées à des tons sombres, des couleurs délavées ou vertes et un brouillard généralisé, comme s’il s’agissait de scénarios post-apocalyptiques ou d’une nouvelle saison de la série Tchernobyl. Les images sont toutes (ou presque) accompagnées d’une même chanson : la version ralentie de « Sudno » de Molčat Doma, un groupe biélorusse populaire sur les réseaux sociaux grâce à cette chanson et à la pochette d’un de leurs disques.
https://www.instagram.com/reel/Cy6IdNVMlA9/embed/?cr=1&v=14&wp=579&rd=https%3A%2F%2Fwww.domusweb.it&rp=%2Fit%2Farchitettura%2F2024%2F05%2F29%2Finstagram-larchitettura-sovietica–il-nuovo-brutalismo-scoprilo-in-10-profili-da-seguire-.html%3F_gl%3D1*1gy99pw*_gcl_au*MTY4MzMwNTIxNi4xNzU3MzE3ODQ3*_ga*MTI4MzEzNjkwMi4xNzQxNj#%7B%22ci%22%3A0%2C%22os%22%3A1652.8999999999069%2C%22ls%22%3A288.89999999990687%2C%22le%22%3A698.6999999997206%7D
Mais pourquoi l’esthétique soviétique est-elle si captivante ?
Elle peut être associée à la curiosité pour ce que l’on ne sait pas, ou au sentiment de nostalgie que suscite la vision de certaines images. Le créateur et écrivain américain John Koenig, auteur de The dictionary of obscure sorrows, un projet très apprécié sur les réseaux sociaux pour avoir donné une définition à des émotions et des expériences jusqu’alors sans nom, le définit comme l’anemoia, c’est-à-dire la « nostalgie d’une époque que vous n’avez jamais connue ».
Dans cette sélection, nous avons rassemblé 10 comptes Instagram qui montrent l’architecture et l’esthétique soviétiques modernes, pour ce qu’elles sont mais surtout pour ce qu’elles semblent être aujourd’hui.
1. @sovietvisuals

@sovietvisuals
Né sur Twitter et plus tard déplacé sur Instagram, @sovietvisuals est un projet organisé par Varia Bortsova qui documente la culture visuelle de l’Union pré et post-soviétique, partageant des photographies de publicité, de personnes, de design et de propagande de 1910 à aujourd’hui, avec certaines images générées par l’IA. Une archive si riche qu’elle est devenue un livre, avec des lieux et des coutumes de la culture soviétique, comme le design « spatial » du café Kosmos à Minsk.
2. @socialistmodernism

@socialistmodernism
Avec 441 mille abonnés, il est l’un des profils les plus connus de la liste. À travers les images, @socialistmodernism dessine littéralement une carte de l’architecture du modernisme socialiste. Avec @urbanicagroup promeut des textes qui rassemblent les projets les plus intéressants divisés par zones géographiques, et fournit des informations sur l’histoire des bâtiments, les concepteurs et les conditions actuelles.
3. @balkan.stories
https://www.instagram.com/reel/C6ZwDjas052/embed/?cr=1&v=14&wp=579&rd=https%3A%2F%2Fwww.domusweb.it&rp=%2Fit%2Farchitettura%2F2024%2F05%2F29%2Finstagram-larchitettura-sovietica–il-nuovo-brutalismo-scoprilo-in-10-profili-da-seguire-.html%3F_gl%3D1*1gy99pw*_gcl_au*MTY4MzMwNTIxNi4xNzU3MzE3ODQ3*_ga*MTI4MzEzNjkwMi4xNzQxNj#%7B%22ci%22%3A1%2C%22os%22%3A1658.8999999999069%2C%22ls%22%3A288.89999999990687%2C%22le%22%3A698.6999999997206%7D
Avec près de 100 000 abonnés, @balkan.stories est probablement le profil qui se rapproche le plus de l’idée que l’utilisateur moyen d’Instagram se fait de l’« esthétique soviétique ». Ce n’est pas un hasard si les reels les plus cliqués sont ceux réalisés au format POV : ironiques mais rigoureusement accompagnés d’une musique anxiogène, ils montrent des lieux et des modes de vie qui intriguent les utilisateurs, comme les environnements dégradés de certains immenses immeubles en béton, tout en risquant d’alimenter un stéréotype déjà largement répandu.
4. @eastern_european_diaries

@eastern_european_diaries
« Nostalgie » est l’un des mots-clés du phénomène de la diffusion de l’esthétique soviétique sur les réseaux sociaux. @eastern_european_diaries combine architecture brutaliste, intérieurs décadents et heure bleue. Certains des thèmes les plus pertinents sont explorés sur le site externe, tandis que des bobines montrant des lieux inhospitaliers, pour reprendre un titre « Ce n’est pas la dépression, c’est juste l’Europe de l’Est », se dépeuplent à nouveau.
5. @retroaestheticism
En parlant de nostalgie, les images partagées par @retroaestheticism, comme leur nom l’indique, sont une collection de « vibrations esthétiques ». Les rouleaux rappellent sans équivoque les temps passés, avec une musique délibérément angoissante, des couleurs sombres et des décors principalement nocturnes.
6. @sovietgallery

@sovietgallery
« Préserver l’art, l’architecture et les souvenirs de la #SovietUnion dans une capsule temporelle visuelle » et « Non-politique | « À des fins éducatives » sont les deux revendications de la biographie de @sovietgallery, un profil composé d’affiches, de couvertures et de photographies de moments significatifs de l’histoire moderne et contemporaine, avec une sensibilité particulière pour la conservation des monuments historiques.
7. @soviet_busstops

@soviet_busstops
S’éloignant de l’esthétique purement soviétique telle qu’elle est perçue dans l’imaginaire collectif, l’un des projets les plus intéressants est celui de Christopher Herwig, photographe canadien qui, en 2002, a entrepris un voyage à travers 14 pays de l’ancienne Union soviétique afin de capturer la particularité des arrêts de bus. Étant des constructions mineures, parfois totalement insignifiantes, les arrêts de bus passaient inaperçus dans un contexte de contrôle total de l’État, et sont donc devenus l’expression de l’ingéniosité individuelle.
8. @stepegphotography e @ilcontephotography

@stepegphotography et @ilcontephotography
Roberto Conte (@ilcontephotography) et Stefano Perego (@stepegphotography) sont deux photographes d’architecture bien connus, tous deux passionnés par les œuvres de brutalisme du monde entier. Leur travail sur l’architecture soviétique a donné lieu à la publication d’un livre photographique intitulé « L’Asie soviétique », qui les a incités à explorer les endroits les plus reculés du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan, et à photographier les bâtiments construits entre les années 50 et la chute de l’URSS.
9. @sozgorod

@sozgorod
Malgré quelques insertions de mosaïques soviétiques, objet d’intérêt spécifique de l’auteur de cette page Valery Maslov, le fil d’@sozgorod est presque entièrement gris, dans toutes ses nuances. Entre immenses immeubles résidentiels et constructions monumentales, ses poteaux et ses bobines montrent les intérieurs et les extérieurs des différents visages de l’architecture soviétique.
10. @brutavia

@brutavia
Peu connu mais très « esthétique », le fil d’@brutavia se concentre presque exclusivement sur les façades : modulaires, articulées, géométriques. Les frontières géographiques sont très étendues, mettant précisément en évidence la manière dont différentes architectures et lieux peuvent être perçus comme appartenant à la même esthétique.
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