A la suite de l’article publié hier et commenté par Franck Marsal sur l’ordinateur quantique et la recherche fondamentale en Chine, Xuan c’est-à- dire Jean Jullien un des quatre auteurs de notre livre prolonge le débat sur le matérialisme historique en revenant au moment où on lieu les grands affrontements entre théorie de la relativité et mécanique quantique. Le congrès Solvay mérite aussi quelques commentaires. L’université belge a deux pôles l’un est l’université catholique de Louvain, l’autre l’ULB ou Université libre de Belgique dont un industriel Ernest Solvay est le mécène principal . Il fonde l’Institut de physiologie (1895), l’Institut de sociologie (1894) et l’École de commerce Solvay (1903). Grand promoteur des sciences, sa passion s’exprime encore au travers de la création de l’Institut international pour la physique et la chimie à Bruxelles (1894). Il crée avec le soutien de différentes personnalités de l’époque, scientifiques et banquiers, une cité scientifique . C’est là que se tiennent tous les 3 ans les fameux Conseils Solvay (ou Congrès Solvay) Ernest Solvay était également un philanthrope. Il commença à se préoccuper du sort des travailleurs à la suite de violentes émeutes qui firent des tués et des blessés et qui se déroulèrent dans le bassin de Charleroi, région où il avait implanté sa première usine de fabrication de la soude.il attribue un grand role au productivisme « matériel et intellectuel », à l’Etat, à l’instruction primaire technique et professionelle pour aller vers l’égalité sociale qui renforcerait la motivation des travailleurs. Il cherche les moyens de forcer les classes aisées fassent des sacrifices en leur accordant à la fois la protection de leurs fortunes mais en contrôlant les sociétés anonymes. Il obtiendrait ainsi une « libre socialisation » par participation de l’Etat.
Pousser trop loin l’analyse serait probablement inexact mais l’affrontement entre la mécanique quantique patronné par ce patron philanthrope et la relativité d’Eistein considéré comme matérialiste n’est-elle pas justement remise en cause ou plutôt dépassée par le « socialisme chinois » et la conception de l’Etat, comme l’est la cloison étanche existant jusqu’ici entre ces deux théories ? (note d’histoireetsociete)

Voilà un sujet un peu ardu, mais il n’est pas nécessaire de maîtriser la fonction d’onde pour comprendre ce que l’informatique quantique est en train de chambouler dans les grandes théories de physique et dans les conceptions philosophiques qui les accompagnent.
Remontons jusqu’en 1927. Le congrès Solvay réunit alors les plus grands noms de la physique sur le thème de la mécanique quantique. Les découvertes qui découlèrent de leurs réflexions se prolongent encore aujourd’hui : effet photoélectrique, théorie du mouvement brownien, dualité onde-corpuscule, relativité restreinte et généralisée, preuve de l’existence des atomes et des molécules, découverte des protons, spin de l’électron, rapport entre liaisons chimiques et couches électroniques, neutron, positron, réaction nucléaire en chaîne, antiproton, etc. et d’innombrables applications techniques comme le transistor et tous les composants électroniques, le laser, le microscope à effet tunnel, l’énergie nucléaire, l’ordinateur, l’IRM, et plus récemment la cryptographie quantique. Einstein n’avait pas reçu le prix Nobel pour ses travaux sur la relativité restreinte et la relativité générale mais pour son explication de l’effet photoélectrique par des quanta d’énergie ou photons, débouchant sur la mécanique quantique.
Sur le plan théorique ce congrès signa la fin du déterminisme mécaniste, mais dans la foulée il s’appuya sur les premiers pas de la mécanique quantique pour rejeter le principe de causalité et les conceptions réalistes d’Einstein et de De Broglie. Sur le fond les positions dominantes au congrès Solvay, qui se cristallisaient dans les thèses de l’école de Copenhague, relevaient de l’opposition entre matérialisme et idéalisme, entre dialectique et métaphysique. En arrière plan de ce conflit théorique et philosophique, la lutte des classes était particulièrement vive entre l’URSS bolchévique et le « monde libre » capitaliste, entre les capitalistes et les classes ouvrières et entre le colonialisme et les nations et peuples opprimés.
Une des conséquences du positivisme fut d’opposer de façon absolue les théories de la relativité d’Einstein réservée au macrocosme et la mécanique quantique dédiée au microcosme, d’entourer d’un véritable mystère le dualisme des ondes et des corpuscules, de remplacer la notion dialectique de contradiction par la complémentarité, d’opposer la matière et l’esprit, d’inventer un libre arbitre des particules, ou un rôle décisif de l’expérimentateur dans les transformations physiques au lieu d’en rechercher les causes matérielles, et de prôner l’indétermination.
« Vient notre nouvelle philosophie qui dit : « Mais d’où savez-vous que la science nous fait connaître le réel tel qu’il est ? Certes les sciences existent; mais, pour savoir si la réalité objective est dans son principe matière ou esprit, il faudrait d’abord savoir si notre esprit peut connaître la réalité objective en elle-même » [G. Politzer – principes fondamentaux de philosophie – Onzième leçon. – Le troisième trait du matérialisme marxiste : le monde est connaissable]
Paul Langevin critiqua le « principe d’indétermination » dans « La physique moderne et le déterminisme » : « Nous nous trouvons donc en présence d’un double aspect que présentent à la fois la lumière et la matière : ondulatoire dans certains cas, corpusculaire dans d’autres » « …il ne faut pas croire qu’il y ait entre la mécanique classique et la mécanique quantique une contradiction absolue. La mécanique classique est un cas particulier de la mécanique quantique, le cas où la constante de Planck peut être négligée. La mécanique classique est relative à une certaine connaissance du réel dont la mécanique quantique fournit une connaissance plus approfondie. Nous n’avons nullement découvert que la mécanique classique est « fausse ». Nous avons découvert les limites dans lesquelles elle est valable et le moyen de dépasser ces limites.[…] Du fait que le déterminisme laplacien n’était plus vérifié, il en était qui parlaient du libre arbitre « des électrons », du « libre choix » que faisait la Nature dans telle ou telle éventualité ». https://bibnum.explore.psl.eu/s/psl/item/339285
De même la relativité d’Einstein ne liquide pas la physique galiléenne, mais celle-ci constitue un cas particulier de la physique relativiste, lorsque les vitesses sont très inférieures à celle de la lumière et qu’elle peut être négligée dans les calculs.
Louis De Broglie publia en 1953 « La physique moderne restera-t-elle indéterministe ? », et il fit le 5 décembre 1955 à l’Académie des Sciences un remarquable discours sur « le dualisme des ondes et des corpuscules dans l’œuvre d’Albert Einstein », qui démontre au fond la justesse de la méthode matérialiste dialectique. https://fondationlouisdebroglie.org/AFLB-041/de_Broglie.pdf
Mais tout récemment les expériences d’Alain Aspect sur l’intrication de particules ont servi de prétexte pour redonner vie au positivisme et présenter la relativité et la mécanique quantique comme une opposition absolue et insurmontable entre une physique analogique ou de la continuité et une autre numérique ou des quantas. Par exemple la simultanéité de polarisation à distance de deux photons « intriqués » violerait le principe fondamental de la relativité restreinte pour laquelle la vitesse de la lumière est une limite absolue et une constante dans le vide.
Cependant la recherche scientifique ne s’arrête pas à des indéterminations et des contradictions absolues. Intuitivement les faits démontrent que la linéarité et les sauts existent dans la nature et qu’ils se transforment l’un en l’autre. Par exemple le fonctionnement des simples transistors montre que l’accroissement quantitatif de la tension de base transforme l’état qualitatif de la jonction collecteur-émetteur, qui passe de l’état binaire 0 à 1. Cette transformation peut se représenter dans une seule dimension.
On représente en deux dimensions le fonctionnement des moteurs, analogique mais qualitativement défini en quatre quadrants, dans un cercle trigonométrique où l’unité contradictoire du couple et de la vitesse impose de les affecter d’une composante « imaginaire » dotée de l’opérateur unitaire j = racine de -1 et dont le carré vaut -1. Ceci permet de conserver la trace des valeurs négatives du troisième quadrant.
Engels l’anticipait dans les mathématiques : « Prenons une grandeur algébrique quelconque, par exemple a. Nions-la, nous avons – a. Nions cette négation en multipliant – a par – a, nous avons + a2, c’est-à-dire la grandeur positive primitive, mais à un degré supérieur, à la seconde puissance. Ici non plus, il n’importe pas que nous puissions obtenir le même a2 en multipliant le a positif par lui-même pour parvenir aussi à a2. Car la négation niée est si ancrée dans a2 qu’il a dans tous les cas deux racines carrées, soit a et -a. Et cette impossibilité de se débarrasser de la négation niée, de la racine négative contenue dans le carré prend une signification très sensible dès les équations du second degré. »… [Dialectique de la nature – Engels]
Egalement, les variateurs de vitesse reconstituent une onde de tension à l’aide d’impulsions de durée variable, que l’induction du moteur permet de « lisser » pour créer un courant sinusoïdal, lui aussi en deux dimensions. C’est un autre exemple de l’opposition entre valeur discrète et valeur analogique et de la transformation de la tension « discrète » en courant linéaire.
Dans l’ordinateur quantique, c’est une sphère qui figure la superposition et l’intrication quantique d’un Qubit. Il possède toujours deux pôles 0 ou 1, mais ils peuvent se superposer et prendre en même temps des valeurs conjuguées très variables. Le calcul utilise les états discrets (binaires, 0 et 1) pour la logique, tandis que les rotations continues (analogiques) sur la sphère régissent les opérations. Ici la position sur la sphère est une fonction de deux facteurs imaginaires et la quantité de combinaisons est infinie.
A présent la mise en pratique de la physique quantique dans les ordinateurs quantiques aboutit non seulement à la combinaison dialectique du continu et des quanta, mais à une multiplication à l’infini des états possibles.
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