Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Franck Marsal : le coût de l’opération des 90 milliards a été largement passé au silence, mais nous y reviendrons.

Il y a beaucoup de choses à développer sur cette question, qui a été largement passée sous silence dans les médias nationaux, alors que depuis des décennies on pleure à chaudes larmes l’augmentation de la dette d’état.nous dit Franck Marsal. Oui mais il faut aussi lier à cette prise de conscience qui s’esquisse, la déclaration invraisemblable du porte avion. Dire ce qu’est un porte avion, l’instrument impérialiste par excellence, celui qui permet depuis les eaux internationales d’attaquer un pays que l’on veut soumettre. C’est toute la doctrine de notre défense qui doit être revue en même temps que l’on doit exiger de répondre aux besoins nationaux. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Le Conseil de l’UE a formulé une décision dans des termes qui sont en réalité très ambigüs :
L’ensemble du texte sur l’Ukraine, tel que publié par le site du Conseil de l’UE (https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2025/12/19/european-council-conclusions-18-december-2025/) est précédé de la mention « Le Conseil européen a débattu de l’évolution récente de la situation en ce qui concerne l’Ukraine. Le texte figurant dans le présent document a été fermement soutenu par 25 chefs d’État ou de gouvernement. » La première question qui se pose, que devrait poser la presse est « est-ce là une unanimité ou pas ? ».
C’est important, car le paragraphe concernant le prêt de 90 milliards évoque une « coopération renforcée », c’est à dire une coopération menée par plusieurs états souhaitant aller plus loin dans une action, mais non soutenue par tous. Or, les coopérations renforcées sont prévues par l’article 329 du traité de l’UE selon deux modalités : soit les coopérations renforcées hors champs de la politique et de sécurité commune (PESC) et les coopérations renforcées relevant du champ de la PESC. Dans le premier cas, l’article 329 précise que « L’autorisation de procéder à une coopération renforcée visée au premier alinéa est accordée par le Conseil, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen. » Cela ne semble pas être la politique qui a été suivie. Dans le second cas, il est précisé dans le second alinéa que « l’autorisation de procéder à une coopération renforcée est accordée par une décision du Conseil, statuant à l’unanimité. « . Or, l’UE compte 27 membres. Comment le soutien – fût-il « ferme » – de 25 gouvernements peut-il faire une unanimité ? Rien de mystérieux là-dedans. Juste que le droit est l’habillage du politique et de ses rapports de forces. Il fallait trouver une solution, car Ursula Von der Leyen avait publiquement promis de ne pas quitter le bâtiment du Conseil tant qu’une solution ne serait pas trouvée. A l’approche des fêtes, il n’était pas envisageable de la laisser dans une telle mauvaise posture …
Mais, l’affaire n’est pas finie pour autant. Après la phase politique, il va falloir passer à la phase pratique. Voici ce qui est prévu toujours selon le Conseil : « Dans le même temps, en vue d’assurer le soutien financier nécessaire pour l’Ukraine à compter du deuxième trimestre de 2026, y compris pour ce qui est de ses besoins militaires, le Conseil européen convient d’accorder à l’Ukraine un prêt de 90 milliards d’euros pour les années 2026 et 2027 sur la base d’un emprunt de l’UE sur les marchés des capitaux couvert par la marge de manœuvre du budget de l’UE. Dans le cadre d’une coopération renforcée (article 20 du TUE) en ce qui concerne l’instrument fondé sur l’article 212 du TFUE, aucune mobilisation de ressources du budget de l’Union en tant que garantie pour ce prêt n’aura d’incidence sur les obligations financières de la République tchèque, de la Hongrie et de la Slovaquie.  »
Là encore, il y a beaucoup de flou.
Commençons par le commencement : « Le conseil européen convient d’accorder un prêt à l’Ukraine ». Dans quel cadre juridique le Conseil de l’UE peut-il il accorder un prêt ? Y aura-t-il un traité international pour libeller ce prêt et les conditions de son remboursement ? C’est probablement nécessaire. Comment ce traité sera-t-il adopté ? Selon quelle procédure ? Logiquement, ce traité devrait être signé par les états qui soutiennent la « coopération renforcée », mais le texte publié ne fournit même pas la liste de ces états.

Et si le prêt est établi au nom d’une coopération renforcée, pouruqoi le Conseil, c’est à dire l’ensemble de l’UE serait-il engagé ? Qui versera l’argent ? Le Conseil est-il compétent pour engager des dépenses de l’UE (sans aucun débat, sans que le parlement soit consulté) ? Sur quel compte ce prêt (consenti dans le cadre d’une coopération renforcée) sera-t-il affecté ?
Tout cela est laissé dans le flou. Mais ce n’est pas tout.
Il est prévu que « Ce prêt ne serait remboursé par l’Ukraine qu’une fois des réparations reçues.  » (on notera l’emploi prudent du conditionnel). Dans les conditions actuelles du rapport de force militaires, c’est fixer le remboursement aux calendes grecques. Or, le Conseil souhaite que le prêt à l’Ukraine soit équilibré par « un emprunt de l’UE sur les marchés des capitaux couvert par la marge de manœuvre du budget de l’UE ». Il est clair que sur les « marchés de capitaux », personne ne souscrira à un emprunt qui ne serait remboursé qu’à une date aussi incertaine. Il y aura donc un écart à assumer dans la comptabilité. Le Conseil de l’UE est-il compétent pour décider des emprunts de l’UE sur les marchés de capitaux et de l’utilisation (dans des conditions encore plus floues) de la « marge de manoeuvre du budget de l’UE » sans consulter le parlement ?
Pour les états concernés, dont la France, il faudra au moins budgeter les frais d’intérêts, encore inconnus, puisque les marchés n’ont pas été sollicité.
De la coupe aux lèvres, il y a loin. Il est fort probable que cet engagement de 90 milliards suivra un parcours encore long et chaotique avant de se réaliser. Peut-être même tout cela n’est – il qu’une annonce politique, une promesse qui n’engage que ceux qui y croient, comme disait Chirac. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

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