Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Evan Kail : l’Américain qui ose briser le silence sur le massacre de Nankin

Prendre la mesure des détournements de vérité, des mensonges et des falsifications historiques qui ont peu à peu colonisé nos esprits depuis des décennies paraît une tâche insurmontable, mais pas à pas, pour celui qui sait observer, le tissu de mensonges se délite, les contradictions se font jour. Combien de combats courageux avant d’avoir reconstruit une histoire suffisamment aiguisée, concrète et partagée pour porter une nouvelle étape de changement social d’ampleur ? (note de Franck Marsal pour Histoire&Société).

Dans le fond, j’en suis là ! dans ces temps où le grotesque le dispute à l’ignoble, croire que la « vérité historique » pourra servir à recréer un continent brisé dans un monde qui se recompose… quel est le « vrai » ? Est-il suffisant de constater que l’ancien monde hégémonique, impérialiste est synonyme d’autodestruction de masse ? Pouvons-nous échapper à ce qui nous tente même aujourd’hui, le fait que dans notre vision de l’histoire, la science semble précéder le monde réel dans l’ordre de la connaissance. Le réel n’est intelligible que s’il se plie aux catégories de la science (mesure, quantification, répétition). Ce qui ne peut être saisi par cette méthode est relégué au rang d’illusion ou de non-sens et toutes nos informations, toute notre connaissance sont plus que jamais soumises à cet idéalisme de la forme qui veut faire de l’occident le maitre justifié du monde ? Qu’est-ce que le combat, comme ici, du témoignage ?
Qu’en est-il de l’occultation de la participation de la Chine à la seconde guerre mondiale ? Avec le refus récent de l’interdiction faite aux « démocraties européennes » de participer à la célébration de la victoire sur le Japon ? Qui interdit quoi au nom de qui ? Qu’est-ce que l’Europe réduite à l’UE ? Une coalition entre les enfants assumés du nazisme européen avec leur colonie émancipée par ce blanches, les Etats-Unis bombardant Hiroshima et Nagasaki, les mêmes prenant pour prétexte de leur absence la volonté de soutenir le juif Zelenski, officiellement bandériste et le fait de ne pas déplaire aux Japonais. Nous sommes dans un puzzle qui s’est fragmenté ; les encoches qu’il faut joindre les unes aux autres pour espérer retrouver le paysage réel de la civilisation humaine devient un jeu aux multiples facettes à partir de l’exigence de la raison dans l’évolution du vivant, la classification des espèces… Il faut reprendre le travail, là où on a vu s’introduire l’art de mystifier, de tuer mais aussi de recourir à des pitreries de saltimbanque comme méthode universelle de classification pour justifier l’allégeance aux pouvoirs en place… Est-il est possible de tenter autre chose ? En quoi le monde qui remet en cause « le colonialisme » en conservant le projet philosophique de la raison scientifique mérite-t-il notre engagement ? (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

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2025-10-07 10:33 China News Cai Minjie, Wang Siyao

Jeune écrivain américain, Evan Kail s’est retrouvé au cœur d’une histoire plus grande que lui après avoir découvert et transmis un album photo inédit sur le massacre de Nankin. Entre menaces, reconnaissance officielle et parution de son livre Oser, il raconte son combat pour préserver la mémoire historique et défendre l’idée que la vérité peut rapprocher les peuples et servir la paix.

Evan Kail, jeune écrivain américain, est diplômé en études japonaises de l’université du Minnesota. En novembre 2022, il a fait don, sans contrepartie, d’un album photo au consulat général de Chine à Chicago. Cet album contenait plus de trente clichés en couleur documentant les crimes commis par l’armée japonaise lors du massacre de Nankin. Il est le troisième étranger à avoir reçu, à titre individuel, une porcelaine offerte comme cadeau d’État chinois.

Tout récemment, Evan Kail a présenté son nouveau livre Oser lors du salon du livre de Nanguo en 2025, où il a également rencontré ses lecteurs. Dans un entretien, il a déclaré que le courage et la persévérance face à la vérité et à la justice permettent de mieux révéler la mémoire historique, de dissiper les malentendus transnationaux et de favoriser les échanges entre les peuples.

Pourquoi avoir choisi de raconter votre expérience dans Oser ? Vous y évoquez notamment le cyberharcèlement et les menaces de mort qui ont suivi le don de votre album. Selon vous, en quoi exposer ces expériences sombres aide-t-il les lecteurs à comprendre votre geste ?

Je voulais transmettre aux lecteurs l’importance de se souvenir de l’histoire. Je dois le redire ici : se souvenir, chérir et comprendre l’histoire, ces trois dimensions sont d’une importance capitale. Mon nouveau livre s’intitule Oser, car il reflète fidèlement ma démarche : j’avais déjà pris sur moi de protéger cet album chargé de mémoire historique.

À mes yeux, la gestion de preuves de crimes de guerre relève d’un impératif moral : tout objet lié à ces crimes ne peut appartenir à un particulier, il doit revenir à un musée, au peuple tout entier. C’est pourquoi j’ai choisi d’agir avec courage, décidé à remettre cet album entre de bonnes mains. Au départ, je souhaitais simplement qu’il soit conservé par un musée. Mais après la diffusion virale de ma vidéo, de nombreux Chinois et mes propres lecteurs ont exprimé leur soutien, m’adressant des remerciements sincères et un profond respect.

Cet élan m’a immédiatement fait comprendre que l’album ne devait pas rester dans un musée quelconque, mais devait rejoindre un musée en Chine. Même si le chemin était semé d’incertitudes, d’obstacles et de risques, j’ai engagé un avocat et poursuivi cette démarche avec détermination. Car je savais que c’était le bon choix, celui qu’il fallait absolument faire.

Durant ce processus, les entraves n’ont pas manqué : menaces en ligne, intrus s’introduisant la nuit dans mon appartement pour chercher l’album, voire l’intervention du gouvernement américain qui a tenté de m’en dissuader. Mais je n’ai jamais reculé. Parce que c’était la bonne chose à faire, et que cela méritait que je m’y accroche coûte que coûte.

Pour moi, le courage, c’est la volonté de faire ce qui est juste, même quand c’est difficile ou risqué. C’est oser agir dans l’adversité. C’est cette ligne de conduite que j’ai voulu défendre dans mon livre comme dans mes actes.

Aujourd’hui, je suis heureux de l’avoir fait. Et c’est pourquoi je veux dire à chacun : peu importe les difficultés qui vous attendent, osez toujours faire ce qui est juste.

Dans votre livre, vous évoquez le fait que beaucoup d’Américains ignorent l’histoire de la guerre d’invasion du Japon en Chine. Selon vous, pourquoi en est-il ainsi ? Et en quoi votre ouvrage peut-il contribuer à une meilleure compréhension de cette histoire dans le monde occidental ?

Je vais donner une réponse peut-être brutale, mais profondément sincère : la cause en est le racisme systémique. Aux États-Unis, on enseigne de façon approfondie l’histoire de l’Holocauste commis par les nazis allemands, parce qu’il est considéré comme un « crime entre Blancs » — des Allemands blancs contre des Juifs blancs.

En revanche, sous l’ombre du racisme structurel qui traverse encore l’Occident, les crimes subis par les populations asiatiques n’obtiennent pas la même attention. Voilà, selon moi, la raison essentielle pour laquelle cette histoire n’a pas été intégrée de manière équitable dans l’éducation. Si j’avais mon mot à dire dans l’élaboration des programmes scolaires ou comme conseiller du gouvernement, je dirais : « Si l’on veut vraiment construire une relation amicale avec le peuple chinois, il faut inclure cette histoire dans les manuels scolaires et en faire un enseignement obligatoire, au même titre que l’Holocauste. »

J’ai étudié au lycée d’Edina, dans le Minnesota, puis suivi des études de japonais à l’université du Minnesota. J’ai eu la chance d’apprendre de façon structurée l’histoire de cette guerre ; dès le lycée, je connaissais les détails de ces atrocités. Naïvement, je pensais alors que tout le monde recevait la même éducation. Mais ce n’était pas le cas : c’est simplement que mon établissement avait accordé une attention particulière à ce sujet. La plupart des écoles ne le font pas. Après la diffusion virale de ma vidéo, j’ai été frappé par les réactions dans les commentaires : le degré d’ignorance était bien plus profond que je ne l’imaginais.

Je pense que c’est aussi pour cette raison que j’ai reçu des distinctions diplomatiques et de nombreuses marques de reconnaissance : cette vidéo a permis à beaucoup de découvrir une page d’histoire largement négligée. J’espère sincèrement que cette indifférence changera. Si les États-Unis intégraient cette histoire comme matière obligatoire à l’école, cela renforcerait considérablement la bienveillance et la compréhension du peuple américain envers la Chine.

Au cours de l’écriture, y a-t-il eu un moment particulièrement émouvant ou qui vous a profondément marqué sur le plan émotionnel ?

Lorsque j’ai rédigé mes souvenirs de la visite à Nankin et des événements liés à l’Unité 731 de l’armée japonaise, j’ai été submergé par l’émotion. J’ai pleuré en repensant à ces épisodes : il est très difficile de raviver ces souvenirs. Même si plusieurs générations nous séparent de ces crimes, j’ai senti, à travers mes démarches et le rôle que j’ai joué dans le traitement de cette histoire sensible, une forme de lien personnel avec elle. Cette douleur, je la porte toujours en moi, et y faire face de nouveau a été une épreuve.

J’ai aussi regardé le film Le Studio de Nankin, qui m’a profondément bouleversé. Le visionnage a été difficile : j’ai pleuré non seulement devant les scènes insoutenables et les atrocités montrées, mais aussi parce que je savais, au fond de moi, que mon propre parcours m’avait lié à cette tragédie. La voir ainsi reconstituée sur grand écran fut à la fois déchirant et porteur d’enseignement. Je me réjouis que ce film ait touché un large public, et je trouve réconfortant que son message — préserver la mémoire — soit ainsi diffusé.

Qu’est-ce qui nourrit votre persévérance dans cet engagement ?

Mon souhait, en venant pour la première fois en Chine, était en réalité très simple : témoigner mon respect au peuple chinois, et voir de mes propres yeux cette terre. Mais en découvrant sur place à quel point les gens étaient passionnément attachés à cette histoire, j’ai soudain compris que je pouvais faire davantage. Dans ce monde où je suis entré presque par hasard, ce poids de mémoire et d’attention méritait d’être porté plus loin.

Peu à peu, cela s’est transformé en une mission pour la paix mondiale, une mission pour encourager la paix entre les États-Unis et la Chine. C’est un point que je tiens à souligner dans chacune de mes interviews.

Je dois préciser que je ne suis qu’un simple citoyen, qui s’efforce de faire ce qui est juste. Mais j’aspire à être une lumière, à donner forme, par mes actes, à une diplomatie de paix. J’aimerais que, lorsqu’un Chinois pense aux Américains, ce soit mon image qui vienne à l’esprit. Et plus encore, j’espère qu’en accomplissant quelque chose de porteur de sens, je puisse devenir un modèle, incitant d’autres à rejoindre ce chemin.

Les conflits régionaux et les divergences politiques continuent d’affecter le monde. Quelles actions concrètes la jeune génération peut-elle entreprendre pour promouvoir la paix ?

Diffuser la vérité historique, et préserver la compréhension mutuelle dans un contexte complexe. Lorsque les nations s’affrontent et semblent prêtes à entrer en guerre, il faut comprendre que la guerre n’est pas une solution. J’aspire à la paix mondiale, et je continuerai à m’y consacrer, car c’est l’avenir de l’humanité qui en dépend.

Je souhaite que l’humanité sache s’unir, et j’espère tout particulièrement une coopération entre les États-Unis et la Chine. Ensemble, nos deux pays pourraient explorer plus rapidement l’espace et franchir de nouvelles frontières. Ce siècle est celui de la science et de la technologie, qui transforment notre monde et nos vies. Nous devons coopérer : c’est cela qui correspond au véritable niveau de la civilisation humaine, et qui nous permettra d’entrer dans une nouvelle ère.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

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