Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Bluffer, briser, bloquer, se vanter : dans les coulisses du livre de jeu mondial des superpuissances

La comparaison des divers jeux suivant les grandes puissances est assez conventionnelle mais néanmoins elle est éclairante si on met en regard les « jeux » avec une analyse plus marxiste-léniniste sur les temporalités historiques et les contradictions forces productives/rapports de production à l’oeuvre. La géopolitique peut alors dépasser la simple analyse qui fait des jeux des « effets leviers », ce qui est le sujet que nous allons traiter dans ce weekend de la fête de l’humanité, considérée comme relais du mouvement qui s’amorce en France face à un pouvoir, un système qui se décompose. Un système qui, comme le poisson, pourrit par la tête. Nous allons parler stratégie, en particulier en tentant de partir du levier de toute transformation profonde, le mouvement des masses revendiquant leur droit à la vie. Ce n’est pas un hasard si comme le décrit l’article, le poker des USA, mais aussi l’Inde de Modi s’est retrouvé sans « effet levier ». Ce que la Chine lui a déjà dit « Vous sacrifiez trop le facteur humain » ce mépris du « facteur humain » est le talon d’Achille du capitalisme. Quant au point d’appui, il se trouve dans ce qui est déjà en plein changement, le monde multipolaire avec comme leader la Chine et son socialisme, son maitre du jeu le parti communiste et le peuple chinois organisé vers l’émancipation. L’art et la manière d’aborder le jeu à partir du développement des forces productives matérielles et humaines en déplaçant la solution vers des zones de stabilité. (note et traduction d’histoireetsociete)

Photo d’avatarpar Ravi Kant 9 septembre 2025

Dans la grande arène géopolitique, le pouvoir n’est jamais déclaré d’emblée. Il est exécuté, signalé, masqué et manœuvré. Comme les maîtres tacticiens, les nations ne se contentent pas de réagir aux menaces, ni ne se contentent de courir après les opportunités. Ils jouent à des jeux – chacun en fonction de leur identité culturelle, de leur vision stratégique du monde et de leurs objectifs mondiaux – pour obtenir un effet de levier géopolitique.

Plus tôt cette année, lors d’une réunion avec le président Volodymyr Zelenskyy, le président Donald Trump aurait demandé : « Quelles cartes tenez-vous ? » Ce n’était pas seulement une métaphore, cela pointait directement vers la prémisse centrale de la politique mondiale : qui détient l’influence ? Peu après, Trump est revenu avec un conseil tarifaire, posant la même question à tous les dirigeants mondiaux.

Il joue sa main comme n’importe quel Américain le ferait dans une partie de poker.

L’art du bluff

Les États-Unis ne jouent pas toujours avec les meilleures cartes, mais ils jouent à la table. La politique étrangère des États-Unis ressemble beaucoup à une partie de poker à enjeux élevés, à un jeu d’influence, de bluff et de domination psychologique.

Le défaut fatal du poker est l’excès de confiance. L’Amérique parie parfois gros – l’Afghanistan, l’Irak, la Libye – pour perdre sa crédibilité. Sa polarisation interne, son endettement et le déclin de sa base manufacturière pourraient saper son bluff au cours de la prochaine décennie.

La Russie joue aux échecs

Si la géopolitique était un jeu d’échecs, la Russie serait le joueur patient assis, les yeux fixés sur une douzaine de coups successifs à venir. L’approche géopolitique de la Russie évoque les manœuvres classiques des échecs.

De la Syrie à la Crimée, Moscou se positionne plutôt que de se contenter d’agir. Ses actions sont calculatrices, froides et destructrices. Elle vise le contrôle du centre, applique une stratégie de précision pour mettre la pression sur son adversaire et n’a pas peur de casser l’échiquier si elle ne peut pas gagner proprement. Pour établir des tampons stratégiques, elle utilise l’effet de levier énergétique, la puissance dure et la déstabilisation régionale.

Chaque action, que ce soit dans l’Arctique, en Afrique ou en Ukraine, est stratégique, ciblée et basée sur l’idée que la perception, le sacrifice et le temps sont autant d’armes. La présence militaire russe en Ukraine, en Syrie et en Arménie, ainsi que dans certaines parties de l’Afrique, démontre la conviction que les perturbations peuvent avoir un effet de levier.

Mais le monde moderne est nettement plus imprévisible que les échecs, qui favorisent l’anticipation parfaite. La flexibilité à long terme de la Russie pourrait être affectée par des problèmes structurels, notamment le règne d’un seul homme, le manque d’innovation et les pressions démographiques. Le conflit en Ukraine a une justification géopolitique évidente, mais il ne peut pas être durable économiquement dans le temps.

La Chine joue au wéiqí (Go)

La politique étrangère de la Chine reflète souvent la stratégie utilisée dans l’ancien jeu de société Go. Au Go, les joueurs n’attaquent pas directement. Au lieu de cela, ils placent des pierres stratégiquement sur le plateau pour encercler le territoire et limiter les options de leur adversaire. Alors que la Russie cherche à s’emparer de pièces décisives, Pékin pense en termes d’encerclements.

La Chine joue le jeu à long terme, en plaçant des pions qui occupent tranquillement l’espace et limitent les mouvements des autres. Son initiative Belt and Road ne concerne pas seulement les routes commerciales et le blocage des alternatives.

La Chine n’a pas besoin de tout contrôler ; elle a juste besoin de limiter vos choix. Son affirmation en mer de Chine méridionale, son emprise sur les chaînes d’approvisionnement, son influence croissante dans les institutions internationales, les percées de l’IA (Deepseek) sont autant de méthodes de confinement silencieux mais implacable.

L’essor de la Chine est souvent qualifié à tort de domination imminente ou d’intégration prudente. Mais Pékin n’est ni un agresseur imprudent ni une partie prenante satisfaite. Au lieu de cela, il fonctionne comme une puissance révisionniste prudente – cherchant non pas à renverser l’ordre mondial d’emblée, mais à remodeler subtilement le monde en sa faveur.

Par le biais de l’initiative Belt and Road, de l’Organisation de coopération de Shanghai, des efforts d’autosuffisance technologique et d’un engagement sélectif dans les institutions mondiales, la Chine construit des voies parallèles à l’ordre dirigé par les États-Unis. Cette stratégie met l’accent sur la concurrence asymétrique par le biais des progrès technologiques, de la diplomatie infrastructurelle et de l’effet de levier économique. C’est une hégémonie poursuivie par la furtivité et la taille, et non par des chars et des porte-avions.

Le go n’est pas un jeu de force brute mais de positionnement subtil et de patience. Néanmoins la Chine pourrait être à court dans les deux domaines. Son déclin démographique accéléré, son autoritarisme centralisé, sa rigidité idéologique et l’absence de boucles de rétroaction institutionnelles pourraient compromettre sa capacité d’adaptation future. Tandis que la Chine restera une formidable puissance régionale, ses ambitions mondiales pourraient stagner.

L’Inde joue du kabaddi

Le style de politique étrangère de l’Inde peut être comparé au kabaddi, un sport de haut contact, agile et stratégique. Dans le kabaddi, les joueurs attaquent audacieusement le territoire de leurs adversaires, scandant « kabaddi, kabaddi » à la fois comme tactique et comme démonstration de confiance. Cette décision vantarde et à haut risque signale une domination, mais pour réussir, il faut une réflexion rapide, une exécution stratégique et une retraite opportune.

L’Inde a montré une tendance à se vanter ces derniers temps. Sous le Premier ministre Narendra Modi, cette approche a été marquée par le désir de projeter l’Inde comme un Vishwaguru, un leader moral et intellectuel pour le monde.

L’idée d’un gourou mondial est le reflet de cet état d’esprit, projetant la conviction que l’Inde est devenue une superpuissance mondiale ; une vision audacieuse mais qui n’a pas d’équivalent par l’effet de levier diplomatique nécessaire, la force économique ou l’action décisive. Les récentes guerres tarifaires mettent en lumière la réalité, révélant la vulnérabilité de l’Inde et sa capacité limitée à négocier ou à réagir de manière décisive en temps opportun, par rapport à la Chine ou à la Russie.

La tentative de l’Inde d’équilibrer ses relations avec les États-Unis et la Russie au sujet de l’Ukraine s’est retournée contre elle. En essayant de rester sur la touche, l’Inde a fini par s’isoler en payant les tarifs les plus élevés. En substance, l’Inde a fait un mauvais calcul. Elle manque de levier stratégique, ne parvient pas à prendre des positions en temps opportun et refuse de devenir un État client. Dans ce triangle de l’inaction, elle devient son propre pire ennemi.

L’Inde a enregistré un excédent commercial de 45,8 milliards de dollars avec les États-Unis en 2024 et Washington n’a ménagé aucun effort pour faire pression sur l’Inde et l’humilier.

Cependant, pour Delhi, se tourner maintenant vers Pékin présente ses propres risques, car l’Inde est confrontée à un déficit commercial d’environ 100 milliards de dollars avec la Chine, ce qui soulève des inquiétudes quant à la façon dont la Chine pourrait tirer parti de ce déséquilibre à long terme.

En l’absence d’un véritable effet de levier, la diplomatie symbolique ne fait qu’alimenter le calcul stratégique de Pékin selon lequel Delhi peut être gérée, et non égalée. L’Inde risque d’être considérée et traitée comme un État pivot sans bascule. Plus important encore, la chaleur prématurée de l’Inde envers la Chine est périlleuse.

Si cela est considéré comme un succès de politique étrangère, alors le potentiel de l’Inde en tant que puissance mondiale reste un sujet de débat. L’Inde se trouve à un carrefour stratégique. Elle doit exercer sa présence dans le monde par la substance plutôt que par le spectacle. Sinon, l’Inde risque de rester perpétuellement prise entre le diable et le grand bleu.

Elle ne peut pas se permettre de projeter du pouvoir sans le construire de l’intérieur. Pour éviter de se saper elle-même, l’Inde doit aligner son ambition sur ses capacités par le biais de réformes économiques, d’une clarté stratégique et d’une mise en œuvre rapide afin de façonner son propre bloc à l’avenir.

Alors que nous entrons dans une ère de profonde incertitude géopolitique, le succès dépendra moins de la force que de l’adaptabilité, de la résilience et du leadership technologique.

Les deux prochaines décennies seront probablement façonnées par un monde multipolaire, avec un pouvoir partagé entre les nations concurrentes. L’avenir dépendra de la capacité des pays à adapter leurs stratégies à l’évolution des conditions mondiales.

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