Le fétichisme de la monnaie prend à son piège la domination occidentale. « Tout s’achète, donc, en tant que possédant de la monnaie et de la finance, ma domination est assurée. » Voici le cœur du raisonnement par lesquels, de Trump à Macron, les dirigeants occidentaux se pensent encore maîtres du monde. Pourtant, le budget militaire de l’OTAN est plus de 10 fois celui de la Russie, sans que l’OTAN parvienne à suivre la cadence de production d’obus de la Russie et de la Corée du Nord. La faiblesse en capacités de production industrielle de l’industrie militaire occidentale n’est pas compensée par les coûteuses armes de haute technologie. Et de la même manière, il ne suffit pas d’avoir de l’argent pour produire des batteries de voiture aussi fiables, performantes et peu coûteuses que celles produites en Chine. Comme nous l’expliquons dans notre ouvrage collectif Quand la France s’éveillera à la Chine, la Chine a réussi à bâtir un centre industriel de nouvelle génération, pendant que l’Europe et les USA dissertaient sur le concept « d’entreprise sans usine », ayant entièrement sous-traité la fabrication. Le biais de classe d’une telle conception du monde saute aux yeux : l’entreprise peut se passer d’usines, car le travail des ouvriers est considéré comme sans valeur. Seul compte le travail véritablement créatif, digne : celui du concepteur, des ingénieurs, des communicants … La Chine (et dans son sillage un nombre croissant de pays) travaille sur les deux dimensions : la recherche, le développement et tous les métiers de l’ingénierie d’un côté, et l’industrialisation de l’autre. Elle développe les recherches de manière large, tous azimuts, puis évalue les possibilités d’industrialisation de chaque concept, avant de lancer la production de masse par écosystèmes cohérents et intégrés. C’est comme cela que l’industrie des automobiles électriques chinoises a été développée, avec une planification sur plusieurs décennies. Pour qui maîtrise un peu les enjeux de telles productions, il est évident que l’avance chinoise sera très difficile à rattraper, même pour le « sorcier » Elon Musk. Il est d’ailleurs frappant que, plutôt que d’investir ces 1 000 milliards de dollars dans des moyens de production modernisés, le capitalisme US se raccroche à la magie et attend un miracle réalisé par Elon en personne. Pour sauver le dollar et le complexe militaro-industriel US, il faudra bien sûr davantage, même avec les promesses de paradis à 15 € de Trump. (note de Franck Marsal pour Histoire&Société)
Non ! il n’y a rien à dire face à l’effondrement de Bayrou, Macron and co… Ceux qui gouvernent sont aujourd’hui plus que jamais éloignés de toute pensée et de toute grandeur humaine. Ce qui se passe aujourd’hui dans les gouvernements et les parlements de l’occident global, dans leur presse, réduit le peuple à une masse indistincte d’individus privés de cerveaux. Reconquérir la dignité de comprendre pour agir n’est pas chose aisée dans un tel système où exploitation et domination deviennent une seule et même idée, celle d’une illusion de puissance par des « communicants ». Démonter la conception du « contrat » social d’un tel système quand il a réussi à priver le peuple et singulièrement sa classe ouvrière de toute aspiration à avoir un parti, une force collective, une théorie. C’est « la nef des fous » disait Marx expliquant qu’il en sera ainsi tant que « le monde absurde se substituera au monde réel » celui ou comme le décrit ci-dessus Franck Marsal, le capitalisme se raccroche à la magie, au fétiche, nie la production matérielle. Et on peut ajouter qu’aujourd’hui l’impasse est manifeste parce que la crise interne de l’impérialisme, l’impossibilité de gouverner est en train de se confondre avec la crise externe, celle qui vise à contenir le monde en déversant sur lui plus encore que déjà ce qu’il supporte pour paraître dominer le chaos qui est le leur… Il n’y manque qu’une chose, la conviction qu’il peut en être autrement et accéder à ce niveau de « possible » n’a rien de spontané…
Marx proposait de publier le Capital en feuilleton. Rompre avec les illusions de l’idéologie dominante était indispensable au combat tenace de la classe ouvrière. Vu la passion que les dits feuilletons, comme les Mystères de Paris, suscitaient dans cette classe quand elle savait lire, ce qui était alors une aspiration forte du monde ouvrier, la lecture du Capital par chapitre s’imposait.. Marx, il est vrai, s’interrogeait sur les Français, « toujours impatients d’arriver aux conclusions » et donc ayant du mal à suivre un raisonnement, une « logique » pourtant indispensable à la rigueur d’une analyse scientifique. Nous avons la malice de refuser le conseil d’Althusser qui proposait d’éliminer l’ouverture du Capital et tout ce qui de fait porte sur la nature du contrat social que le capital impose à ceux qu’il exploite, sujet d’actualité qui témoigne de « l’illusion démocratique » quand celle-ci se confond avec l’impuissance du capital face au contrat social…

Voyons donc le feuilleton du jour: 1000 milliards de dollars à Musk pour sauver Tesla de la concurrence chinoise… 15 dollars par dévot de Trump qui espère aller au paradis… Le capitaliste c’est « l’homme aux écus » qui investit pour accumuler… Si Musk atteint les objectifs de croissance fixés par Tesla, il pourrait devenir le premier trillionnaire de la planète s’ébaudissent les commentateurs pour qui ces sommes n’ont plus aucun rapport avec la valeur, avec le travail.
Tesla propose un plan de rémunération inédit à Elon Musk, pouvant atteindre 1.000 milliards de dollars sur dix ans, sous conditions ambitieuses qu’il arrive de fait à gagner le challenge que pose La Chine en matière d’automobile à l’ère de l’IA. Bref d’une manière quasi supertitieuse l’homme aux écus, le capitaliste investisseur selon Marx, se double aujourd’hui d’une image de l’inventeur capable de recréer ex nihilo tout ce que le « socialisme » chinois a réussi à mettre en oeuvre et qui est du travail dans des conditions historiquement déterminéess. La somme escomptée est du jamais-vu, et de loin. Tesla propose de payer Elon Musk jusqu’à 1.000 milliards de dollars sur dix ans, un « package » inédit dans l’histoire. Pour décrocher la totalité de cette incroyable fortune, l’ancien ami de Donald Trump, qui est déjà l’homme le plus riche du monde actuellement, devra remplir une série de conditions spectaculaires : faire des robotaxis Tesla un objet du quotidien et faire passer la valeur du groupe de 1.000 milliards de dollars aujourd’hui à au moins 8.500 milliards. Deux fois plus que Nvidia aujourd’hui. A Wall Street, le record de Tesla, datant de la fin 2024, est d’environ 1.500 milliards.
Ce qui fait voir, entre autres choses, l’illusion produite sur la plupart des économistes par le fétichisme inhérent au monde marchand ; ou par l’apparence matérielle des attributs sociaux du travail, c’est leur longue et insipide querelle à propos du rôle de la nature dans la création de la valeur d’échange. Cette valeur n’étant pas autre chose qu’une manière sociale particulière de compter le travail employé dans la production d’un objet ne peut pas plus contenir d’éléments matériels que le cours du change, par exemple.(voir ci-dessous texte de Marx)
Le président américain Donald Trump se promène dans le Bureau ovale avant un dîner dans la Roseraie de la Maison Blanche à Washington, DC, le 5 septembre 2025. Photo d’illustration.© MANDEL NGAN / AFP
Alors que nous sommes devant des sommes de plus en plus démentes attribuées à l’illusion boursière, des sauveurs ou supposés tels comme Elon Musk qui dans le même temps est sollicité par Trump, l’Etat sans qui rien ne serait dans cette compétition là, l’obole du pauvre, le quasi trafic des « indulgences » pour que Trump assure son salut… Qu’il s’agisse n’en déplaise à Althusser, Marx de la maturité depuis la Sainte famille, l’idéologie allemande (la partie consacrée à Max Stirner) et ici le Capital, Marx ne renoncera jamais à une dialectique matérialiste proche de la dialectique de la nature qui remet Hegel sur ses pieds. Ricardo, dit-il, transforme les hommes en chapeaux (marchandises) et Hegel les transforme en idées. « Le monde religieux n’est que le reflet du monde réel. Une société où le produit du travail prend généralement la forme de marchandise et où, par conséquent, le rapport le plus général entre les producteurs consiste à comparer les valeurs de leurs produits et, sous cette enveloppe des choses, à comparer les uns aux autres leurs travaux privés à titre de travail humain égal, une telle société trouve dans le christianisme avec son culte de l’homme abstrait, et surtout dans ses types bourgeois, protestantisme, déisme, etc., le complément religieux le plus convenable. »
« Je veux essayer d’aller au paradis ». C’est l’objet des courriels que le président américain Donald Trump a envoyé pour appeler ses partisans à contribuer à une collecte de fonds pour « aller au paradis ». Pour encourager ses partisans à faire des dons de 15 dollars, le président américain fait valoir une supposée mission divine.
« J’ai frôlé la mort »
Dans ce courriel, dont le contenu a été relayé par plusieurs médias américains, Donald Trump se présente comme un messager de Dieu en faisant valoir sa survie à une tentative d’assassinat, ses victoires politiques et juridiques comme la preuve d’une volonté divine, rapporte notamment Newsweek. Le président invite ses partisans à contribuer à hauteur de 15 dollars à une collecte de fonds.
« L’année dernière, j’ai frôlé la mort lorsque cette balle m’a transpercé la peau. Mon retour triomphal à la Maison Blanche n’aurait jamais dû avoir lieu ! », écrit le président dans son mail. « Mais je crois que Dieu m’a sauvé pour une seule raison : REDONNER SA GRANDEUR À L’AMÉRIQUE ! », cite aussi le journal The Independent.
« Je n’étais certainement pas censé survivre à la balle d’un assassin, mais par la grâce de Dieu tout-puissant, j’ai survécu. ALORS MAINTENANT, je n’ai d’autres choix que de répondre à l’appel du devoir, mais je ne peux pas le faire seul, » poursuit-il en appelant ses partisans à verser des dons de 15 dollars « pour que les victoires continuent ».
« Au bas de l’échelle ! »
Donald Trump, âgé de 79 ans, avait déjà évoqué sa volonté d’aller au Paradis dans une émission de Fox News, chaîne qui a les faveurs des conservateurs américains. « Je veux essayer d’aller au Paradis si possible », a-t-il déclaré, plaisantant sur le fait que ses chances d’y accéder sont actuellement faibles. « J’entends dire que je ne suis pas bien placé, que je suis vraiment au bas de l’échelle ! », a-t-il ajouté, alors qu’il évoquait sa volonté d’obtenir un accord de paix en Ukraine pourrait l’aider à aller au Paradis.
Marié trois fois et mis deux fois en accusation par le Congrès américain (« impeachment »), Donald Trump n’a rien d’un saint, a rappelé l’AFP .
Le milliardaire républicain a été impliqué dans un certain nombre de scandales au fil des ans et est le premier président américain à avoir été condamné au pénal, pour des paiements dissimulés à une star de films X.
Mais il a adopté un ton de plus en plus mystique après avoir survécu l’an passé à une tentative d’assassinat. Lors de son investiture en janvier, il avait ainsi affirmé avoir été « sauvé par Dieu pour rendre sa grandeur à l’Amérique ».
Bénéficiant du plein soutien de la droite religieuse américaine, Donald Trump cherche à apparaître plus pieux que lors de son premier mandat.
Cette religiosité signifie simplement qu’il est la seule personne politique, sa personnalité comme celle de dieu détermine le système dans un sens ou dans un autre, il n’a pas besoin d’être dictateur, il est despote comme Elon Musk est le tout puissant homme aux écus, le sauveur… du moins c’est ce qui se substitue à la totalité des rapports sociaux … Le cas nous apparaît caricatural mais c’est la norme…

Nous sommes avec le capitalisme dans les « robinsonnades » (Robinson Crusoé seul dans son île) ou le poids de l’individu abstrait dans l’origine des faits sociaux tels que nous les percevons et ce que Marx décrit comme le fétichisme de la marchandise, l’échange monétaire et le deus ex machina, la religion… Le capital livre I section I la marchandise et la monnaie, V le caractère fétiche de la marchandise et son secret (dont voici un extrait qui met en relation individu (Robinson), travail social, distribution, consommation et fait religieux et qui se situe à la fin de la démonstration sur la valeur, le travail, la marchandise.
- La marchandise
- Les deux facteurs de la marchandise : valeur d’usage et valeur d’échange ou valeur proprement dite. (Substance de la valeur, Grandeur de la valeur)
- Double caractère du travail présenté par la marchandise
- Forme de la valeur
- Le caractère fétiche de la marchandise et son secret
Puisque l’économie politique aime les Robinsonades [32], visitons d’abord Robinson dans son île.
Modeste, comme il l’est naturellement, il n’en a pas moins divers besoins à satisfaire, et il lui faut exécuter des travaux utiles de genre différent, fabriquer des meubles, par exemple, se faire des outils, apprivoiser des animaux, pêcher, chasser, etc. De ses prières et autres bagatelles semblables nous n’avons rien à dire, puisque notre Robinson y trouve son plaisir et considère une activité de cette espèce comme une distraction fortifiante. Malgré la variété de ses fonctions productives, elles ne sont que les formes diverses par lesquelles s’affirme le même Robinson, c’est-à-dire tout simplement des modes divers de travail humain. La nécessité même le force à partager son temps entre ses occupations différentes. Que l’une prenne plus, l’autre moins de place dans l’ensemble de ses travaux, cela dépend de la plus ou moins grande difficulté qu’il a à vaincre pour obtenir l’effet utile qu’il a en vue. L’expérience lui apprend cela, et notre homme qui a sauvé du naufrage montre, grand livre, plume et encre, ne tarde pas, en bon Anglais qu’il est, à mettre en note tous ses actes quotidiens. Son inventaire contient le détail des objets utiles qu’il possède, des différents modes de travail exigés par leur production, et enfin du temps de travail que lui coûtent en moyenne des quantités déterminées de ces divers produits. Tous les rapports entre Robinson et les choses qui forment la richesse qu’il s’est créée lui-même sont tellement simples et transparents que M. Baudrillart pourrait les comprendre sans une trop grande tension d’esprit. Et cependant toutes les déterminations essentielles de la valeur y sont contenues.
Transportons-nous, maintenant de l’île lumineuse de Robinson dans le sombre moyen âge européen. Au lieu de l’homme indépendant, nous trouvons ici tout le monde dépendant, serfs et seigneurs, vassaux et suzerains, laïques et clercs. Cette dépendance personnelle, caractérise aussi bien les rapports sociaux de la production matérielle que toutes les autres sphères de la vie auxquelles elle sert de fondement. Et c’est précisément parce que la société est basée sur la dépendance personnelle que tous les rapports sociaux apparaissent comme des rapports entre les personnes. Les travaux divers et leurs produits n’ont en conséquence pas besoin de prendre une figure fantastique distincte de leur réalité. Ils se présentent comme services, prestations et livraisons en nature. La forme naturelle du travail, sa particularité — et non sa généralité, son caractère abstrait, comme dans la production marchande — en est aussi la forme sociale. La corvée est tout aussi bien mesurée par le temps que le travail qui produit des marchandises ; mais chaque corvéable sait fort bien, sans recourir à un Adam Smith, que c’est une quantité déterminée de sa force de travail personnelle qu’il dépense au service de son maître. La dîme à fournir au prêtre est plus claire que la bénédiction du prêtre. De quelque manière donc qu’on juge les masques que portent les hommes dans cette société, les rapports sociaux des personnes dans leurs travaux respectifs s’affirment nettement comme leurs propres rapports personnels, au lieu de se déguiser en rapports sociaux des choses, des produits du travail.
Pour rencontrer le travail commun, c’est-à-dire l’association immédiate, nous n’avons pas besoin de remonter à sa forme naturelle primitive, telle qu’elle nous apparaît au seuil de l’histoire de tous les peuples civilisés [33]. Nous en avons un exemple tout près de nous dans l’industrie rustique et patriarcale d’une famille de paysans qui produit pour ses propres besoins bétail, blé, toile, lin, vêtements, etc. Ces divers objets se présentent à la famille comme les produits divers de son travail et non comme des marchandises qui s’échangent réciproquement. Les différents travaux d’où dérivent ces produits, agriculture, élèvage du bétail, tissage, confection de vêtements, etc., possèdent de prime abord la forme de fonctions sociales, parce qu’ils sont des fonctions de la famille qui a sa division de travail tout aussi bien que la production marchande. Les conditions naturelles variant avec le changement des saisons, ainsi que les différences d’âge et de sexe, règlent dans la famille la distribution du travail et sa durée pour chacun. La mesure de la dépense des forces individuelles par le temps de travail apparaît ici directement comme caractère social des travaux eux-mêmes, parce que les forces de travail individuelles ne fonctionnent que comme organes de la force commune de la famille.
Représentons-nous enfin une réunion d’hommes libres travaillant avec des moyens de production communs, et dépensant, d’après un plan concerté, leurs nombreuses forces individuelles comme une seule et même force de travail social. Tout ce que nous avons dit du travail de Robinson se reproduit ici, mais socialement et non individuellement. Tous les produits de Robinson étaient son produit personnel et exclusif, et, conséquemment, objets d’utilité immédiate pour lui. Le produit total des travailleurs unis est un produit social. Une partie sert de nouveau comme moyen de production et reste sociale ; mais l’autre partie est consommée et, par conséquent, doit se répartir entre tous. Le mode de répartition variera suivant l’organisme producteur de la société et le degré de développement historique des travailleurs. Supposons, pour mettre cet état de choses en parallèle avec la production marchande, que la part accordée à chaque travailleur soit en raison de son temps de travail. Le temps de travail jouerait ainsi un double rôle. D’un côté, sa distribution dans la société règle le rapport exact des diverses fonctions aux divers besoins ; de l’autre, il mesure la part individuelle de chaque producteur dans le travail commun, et en même temps la portion qui lui revient dans la partie du produit commun réservée à la consommation. Les rapports sociaux des hommes dans leurs travaux et avec les objets utiles qui en proviennent restent ici simples et transparents dans la production aussi bien que dans la distribution.
Le monde religieux n’est que le reflet du monde réel. Une société où le produit du travail prend généralement la forme de marchandise et où, par conséquent, le rapport le plus général entre les producteurs consiste à comparer les valeurs de leurs produits et, sous cette enveloppe des choses, à comparer les uns aux autres leurs travaux privés à titre de travail humain égal, une telle société trouve dans le christianisme avec son culte de l’homme abstrait, et surtout dans ses types bourgeois, protestantisme, déisme, etc., le complément religieux le plus convenable. Dans les modes de production de la vieille Asie, de l’antiquité en général, la transformation du produit en marchandise ne joue qu’un rôle subalterne, qui cependant acquiert plus d’importance à mesure que les communautés approchent de leur dissolution. Des peuples marchands proprement dits n’existent que dans les intervalles du monde antique, à la façon des dieux d’Epicure, ou comme les Juifs dans les pores de la société polonaise. Ces vieux organismes sociaux sont, sous le rapport de la production, infiniment plus simples et plus transparents que la société bourgeoise ; mais ils ont pour base l’immaturité de l’homme individuel — dont l’histoire n’a pas encore coupé, pour ainsi dire, le cordon ombilical qui l’unit à la communauté naturelle d’une tribu primitive — ou des conditions de despotisme et d’esclavage. Le degré inférieur de développement des forces productives du travail qui les caractérise, et qui par suite imprègne, tout le cercle de la vie matérielle, l’étroitesse des rapports des hommes, soit entre eux, soit avec la nature, se reflète idéalement dans les vieilles religions nationales. En général, le reflet religieux du monde réel ne pourra disparaître que lorsque les conditions du travail et de la vie pratique présenteront à l’homme des rapports transparents et rationnels avec ses semblables et avec la nature. La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu’elle implique forment la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l’aspect, que le jour où s’y manifestera l’œuvre d’hommes librement associés, agissant consciemment et maîtres de leur propre mouvement social. Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d’existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d’un long et douloureux développement.
L’économie politique a bien, il est vrai, analysé la valeur et la grandeur de valeur [34], quoique d’une manière très imparfaite. Mais elle ne s’est jamais demandé pourquoi le travail se représente dans la valeur, et la mesure du travail par sa durée dans la grandeur de valeur des produits. Des formes qui manifestent au premier coup d’œil qu’elles appartiennent à une période sociale dans laquelle la production et ses rapports régissent l’homme au lieu d’être régis par lui paraissent à sa conscience bourgeoise une nécessité tout aussi naturelle que le travail productif lui-même. Rien d’étonnant qu’elle traite les formes de production sociale qui ont précédé la production bourgeoise, comme les Pères de l’Eglise traitaient les religions qui avaient précédé le christianisme [35].
Ce qui fait voir, entre autres choses, l’illusion produite sur la plupart des économistes par le fétichisme inhérent au monde marchand ; ou par l’apparence matérielle des attributs sociaux du travail, c’est leur longue et insipide querelle à propos du rôle de la nature dans la création de la valeur d’échange. Cette valeur n’étant pas autre chose qu’une manière sociale particulière de compter le travail employé dans la production d’un objet ne peut pas plus contenir d’éléments matériels que le cours du change, par exemple.
Dans notre société, la forme économique la plus générale et la plus simple qui s’attache aux produits du travail, la forme marchandise, est si familière à tout le monde que personne n’y voit malice. Considérons d’autres formes économiques plus complexes. D’où proviennent, par exemple, les illusions du système mercantile ? Evidemment du caractère fétiche que la forme monnaie imprime aux métaux précieux. Et l’économie moderne, qui fait l’esprit fort et ne se fatigue pas de ressasser ses fades plaisanteries contre le fétichisme des mercantilistes, est-elle moins la dupe des apparences ? N’est-ce pas son premier dogme que des choses, des instruments de travail, par exemple, sont, par nature, capital, et, qu’en voulant les dépouiller de ce caractère purement social, on commet un crime de lèse-nature ? Enfin, les physiocrates, si supérieurs à tant d’égards, n’ont-ils pas imaginé que la rente foncière n’est pas un tribut arraché aux hommes, mais un présent fait par la nature même aux propriétaires ? Mais n’anticipons pas et contentons-nous encore d’un exemple à propos de la forme marchandise elle-même.
[32] Ricardo (celui qui transforme les hommes en chapeaux marchandise selon Marx, note de DB) lui-même a sa Robinsonade. Le chasseur et le pêcheur primitifs sont pour lui des marchands qui échangent le poisson et le gibier en raison de la durée du travail réalisé dans leurs valeurs. A cette occasion, il commet ce singulier anachronisme, que le chasseur et le pêcheur consultent, pour le calcul de leurs instruments de travail, les tableaux d’annuités en usage à la Bourse de Londres en 1817. Les « parallélogrammes de M. Owen » paraissent être la seule forme de société qu’il connaisse en dehors de la société bourgeoise (K. Marx, Contribution…, op. cit., p. 38-39). [Deuxième édition]
[33] C’est un préjugé ridicule, répandu ces derniers temps, de croire que la propriété collective primitive est une forme de propriété spécifiquement slave, voire exclusivement russe. C’est la forme primitive dont on peut établir la présence chez les Romains, les Germains, les Celtes, mais dont on rencontre encore, aux Indes, tout un échantillonnage aux spécimens variés, bien qu’en partie à l’état de vestiges. Une étude rigoureuse des formes de la propriété collective en Asie, et spécialement aux Indes, montrerait qu’en se dissolvant les différentes formes de la propriété collective primitive ont donné naissance à différentes formes de propriété. C’est ainsi que l’on peut, par exemple, déduire les différents types originaux de propriété privée à Rome et chez les Germains de différentes formes de propriété collective aux Indes (K. Marx, Contribution…, op. cit., p. 13).[Deuxième édition]
[34] Un des premiers économistes qui après William Petty ait ramené la valeur à son véritable contenu, le célèbre Franklin, peut nous fournir un exemple de la manière dont l’économie bourgeoise procède dans son analyse. Il dit : « Comme le commerce en général n’est pas autre chose qu’un échange de travail contre travail, c’est par le travail qu’on estime le plus exactement la valeur de toutes choses » (The Works of Benjamin Franklin. etc., éditions Sparks, Boston, 1836, t. II. p. 267). Franklin trouve tout aussi naturel que les choses aient de la valeur, que le corps de la pesanteur. A son point de vue, il s’agit tout simplement de trouver comment cette valeur sera estimée le plus exactement possible. Il ne remarque même pas qu’en déclarant que « c’est par le travail qu’on estime le plus exactement la valeur de toute chose », il fait abstraction de la différence des travaux échangés et les réduit à un travail humain égal. Autrement il aurait dû dire : puisque l’échange de bottes ou de souliers contre des tables n’est pas autre chose qu’un échange de cordonnerie contre menuiserie, c’est par le travail du menuisier qu’on estimera avec le plus d’exactitude la valeur des bottes ! En se servant du mot travail en général, il fait abstraction du caractère utile et de la forme concrète des divers travaux.
L’insuffisance de l’analyse que Ricardo a donnée de la grandeur de la valeur — et c’est la meilleure — sera démontrée dans les Livres III et IV de cet ouvrage. Pour ce qui est de la valeur en général, l’économie politique classique ne distingue jamais clairement ni expressément le travail représenté dans la valeur du même travail en tant qu’il se représente dans la valeur d’usage du produit. Elle fait bien en réalité cette distinction, puisqu’elle considère le travail tantôt au point de vue de la qualité, tantôt à celui de la quantité. Mais il ne lui vient pas à l’esprit qu’une différence simplement quantitative des travaux suppose leur unité ou leur égalité qualitative, c’est-à-dire leur réduction au travail humain abstrait. Ricardo, par exemple, se déclare d’accord avec Destutt de Tracy quand celui-ci dit : « Puisqu’il est certain que nos facultés physiques et morales sont notre seule richesse originaire, que l’emploi de ces facultés, le travail quelconque, est notre seul trésor primitif, et que c’est toujours de cet emploi que naissent toutes les choses que nous appelons des biens… il est certain même que tous ces biens ne font que représenter le travail qui leur a donné naissance, et que, s’ils ont une valeur, ou même deux distinctes, ils ne peuvent tenir ces valeurs que de celle du travail dont ils émanent. » (DESTUTT DE TRACY, Eléments d’idéologie, IVe et Ve parties, Paris, 1826, p. 35, 36.) (Comp. RICARDO, The Principles of Political Economy, 3e éd., London, 1821, p. 334.) Ajoutons seulement que Ricardo prête aux paroles de Destutt un sens trop profond. Destutt dit bien d’un côté que les choses qui forment la richesse représentent le travail qui les a créées ; mais, de l’autre, il prétend qu’elles tirent leurs deux valeurs différentes (valeur d’usage et valeur d’échange) de la valeur du travail. Il tombe ainsi dans la platitude de l’économie vulgaire qui admet préalablement la valeur d’une marchandise (du travail, par exemple) pour déterminer la valeur des autres.
Ricardo le comprend comme s’il disait que le travail (non sa valeur) se représente aussi bien dans la valeur d’usage que dans la valeur d’échange. Mais lui-même distingue si peu le caractère à double face du travail que dans tout son chapitre « Valeur et Richesse », il est obligé de discuter les unes après les autres les trivialités d’un J.-B. Say. Aussi est-il à la fin tout étonné de se trouver d’accord avec Destutt sur le travail comme source de valeur, tandis que celui-ci, d’un autre côté, se fait de la valeur la même idée que Say.
[35] « Les économistes ont une singulière manière de procéder. Il n’y a pour eux que deux sortes d’institutions, celles de l’art et celles de la nature. Les institutions de la féodalité sont des institutions artificielles, celles de la bourgeoisie sont des institutions naturelles. Ils ressemblent en cela aux théologiens, qui, eux aussi, établissent deux sortes de religions. Toute religion qui n’est pas la leur est une invention des hommes, tandis que leur propre religion est une émanation de Dieu… Ainsi il y a eu de l’histoire, mais il n’y en a plus. » (Karl MARX, Misère de la philosophie. Réponse à la Philosophie de la misère de M. Proudhon, 1847, p. 113.) Le plus drôle est Bastiat, qui se figure que les Grecs et les Romains n’ont vécu que de rapine. Mais quand on vit de rapine pendant plusieurs siècles, il faut pourtant qu’il y ait toujours quelque chose à prendre ou que l’objet des rapines continuelles se renouvelle constamment. Il faut donc croire que les Grecs et les Romains avaient leur genre de production à eux, conséquemment une économie, qui formait la base matérielle de leur société, tout comme l’économie bourgeoise forme la base de la nôtre. Ou bien Bastiat penserait-il qu’un mode de production fondé sur le travail des esclaves est un système de vol ? Il se place alors sur un terrain dangereux. Quand un géant de la pensée, tel qu’Aristote, a pu se tromper dans son appréciation du travail esclave, pourquoi un nain comme Bastiat serait-il infaillible dans son appréciation du travail salarié? — Je saisis cette occasion pour dire quelques mots d’une objection qui m’a été faite par un journal allemand-américain à propos de mon ouvrage : Contribution à la critique de l’économie politique, paru en 1859. Suivant lui, mon opinion que le mode déterminé de production et les rapports sociaux qui en découlent, en un mot que la structure économique de la société est la base réelle sur laquelle s’élève ensuite l’édifice juridique et politique, de telle sorte que le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle — suivant lui, cette opinion est juste pour le monde moderne dominé par les intérêts matériels mais non pour le Moyen Age où régnait le catholicisme, ni pour Athènes et Rome où régnait la politique. Tout d’abord, il est étrange qu’il plaise à certaines gens de supposer que quelqu’un ignore ces manières de parler vieillies et usées sur le Moyen Age et l’Antiquité. Ce qui est clair, c’est que ni le premier ne pouvait vivre du catholicisme, ni la seconde de la politique. Les conditions économiques d’alors expliquent au contraire pourquoi là le catholicisme et ici la politique jouaient le rôle principal. La moindre connaissance de l’histoire de la République romaine, par exemple, fait voir que le secret de cette histoire, c’est l’histoire de la propriété foncière. D’un autre côté, personne n’ignore que déjà don Quichotte a eu à se repentir pour avoir cru que la chevalerie errante était compatible avec toutes les formes économiques de la société.
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Xuan
Il y a quelque chose de profondément obscurantiste dans l’apparition du droit divin dans l’exercice du pouvoir, pas très surprenant dans une société où les vidéos tik tok sont quasiment toutes et à tout bout de champ ponctuées de « My God ! ».
Pendant ce temps les Démocrates sont quasiment absents, laminés. On dirait que la dictature démocratique bi partisane s’effondre et que la bourgeoisie penche pour une direction unique voire inamovible.
Si les USA continuent de diriger l’idéologie politique du monde occidental, d’autres pays impérialistes pourraient aussi pencher vers une direction unique, parce que le parlementarisme bourgeois est incapable d’assurer une action suivie du gouvernement, comme on peut le voir ici.