J’avais rencontré Manuel Vázquez Montalbán à une fête de la Marseillaise à Fabregoule, il m’avait dédicacé son livre “meurtre au comité central” en me “disant prenez garde à vous” et nous avions beaucoup pratiqué l’ironie, celle des “fidèles”.. Cet article présente un personnage complexe, totalement engagé, communiste, mais ayant acquis une sorte d’habileté de torero à se faufiler face à la censure du taureau franquiste.La communication pour lui n’est plus de la simple propagande, et il suffit de lire ses livres pour s’en rendre compte. Cela s’appelle le talent, l’intelligence critique et pourquoi pas le style. Notez que l’auteur de l’article choisit de placer le nom de Staline dans le titre pour des raisons équivalentes, celles d’attirer le lecteur (note et traduction de Danielle Bleitrach).
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SÉVILLE21/06/2020 09:20 ACTUALISÉ: 21/06/2020 10:36
Mai 1962. Le journaliste mythique et encore en gestation Vázquez Montalbán était un étudiant universitaire, combatif et engagé dans la lutte, au sein de la Faculté des Arts de Barcelone. Il appartenait à l’union étudiante clandestine et combattait dans tous les mouvements qui se sont développés contre ce régime qui s’effondrait lentement. Il exerçait alors son activité professionnelle dans le célèbre journal Falangiste la Solidaridad Nacional, la Soli, où il a cherché n’importe quel espace pour inclure ses interviews les plus combatifs, pour y dessiner des fissures dans la censure. Dans ce journal barcelonais de la Falange, le jeune Moltalbán écrit des articles de dernière page et parvient à jouer le rôle de taupe et à lisser passer sa propre ligne dans les articles.
Anna Sallés, collègue universitaire de Montalbán et veuve du journaliste, rappelle à Público comment ils ont réussi à lutter pour la cause et à gagner leur vie en tant que journaliste. “Manolo faisait “les chiens écrasés,” des informations sur les délits de rue et je me souviens comment il se rendait au commissariat de police afin qu’ils puissent lui donner des détails sur les cas.” Sallés raconte comment il est revenu chez eux avec une photo de Staline qu’il avait trouvée dans un dossier de la Soli. “Il l’a ramenée chez lui comme une simple trouvaille. Lorsque nous sommes arrêtés pour la manifestation de l’Université, ça a été l’une des pièces qu’ils ont utilisée dans le procès.”
“Mort à Franco”, “Asturias, oui” et “grève générale”
Vázquez Montalbán avait 23 ans et sa femme Anna 22 ans quand ils participent à la grève universitaire qui se déclenche au sein de la Faculté des lettres. Au printemps 1962, le mécontentement social éclate dans les mines des Asturies et la dictature de Franco subit sa première grande grève ouvrière, une mobilisation qui s’est traduite par une révolte étudiante à Barcelone. “Je me souviens de ces jours troublés où nous étions si jeunes et avons réussi à réunir une centaine de collègues”, raconte-t-il. Lors de cette manifestation de solidarité avec la grève des mineurs dans les Asturies, des cris de “mort à Franco”, “Asturias, oui” et “grève générale” ont été entendus, qui ont conduit en quelques secondes la Brigade politique sociale aux portes de la plaza Universitat. “Tout est allé assez vite. Ils m’ont mis dans une camionnette et Manolo avec d’autres camarades dans un autre fourgon. Ils nous ont transférés Via Laietana où ils nous ont interrogés. Je ne l’ai pas revu avant d’arriver à la Model.”
“Disons que le traitement était correct avec moi, mais avec lui, ils ont manifesté plus de violence. Cette BPS (Brigade politico-sociale) a torturé les étudiants pour les faire avouer.” Ils voulaient connaître les détails, s’il appartenait à un parti caché, s’il faisait partie du journal clandestin de la faculté où il signait avec le pseudonyme Sánchez Molbatán.
Ce furent six camarades qui ont dû affronter, avec Vázquez Montalbán et Sallés, la célébration de ce procès. Dans les archives historiques du PCE, Joaquín Recio, coordinateur du livre Changer la vie, changer l’histoire, extrait les détails que certains informateurs ont transmis, de manière inédite, au catalan afin de décrire ce conseil de guerre qui s’est tenu en juin. “Le procès a commencé à neuf heures et seulement une quinzaine de personnes, des proches et le public ont été autorisés à entrer dans la salle. La police a affirmé qu’elle était pleine. En effet, la salle était occupée par toute la Brigade sociale.”
Vázquez Montalbán, un “élément d’extrême gauche”
Salvador Abad, ancien chef de district de l’Union universitaire espagnole (SEU), décrit dans son rapport Manuel Vázquez comme “un élément d’extrême gauche, à la limite du philo-communisme”, comme il a pu le vérifier avec sa relation personnelle et par son activité de nature universitaire, surtout en tant qu’officier national de propagande du Service du travail universitaire (SUT). Lors de cet interrogatoire, une photo est ressortie, celle de Staline qui était au domicile du couple Vázquez Sallés et qui était “la seule preuve documentaire du conseil de guerre contre Vázquez Montalbán”.
Montalbán a souligné lors du procès que “cette photo avait été prise dans les archives de la Soli avec la permission du rédacteur en chef de l’Universidad 61, pour illustrer un deuxième article qui devait paraître dans ce magazine”. Le premier article avait été publié avec une photo de Lénine. Les articles étaient destinés à démontrer l’impossibilité d’implanter le communisme en Europe. Vázquez Montalbán est ainsi revenu sur un preuve absolument infondée et ne le liant à aucune organisation politique. Ils ont continué avec des questions sur son appartenance au SUT. La défense était une pure pantomime dans ce jugement. La condamnation finale condamne Vázquez à 3 ans et Sallés à six mois et un jour de prison.
Anna se souvient de ses jours dans le quartier des femmes de la Model où elle a vécu la peine dans son intégralité. “En partant à l’automne, Manolo avait déjà été transféré à la prison de Lleida où je cherchais une pension pour être plus proche de lui.” La grâce accordée pour la mort du pape Jean XXIII lui permet de passer dix-huit mois de prison, libéré en octobre 1963.
“La prison était devenue un long séminaire d’étude”
Sallés était très consciente de la vie quotidienne de son mari. “Il était là avec un physicien et d’autres étudiants en économie. Le séjour de Manolo en prison s’est transformé en un long séminaire d’étude avec des débats de toutes sortes; chacun a contribué à la connaissance de sa spécialité. Il a beaucoup lu et aussi beaucoup écrit.” Anna a pu transmettre à ses visites des livres très précieux, qui ont été utilisés pour rédiger un rapport d’informatio .
Le retour à Barcelone n’a pas été facile. “Nous avons repris l’université avec beaucoup d’efforts, à la recherche d’un emploi, en combattant dans une situation très difficile comme le furent ces années de lutte anti-franquiste.”
Recio, coordinateur de ce livre sur les articles clandestins de Montalbán, souligne qu'”il n’était pas une personne qui aurait canalisé son expérience dans la prison de Franco en s’appuyant totalement sur son intégrité militante et antifasciste. Il l’a plutôt naturalisée de telle manière que, tout en vivant un emprisonnement très dur, il l’intègre dans sa personnalité critique et toujours dialectique “. Pour Vázquez Montalbán, ce combat dans l’arène ne méritait pas une médaille. “C’était un moment nécessaire et dans une certaine mesure attendu dans une dictature qui l’a aidé à savoir où il en était et à quoi il était confronté. Et de cela même, il était intelligent, il a tiré de la force pour que son analyse, son premier essai sur le journalisme, prenne son envol.”
Un livre essentiel, «Rapport d’information»
José Manuel Martín Medem participe au livre de Recio, en tant que spécialiste de l’héritage de Vázquez Montalbán, qu’il décrit comme “un journaliste total” et un “vrai théoricien de la communication”.
En tant que membre du comité exécutif de la Fédération des syndicats de journalistes, il affirme au public que “Manuel Vázquez Montalbán a été salué comme écrivain et journaliste, indépendamment du fait que dans ce premier essai, écrit en prison, il a été le premier à dire à la gauche espagnole l’importance de la communication quand on fait de la politique. “
Medem est le directeur de Mundo Obrero et affirme comment dans cet essai, Informer sur l’Information, Montalbán a parlé de “la nécessité d’évoluer vers la communication” et de laisser de côté l’agitation et la propagande en politique. “La nécessité d’éduquer les citoyens à travers l’éducation aux médias afin d’avoir une capacité critique. L’importance de donner aux citoyens des outils pour se défendre contre les médias, afin qu’ils ne soient pas fascinés et se défendent.”
Cet essai a été commandé par son éditeur, qu’il a réussi à passer malgré la censure et il a été publié lors de sa sortie de prison. “Le franquisme avait heureusement de ces fissures.” Medem conclut à Público que “Vázquez Montalbán était très habile dans la recherche de lacunes dans les médias quand il est redevenu citoyen libre”. “Il a dû percer et se cacher dans les derniers jours et il n’a pas été persécuté, ni considéré comme dangereux pour le régime”. Sallés déclare au public qu'”à une occasion, il a dû être interrogé par les censeurs pour l’un de ses rapports, mais il n’est plus jamais entré dans la prison franquiste”.
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daniel arias
Asturias 62, c’est l’année qui donnera la naissance des Comisiones obreras.
Nul besoin d’éducation aux média pour les mineurs des Asturies d’avant la grande grève “huelgona”.
Les conditions de travail des mineurs payés une misère, sans gants, sans casques, sans protection élémentaire, les chiens du patronat frappaient les ouvriers les moins dociles, misère et terreur. Dans ce contexte la plupart des responsables communistes étaient en prison. Ce furent pour la plupart les enfants élevés dans les écoles franquistes, des jeunes mineurs qui ont organisé la grève, avec un concours très important des femmes de mineurs.
Celles-ci les jours de grève jetaient des grains de maïs sur les chemins menant aux mines.
Du maïs “para las gallinas”, les hommes n’étant pas des poules ne pouvaient pas perdre la face.
C’est ce bras de fer qui va s’étendre aux chantiers naval des Asturies, au Pays Basque, à la Catalogne et au milieu universitaire.
Les mineurs commencent a se rebeller contre les chefs d’équipe y compris physiquement.
La répression se met rapidement en place sous le commandement de Claudio Ramos
(https://www.atlanticaxxii.com/claudio-ramos-el-represor-eficaz/) qui mènera personnellement les interrogatoires revolver à la main.
La difficulté est que l’organisation de la grève c’est faite avec des jeunes non encartés de sensibilité communiste, d’autres catholiques, ils réussiront même à mobiliser certains falangistes qui regrettent d’avoir rendu les armes à Franco. Une partie de l’organisation du mouvement se fera même en infiltrant le syndicat vertical franquiste seul autorisé. Le code du travail franquiste n’était qu’une vitrine pour l’extérieur mais non appliqué.
De cette mobilisation s’en suivra des négociations avec le ministre général du mouvement nacional José Solis, des commissions ouvrières sont formées dans chaque puit pour porter les revendications, directement devant le ministre dans des salles où des policiers en civils sont présents pour tenter de découvrir les meneurs.
Malheureusement radio pyrénaica va dévoiler certains noms (sous ordre de Carillo ?), 120 mineurs seront déportés et interdits de séjour aux Asturies, sans preuves suffisantes pour les condamner plus lourdement.
Les informations circulaient que dans des groupes de 3 personnes pour assurer la sécurité.
La peur avait disparu malgré les persécutions et les tortures notamment par “el cabo perez”, allant jusqu’à l’attaque brutale du commissariat de Mieres ville de mineurs.
http://www.fundacionjuanmunizzapico.org/huelgas1962/huelgas1962_prensa_2015.htm?IdNoticia=at_20150804
Avant le mouvement des caisses de solidarités sont mises en place pour aider les familles des prisonniers politiques. Pendant le mouvement des commerçants ouvriront leurs magasins pour l’alimentation.
Outre les revendications sociales la volontés de ces jeunes organisateurs était de renverser le franquisme, s’ils ont échoué la répression a tout de même était moins forte après ces événements. Plus personne ne supportait la médiocrité des conditions de vie et de travail, y compris d’anciens falangistes. Les Asturies d’où était partie la “reconquista” était en 1962 encore déclencheur d’un mouvement majeur en Espagne, les mines seront nationalisées donnant naissance à hunosa d’où les mineurs se révolteront encore pour sauver les mines après les années 2000.
https://youtu.be/OKzTG8GmVDk
delepine
bonjour
merci pour le rappel fort bien renseigné sur V-M. Moi je tente une bouteille à la mer! Même si je trouve que regarder des polars cela relève un peu du voyeurisme(d’ailleurs c’est ce qu’offre la tv presque tous les soirs), il n’en demeure pas moins que certains polars peuvent s’avérer intéressants! dans ce domaine j’apprécie deux séries, l’une italienne et l’autre espagnole. Il s’agit du commissaire Montalbano(Italie), en effet il ne s’adonne pas qu’à sa profession, on le voit nager, dormir, souvent manger et bien manger, discourir sur la gastronomie, rencontrer sa famille, ses amis,.. vivre en un mot et en plus les intrigues relèvent souvent de milieux populaires (à contrario de beaucoup de polars où ils en sont exclus). Autre polars que j’ai appréciés ceux de Vasqduez montalban avec pepe Carvalho. Aujourd’hui je suis toujours à la recherche de ces histoires de pepe Carvalho, toujours très politique. Quelqu’un sait il où et comment les trouver? salut communiste.