Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’infection se propage, le confinement de retour en Allemagne

L’Allemagne dont on imaginait qu’elle aurait été épargnée est obligée de revenir sur le déconfinement mais ce n’est pas le fruit du hasard, pas plus là qu’en France dans des zones agricoles d’exploitation de la main d’œuvre, dans les abattoirs. Ce n’est pas non plus le fruit du hasard si les pays socialistes sont moins atteints, quelle que soit leur pauvreté. Le capitalisme, la loi du profit c’est la mort (note et traduction de Danielle Bleitrach).

Rhénanie du Nord-Westphalie. Dans l’abattoir du groupe Tönnies, les contagions s’envolent et dépassent 1550, complices des conditions de travail inhumaines. Pour la première fois depuis la deuxième phase, centres sportifs, bars, restaurants ferment.

Agents de santé dans un immeuble d'habitation habité par des employés du groupe Tönnies
 Agents de santé dans un immeuble d’habitation habité par des employés du groupe Tönnies © Ap

Sebastiano CanettaBERLIN

ÉDITION DU24/06/2020

Le cas de l’abattoir du groupe Tönnies se confirme comme un véritable lieu de meurtre. Hier, l’usine de Gütersloh, en Rhénanie du Nord-Westphalie, a dépassé le quota de 1 550 infections à coronavirus, forçant les autorités sanitaires du Land à ordonner le verrouillage immédiat des 361 000 habitants du district et 200 000 autres personnes vivant dans la zone voisine de Warendorf.

Pour la première fois depuis la “phase deux” en Allemagne, on est revenu à la fermeture de bars, restaurants, centres sportifs – en plus des écoles, jardins d’enfants, cliniques et hôpitaux fermés pendant une semaine – et au confinement au domicile des citoyens au moins jusqu’à la fin du mois.

Un blâme, officiellement distribué, à propos de la soudaine reprise de Covid-19 qui “n’a pas encore été vaincu” (comme le dit la chancelière Angela Merkel) mais surtout de la gestion hors de toute règle et imagination de la plus grande usine de transformation de viande en Europe détenue par le milliardaire Clemens Tönnies, ancien président de Schalke 04.

L’infection est née et s’est propagée comme une traînée de poudre à cause des conditions de travail inhumaines des quelque 7 000 employés du camp-abattoir, où s’applique la règle de l’exploitation inconditionnelle des «Gastarbeiter», surpeuplés sur le lieu de travail comme dans les logements, également habités par dix personnes par chambre.

Une situation hors la loi dénoncé à plusieurs reprises par le ministre de la Santé de la CDU de Rhénanie du Nord-Westphalie, par la Grande Coalition de Berlin, et même avant tout le monde par Robert Tönnies, petit-fils du fondateur du Groupe, qui continue de désigner du doigt le conseil d’administration de son oncle.

photo Ap

Clemens Tönnies n’a pas l’intention de démissionner, comme il l’a souligné hier, bien que la protestation générale se soit également étendue aux partisans de Schalke o4 qui, à Gelsenkirchen, ont annoncé une manifestation commençant à déployer les bannières et à coller des autocollants contre le propriétaire de l’abattoir mortel non seulement pour les 16 millions de porcs abattus chaque année. Cela va de pair avec le lancement de la campagne de boycott des produits de marque Tönnies dans tous les supermarchés du 16e Land allemand, qui commence également à se faire sentir dans les comptes de l’entreprise.

De plus, la “méthode” du groupe leader du secteur en Allemagne ne peut plus être ignorée, après que Robert Tönnies ait dénoncé les pratiques scandaleuses de son oncle “esclavagiste” depuis sept ans.

Déjà en 2013, il avait publiquement soulevé le cas de la fiche de paie de famine de presque tous les travailleurs étrangers: 5 euros de l’heure contre 15 payés par des concurrents directs. “Au-delà des contrats, les conditions de travail sont inacceptables: nos collaborateurs n’ont même pas droit au niveau minimum du droit à la santé et à la sécurité au travail”, écrivait-il à l’époque au cabinet d’avocats Robert Tönnies.
Jusqu’à la semaine dernière, personne ne faisait attention à lui. Jusqu’à hier, les photos des barbecues de l’oncle Clemens avec les puissants de la Terre étaient plus d’actualité, à commencer par Vladimir Poutine …

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