Un délicieux article plein d’humour dans lequel un scientifique russe tente d’abord de comprendre le “complot” et ensuite nous expose en quoi il atteint des sommets d’absurdité scientifique, très explicatif et toujours utile. En France récemment Judith Binoche s’est fait le relais de ce genre de chose en affirmant que la santé était en péril. Une information niée par l’OMS, qui assure que la technologie n’a aucun effet sur la santé. A l’origine de la théorie, un chantre des militants anti-vaccins, Thomas Cowan, médecin adepte du courant ésotérique, qui prétend aussi que la grippe espagnole du début du XXe siècle a été favorisée par le développement des ondes radio. La crainte est telle que des antennes relais ont été incendiées aux Pays-Bas, en Belgique et au Royaume-Uni en avril.
(note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société) 9 juin 2020
https://vz.ru/opinions/2020/6/9/1043837.html
Mon introduction à la théorie du complot dans la question du «puçage des personnes à l’aide d’antennes de téléphonie cellulaire 5G» a commencé par le coup de téléphone matinal d’une bonne amie. Confinée chez elle, elle était intéressée, comme tout retraité au mode de vie actif, par les nouvelles de la pandémie qui fait rage dans le monde. Récemment, suffisamment d’informations ont été accumulées sur le virus, mais le «radar interne» de mon amie a consciemment sélectionné dans ce flux les plus troublantes et mystérieuses.
– Quand devrons-nous tous nous inscrire pour la vaccination avec des micropuces, qui seront ensuite contrôlées à l’aide des antennes 5G? C’était sa question. Légèrement abasourdi, j’ai essayé de comprendre. Et donc, où tout cela a-t-il commencé?
Le 22 janvier 2020, le journal belge Het Laatste Nieuws a publié une interview du thérapeute Chris van Kerckhoven, déclarant que la communication mobile de la nouvelle norme 5G était dangereuse pour la santé et que l’épidémie du nouveau coronavirus pouvait en quelque sorte être liée à la 5G. Le journaliste commentant l’interview du thérapeute a ajouté de l’huile sur le feu, notant qu’aux alentours de la ville chinoise de Wuhan, qui représentait à l’époque la majorité des cas de la maladie, un réseau d’antennes de communication 5G avait été déployé en 2019. La publication a été supprimée par la suite, mais le Web a commencé à développer rapidement la théorie selon laquelle les émissions radioélectriques des antennes 5G dépriment le système immunitaire humain, le rendant plus vulnérable au virus, ou bien qu’il est en quelque sorte porteur du virus, ou encore qu’il provoque les symptômes de la nouvelle maladie elle-même.
Le deuxième acte dans le processus d’émergence de la théorie a été la publication en janvier 2020 d’une vidéo du blogueur YouTube américain Jordan Sater, partisan de théories conspirationnistes d’extrême-droite et du mouvement anti-vaccination QAnon. Sater, dans son message, a pointé les remarques du PDG de Microsoft, Bill Gates, sur les épidémies et trouvé un brevet reçu par le Pirbright Institute en 2019 décrivant le développement d’un vaccin contre les coronavirus. Sater a trouvé ces faits suffisants pour accuser Bill Gates d’avoir organisé la pandémie de COVID-19 avec ses complices occultes dans le but de réduire la population. Compte tenu de la popularité de Sater, la vidéo est devenue virale à travers les États-Unis, à tel point qu’aujourd’hui, environ un tiers de la population du pays partage la théorie du complot sur l’intention de Gates d’utiliser le vaccin COVID-19 pour «pucer» les Américains.
Et enfin, le dernier acte du développement du mythe a eu lieu cette fois-ci en Russie, quand, fin avril 2020, dans son émission “Besogon TV”, le réalisateur Nikita Mikhalkov a déclaré que le milliardaire Bill Gates, sous le couvert de la vaccination contre le coronavirus, prévoyait de procéder à un puçage des humains à grande échelle. Dans son discours, Mikhalkov a fait référence aux documents d’un «système de crypto-monnaie utilisant des données d’activité corporelle». Soi-disant, si une puce implantée sur une personne enregistre le respect de conditions définies de l’extérieur, son porteur recevra des «cryptobonus». Le but de la micropuce est la «réduction de la population» prônée par Gates. En toute honnêteté, nous notons que Bill Gates, comme les autres membres du “Good Club” des milliardaires, est en effet favorable à une baisse du taux de natalité.
Photo: «Elysium — le Paradis n’est pas sur Terre», TriStar Pictures
Une puce sous la peau?
Résumons l’essence de cette théorie du complot. Avec l’aide de la vaccination, certaines forces vont mettre une puce spéciale dans le corps humain qui peut soit contrôler son comportement, soit au moins transmettre des informations sur l’état de la personne porteuse.
La puce est généralement décrite comme un code RFID, similaire à celui utilisée dans les lecteurs de cartes sans contact, ou comme une puce discrète qui répond directement à un signal 5G. Dans le corps humain, la puce est placée au moment de la vaccination, après quoi le porteur humain est considéré comme «micropucé».
Commençons par les choses les plus simples. Les technologies existantes de puces RFID passives permettent en effet de les rendre suffisamment compactes. Cependant, pas au point de pouvoir utiliser pour leur implantation dans le corps humain une seringue médicale conventionnelle. Par exemple, un appareil RFID passif Hitachi, appelé µ-Chip, mesure 0,15 × 0,15 mm et est plus fin qu’une feuille de papier de 7,5 microns. Malgré cela, il est impossible de «pucer» une personne à son insu – le dispositif RFID doit être implanté sous la peau à l’aide d’un outil spécial, plutôt complexe et visible.
Cependant le principal problème de ces dispositifs passifs n’est pas la puce, qui peut être compacte, mais l’antenne. C’est dans l’antenne de la puce RFID que se produit un courant électrique, induit par le champ électromagnétique du lecteur externe et qui alimente la puce RFID, laquelle peut transmettre un signal de réponse avec un identifiant unique. Une taille d’antenne typique pour une puce RFID passive est de 15 × 95 mm, c’est-à-dire qu’elle dépasse la taille de la puce de plus de 100 fois. De plus, même une telle antenne ne fournit une lecture fiable du signal qu’à une distance d’environ 30 cm, mais pas plus –en effet, le champ électromagnétique et l’induction qu’il provoque s’affaiblissent en raison du carré de la distance.
Ainsi, pour placer une étiquette sous la peau, une opération chirurgicale complète sera nécessaire, qui ne ressemblera en rien à une injection ordinaire.
De plus, il faut comprendre que les limitations d’antenne ne peuvent être contournées en aucune façon – la taille de l’antenne est déterminée par la longueur d’onde et la distance requise par rapport au lecteur. Par exemple, si vous voulez que la puce reçoive de l’énergie à partir d’un signal envoyé à une distance de trois mètres au lieu de 30 cm, alors l’antenne devra être augmentée non pas de dix, mais de 100 fois – c’est ainsi que fonctionne la loi du carré inverse. Une petite puce devra donc être reliée à une antenne d’au moins 1,5 mètre, presque la taille d’une personne.
Eh bien, un lecteur attentif dira, mais comment fonctionnent alors les compteurs, par exemple, dans les voitures qui utilisent un transpondeur pour payer les déplacements à une distance de dix mètres? En effet, les étiquettes RFID actives (plutôt que passives) ont des antennes très modestes et peuvent être lues à une distance allant jusqu’à 300 m. Mais leurs batteries sont complètement non millimétriques et ne pèsent pas un centième de gramme, comme les puces RFID elles-mêmes, mais des dizaines de grammes. Encore une fois, placer un tel appareil dans le corps humain lors d’une opération de vaccination de routine est tout simplement irréaliste – il a des dimensions visibles, et il a absolument besoin d’une certaine cavité à l’intérieur du corps, car il ne peut tout simplement pas rentrer sous la peau. Ainsi, la vaccination dans ce cas se transforme soudainement en une opération thoracique, semblable à l’implantation d’un stimulateur cardiaque.
Non, sous la peau ça ne peut pas marcher!
Une autre lacune de la 5G en tant qu’agent, «générant et contrôlant l’influence», paradoxalement, sera sa toute nouvelle fréquence porteuse.
Aujourd’hui, les smartphones les plus modernes fonctionnent dans la norme 4G LTE à des fréquences comprises entre 450 MHz et 5,9 GHz. Le passage à la 5G est une extension de la gamme 4G existante en ajoutant un nouveau morceau du spectre de longueur d’onde plus court dans la gamme de 24 GHz à 90 GHz. L’industrie a convenu d’appeler cette gamme mmWave «ondes millimétriques». Ce nom correspond vraiment à la longueur d’onde 5G, inférieure à la bande 4G LTE, qui comprend des ondes centimétriques.
Les ondes millimétriques sont connues depuis longtemps du grand public, et créer des récepteurs avec des émetteurs pour fonctionner dans cette gamme n’a jamais été difficile. Mais on ne l’a pas fait, car mmWave a bien plus d’inconvénients que d’avantages. Il peut fournir une distance de réception beaucoup plus courte, et il pénètre moins bien à travers les obstacles par rapport aux ondes centimétriques de la gamme LTE. Le signal mmWave est bloqué par les bâtiments, les arbres et même une simple main. De plus, mmWave est très dépendant des conditions météorologiques : il ne fonctionne pas bien en cas de pluie ou de brouillard, et une partie du signal 5G est complètement absorbée par l’oxygène contenu dans l’air. Par conséquent, l’introduction de la 5G présente de nombreux inconvénients : les stations doivent être installées beaucoup plus densément et à des distances plus courtes que pour la norme 4G, et la principale indication pour utiliser la gamme mmWave est le transfert de données, qui est moins sensible à la déconnexion.
Dans le même temps, pour une transmission de données fiable, les fabricants de matériel pour la norme 5G doivent se tourner vers des astuces technologiques complexes. Étant donné que le signal 5G peut être facilement bloqué par la main, tout appareil, par exemple un téléphone adapté pour recevoir un signal dans la gamme mmWave, doit être équipé de plusieurs (généralement au moins quatre) antennes pour la réception. En même temps, ces appareils complexes sont appelés «antennes», à l’ancienne: si dans une puce RFID ou dans un téléphone 4G LTE, ce ne sont effectivement que des pistes en cuivre sur la carte, alors dans un téléphone 5G, les modules d’antenne sont des microcircuits spécialisés entiers par qui un décryptage préliminaire du signal reçu est effectué, les données des quatre antennes ou plus sont corrélées, puis une “image” coordonnée et déjà améliorée de toutes les unités d’antenne est transmise à la puce téléphonique centrale.
Une telle surcharge du téléphone 5G avec des puces d’antenne supplémentaires a déjà conduit au fait que le temps de fonctionnement des téléphones de nouvelle génération à partir d’une batterie de même taille a été réduit de 30 à 40%, et un nombre maximum possible de pièces métalliques a dû être retiré du corps du téléphone, car elles interféraient avec les antennes.
Alors, rappelons maintenant ce que nous avons dit dans la dernière partie : pour alimenter même de simples puces d’appareils RFID, on a besoin de batteries pesant au moins plusieurs dizaines de grammes qui ont besoin d’une cavité à l’intérieur du corps. Une telle cavité dans le corps humain peut encore être imaginée quelque part dans le corps, mais pas sous la peau ou sur les membres. Et après avoir placé un appareil standard 5G quelque part dans le corps humain, même à une profondeur d’un ou deux centimètres, nous ne serons pas en mesure de résoudre un autre problème : la réception et la transmission fiables d’un signal 5G. De plus, si une puce basse fréquence d’un appareil RFID, fonctionnant beaucoup “plus bas” même que le diapason 4G LTE, peut vivre sur la même batterie pendant des années, avec un signal 5G à fréquence plus élevée, cela ne fonctionnera pas : ses antennes “mettront à plat” la batterie en un maximum d’une semaine, même en mode veille.
Bref, il ne s’agit plus seulement d’une “implantation de puces” à la chaîne, mais encore d’une sorte de recensement de la population pour la recharge hebdomadaire des batteries ventrales. Et pourquoi, alors, implanter secrètement les puces, si les gens doivent toujours se balader avec leur connecteur USB pour «recharger la puce»?
Cercle vicieux! Dispersez-vous, citoyens. Il n’y aura pas de puce aujourd’hui – les nouvelles technologies n’ont pas été livrées.
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