Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La dernière démonstration de force énergétique des États-Unis pourrait aggraver les tensions russo-turques.

Apprendre à vivre avec l’instabilité permanente que représentent les Etats-Unis mais aussi et surtout les jusqu’au-boutistes de l’ordre néo-libéral que sont les « européens », Macron en tête, accélèrera peut-être les négociations de paix. Moscou n’espérant pas alors, de même que les Chinois, que des accords partiels qui sont les moins pires et imposant un statu quo sur de semi-victoires. Il n’y a de diplomatie possible qu’entre gens de bonne foi aux intérêts reposant sur des nations souveraines. Nous en sommes loin et il faudra apprendre à vivre dans ces temps de « guerre civile » et pillages en tentant de calmer les turbulences de notre monde entré en décomposition, la barbarie et le terrorisme institués. (note et traduction de Danielle Bleitrach histoireetsociete)

André Korybko 5 décembre 2025

Si les plans américains aboutissent, la Russie ne perdra pas seulement des dizaines de milliards de dollars de revenus annuels, mais les tensions avec la Turquie pourraient devenir ingérables si l’interdépendance énergétique complexe qui les unissait jusqu’à présent venait à se rompre, ce qui pourrait déstabiliser le Caucase du Sud et l’Asie centrale.

Le mois dernier, Zelensky a annoncé que l’Ukraine importerait du GNL américain depuis la Grèce via le gazoduc « Corridor gazier vertical ». Ce projet complète les initiatives conjointes de la Pologne et des États-Unis en matière de GNL, et, dans une moindre mesure, celles de la Croatie, afin de préparer le terrain pour un remplacement total du gaz russe par le GNL américain en Europe centrale et orientale. Bien que beaucoup plus coûteux, ce projet est approuvé par les décideurs politiques du continent sous prétexte de sécurité énergétique, mais les pressions exercées par les États-Unis ont probablement joué un rôle déterminant dans leur décision.

La dernière offensive énergétique américaine pourrait également compromettre le projet de hub gazier turc de la Russie. Annoncé fin 2022 après des discussions entre Poutine et Erdogan, ce projet avait été abandonné en juin dernier, selon Bloomberg , en raison de difficultés techniques d’approvisionnement en Europe centrale et orientale depuis la Turquie et de désaccords entre ce pays et la Russie. Aucune des deux parties n’a confirmé cette information, mais la part de marché accrue des États-Unis sur le marché du gaz d’Europe centrale et orientale via le « Corridor gazier vertical » réduit d’autant les chances de voir ce hub se concrétiser.

Alex Christoforou, du site The Duran, a publié un article pertinent sur X à ce sujet, soulignant notamment que « la Méditerranée orientale (Israël et Chypre) suit de près le lancement de ce corridor vertical, car il pourrait servir à exporter le futur gaz d’EastMed vers l’Europe ». « EastMed » désigne le projet de gazoduc sous-marin du même nom destiné à exporter les immenses réserves de gaz offshore d’Israël vers l’UE. Sa mise en service, combinée au GNL américain, éliminerait probablement définitivement le besoin de gaz russe en Europe centrale et orientale.

Pour ne rien arranger à la situation pour la Russie, Reuters a rapporté le mois dernier que « la transition gazière de la Turquie menace le dernier grand marché européen pour la Russie et l’Iran », soulignant comment l’augmentation de la production nationale et des importations de GNL pourrait considérablement réduire les futurs besoins de la Turquie en gaz russe via TurkStream. Les menaces de sanctions de Trump contre tous ceux qui continuent d’importer de l’énergie russe sans avoir démontré leur volonté de s’en sevrer, sanctions qui pourraient prendre la forme de droits de douane allant jusqu’à 500 %, risquent d’accélérer cette tendance.

La Russie ne perdrait pas seulement des dizaines de milliards de dollars de recettes annuelles si tous les plans américains susmentionnés aboutissaient, mais les tensions avec la Turquie pourraient devenir ingérables si l’interdépendance énergétique complexe qui les unissait jusqu’à présent était rompue. On s’attend déjà à ce que la Turquie étende son influence occidentale en Asie centrale via le nouveau corridor des TRIPP, ce qui poserait des défis sur toute la périphérie sud de la Russie et compliquerait davantage les relations turco-russes.

Si leur interdépendance énergétique complexe s’affaiblit d’ici là, par exemple si leurs projets de hub gazier restent gelés ou sont officiellement annulés et que la Turquie importe moins de gaz russe via TurkStream, elle pourrait être incitée à défier plus agressivement la Russie sur ce front. En effet, le scénario d’une Russie coupant ses exportations de gaz pour contraindre la Turquie à des concessions en période de crise serait moins efficace, ce qui pourrait entraîner un durcissement des positions turques et accroître le risque de guerre.

La Russie devrait donc relancer son projet de hub gazier et parvenir à un accord avec les États-Unis, peut-être dans le cadre du vaste accord qu’ils négocient actuellement, afin de garantir sa part de marché gazière en Turquie et, éventuellement, d’en rétablir une partie en Europe centrale et orientale. Cela impliquerait presque certainement des compromis de la part de la Russie sur certains de ses objectifs maximalistes en Ukraine, et la parole des États-Unis ne saurait être tenue pour acquise, car de futurs présidents pourraient remettre en cause tout accord. La Russie devrait néanmoins envisager cette possibilité au lieu de l’écarter.

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