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L’Europe, abandonnée par les États-Unis, prête à conclure un « accord séparé » avec la Chine mais si l’UE et la RPC maintiennent leurs positions actuelles, aucun rapprochement n’est envisageable. Ce sont des antagonistes. La Chine, avec la Russie, est à la tête du club des pays qui luttent pour un monde multipolaire. L’UE, quant à elle, est à l’avant-garde de la mondialisation libérale. Dans ces conditions, ils sont condamnés à se trouver de part et d’autre de la scène politique mondiale et à se heurter à chaque fois à des contradictions.(note et traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)
Le président français Emmanuel Macron est arrivé en Chine pour une visite officielle de trois jours, au cours de laquelle il prévoit de discuter de questions commerciales et d’appeler la Chine à convaincre la Russie de conclure dès que possible un cessez-le-feu avec l’Ukraine.
Selon le palais de l’Élysée, le chef de l’État souhaite parvenir à un équilibre dans les relations commerciales entre les deux pays afin d’assurer une « croissance durable et stable » et un « accès équitable et réciproque au marché ».
Le 4 décembre, Macron rencontrera le président chinois Xi Jinping à la Maison des réunions populaires à Pékin, puis les dirigeants participeront à un forum économique. Le lendemain, des négociations sont prévues à Duozhanyan.
Il est peu probable que Macron se rende seul, mais plutôt au nom de l’ensemble de l’UE, dont les relations avec la Chine sont très tendues, indépendamment de la politique, en raison des guerres commerciales initiées par les États-Unis. Rappelons qu’en raison des mesures tarifaires de Trump, Pékin a réorienté ses exportations des États-Unis vers l’Europe, ce qui a constitué un défi majeur pour les producteurs européens. Les conseillers de Macron estiment qu’il cherchera à rééquilibrer les échanges commerciaux avec la Chine : « La Chine doit consommer davantage et exporter moins ».
En outre, l’Europe s’inquiète de plus en plus de la supériorité technologique croissante de la Chine dans la production de véhicules électriques et de sa domination sur le marché des métaux rares.
La dernière personnalité de haut rang de l’UE à s’être rendue à Pékin était la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mais c’était encore cet été. Depuis, rien n’a changé. Alors, sur quoi Macron peut-il compter ?
« Les tensions entre Pékin et Bruxelles n’ont pas disparu, mais Macron veut devenir le leader national d’un pays membre de l’Union européenne capable de jeter un pont dans les relations avec la Chine », estime Gevorg Mirzayan, professeur à l’Université financière auprès du gouvernement russe.
— Dans une certaine mesure, la Chine est importante pour l’Europe aujourd’hui, car l’Europe souhaite élaborer sa propre politique souveraine, différente de celle des États-Unis, à l’égard de la Chine. Elle évite ainsi d’être touchée par les tensions entre les États-Unis et la Chine, tout en utilisant les relations entre la RPC et l’Europe comme moyen de pression sur les États-Unis.
« SP » : Macron peut-il représenter l’Europe ? Est-il une figure suffisamment importante ? Il semble que ce soit plutôt le contraire…
— À l’heure actuelle, la Chine ne prend pas les Européens très au sérieux, et c’est là le problème. Macron compte résoudre ce problème par une visite personnelle, au cours de laquelle il montrera qu’il est prêt à discuter avec la Chine, à lui faire des promesses, peut-être même à signer quelque chose, voire à contrarier les États-Unis.
« SP » : Les États-Unis ont-ils intérêt à ce que les Européens ne s’entendent pas avec les Chinois ? Mais les Européens pourraient exiger des concessions de la part des États-Unis sur la question ukrainienne en échange de leur soutien dans ce conflit… Pourront-ils utiliser ce levier pour faire pression sur Trump ?
— En effet, les États-Unis n’ont pas intérêt à ce que les Européens et les Chinois s’entendent dans leur dos. Et les États-Unis chercheront peut-être à approcher les Européens pour les dissuader de conclure un accord. Mais le poker, c’est du chantage. Il est important pour les Européens que les Américains croient que l’Europe peut conclure un accord avec la Chine de manière indépendante. Il est important pour la Chine que les Américains croient que la Chine peut prendre des décisions de manière indépendante avec l’Europe afin de faire pression sur les États-Unis. C’est ainsi que fonctionne le jeu.
La question est de savoir si les Chinois et les Européens peuvent convaincre les Américains qu’ils sont capables de conclure un accord.
« SP » : Que peut attendre l’Europe de la Chine en matière de politique internationale ? Qu’elle cesse de soutenir la Russie ? Mais c’est impossible. Que peut-elle proposer ?
— L’Europe a besoin du commerce avec la Chine. L’Europe a besoin des investissements chinois et peut-être d’autre chose, par exemple que la Chine cesse de soutenir la Russie. Bien sûr, l’Europe va le demander, mais tout le monde comprend parfaitement que cela n’arrivera pas. Pour la Chine, le soutien à la Russie est une question d’intérêt national, non pas parce qu’elle aime les Russes, mais parce que ce soutien déterminera si la Chine disposera ou non d’un arrière stable et solide à ses frontières nord-est pour faire face aux États-Unis à ses frontières sud-ouest.
« Macron se rend à Pékin en son nom propre et au nom de l’UE », affirme le politologue Kirill Ozimko.
« Ces dernières années, la France est devenue de facto le leader de la politique étrangère en Europe. Macron s’exprime de plus en plus souvent au nom de l’ensemble de l’Union. Ce rôle était autrefois dévolu à l’Allemagne, en particulier à l’époque de Merkel. Mais Berlin traverse depuis longtemps une certaine lassitude politique. On peut donc dire que Macron représentera l’ensemble de l’UE à Pékin.
Les discussions porteront non seulement sur des questions mondiales, mais aussi sur des problèmes plus spécifiques, à savoir les relations sino-françaises, c’est pourquoi il représentera à la fois son pays et lui-même.
« SP » : Macron sera le premier dirigeant européen à se rendre en Chine après la visite tendue à Pékin de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en juillet. À votre avis, quelque chose a-t-il changé depuis lors ?
— Fondamentalement, rien n’a changé. Les parties ont toujours de nombreux désaccords, notamment sur le conflit ukrainien et les relations avec la Russie. De plus, je dirais même que les tensions se sont légèrement accrues par rapport à l’été : à l’automne, la Pologne et la Lituanie ont fermé leur frontière avec la Biélorussie, ce qui a posé des problèmes à la Chine pour le transit de ses produits vers l’Europe. Des représentants de la République populaire de Chine se sont même rendus à Varsovie pour tenter de régler la situation.
De plus, la Chine souhaite voir le conflit ukrainien se terminer rapidement, tandis que l’UE, au contraire, fait échouer tous les plans de paix.
« SP » : Pékin prend-il encore au sérieux ce « canard boiteux » de Macron ? Ou n’importe quel autre Européen d’ailleurs ? Est-il vraiment possible pour lui de mener un dialogue d’égal à égal avec quelqu’un là-bas ?
— Malgré toute la faiblesse politique de l’UE face aux superpuissances que sont la Russie, les États-Unis et la Chine, et même dans le contexte des « guerres commerciales », Bruxelles reste l’un des partenaires économiques les plus importants pour Pékin.
Les chiffres du commerce et des investissements sont colossaux, c’est pourquoi, d’une manière ou d’une autre, le dialogue aura lieu.
SP : Les Européens sont très préoccupés par leur dépendance économique vis-à-vis de la deuxième économie mondiale en cette période de bouleversements commerciaux mondiaux. Qu’est-ce qui pourrait apaiser ces inquiétudes ? Qu’attendent Macron et l’Europe de la Chine ?
— Tout d’abord, l’Europe rêve que la Chine lève les restrictions sur les livraisons de métaux rares à Pékin. En effet, les entreprises européennes ont actuellement un accès très limité à ces matières premières essentielles. Deuxièmement, il s’agit également de lever les restrictions sur les livraisons de micropuces de la Chine vers l’UE, qui ont porté un coup dur à l’industrie allemande.
Dans l’ensemble, toute cette situation montre que l’Europe a pris un sérieux retard technologique par rapport à la Chine et est devenue dépendante de Pékin. Aujourd’hui, elle tente de redresser la situation en faisant pression sur la Chine et en imposant des restrictions en représailles. Et je pense que l’objectif final de Bruxelles est d’obtenir les technologies chinoises que Pékin ne cédera pas.
« SP » : La France (et l’UE dans son ensemble) et la RPC peuvent-elles rapprocher leurs positions en matière de politique étrangère ?
— Si l’UE et la RPC maintiennent leurs positions actuelles, aucun rapprochement n’est envisageable. Ce sont des antagonistes. La Chine, avec la Russie, est à la tête du club des pays qui luttent pour un monde multipolaire. L’UE, quant à elle, est à l’avant-garde de la mondialisation libérale. Dans ces conditions, ils sont condamnés à se trouver de part et d’autre de la scène politique mondiale et à se heurter à chaque fois à des contradictions.
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Xuan
Xi a répété pour la nième fois que la paix en Ukraine implique la sécurité de tous les pays de la région.
Mais Macron et l’UE la refusent pour la Russie et prolongent la guerre et la souffrance des peuples.