Douguine, ce Russe qui s’est créé un personnage de dénonciateur de l’occidentalisme depuis Pierre le grand, avec sa longue barbe on s’attend toujours à le voir surgir dans les guenilles de Tolstoï, en train de serrer une icône contre son cœur. Ce n’est pas si simple, d’avoir été éduqué en URSS. Ici il se transforme en « situationniste », vantant la prescience de Guy Debord et… son alcoolisme, une manière locale d’assumer la dépression. Et ce n’est pas la première fois que Douguine fait œuvre de salubrité publique, autant que de connaissance des écrivaillons français. Il s’est payé de belle façon la tête de Bernard Henri Levy. Dans ce texte, parfois d’une belle envolée, il remet en cause ce que j’avais jadis perçu dans un livre intitulé, le music hall des âmes nobles. A savoir ce que nous annonçaient dans les années mille neuf cent quatre vingt, ces substituts bourgeois de la culture de masse, ce faux progressisme et humanisme pharisien jeté par anticommunisme à l’assaut du socialisme, un totalitarisme rusé, déguisé en démocratie… Le non-conformisme, qui conduisait ces faux rebelles au renoncement courtisan à toute application de leurs idées dans le changement réel du monde… Honnêtement, je persiste et signe : la production culturelle de ces histrions, leur désengagement, celle de leur vaine postérité, la seule qui bénéficie du filtre médiatique, des industries culturelles, me navre autant que leur soumission. Pourtant si on en reste là où cela nous mène-t-il sinon à vitupérer l’époque ? La vraie question est: jusqu’à quel point Douguine et ses pareils ne tombent-ils pas les premiers sous le coup de leur juste critique ? … peut-on critiquer le libéralisme en prétendant ignorer le capitalisme, la vieille remarque de Brecht ? Cela donne Trump celui qui génère la mort en tentant par la vulgarité d’apporter une apparence de force à cette agonie. Espérer une entente avec lui n’a-t-il pas a été le signe de l’échec de ceux qui, comme Douguine, ne cessent d’avoir mal à cette chose disparue, le socialisme, le principe espérance ? … Je n’ai jamais craint autre chose que de rater l’Histoire par lâcheté et complaisance en prenant la pose devant une glace… Avouez que ce serait trop bête de se déguiser… (note de DB pour histoireetsociete)
Cela dit entre nous, il faut voir que les vertueux « démocrates » n’apprennent rien et continuent sur leur lancée qui est celle du consensus contre la souveraineté des pays du sud, contre la Chine socialiste, je n’en veux pour preuve que la manière dont la presse française qui se veut plus à gauche que Trump, les médias qui depuis des années nous invitent à la guerre, tout ce beau monde de la « société du spectacle », soutient la guerre contre la Russie et s’est jetée sur l’affaire SHEIN. Comment ils feignent d’ignorer la corruption et l’aspect désespéré de leurs guerriers par procuration. De la même manière que leur sinophobie après avoir tenté de créer un lien entre génocide et Chine, cherche à créer le même lien avec la pédophilie, en faisant semblant d’ignorer que les capitaux sont de Singapour, que Shein exploite les micro entreprises familiales chinoises, mais que l’entreprise n’est pas distribuée en Chine et qu’en revanche partout en Occident elle a des PDG bien en cour, comme en France. En décembre 2024, Christophe Castaner a été nommé conseiller auprès de Shein, Ministre de l’intérieur au cours du premier mandat d’Emmanuel Macron, il a été nommé au sein du comité responsabilité sociale et environnementale du géant chinois de la fast fashion, ainsi que l’ex-secrétaire d’Etat aux droits des victimes Nicole Guedj et l’ancien patron de la Fédération française de l’assurance Bernard Spitz. Dans les bouleversements actuels, l’équipe se renforce. Là encore la vertu a bon dos… Et à moins d’être aveugle, chacun voit la manière dont Bardella est cornaqué par le patronat… Alors il faudra bien un jour ne pas se contenter de dénoncer les vices du laisser aller libéral et mesurer que le problème de l’empire décadent est l’impérialisme et le capitalisme au plan interne…
Le spectacle continue
04 novembre 2025

Alexandre Douguine rappelle l’héritage de Guy Debord, l’un des derniers grands non-conformistes européens et le démasqueur de la « société du spectacle », dont la critique radicale de la culture de masse moderne, bien que cooptée par le système même qu’il attaquait, pourrait encore inspirer à nouveau l’action révolutionnaire.
Le 30 novembre 1994, à l’âge de 62 ans, Guy Debord se suicide. Son nom a longtemps été un mythe. L’Internationale situationniste (créée par lui lors d’une conférence à Cosio di Arroscia le 27 juillet 1957 et qu’il a présidée pendant de nombreuses années) est entrée dans l’histoire comme l’une des orientations politiques les plus radicales jamais connues. Les foules le craignaient et l’adoraient à la fois. Il a été l’un des auteurs et l’une des principales inspirations des révolutions européennes infructueuses de 1968. Il meurt faute d’évasion et d’une prise de conscience de la défaite totale subie par le non-conformisme en Occident, accompagnée du triomphe total du Système.
Charlie Chaplin démasqué
Dans l’époque heureuse du début des années 1950, lorsque l’avant-gardiste Michel Murr, déguisé en moine dominicain, prononça un long sermon nietzschéen super-radical pendant la semaine de Pâques à la cathédrale Notre-Dame, lorsque l’Atelier d’Art Expérimental, en exposant les œuvres d’un certain « Congo » et après avoir reçu des critiques positives de la part de critiques d’avant-garde, déclara que l’artiste était en fait un chimpanzé, un jeune génie du nom de Guy Debord a fait son entrée fracassante dans l’univers non-conformiste. Il était profond, radical et impitoyable. Il surpassait tout le monde par son énergie, son courage et son talent, ainsi que par sa capacité à boire de grandes quantités d’alcool. Comme Debord lui-même l’écrira plus tard, « Tout ce que j’ai jamais fait dans la vie, c’est lire et boire. J’ai peut-être beaucoup lu, mais j’ai bu beaucoup plus. J’ai moins écrit que les autres personnes concernées par l’écriture, mais j’ai bu plus que ceux qui se préoccupaient de boire ».
Le premier acte scandaleux de Debord fut une attaque féroce lancée contre Charlie Chaplin à l’occasion de l’arrivée de ce dernier en Europe en 1952. Debord a surnommé cette bande dessinée morve de l’humanisme « l’escroc des sentiments et le maître-chanteur de la souffrance ». Son gantelet lancé était ponctué de ces mots : « Rentrez chez vous, Monsieur Chaplin ! » Ici, nous pouvons déjà voir la trajectoire de base du futur situationniste – une haine des substituts bourgeois de la culture de masse, surtout lorsqu’ils sont marqués par un faux progressisme et un humanisme pharisien. La position de Debord peut être essentiellement réduite à une lutte contre la droite et à un démasquage de la gauche. En d’autres termes, il voulait une révolte radicale contre le système et son totalitarisme rusé, déguisé en « démocratie ». Il est logique que des gauchistes plus engagés aient dénoncé Debord, craignant son manque de compromis et ses conséquences écrasantes. Finalement, Debord lui-même formulera sa critique irréplicable de l’avant-garde :
« Dans les premiers stades, l’un des traits caractéristiques de la bourgeoisie développée est la reconnaissance du principe de la liberté pour les œuvres intellectuelles ou artistiques. L’étape suivante est une lutte avec ces œuvres. Enfin, la bourgeoisie adapte ces œuvres à ses propres intérêts. La bourgeoisie n’a pas d’autre choix que de soutenir un sentiment critique au sein d’un petit groupe de gens – un esprit de libre examen – mais seulement à la condition que ces efforts soient concentrés dans une sphère étroitement limitée et que ces critiques soient diligemment compartimentées par rapport à la société dans son ensemble […]. Les gens qui se sont distingués dans le domaine du non-conformisme sont acceptés comme des individus par le Système, mais seulement au prix de désavouer toute application mondiale de leurs idées et avec l’accord que leur activité sera strictement limitée aux niches sociales les plus fragmentaires. C’est précisément pour cette raison que le terme d’avant-garde, qui se prête tant à la manipulation bourgeoise, devrait en soi susciter la suspicion et le rire.
Révolte contre la société du spectacle
L’œuvre principale de Guy Debord, aujourd’hui devenue un classique moderne, est sa Société du spectacle. Dans ce livre, il condamne sans pitié la modernité, « l’époque des foules solitaires ».
« De même que le loisir se définit par le fait qu’il n’est pas un travail, le spectacle se définit par le fait qu’il n’est pas la vie. »
Le monde moderne, en conséquence, est réduit à l’isolement, à la représentation et à la mort. Au lieu d’une expérience de vie unificatrice, ce sont les lois de l’image qui règnent en maître, les images vacillantes qui ne représentent que la réalité. Debord, s’appuyant sur Fromm, observe que la dégradation sociale du système libéral a passé beaucoup de temps dans ses dernières étapes. Au début, « être » a été remplacé par « avoir ». Et maintenant, même « avoir » a disparu, transformé en « apparaître ».
D’abord, le monde bourgeois a subordonné la nature à ses lois industrielles, puis il a subordonné la culture à lui-même. Le spectacle a anéanti l’histoire. « La fin de l’histoire est un soupir de soulagement pour toutes les autorités existantes. »
Ayant réprimé chez l’homme et dans la société le goût du réel, remplaçant les états et l’expérience par des « représentations », le Système a mis au point la nouvelle méthode d’exploitation et d’asservissement. Auparavant, il avait séparé les gens en classes, puis il a utilisé la force pour pousser les gens dans les usines et les prisons, et maintenant il les a enchaînés à leurs postes de télévision. Ce faisant, il a remporté une fois pour toutes une victoire sur la Vie.
« L’accumulation incessante d’images donne au spectateur l’impression que tout est permis, mais lui donne en même temps l’assurance que rien n’est possible. Vous pouvez regarder, mais vous ne pouvez pas toucher. Le monde moderne devient un musée, où la passivité même de ses visiteurs devient son gardien de sécurité en chef.
Définir ainsi l’essence de la société du spectacle n’est rien de moins que du génie. N’était-ce pas une révélation, un regard clair dans les profondeurs de cette terrible vérité, qui a poussé les Russes révoltés en octobre 1993 à tenter une prise d’assaut aussi désespérée de la tour Ostankino, ce symbole suprême du mensonge absolu du Système ?1 Peut-être qu’à ce moment-là, ceux qui participaient à l’insurrection ont manifesté intuitivement les testaments de Debord :
« Il ne faut pas chercher la formule du « détournement » dans les livres, mais dans l’expérience concrète. Il faut s’écarter de la trajectoire prescrite en plein jour pour que rien ne rappelle l’éveil. Des rencontres marquantes, des obstacles inattendus, des trahisons grandioses, des enchantements risqués, tout cela suffira amplement à cette recherche révolutionnaire et tragique du Graal de la Révolution, que personne n’a demandée.
Une nouvelle marche sur la tour Ostankino
Après l’effondrement de la révolution de 1968, Guy Debord a accordé beaucoup moins d’attention à son Internationale et, en 1972, elle s’est dissoute d’elle-même. De temps en temps, Debord publiait encore des articles et tournait un film de temps en temps, mais l’amertume qu’il avait absorbée à la suite de sa défaite était trop profonde. Même ses critiques intransigeantes avaient été avalées sans effort par le Système. Son œuvre principale était devenue un classique canonisé auquel tout le monde se référait, tandis que peu prenaient le temps de la lire. L’expression « société du spectacle », si chargée et si terrible dans la bouche de Guy Debord lui-même, était devenue un lieu commun dans le lexique politique, ayant perdu sa charge révolutionnaire, anticonformiste et démasquante.
Debord a alors été marginalisé, isolé et « récupéré ». Les situationnistes ont disparu, et seule une poignée d’anarchistes de droite et de disciples européens d’Evola (en particulier, Philippe Baillet) ont fait une tentative, certes infructueuse, de rétablir une certaine pertinence à ses idées. Mais l’Occident a continué sur la voie du spectacle, plus que nous ne pourrions même l’imaginer.
Jamais auparavant la mort n’a régné sur le monde de manière aussi absolue et avec une évidence aussi horrible qu’elle le fait aujourd’hui dans le monde libéral. Le suicide de Guy Debord est la dernière fioriture écrite dans le sang d’une personne vivante aux ordres de la Société du Spectacle. Il se peut qu’il ait été la dernière personne restante en Occident à pouvoir en finir avec elle-même, car plus personne ne possède un « moi » authentique.
L’élection de Chirac à la présidence de la République française, le succès de « Proctor and Gamble », la dernière tournée de Madonna, le travail d’Henri Bernard-Levi sur un nouveau texte publicitaire pour le bourgeois Yves Saint Laurent, le sourire creux et cyborg de Naomi Campbell, démocratiquement fabriqué dans une éprouvette remplie de sperme de représentants des quatre races humaines… Encore plus de temps s’est écoulé depuis la mort inaperçue du grand Témoin…
La Bête soulève son corps de télévision, rampant morosement vers l’Est inconscient, agonisant et chancelant.
Mais tout de même… Tout de même, nous devons nous lever encore et encore et marcher sur la tour Ostankino. Les vivants et les morts. Avec Guy Debord. Cette tour de télévision malveillante est le phallus de Satan, donnant constamment naissance à l’hypnose empoisonnée de la « Société du spectacle ». Après l’avoir fait exploser, nous castrerons le démon même de la violence qui se cache derrière les masques décrépits des marionnettes du Système.
Tôt ou tard, le spectacle sans fin prendra fin. Ce n’est qu’alors que nous aurons notre revanche, et elle sera impitoyable.
Views: 100




Xuan
Merci Danielle.
L’analyse de Douguine sur le trumpisme, qui est citée en lien, n’est pas inintéressante non plus à part ses affinités idéologiques.
Mais la « révolution trumpienne » n’est pas le contraire de l’hégémonisme.
La façon dont Débord part de la marchandise au sens marxiste pour oublier ensuite le matérialisme dialectique mérite la reflexion.
La conscience de classe n’a jamais complètement disparu. A l’inverse du
« ni loi ni travail » que clamait un slogan sur un mur du diois, dernière contrepèterie de l’anarchisme bourgeois « anti bourgeois ».
L’aspect nouveau et imprévu est l’apparition à l’échelle internationale d’une nouvelle idéologie multipolaire, qui accompagne la production et le commerce multipolaires.
Il risque pour les idéologues impérialistes de s’imposer plus vite qu’on peut l’imaginer, en particulier la conception nouvelle de la dialectique entre universalisme et particularités nationales.
admin5319
tout a fait d’accord et il faut être ouvert à ce qui fédère cette « idéologie multipolaire »