Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le vote en faveur de la levée du blocus de Cuba et ce qu’il révèle… par Danielle Bleitrach

Ce vote dont le sens fondamental est qu »il demeure dans une proportion écrasante, malgré toutes les pressions exercées par les Etats Unis, en faveur de Cuba et à ce titre la dénonciation du crime de blocus infligé par les Etats-Unis. Cependant, son résultat nous permet d’affiner ce que Franck Marsal définissait comme méthode de compréhension du monde multipolaire. En mettant en regard les positionnements internationaux, de « sujets de droit » que sont les nations représentées, on voit se poursuivre la montée des nations du sud, leur contestation de l’ordre existant dans un monde d’interpénétration économique. Mais ces « sujets de droit » sont dans le contexte de l’impérialisme et du capitalisme, révélateur de l’état de la lutte des classes au plan interne. Cuba étant un point de jonction entre un positionnement communiste, un pays socialiste et un ordre international en pleine transformation. Le vote reflète de ce point de vue également les affrontements multiples autour de la pertinence de l’ONU en matière de règlement des conflits. L’hégémonie occidentale se battant pied à pied pour conserver sa domination mais la perdant partout de l’assemblée générale au conseil de sécurité et tentant de créer des « coalitions » se substituant à l’institution. Cette grille de lecture qui est celle de notre site comme celle de notre livre par parenthèse fonctionne très bien pour la France et la politique de Macron, ses apparentes incohérences. Mais Cuba est par le courage et le haut niveau de politisation de son peuple, le phare qui éclaire les enjeux. Le fait est que l’événement le plus important pour analyser ces votes se joue aujourd’hui : Trump ne parle pas chinois, et Xi Jinping n’a jamais parlé anglais publiquement ou officiellement. Par conséquent, les politiques des deux pays, déterminées par leur culture et leur histoire, vont négocier et s’accorder selon les circonstances. et les rapports de force réels que la Chine a réussi chacun le reconnait à imposer.

Rappelons ici les remarques de Franck Marsal à propos des analyses cubaines : La politique mondiale continue de se déplacer sur le fil de l’épée et pour en saisir le sens profond, il faut, comme nous y invite Danielle articuler l’histoire des nations et des civilisations, qui sont les sujets du droit et de la politique internationale, et la lutte des classes qui est le moteur de l’histoire propre de ces nations et civilisations. Les rapports sociaux se dédoublent (c’est au fond la base de notre analyse de la situation mondiale) en rapports internationaux impérialistes et rapports internes capitalistes. Comme le développement mondial a mené à la création de chaînes de productions internationales de grande ampleur et dominant un grand nombre de secteurs, y compris l’agro-alimentaire moderne, il faut trouver le chemin qui articule la lutte des classe et les rapports internationaux pour transformer les rapports sociaux de manière globale et cohérente pour résoudre les contradictions. Comme le souligne Danielle, l’abandon ou l’oubli d’une de ces deux perspectives mène à l’aveuglement et à l’action contradictoire qui s’annihile elle-même, voire qui finit par être contre-productive. Or, les capacités des peuples à se positionner dans ces combats ne sont pas égales et découlent pour chacun de leur propre histoire, de leur propre anthropologie, de leur propre structuration sociale, culturelle et intellectuelle. C’est pourquoi certains pays jouent des rôles historiques cohérents et visionnaires alors que d’autres sont enfermés dans la réaction, et cela sur plusieurs séries de génération. Du point de vue de la France, il faut à la fois reconnaître nos particularités, notre créativité, notre force de résistance, mais aussi nos faiblisses historiques, notre manque de pragmatisme et de réalisme qui nous conduit dans les pires errements avant que l’histoire nous remette les idées en place, souvent par une grande claque. 

le questionnement qui est le nôtre sur la nature d’un conservatisme en faveur de la Russie révèle sa complexité pour chacun des votes, en particulier par rapport à la Russie et la manière dont se joue le conflit en Ukraine, mais aussi son partenariat stratégique avec la Chine, et son héritage de la politique internationale de l’URSS. Alors que la Russie, comme la Chin,e s’est prononcée en faveur de la levée du blocus en ne craignant pas de s’engager y compris militairement en relation avec les engagements de l’URSS, on peut constater que sur des bases diverses, y compris des liens revendiqués avec Israël, le conservatisme tend à affronter le monde multipolaire.

Ici aussi la connaissance des histoires nationales est indispensable. C’est la première fois depuis des décennies que les Etats-Unis et Israël réussissent à entraîner un tel nombre de vote en faveur du blocus (les votes rouges). L’Argentine, le Paraguay, l’Ukraine, mais aussi la Hongrie, la Macédoine du Nord, ont basculé dans un soutien aux Etats-Unis et à Israël. l’allégeance personnelle à Trump y est pour beaucoup. pourtant si l’adhésion au fascisme libertarien de la part de l’Argentine mais aussi du Paraguay, voire l’influence d’anciens nazis et tortionnaires assumé en Amérique latine, l’antisémitisme traditionnel de ces pays se transformant en anti-islamisme décomplexé, nous sommes dans un cas un peu différent en Europe, en tous les cas en ce qui concerne l’aspect déjanté des alliés des Etats-unis. Cette différence se retrouve dans les abstentions. Le chiffre des abstentions a un score inusité de 12 avec l’Albanie, la Bosnie Herzgovine, le Costa Rica, la Tchéquie, l’Equateur, l’Estonie, la Lituanie, le Maroc, la Pologne, la Roumanie entre autres. Pour toutes ces abstentions, une analyse s’impose au cas par cas même si ce qui se joue est souvent la confusion et la faiblesse de l’opposition aux gouvernements en place. Les Etats-Unis ont apparemment réussi à travers le pression, le véritable chantage exercé dans ces pays à travers l’accusation de soutien à la Russie et à d’autres conflits dans le monde y compris la Palestine à obtenir l’abstention, mais les gouvernements de ces pays sont pour la plupart en état d’équilibre instable, voire totalement en rupture avec les choix populaires comme la Roumanie et les conservatismes « populaires » en sont à tenter de créer un pôle de résistance au coeur même de l’UE contre l’escalade guerrière.

Parce qu’il y a une autre réalité, celle où le monde multipolaire ne se contente plus comme c’était le cas depuis des décennies de condamner le blocus et en fait de l’appliquer pour cause d’extraterritorialité du dollar, voir de menace d’invasion, mais il existe désormais un certain nombre de pays qui affrontent la militarisation du dollar, les menaces de sanction, de blocus, la guerre tarifaire… La Chine est le leader mais la Russie a osé défier l’OTAN et répond aux menaces par la réalité d’un rapport de forces… Ils ne partiront peut-être pas en guerre derrière Cuba mais sont intervenus à l’Assemblée des Nations en faisant de Cuba une ligne rouge… D’autres pays comme la Colombie, le Brésil et à sa manière le Mexique ont dit leur refus.

Notons que si dans son intense pression, les USA ,’ont réussi qu’à arracher sur des bases bien fragiles quelques votes en Amérique latine ou en Europe, le continent africain (malgré là aussi l’abstention du Maroc par ailleurs en pleine négociation avec la Chine) résiste et soutient Cuba, comme l’Asie et même le Pacifique où les Etats-Unis ont perdu leurs « dominions » type les îles Marshall…

Si ces votes disent la fragilité de certaines résistance populistes conservatrices dans le nouvel ordre international, elle sont aussi le signe de ce que nous défendons ici: nous sommes devant une telle accélération de l’histoire qu’il faut à la fois mesurer avec lucidité ce que représentent les protagonistes au plan international et interne, mais aussi mesurer que les « camps » sont en plein bouleversement et que seul l’avenir dira le rôle réel de chaque force, chaque individu.

En ce qui concerne la situation présente, notre conclusion est premièrement que Cuba est par le courage et le haut niveau de politisation de son peuple, le phare qui éclaire les enjeux. deuxiémement, le fait est que l’empire a perdu un des piliers de sa domination, son armée, le fait de ne pouvoir être envahi par personne et d’envahir les autres, c’est ce que répond Poutine à chacune des menaces, comme Cuba et le venezuela lui annoncent un nouveau Vietnam, mais tout cela prend sens avec l’événement le plus important pour analyser ces votes et qui se joue aujourd’hui dans la négociation avec la Chine : Trump ne parle pas chinois, et Xi Jinping n’a jamais parlé anglais publiquement ou officiellement. Par conséquent, les politiques des deux pays, déterminées par leur culture et leur histoire, vont négocier et s’accorder selon les circonstances. et les rapports de force réels que la Chine a réussi chacun le reconnait à imposer.

danielle Bleitrach

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