La guerre du coton, et de l’importance du Xinjiang sur le front de l’Ukraine, un article à savourer de l’animateur d’Histoire et societe, Georges Rodi. Un Français, qui vit en Chine, et nous apporte un éclairage toujours pertinent. Mais très décalé par rapport aux certitudes qui sont celles de notre presse et nos « élites » imbéciles. Déjà à travers les terres rares qui ne sont pas si rares que ça (ce qui est rare c’est la manière de les traiter industriellement et là la Chine est indépassable) on a vaguement compris que les Etats-Unis et l’UE pour faire la guerre à la Chine (et incidemment à la Russie) étaient dans l’obligation de quémander les moyens de l’armement sophistiqué à la Chine… Celle-ci, bien sûr, met le blocus sur l’utilisation dans l’armement et risque de bloquer le développement de l’IA… Ce retour de manivelle n’était pas triste mais quand comme le montre ici Georges Rodi, cela touche la poudre à canon, la bonne vieille arme traditionnelle et que cette fois c’est le blocus du coton du Xinjiang avec son pseudo génocide qui est en cause, cela relèverait d’une franche rigolade malgré le sujet mais je ne vous en dis pas plus, c’est un délice qui nous oblige à réfléchir (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

il y a dans les articles de Georges Rodi une veine digne du XVIIIe siècle, Voltaire, Diderot mais aussi le trait satyrique allemand dans lequel l’occident joue les grotesques et vantards Baron Münchhausen…
C’est déjà un problème économique majeur pour les industries des pays occidentaux lorsque la Chine réplique aux tarifs et aux interdictions commerciales en contrôlant les livraisons de ses terres rares, et nous le savons maintenant, pour les missiles, les radars et les avions de chasse du complexe militaro-industriel, le problème est devenu existentiel. Mais pour un produit connu depuis des siècles, la poudre à canon, l’Empire du Donald est en difficulté.
Et pas seulement aux USA, en Europe aussi il n’est pas possible de produire assez de TNT pour approvisionner les canons de l’Ukraine.
Les nouvelles pétillent sur le net à ce sujet, et toutes me semblent issues d’un article paru sur le site « The War Zone » (TWZ) en mai de cette année : Shell Game: Inside The Worldwide TNT Shortage
Il y a deux composants volatils impliqués dans un obus, l’explosif qu’il contient, et celui qui le propulse, et il y a des raisons pour lesquelles les sociétés chimiques occidentales ont cessé d’investir dans ce secteur. Plus personne ne voyait l’utilité de conserver ces sites industriels dangereux qui imposent des règles très strictes sur la production et le transport, qui demandent beaucoup d’énergie, et impliquent une utilisation intensive d’acides et de produits chimiques qui peuvent provoquer des risques de pollution.
C’est aussi une conséquence des « dividendes de la paix » après la chute du mur de Berlin. L’OTAN a drastiquement diminué ses capacités industrielles et les immenses stocks de munitions n’avaient plus d’utilité. L’Europe et les USA ont donc transféré la plupart de leurs équipements industriels, et le savoir-faire qui allait avec, et externalisé cette activité en Chine, en Turquie, dans les Balkans et en Ukraine.
L’article de TWZ nous apprend que l’un des principaux fournisseur du Pentagone se trouvait être la société Zarya en Ukraine. Lorsque le conflit a éclaté en 2022, l’usine s’est retrouvée du côté conquis par l’armée russe. En soi c’est déjà une nouvelle amusante qui suffit à me réjouir pour la matinée.
Aujourd’hui, la guerre en Ukraine impose des exigences élevées à l’artillerie, la Russie tirant 10 000 obus par jour. L’Ukraine ne peut pas suivre le rythme et ne peut répondre qu’avec 2 000 à 6 000 par jour. Difficile de connaître les véritables chiffres à travers le brouillard des propagandes.
Face à cela, l’UE a proposé une augmentation des dépenses de défense de 150 milliards d’euros. Même si cette mesure est adoptée, les usines ne pourront pas produire des armes pendant des années en raison des problèmes de la chaîne d’approvisionnement. Il faut reconstituer le parc de centres d’usinage, des machines spécifiques qui ne sont pas sur étagère (1 à 2 ans sont nécessaires), et il faut former la main-d’œuvre capable de les faire tourner. Couler l’explosif (TNT, RDX ou IMX-104) à l’intérieur des obus est un sérieux goulot d’étranglement tant ce travail est dangereux. Le simple fait d’obtenir une autorisation pour implanter une usine est un parcours d’obstacles qui peut prendre des années. Les fusées que l’on visse au sommet des obus et qui contrôlent la mise à feu de l’explosif sont des composants complexes à produire. Et de la métallurgie aux acides, les matériaux de base doivent être extrêmement purs pour obtenir le résultat désiré par les militaires. Enfin, la nitrocellulose est l’un des goulets d’étranglement. Et jusqu’à présent, personne n’y prêtait attention.
La nitrocellulose est un élément de base des sacs de poudre qui propulsent les obus. Sa production nécessite de la cellulose de qualité qui provient principalement de deux sources, la pulpe de bois, et le coton.
Et vous avez tous entendu parler des champs de coton de la province du Xinjiang, où les Ouïghours seraient exploités comme esclaves. Il se trouve que des esclaves Ouïghours, je n’en ai encore jamais vu. Très certainement parce que je vis en Chine.
Toujours est-il qu’il n’est absolument pas question pour les fournisseurs du Pentagone et ses alliés d’importer ce coton.
C’est une tempête parfaite qui touche ces armées. Il faut tenter de rouvrir des usines fermées il y a des décennies, et il est presque impossible de construire une nouvelle usine en Europe en raison des réglementations et des autorisations nécessaires. Même la réouverture d’usines anciennes ne se fait pas rapidement. Une entreprise française a rouvert une usine à Bergerac, qui avait été fermée en 2007, et cela a pris un an pour commencer les travaux. Il a fallu deux ans avant qu’elle ne reprenne la production.
Un autre problème est que les entreprises demandent des garanties solides. Elles ne peuvent pas investir des sommes importantes pour ouvrir une usine produisant des obus et des bombes, alors que les guerres se terminent toujours. Les entreprises exigent des garanties d’activité pour le futur, et jusqu’à présent, il y a beaucoup de discours et de promesses, mais très peu de contrats à long terme réellement signés.
Et pour ne rien arranger, il faut doubler la production de nitrocellulose.
Pour l’instant, ce qui explose le mieux en raison des pénuries causées par les conflits et les sanctions, ce sont les prix.
Il y a les entreprises minières occidentales à qui l’on demande d’exploiter les ressources de terres rares : pour eux, le prix du kilogramme de TNT a déjà quadruplé en quelques années.
Et pour chaque obus tiré par l’Ukraine, il faut compter désormais 45 dollars par kilogramme d’explosif. Cela représente 450 dollars par obus, et l’Ukraine en consomme plusieurs milliers par jour.
Tout cela nous rappelle qu’une guerre moderne est avant tout une compétition industrielle. Reconstruire une base de production militaire est une tâche monumentale. Par analogie, si vous voulez produire des automobiles, il ne suffit pas d’assembler des carrosseries. Il vous faut les moteurs, les pneus, l’électronique, les huiles et le carburant, les sièges et la planche de bord… Un seul composant vous manque, une matière de base vous manque, un minerai vous manque, et vous n’avez rien qui fonctionne.
Cela dit, la Turquie, la Grèce produisent du coton. Les USA aussi.
Soit dit en passant, en 2025, aux USA, il existe encore et toujours le 13th Amendment qui précise : « Ni l’esclavage, ni la servitude involontaire ne peuvent exister aux USA, à l’exception des punitions imposées à ceux ayant commis un crime. » Si vous pensez qu’un prisonnier (le plus souvent noir de peau), privé de ses droits civiques, dans l’incapacité de refuser un travail forcé (s’il veut conserver un droit de visite ou ne pas être soumis au confinement solitaire) n’est rien d’autre qu’un esclave, bienvenue au mouvement « Abolition Amendment ».
Qu’en est-il des pays producteurs de pulpe de bois ?
Pour en tirer de la nitrocellulose de qualité militaire, il faut des bois qui contiennent au moins 95% de cellulose. Le Canada en possède en quantité suffisante. Les tarifs imposés par l’administration Trump vont-ils impacter ce commerce ? Les prix vont encore d’avantage augmenter, et on peut imaginer que ce sera un levier dans les négociations. La Suède et la Finlande sont des prises de choix pour l’OTAN qui peut maintenant compter sur les entreprises « Södra » et « Metsä ». Les sociétés brésiliennes comme « Suzano » et « Eldorado Brasil » font partie des plus grands producteurs. Il faudra voir si les membres de l’OTAN pourront s’y approvisionner.
Les déclarations politiques se multiplient aux USA et dans l’UE pour relancer la production d’obus, les terres rares et que sais-je encore. Ces déclarations ne prennent qu’une minute, développer une production industrielle peut nécessiter des dizaines d’années, quel que soit le nombre de milliards que vous injectez. Reste à voir dans combien de temps les efforts finiront par aboutir, s’ils aboutissent un jour.
Un problème qui concerne les pays de l’OTAN, mais pas la Russie qui en plus de ses propres capacités peut obtenir tout ce dont elle a besoin de la Chine et la Corée du Nord.
Views: 81



