Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’avenir de la Russie a un coût très élevé, par Sergueï Savtchouk

Voici concrètement, grâce à cette traduction de Marianne une étude sur le rôle que joue la Russie dans l’équipement dans les pays du sud de centrales nucléaires par rapport à des pays comme les Etats-Unis mais aussi la Grande-Bretagne et la France. Où l’on voit que le grand public russe à travers ces articles de vulgarisation sont beaucoup plus au fait des enjeux que le public français et cette sous-information, voire cette propagande stupide nous interdit le débat citoyen sur les véritables enjeux comme l’état du nucléaire civil français et la manière dont il a été de fait sacrifié. (note d’histoireetsociete traduction de Marianne Dunlop) .

РИА Новости, 15.10.2025

Les projets étrangers de la société nationale Rosatom continuent de se développer, et même en avance sur les délais fixés. Récemment, en Ouzbékistan, dans le district de Farish de la région de Jizzakh, une cérémonie symbolique a eu lieu pour marquer le début des travaux de fondation des futurs blocs énergétiques, où fonctionneront les petits réacteurs russes RITM-200N. C’est une excellente nouvelle, d’autant plus que très peu de pays et d’entreprises dans le monde sont capables de construire des centrales nucléaires modernes, et encore moins de mettre en œuvre à l’échelle industrielle un concept innovant de réacteurs nucléaires de petite puissance, qui plus est en avance sur le calendrier prévu. Dans ce domaine, Rosatom est sans concurrence.

Le grand public russe ne comprend souvent pas pourquoi la Russie doit construire un ouvrage aussi coûteux et complexe quelque part hors de ses frontières, allouer des crédits publics à cette fin, former des spécialistes locaux, fournir puis éliminer l’uranium usé, et bien d’autres choses encore. En effet, tous ceux qui souhaitent disposer d’une centrale nucléaire conçue selon le modèle russe, qu’il s’agisse de pays voisins parmi les anciennes républiques soviétiques ou de pays étrangers lointains, peuvent ensuite nous tromper, refuser de payer leurs dettes ou même simplement s’approprier les installations nucléaires pour leur usage personnel, « arnaquant » de manière banale et ostentatoire Russie.

Examinons les motivations, les aspects économiques, les mécanismes et, bien sûr, la politique d’exportation des technologies nucléaires russes. Cela sera utile, car les répercussions imperceptibles de la mise en œuvre de tels projets s’étendent bien au-delà du domaine de l’énergie. Prenons l’exemple du chantier mentionné en Ouzbékistan.

Premièrement, la centrale nucléaire de Jizzakh est entièrement financée par l’Ouzbékistan. Dans ce cas précis, Moscou n’a pas accordé de crédit garanti par l’État, comme cela a été le cas pour la centrale nucléaire biélorusse et la centrale nucléaire de Paks en Hongrie. Ce type de financement est avant tout avantageux pour le prêteur, même si Moscou accorde aux acheteurs de technologies nucléaires russes des prêts à des taux très modestes de 3 à 4 %. Cependant, si l’on tient compte du fait que, selon les dernières données publiées, Rosatom propose un bloc énergétique clé en main pour 7,5 milliards de dollars, les intérêts seuls rapportent plus de 300 millions de dollars (23 milliards de roubles au taux de change actuel) au Trésor public.

Dans le même temps, la Russie n’alloue à l’acheteur ni argent physique, ni même virtuel. Les fonds du budget fédéral sont directement versés aux structures de Rosatom, assurant ainsi une charge de travail continue et le fonctionnement de chaînes de coopération verticales et horizontales profondes et ramifiées à l’intérieur du pays. Des dizaines d’entreprises et des dizaines de milliers d’employés sont ainsi assurés d’avoir du travail, et le client paie tout cela pendant de nombreuses années avec de l’argent physique, intérêts compris.

Le crédit est en général un mécanisme très avantageux, sinon les multinationales et tous les pays leaders, y compris les États-Unis et la Chine, ne s’y adonneraient pas, accordant activement des prêts pour l’achat de leurs propres produits, technologies et services.

Un autre point peu visible, mais extrêmement important, est que des domaines aussi complexes et exigeants sur le plan scientifique que l’énergie nucléaire nécessitent un engagement constant. Les pauses sont ici désastreuses, et les interruptions prolongées entraînent une diminution des compétences techniques, qui conduit ensuite à leur perte.

L’exemple le plus frappant de ces tendances est celui des industries nucléaires aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni.

Aujourd’hui, les Américains imposent à leurs vassaux des contrats stricts qui interdisent toute coopération avec d’autres pays, mais eux-mêmes ne construisent rien, se concentrant sur la reprise des réacteurs déjà en service. C’est ce qui s’est passé en Ukraine, où les Américains fournissaient du combustible dans des assemblages combustibles spécialement conçus pour les réacteurs russes.

Les Français, qui construisaient des centrales nucléaires comme des petits pains il y a quarante ans, tentent péniblement de mettre en service le troisième réacteur de la centrale nucléaire de Flamanville, mais les délais sont constamment repoussés. Ce malheureux réacteur est en construction depuis dix-sept ans déjà, et son plus jeune prédécesseur (le deuxième réacteur de la centrale nucléaire de Civaux) a été construit il y a vingt-cinq ans.

La Grande-Bretagne a même disparu de cette liste douteuse, ayant complètement perdu ses compétences en matière de construction de centrales nucléaires et pris un retard considérable sur le plan scientifique et technologique. La situation est si déplorable que pour la construction du cinquième réacteur de la centrale nucléaire de Hinkley Point C, il a fallu faire appel à la société chinoise China General Nuclear Power Group, que Londres a ensuite exclue du projet sous la pression de Washington, gelant ainsi complètement la construction.

Deuxièmement, les centrales nucléaires en construction en Ouzbékistan, au Kazakhstan et dans d’autres pays sont des projets dont l’horizon est d’au moins 60 ans. C’est précisément la durée de vie actuelle des réacteurs VVER-1000/1200, mais aujourd’hui, les limites sont prolongées pour des unités beaucoup plus anciennes et moins perfectionnées, de sorte que l’on peut sans hésiter mettre des points de suspension dans le calendrier. Pendant tout ce temps, les divisions russes de Rosatom et ses partenaires recevront des commandes pour l’extraction d’uranium, la production de combustible, la gestion des cycles de combustible, le transport des déchets nucléaires, la maintenance technique, l’octroi de licences et la formation de personnel qualifié.

Troisièmement, le personnel. Il est prévu de recruter jusqu’à 20 000 travailleurs de différentes spécialités pour la construction de la centrale nucléaire de Jizzakh. D’après les résultats du concours, au moins 70 % du personnel sera fourni par le groupe Enter Engineering (Ouzbékistan). Cela signifie qu’environ 14 000 Ouzbeks acquerront une expérience pratique unique dans la construction d’une centrale nucléaire. Outre des qualifications très recherchées, ces personnes auront un emploi assuré pour les années à venir, ce qui leur permettra de rester chez elles plutôt que de partir à la recherche d’emplois peu qualifiés, principalement en Russie.

Dans le même temps, cette main-d’œuvre pourrait être très utile en Russie, où, selon la « Stratégie énergétique 2035 », la construction de nouvelles centrales nucléaires est prévue dans l’est du pays, ainsi que dans le cadre de projets à l’étranger. Nous soulignons une fois de plus qu’il n’y a pas beaucoup de personnes ayant une telle expérience, et que la Russie connaît actuellement une pénurie de main-d’œuvre dans tous les domaines. Cela est lié à la fois aux problèmes démographiques et à l’exode d’une partie de la population masculine vers le front.

Il faut également inclure ici la formation universitaire et en laboratoire de ceux qui assureront le fonctionnement des centrales déjà en service. Il s’agit de lycées techniques spécialisés, d’universités, de cours, de programmes et de formations. Pour les organiser, il faut également des spécialistes russes qui formeront de jeunes chercheurs sur place.

La formation des scientifiques se fait en russe et à partir de documents russes, ce qui contribue indirectement à former une élite scientifique, technique et parfois politique étrangère favorable à la Russie. Un exemple en est la tenue dans notre pays de tout forum technique international où les représentants africains occupant des postes de ministres de l’énergie et de l’industrie minière se réjouissent de retrouver leurs anciens camarades de classe asiatiques, également diplômés russophones du MIFI, du MISIS, de l’université technique d’État Bauman et d’autres universités techniques.

Les projets étrangers de Rosatom ne rapportent pas seulement des avantages financiers à l’État. Les centrales nucléaires en construction permettent à notre industrie nucléaire de conserver son avance sur ses concurrents et de « se muscler » en permanence, de tester de nouvelles technologies, telles que le combustible remixé révolutionnaire à base d’uranium et de plutonium recyclés. Parmi les avantages moins évidents, on peut citer la réduction des flux migratoires et la formation de sous-traitants qualifiés pour travailler, par exemple, au Kirghizistan ou en Mongolie, qui ne sont pas non plus opposés à l’idée d’acquérir une centrale nucléaire russe.

Views: 45

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.