Crise entre l’Algérie et le Mali : la Russie en médiateur ?

Cet article illustre la méthode diplomatique, qui est celle du monde multipolaire. Un travail sur le temps long, pour régler et déminer les conflits, là où l’impérialisme hégémonique a semé depuis longtemps des germes dangereux de divisions entre les peuples, entre les pays. Nous avons longuement expliqué que la crise Sahélienne a pris racine dans la guerre de destruction de la Libye et l’armement massif de groupes jihadistes, qui sont ensuite allé déstabiliser les pays du Sahel. La déstabilisation, l’émiettement des pays les ouvre aux trafics et on a découvert à l’occasion de la crise Sahélienne à quel point le Mali était un pays riche, notamment en réserves d’or, maintenu depuis trop longtemps dans le sous-développement par l’impérialisme (français). Le Sud algérien est également riche, et notamment en gaz et en pétrole. Les manœuvres qui se sont enchaînées autour de ces déstabilisations touchent donc un endroit très sensible. Chaque pays, Mali et Algérie (les deux sont une cible pour l’impérialisme) n’a qu’une marge de manœuvre limitée pour préserver sa sécurité dans une zone désertique et fragile. La voie du dialogue et de la diplomatie est indispensable et l’expérience de Lavrov, la méthode diplomatique développée au sein des BRICS, celle d’un dialogue long et approfondi pour résoudre les problèmes sur le fond sont un espoir réel. Pas d’annonce faramineuse, du travail. Mais il faut comprendre que si ce dialogue réussit, l’ensemble de la géographie africaine sera bouleversée. La France, qui a énormément perdu en crédibilité par les manœuvres à courte vue de Macron et de ses prédécesseurs au Sahel, et qui mise tout sur le Maroc en multipliant les crises inutiles avec l’Algérie en serait pour ses frais, isolée comme jamais du continent dont le développement sera le plus important dans les décennies à venir. (note de Franck Marsal pour Histoire&Société)

Dans un contexte régional marqué par une recrudescence des tensions, la Russie, par la voix de ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est récemment exprimée sur la crise diplomatique entre l’Algérie et le Mali, se proposant comme médiateur potentiel entre les deux pays.

Depuis le retrait unilatéral des autorités maliennes de l’accord de paix d’Alger signé en 2015, les relations entre Bamako et Alger se sont nettement détériorées. Ce texte visait à pacifier le nord du Mali en intégrant les mouvements rebelles touareg dans le processus politique national. La dénonciation de l’accord par le régime militaire malien a ravivé les tensions armées dans la région et alimenté une crise diplomatique avec l’Algérie, qui en était le principal garant.

Les autorités maliennes reprochent à l’Algérie une supposée partialité, tandis qu’Alger critique le désengagement malien vis-à-vis des engagements pris. Ce climat d’hostilité a réactivé des soupçons, de part et d’autre, sur les intentions stratégiques de chacun.

La position de Moscou : neutralité et disponibilité

Dans ce contexte tendu, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a déclaré que la Russie suivait avec attention l’évolution de la situation. Lors d’un échange avec des journalistes issus de médias arabes dont l’agence de presse Sputnik a publié un compte rendu, Lavrov a affirmé que Moscou était en contact régulier avec Alger et Bamako, et se dit prête à jouer un rôle d’apaisement. Pour le chef de la diplomatie russe, les deux parties « sont intéressées à ce que nous contribuions à aplanir les contradictions; nous y sommes prêts ».

Il attribue l’origine des tensions actuelles au passé colonial, évoquant le découpage artificiel du continent africain, qui aurait laissé en suspens de nombreuses revendications ethniques et territoriales. Ce passif, selon lui, nourrit aujourd’hui les différends comme celui qui oppose l’Algérie au Mali.

Lavrov a également défendu la présence militaire russe en Afrique, notamment au Mali, en précisant que le Corps africain – successeur du groupe Wagner – agit dans le cadre d’un mandat officiel confié par les autorités de transition maliennes, issues d’un coup d’Etat contre les autorités précédentes.

Le rôle controversé du Corps africain russe

Il a fermement rejeté les accusations d’exactions contre les civils, dénonçant des critiques provenant d’« anciens colonisateurs » visant à discréditer l’action russe sur le continent. Plusieurs groupes touareg ont pourtant alerté sur la poursuite d’abus malgré le changement de façade, décrivant une continuité des pratiques de répression et de marginalisation.

Si la Russie affiche sa volonté de contribuer au règlement de la crise, ni l’Algérie ni le Mali n’ont officiellement appelé Moscou à jouer ce rôle. Les deux capitales semblent toutefois ouvertes au dialogue, selon Lavrov, ce qui pourrait offrir une opportunité de désescalade. Il reste à savoir si cette initiative sera perçue comme une tentative sincère de médiation ou comme un instrument d’influence supplémentaire d’une puissance étrangère dans un espace déjà hautement sensible.