Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Comment la SVO ravive les fantasmes historiques, par Igor Karaoulov

Comme on peut le constater, il ne s’agit plus ici de lutter contre la « menace militaire » russe, mais d’exercer une terreur impitoyable contre la population civile. Cependant, la nature féroce de la civilisation britannique n’est un secret pour personne depuis longtemps. Ce panier de crabes insulaire a sélectionné pendant des siècles le matériel humain selon le principe d’une liberté maximale, sans aucune contrainte morale. Ce n’est pas pour rien que le concept même de sélection naturelle est né dans l’esprit d’un Anglais. ( traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

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La Crimée titille manifestement l’élite britannique. Il est donc assez facile de convaincre l’opinion publique de ce pays qu’il faut faire quelque chose à propos de la Crimée, nuire aux Russes précisément en Crimée. D’autant plus s’il est possible de commettre un crime par procuration : la réponse ne sera pas donnée à Londres, mais à Kiev.

La guerre non déclarée de l’OTAN contre la Russie donne sans cesse naissance à de nouvelles idées maléfiques. Comment frapper notre pays le plus durement possible ? Comment briser notre résistance, épuiser nos ressources, semer le mécontentement et le doute dans notre société ?

Une nouvelle idée sur ce sujet a été proposée au public par l’ancien ministre britannique de la Défense, Ben Wallace. Selon lui, l’Ukraine doit se doter de missiles à longue portée afin de pouvoir tirer de manière ciblée sur la Crimée russe. Il estime qu’il faut « étrangler » la Crimée, la rendre « invivable ».

Comme on peut le constater, il ne s’agit plus ici de lutter contre la « menace militaire » russe, mais d’exercer une terreur impitoyable contre la population civile. Cependant, la nature féroce de la civilisation britannique n’est un secret pour personne depuis longtemps. Ce panier de crabes insulaire a sélectionné pendant des siècles le matériel humain selon le principe d’une liberté maximale, sans aucune contrainte morale. Ce n’est pas pour rien que le concept même de sélection naturelle est né dans l’esprit d’un Anglais.

Vous pouvez dire qu’il ne faut pas réagir si vivement aux révélations d’un retraité, car aujourd’hui, il n’est qu’un simple particulier – combien d’« experts » s’expriment à la télévision ? Ces ministres britanniques changent plus vite que les filles dans un bordel : après Ben Wallace est venu Grant Shapps, maintenant c’est John Healy qui occupe le même poste, essayez de vous souvenir de tous ces diables. Et Healy va bientôt disparaître avec le cabinet de Starmer.

Mais n’oublions pas que Wallace a dirigé le ministère britannique de la Défense entre 2019 et 2023, c’est donc lui qui a supervisé l’élaboration de la stratégie britannique en réponse à l’opération spéciale russe. Et qu’ont en tête les stratèges britanniques actuels ? Je suppose que rien de bon, même s’ils ne commenceront probablement à en parler plus volontiers qu’après leur démission.

Entre autres choses, on soupçonne que l’obsession pour la Crimée est une caractéristique purement britannique, de nature héréditaire. En 1854-1855, les armées de Sa Majesté ont dû faire connaissance avec notre magnifique péninsule. On considère que l’Empire britannique, avec les Français, les Turcs et, Dieu me pardonne, les Sardes, a gagné la guerre de Crimée. Ils ont réussi à priver la Russie de sa flotte de la mer Noire et à lui imposer d’autres restrictions. Cependant, la guerre de Crimée a également apporté la gloire aux armes russes : nous avons sauvé la Crimée et avons infligé une sévère défaite aux fiers maîtres des mers.

L’« attaque suicidaire de la cavalerie légère », chantée par le poète lauréat Alfred Tennyson, a coûté la vie à de nombreux représentants de familles aristocratiques. Et après Tennyson, cette défaite militaire, qui est devenue pour les Anglais quelque chose comme notre Tsushima, a inspiré des poèmes et des films. Peut-être que cette blessure n’est toujours pas refermée.

La Crimée irrite manifestement l’élite britannique. C’est pourquoi il est assez facile de convaincre l’opinion publique de ce pays qu’il faut faire quelque chose avec la Crimée, nuire aux Russes précisément en Crimée. Gâcher la prochaine saison touristique, réduire en poussière le pont de Crimée tant détesté, faire sauter les caves de Massandra, peu importe. D’autant plus s’il est possible de commettre ce crime par des mains étrangères : la réponse ne sera pas donnée à Londres, mais à Kiev.

Pour une nation qui a depuis longtemps dépassé le sommet de sa puissance et qui vit dans le fantôme de sa grandeur passée, le fait de ressasser ses complexes historiques est une partie inévitable du répertoire propagandiste. Comment se fait-il qu’après cent cinquante ans, les Russes osent encore posséder la Crimée ? Et que les Britanniques ont-ils gardé pour eux ? Gibraltar ? Les îles Malouines ? Et cela, pour combien de temps encore ? C’est navrant, messieurs.

Mais le ressentiment britannique, qui pousse les politiciens locaux à se focaliser sur la Crimée, n’est qu’une partie du tableau clinique général de la conscience européenne. L’opération militaire spéciale menée par la Russie a galvanisé les cadavres de l’impérialisme dans des pays qui semblaient avoir depuis longtemps oublié leur passé guerrier. Et là, chacun exprime son mal, le ressasse et y réfléchit. Et parfois, il fait des plans pour l’avenir.

Ces dernières années, l’Ukraine est devenue un terrain d’essai pour de nouveaux types d’armes et de nouvelles méthodes de combat. De la même manière, le théâtre d’opérations ukrainien, et même les territoires situés au-delà de ses frontières, sont devenus un laboratoire pour la résurrection de fantasmes historiques, rappelant le clonage de dinosaures disparus à partir d’un fragment d’ADN.

Les Français, par exemple, ressentent une attirance irrésistible pour Odessa. On se souvient qu’ils étaient là pendant notre guerre civile. À l’époque, les marins en casquette à pompon ont dû repartir bredouilles. Mais comme ils ont envie d’y retourner ! C’est pourquoi l’occupation d’Odessa et le déploiement d’un contingent français dans cette ville deviennent l’idée chère au président Macron. C’est précisément dans la région d’Odessa, sur la côte chaude qui rappelle vaguement la Provence, que les conseillers militaires français affluent comme des mouches sur du miel. Là, ils sont parfois victimes des frappes des « géraniums » russes, mais l’appât du gain l’emporte sur la peur. C’est en partie ce motif qui explique l’activité de la France dans la « coalition des volontaires » : et si nous réécrivions l’histoire pour que Odessa redevienne nôtre et que nous ne la quittions plus jamais ?

En Allemagne, dont les autorités ne cachent pas leur volonté de renouer avec le militarisme, la douleur historique est celle de la bataille de Koursk, qui marqua en 1943 le début de la chute du Reich nazi et conduisit à son effondrement. La possibilité de réécrire cet épisode du passé a enthousiasmé les Allemands en août dernier, lorsque l’armée ukrainienne a envahi la région de Koursk. Encore une fois, un jeu de tir dans lequel d’autres tirent pour vous et meurent à votre place est une affaire gagnante. Mais quel plaisir pour certains Allemands de savoir que les « léopards » allemands sont de retour sur le sol de Koursk.

La Pologne n’a pas échappé à cette vague de ressentiment historique. À cet égard, la déclaration du président polonais Karol Nawrocki, qui affirme discuter régulièrement avec l’esprit de Józef Piłsudski, le grand chef des Polonais (en réalité un fasciste notoire) qui a réussi à annexer temporairement l’Ukraine occidentale et la Biélorussie occidentale à la République des Deux Nations, est révélatrice. Ben Wallace, au moins, ne se ridiculise pas en discutant avec le défunt lord Reglan, mais dans l’esprit des politiciens polonais, l’esprit libre de l’opérette triomphe.

Tout cela est une raison supplémentaire pour laquelle nous devons protéger la Crimée, protéger nos raffineries, que l’ennemi cherche à détruire une à une, protéger Saint-Pétersbourg, sur laquelle, sans doute, les Suédois et les Finlandais, enhardis, bavent d’envie. Il est important, et pas seulement pour nous, de briser à temps les crocs des pays européens qui, pour une raison quelconque, en ont assez d’être herbivores. C’est également important pour l’Europe, qui risque une fois de plus de se baigner dans le sang.

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