Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le monde à la renverse de Le Hyaric est bancal

Quand les éditions de l’Humanité publient les ouvrages de Patrick Le Hyaric, qui aide qui ? Sont-ce les ventes importantes de cet ouvrage nécessairement attendu qui vont accroitre le bénéfice du journal, ou est-ce l’Humanité qui met ses moyens au service de la littérature de son ancien directeur et de ses idées ? Et quelle est la part des communistes dans les choix éditoriaux de ce journal qui se dit « Journal de création communiste (sic) ouvert à tous les courants de pensée se réclamant de l’humanisme, des droits humains, du progrès social, démocratique et environnemental » (charte éditoriale de l’Huma) et dont les communistes fournissent largement abonnements, bons de soutiens, souscriptions, investissements militants de divers ordres … Et pourquoi ce journal « ouvert à tous les courants de pensées se réclamant de l’humanisme » refuse-t-il toujours d’accorder sa place à notre travail, alors que de partout les communistes achètent notre livre, le lisent, nous sollicitent pour des débats ? Nous, en l’occurrence Xuan, avons lu le livre publié par l’Humanité, nous en parlons et sommes tout à fait prêts à débattre dans les colonnes de l’Huma des changements du monde, de leur cause profonde et des perspectives que cela ouvre pour l’humanité. (note de Franck Marsal pour Histoire&Société)

Tianjin – réunion de l’Organisation de coopération de Shanghai à la veille du défilé commémorant le 80e anniversaire de la victoire contre le fascisme japonais. Antonio Guterres s’est rendu à cette réunion.

Les Editions de l’Humanité publient un petit livre de Patrick Le Hyaric « Un monde à la renverse ». Selon Scarlet Bain il « s’ancre résolument dans une approche matérialiste dialectique de l’histoire » en analysant un « basculement planétaire historique entraîné par une « internationale brune » qui entend sauver le capitalisme en prise avec ses propres contradictions ».

Faits et chiffres à l’appui, Le Hyaric y dénonce l’impérialisme états-unien sur plus de 60 pages – un quart du livre – et tout particulièrement Trump et l’idéologie réactionnaire, obscurantiste et fascisante qu’il propage : Trump veut instaurer un nouvel hégémonisme. Disons plutôt restaurer parce qu’il existe déjà et qu’il est sur le déclin.

Qui s’oppose à cet hégémonisme ?

Le Hyaric cite les BRICS, « un obstacle de taille », dont la « la montée en puissance… est une donnée fondamentale, qui explique une part de la contre-offensive de l’Occident capitaliste »... « Ce groupe de pays conteste le deux poids, deux mesures dans l’application (ou la non-application) du droit international ainsi que l’architecture financière et monétaire internationale, leur non-représentation dans les grandes instances internationales (Conseil de sécurité de l’ONU) et la prééminence du dollar dans les échanges internationaux ».

Il relève qu’ils ont créé une nouvelle banque de développement, un projet de monnaie commune, l’ouverture des Nouvelles Routes de la soie et du plan Made in China 2025, qu’ils représenteront « dans un avenir proche, 50 % du PIB mondial, contre 20 % pour les pays capitalistes du G7 », que la Chine Populaire « est venue contrarier quelque peu ce scenario et modifier le rapport de force », et qu’« ils sont unis dans la contestation de la prédominance de « l’Occident global » dans les institutions internationales. Ensemble, ils contestent la prééminence du dollar dans les échanges internationaux, l’extraterritorialité du droit nord-américain et la nature agressive de l’Otan »…

That’s all folks ! Au total une cinquantaine de lignes, ce qu’on appelle le minimum syndical. Car il ne tirera de cette « contestation » aucune conclusion pratique sur la défaite possible de l’impérialisme. S’il ne s’agit que de « contester » comme les étudiants de mai 68, on ne peut rien en attendre d’important en effet.

Le Hyaric s’explique : « Nous ne considérons pas les Brics+ comme un bloc homogène. Les concurrences et les rivalités ne manquent pas. Et certains sont gouvernés par des forces idéologiquement proches de Trump, à commencer par Vladimir Poutine en Russie. En leur sein, des intérêts peuvent s’affronter et les visions politiques sont, sans conteste, diverses, si ce n’est, pour certaines, réellement contradictoires. Il y a bien plus qu’une nuance entre le Brésil de Lula et l’Iran des mollahs ».

Or les BRICS + ne sont pas comme l’OTAN une alliance politique et belliciste, mais défendent essentiellement des intérêts matériels communs opposés à l’impérialisme. Et cela parce que l’impérialisme, notamment US, les a tous spoliés. Et les contradictions idéologiques et politiques en leur sein passent au second plan, comme on a pu le constater entre la Chine et l’Inde, au sommet de l’OCS.

A l’inverse l’unité idéologique et politique des pays impérialistes est minée par leur nature même, et particulièrement par l’hégémonisme US, la guerre commerciale et les humiliations qu’il leur impose, et que Le Hyaric souligne lui-même.

Aucune nation des BRICS n’impose une telle domination.

S’il utilisait réellement « une approche matérialiste dialectique de l’histoire » il ne manquerait pas de le souligner et d’en tirer d’autres conclusions sur l’avenir stratégique de cette contradiction mondiale entre l’hégémonisme US, ses larbins impérialistes d’un côté, et de l’autre l’ensemble des nations émergentes, les BRICS+ et le sud global.

Dans « Matérialisme dialectique et matérialisme historique », J. Staline écrivait :

« C’est pourquoi la méthode dialectique veut que les phénomènes soient considérés non seulement du point de vue de leurs relations et de leurs conditionnements réciproques, mais aussi du point de vue de leur mouvement, de leur changement, de leur développement, du point de vue de leur apparition et de leur disparition. Pour la méthode dialectique, ce qui importe avant tout, ce n’est pas ce qui à un moment donné paraît stable, mais commence déjà à dépérir ; ce qui importe avant tout, c’est ce qui naît et se développe si même, à un moment donné, la chose semble instable, car selon la méthode dialectique, il n’y a d’invincible que ce qui naît et se développe ».

Justement, le monde qui commence à dépérir c’est celui de l’impérialisme et du capitalisme. Celui qui naît et se développe c’est celui des anciennes colonies, dont l’essor économique détermine le futur pouvoir politique et idéologique.

Lors de la réunion de l’OCS fin août, Xi Jinping a proposé une initiative de gouvernance  mondiale, opposée à la « dictature de certains pays » dans les affaires internationales, en développant cinq principes :

Premièrement défendre l’égalité dans la souveraineté

Deuxièmement nous devons respecter l’état de droit international

Troisièmement nous devons pratiquer le multilatéralisme

Quatrièmement nous devons promouvoir une approche centrée sur l’être humain

Cinquièmement privilégier l’action

La Neue Zürcher Zeitung souligne que l’initiative de Xi Jinping a été soutenue non seulement par tous les dirigeants des pays du Sud mais aussi par Poutine. Son soutien à l’initiative chinoise témoigne de la volonté de la Russie de renforcer sa coopération avec la Chine et de créer un centre de pouvoir alternatif pour contrer l’influence occidentale, écrit la Neue Zürcher Zeitung. De fait, le sommet de l’OCS a donné naissance à une puissante alliance anti-occidentale.

Alex Nodinot publie le 2 septembre dans l’humanite.fr : « Au sommet OCS, la Chine fédère le Sud global pour contrer Donald Trump ». « Elle peut en irriter certains, mais l’histoire ne peut être effacée. Des dirigeants et médias occidentaux ou japonais réduisent ce mercredi 3 septembre à une simple « parade militaire » réunissant des « infréquentables ». Mais si Xi Jinping accueille de nombreux chefs d’État – entre autres, Vladimir Poutine et Kim Jong-un, avec son train blindé – à Pékin, c’est pour célébrer les 80 ans de la « guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise et de la guerre mondiale antifasciste », achevée en 1945 ». Il conclut par : « Les pays du Nord peuvent encore accompagner le mouvement, en tant qu’acteurs aussi importants que les autres. Faut-il en avoir l’humilité. »

Ce n’est pas exactement le projet de Le Hyaric, qui reprend la presse de droite et social-démocrate avec la « caricaturale monarchie nationaliste nord-coréenne », oubliant la cause fondamentale de ce « nationalisme » : la guerre de Corée causée déjà par l’impérialisme US, qui a succédé à l’occupation du Japon et les dizaines de millions de morts que le fascisme japonais a commis.  Ce sont ces dizaines de millions de victimes du fascisme que Xi Jinping, Poutine et Kim Jong Un ont honorés le 3 septembre 2025, avec de nombreux représentants  de nations étrangères dont le Vietnam et Cuba. Qui s’est bien gardé de participer à cette célébration anti fasciste ? Et qui sont maintenant les fascistes et les antifascistes ?

Selon Le Hyaric, Poutine fait partie d’une « l’internationale brune » et poursuit des objectifs similaires à ceux de Trump pour des raisons idéologiques et impérialistes. Mais il tait volontairement les faits historiques :

Quelles sont les causes de la guerre en Ukraine ?

L’intervention russe en Ukraine est l’aboutissement de l’Anschluss occidental qui s’est déroulé de 1990 à  2014, lorsque Gorbatchev et Eltsine ont souscrit au démantèlement du bloc soviétique, en commençant par le mur de Berlin, réduisant ces pays à l’état de néo colonies. En 1999, l’OTAN bombarde Belgrade pour briser la Serbie et créer au Kosovo une grande base de l’OTAN dans les Balkans. Le 12 Mars 1999, Pologne, Hongrie et Tchéquie entrent dans l’OTAN. En 2002, les États-Unis se retirent du traité sur les missiles anti-balistiques. Le 29 Mars 2004 c’est le tour de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et la Slovaquie. Il ne restait plus qu’à faire entrer l’Ukraine pour que l’OTAN ses troupes, ses généraux étasuniens, ses bombardiers nucléaires atteignent la frontière occidentale de la Fédération de Russie. L’enjeu était d’importance : L’Ukraine est le plus vaste pays d’Europe et son intégration à l’OTAN aurait fait avancer la limite de l’OTAN de plus de 1300 km vers l’Est à 300 km de Moscou. En 2008, les USA s’engagent à étendre l’OTAN à la Géorgie et à l’Ukraine contre les objections urgentes et vigoureuses de la Russie. En 2014, les États-Unis conspirent avec les forces nationalistes et néo nazies ukrainiennes pour renverser le président ukrainien Viktor Ianoukovitch. A cette occasion les bandes néo nazies ont incendié la Maison des Syndicats d’Odessa où plus de 40 personnes ont été brûlées vives. Ce sont ces divers bataillons Azov, Secteur Droit, etc. qui constituent la colonne vertébrale de l’armée ukrainienne et qui font maintenant ériger des monuments à la gloire du collabo Stepan Bandera, monuments inaugurés par Zelensky lui-même. Le même Zélensky qui a interdit tous les partis de gauche, tandis qu’en Russie les communistes s’expriment sur leur propre chaîne TV. En 2015, les USA placent des missiles anti-balistiques Aegis en Europe de l’Est (Roumanie), à une courte distance de la Russie. En 2016-2020, les États-Unis sapent l’accord de Minsk II, malgré le soutien unanime du Conseil de sécurité de l’ONU. Joe Biden qui n’était pas encore président avait alors fait virer le procureur général d’Ukraine pour éviter un procès à son fils. En 2021, la nouvelle administration Biden refuse de négocier avec la Russie sur la question de l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine. En décembre 2021, la Russie proposait encore un accord écrit garantissant sa sécurité, c’est-à-dire un engagement à ne pas l’envahir. Aucune réponse ne parvint de Washington. En avril 2022, les États-Unis ont appelé l’Ukraine à se retirer des négociations de paix avec la Russie…

Le Hyaric ne tient aucun compte de tous ces faits : Qui a poussé à la guerre en Ukraine ? Et de quel côté se trouve « l’internationale brune », sinon les USA et leurs larbins impérialistes européens ?

Cependant il écrit lui-même : « Contrairement à ce qui avait été envisagé ou souhaité par un certain nombre de théoriciens, la mondialisation capitaliste n’a pas produit un monde unipolaire, mais bien « multipolaire » ».

Mais il poursuit : « Les affres de la mondialisation capitaliste agissent comme un boomerang, poussent au retour d’un national-capitalisme exalté, avec ses guerres commerciales, économiques et monétaires, nationalistes, lancées par les Etats–Unis, doublées d’un alarmant réarmement. »

Quel nationalisme ?

Or comme toutes choses, le nationalisme se divise en deux. D’abord que signifierait une « internationale nationaliste » et quelle alliance pourrait-elle bien constituer, sinon contre l’ennemi commun impérialiste. Sinon elle ne pourrait que s’entredéchirer.

Les guerres hégémonistes lancées par les USA contre le monde entier ont pour conséquence la réaction « nationaliste » du monde entier contre les USA, et ce nationalisme-là est entièrement justifié, absolument légitime, quelle que soit la classe au pouvoir. Ainsi la plupart des pays du sud global ont refusé l’injonction occidentale à soutenir l’Ukraine. Et certains sont sanctionnés parce qu’ils achètent du gaz à la Russie

Le Hyaric ne croit pas si bien dire « L’initiative communiste est internationaliste. Elle reste fidele à Jean Jaurès pour qui « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie; beaucoup d’internationalisme y ramène » ».  La lutte nationale des peuples et des nations contre l’hégémonisme est en effet un combat internationaliste, qui contribue à la révolution prolétarienne mondiale.

A l’inverse certains courants opposent un prétendu nationalisme aux BRICS et au monde multipolaire, et se rangent en réalité sous la bannière de l’OTAN. Le RN a longtemps prétendu défendre la patrie contre « l’Empire », mais lorsque Trump a lancé en 2020 des offensives commerciales et des campagnes de propagande contre la Chine Populaire, le RN a soutenu « l’Empire » contre le socialisme, comme un certain nombre de partis de droite et de gauche d’ailleurs, et tout récemment Louis Alliot s’est rendu en Arizona à la cérémonie d’hommage à Charlie Kirk, à la demande de Marine Le Pen. Dans la réalité, ceux qui penchent pour l’hégémonie US, comme Meloni, ou le RN en France, soutiennent l’Ukraine et non la Russie. Ils ne sont nullement « nationalistes » ou « patriotes » mais ils soutiennent une bourgeoisie compradore des USA.

Le Hyaric met dans le même sac des combats qui s’opposent : « La recherche confuse d’une alliance Trump-Poutine, sur le fondement de valeurs rétrogrades partagées, de rivalités avec la Chine et du dépeçage de l’Ukraine, peut constituer l’embryon d’une négociation en vue d’une réorganisation du monde sur la base des empires. Celle-ci permettrait d’ouvrir la voie aux prétentions impériales des États-Unis et aux prétentions russes similaires dans la zone eurasiatique, avec une coopération russo-américaine au Moyen-Orient et en Arctique, tout en réintégrant la Russie à l’économie mondiale et en lui permettant de retrouver son statut de puissance. »

Si Trump cherche à mettre fin à la guerre c’est parce que la facture est devenue trop salée et qu’il vaut mieux vendre ses armes à l’Europe,  et nullement pour des sympathies personnelles envers Poutine. Ce dernier a déclaré au forum de Valdai que « la Russie ne perçoit pas la civilisation occidentale comme un ennemi » et qu’elle était prête à collaborer avec tout président américain en qui le peuple américain avait confiance. Et cela parce que « L’ancien ordre mondial a irrévocablement disparu » et que « le résultat de cette transformation déterminera si la communauté internationale sera en mesure de travailler ensemble pour construire un système qui permette le développement de tous, en résolvant les contradictions « sur la base du respect mutuel des cultures et des civilisations sans coercition ni recours à la force ».

Le Hyaric n’a tiré aucun enseignement de la transformation du monde unipolaire en multipolaire. Cette transformation met fin à plus de trente ans d’hégémonie de l’impérialisme US, alors que les impérialismes issus du colonialisme occidental sont défaits et en aucun cas capable de prendre sa relève. L’impérialisme historique doit accepter un nouveau partage mondial dans lequel aucune puissance ne peut dominer le monde ou une région du monde. C’est la voie qui s’ouvre pour une ère d’émancipation, et une voie ouverte par la Chine Populaire. Les « basculements », le « monde à la renverse », celui « qui vacille », dont parle Le Hyaric c’est celui de l’impérialisme et du colonialisme. Il ne faut pas craindre le renversement de ce monde-là. Au contraire, l’union la plus large doit le précipiter dans l’oubli.

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2 Commentaires

  • Maïté Blanc
    Maïté Blanc

    Bonjour,
    Si Mr. Le Hyaric écrivait autre chose, prenant en compte, par exemple, l’histoire longue de la Russie, son histoire plus récente et les informations qui nous viennent de travaux américains sur la politique étrangère des USA à l’encontre de la Russie depuis 1945, il ne serait pas publié. Tout simplement. Non seulement ça, mais il perdrait aussi tout son réseau de relations et d’amis.
    Cette époque ferait presque regretter la guerre froide…

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  • Slassia
    Slassia

    Merci pour ce compte rendu …
    L’hostilité que certains de mes camarades éprouvent à l’endroit de la Russie et de la Chine m’apparait en conséquence plus compréhensible !
    Il n’est pas toujours aisé d’être considéré comme un extraterrestre !

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