Marco Polo à son retour de Chine au XIIIe siècle s’était attiré le sobriquet de Messer Millione, tant ses récits dithyrambiques sur la richesse et les prouesses techniques de la Chine semblaient inimaginables et littéralement incroyables. On pensait tout simplement qu’il exagérait, ou qu’il divaguait. Et pourtant c’était pure vérité. Et c’est en partie sous l’influence de ses récits qu’ont été introduites en Europe, avec plusieurs siècles de retard, nombre d’inventions dues aux Chinois. Aujourd’hui la Chine nous devance à nouveau et en voici deux exemples livrés par le site Svobodnaia Pressa, avec un angle d’attaque un peu particulier (à mettre sur le compte de l’humour russe ?). Et ces réalisations fantastiques sont mises au service de la lutte contre la pauvreté, pour permettre à des régions désertiques ou montagneuses d’accéder elles aussi au développement. Au fait, le 1er octobre est l’anniversaire de la Chine populaire, alors souhaitons-lui toujours plus de succès ! (note et traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société)
La plus grande infrastructure au monde construite par des robots et un réseau neuronal
Texte : Dmitri Kapoustine
Les réseaux neuronaux construisent déjà des barrages en Chine. Le plus grand ouvrage au monde construit à l’aide de l’IA, le barrage de Dashixia, a été inauguré en grande pompe. Le barrage s’élève à 247 mètres au-dessus du sol, soit environ la hauteur d’un gratte-ciel de 80 étages. Il est non seulement une prouesse technique, mais aussi une démonstration du leadership technologique de la Chine.
« Dashixia » est un exemple du type de barrage le plus moderne, où un massif de maçonnerie compactée, assurant la stabilité de la structure, est renforcé par une dalle de béton imperméable située du côté de la pression (cette technologie est appelée « technologie de remblai en pierre »).
Même les experts occidentaux soulignent que ce type de barrage est actuellement considéré comme le plus sûr, le plus économique et le plus adapté aux constructions de grande hauteur.
Grâce aux ingénieurs chinois, ces barrages connaissent un véritable essor depuis quelques décennies. Aujourd’hui, les barrages traditionnels sont principalement construits en béton, mais la technologie de remblai en pierre est beaucoup moins coûteuse que le béton, ce qui réduit considérablement les coûts de construction.
Et compte tenu des ambitions gigantesques de la Chine dans le domaine de l’énergie hydraulique (le pays représente un tiers de la capacité mondiale des centrales hydroélectriques), les économies réalisées sur la construction sont extrêmement importantes.
La construction a nécessité 19 millions de mètres cubes de matériaux de construction, ce qui suffirait à remplir près de 8 000 piscines. Une fois le remplissage terminé, le volume du réservoir dépassera 1,1 milliard de mètres cubes.
Cependant, « Dashixia » n’est pas seulement le plus grand barrage en enrochement du monde. Il a été entièrement conçu grâce à des réseaux neuronaux, et l’intelligence artificielle a contrôlé toutes les étapes de la construction.
De plus, il régulera également son fonctionnement. D’ailleurs, des drones ont également été utilisés pendant la construction, explique Zhong Denghua, membre de l’Académie chinoise d’ingénierie : il s’agit de robots géants, des imprimantes 3D, qui ont littéralement « imprimé » le barrage sur place.
La chaîne de télévision publique CGTN explique que le barrage de Dashixia recèle encore bien d’autres savoir-faire. En voici quelques-uns.
Technologie des doubles numériques : une copie virtuelle du barrage a été créée, permettant de modéliser et d’optimiser toutes les étapes de la construction et de l’exploitation. Le barrage de Dashixia a d’ailleurs été construit en tenant compte d’une résistance sismique absolue.
Blockchain : cette technologie a assuré la transparence et la fiabilité du stockage et de l’échange d’informations entre tous les participants au projet.
Désormais, selon les ingénieurs chinois, il sera impossible de pirater le système de contrôle du barrage (les cyberattaques contre des installations aussi importantes sont malheureusement une réalité aujourd’hui).
En résumé, les Chinois ont montré au monde entier à quoi ressemblera la construction de demain. Au lieu de travailleurs paresseux, qui arrivent en retard au travail et demandent constamment à faire une pause cigarette, il y aura des robots. Au lieu de contremaîtres alcooliques, il y aura des réseaux neuronaux.
La construction sera plus rapide, moins coûteuse et, surtout, beaucoup plus fiable, sans aucun « facteur humain ». D’ailleurs, le barrage de Dashixia a été achevé huit mois avant la date prévue.
Le barrage de Dashixia a été construit sur le cours moyen et inférieur de la rivière Kumaq, dans le district d’Aksu, dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Pendant des décennies, cette région a été considérée comme défavorisée. La puissance du barrage sera de 750 000 kilowatts, ce qui permettra de produire environ 2 milliards de kilowattheures d’électricité par an.
Le barrage alimentera désormais en eau 533 000 hectares de terres agricoles. Et 650 000 habitants du Xinjiang seront approvisionnés en électricité. Selon le China Daily, cela correspond à la stratégie nationale de la Chine visant à abandonner l’énergie charbonnière au profit du développement de l’énergie verte.
Autrement dit, aucune émission nocive ! À propos, la Chine compte actuellement plus de 23 000 centrales hydroélectriques de différentes tailles, qui fournissent environ 20 % de l’électricité produite dans le pays.
Par ailleurs, le barrage aura également un impact positif sur le domaine social au Xinjiang, rapporte le China Daily. Le projet a déjà permis la création de nouveaux emplois. De plus, 40 % des personnes travaillant sur le chantier appartiennent à des minorités ethniques, ce qui est extrêmement important pour le Xinjiang, région multiethnique.
Parallèlement, des mesures écologiques ont été mises en œuvre, notamment la remise à l’eau de plus de 140 000 alevins, afin de contribuer à la préservation de la biodiversité dans le bassin du fleuve Tarim.
Le pont le plus haut du monde est inauguré en Chine
Свободная Пресса – Китай сегодня

Les Chinois ont décidé de surpasser le reste du monde dans un autre domaine : les ponts vertigineux. Ils veulent impressionner les touristes avec un pont sur le Grand Canyon de Huajiang ( où coule la rivière Beipan), qui sera le plus haut du monde.
Les autorités chinoises reconnaissent que cette construction grandiose, qui s’élève à 625 mètres au-dessus du fond du canyon, est en grande partie destinée aux amateurs de tourisme extrême. En effet, le saut depuis le pont est deux fois plus haut que depuis le sommet de la tour de télévision de Berlin.
Le pont est situé dans la province pittoresque mais difficile d’accès de Guizhou, dans le sud-ouest de la Chine. Ce n’est pas, disons-le franchement, un endroit très touristique.
Mais l’expérience d’autres constructions similaires (par exemple, le pont suspendu en bois de 300 mètres d’Ohuela au Mexique ou le pont métallique de Ghassa au Népal) montre qu’elles attirent rapidement les amateurs de sensations fortes du monde entier, indépendamment de la présence, par exemple, de plages ou de centres commerciaux à proximité.
Entièrement conçu et construit par des ingénieurs chinois, le pont est une structure suspendue avec des poutres en acier d’un poids colossal – environ 22 000 tonnes. Cela équivaut à la masse de deux tours Eiffel.
La longueur totale du pont est de 2 890 mètres, et la longueur de la travée centrale entre les piliers atteint 1 420 mètres, ce qui constitue également un record pour les ponts construits en zone montagneuse.
Soit dit en passant, le pont a été construit en moins de quatre ans, ce qui constitue également un record pour un ouvrage d’une telle envergure. Et ce, malgré le fait que la construction du pont ait nécessité l’utilisation de technologies de pointe et de solutions techniques innovantes.
En particulier, pour l’installation du câble principal, la mise en place de l’élingue de fixation du câble et le levage de la poutre en acier, une passerelle spéciale d’une longueur totale de 2 300 mètres a été utilisée d’un côté et à 780 mètres de la surface de l’eau au point le plus haut.
Le pont de Huajian deviendra un maillon clé de la nouvelle autoroute à grande vitesse « Liuzhi-Alon », destinée à améliorer les liaisons de transport entre les provinces reculées du sud-ouest et le reste de la Chine.
Avant sa construction, traverser le profond canyon prenait deux heures pénibles aux conducteurs et aux passagers sur des routes de montagne sinueuses. Désormais, il est possible de franchir cet obstacle grandiose en quelques minutes seulement.
De nombreuses options intéressantes sont proposées aux visiteurs du pont. Des sentiers pédestres avec des plateformes d’observation panoramiques ont été aménagés sur toute la longueur du pont. Des salles avec des sols en verre ont été ouvertes sur le pont. En général, les Chinois aiment beaucoup les ponts en verre. Selon certaines estimations, il y en aurait déjà près de 2 500 dans le pays, et tous sont bien sûr ouverts aux touristes. Le plus célèbre est le pont en verre qui enjambe les Trois Gorges dans la province du Guangdong. Cependant, il ne mesure « que » 526 mètres de long, ce qui est nettement inférieur au nouveau pont de Huajian.
Le nouveau pont sera équipé d’un ascenseur en verre qui transportera les touristes à 145 mètres au-dessus de la chaussée, où se trouve une plate-forme avec un bar et un café. Et bien sûr, pour les amateurs de sports extrêmes, des sites de base jumping seront ouverts. Ils deviendront certainement les plus hauts du monde.
Actuellement, ce titre honorifique revient à un autre pont chinois qui enjambe la rivière Sidu, avec une hauteur de chute libre de 496 mètres. Le nouveau pont de Huajian accueillera également les parapentistes et les amateurs de wingsuit (sauts en combinaison ailée).
Les essais de charge ont été menés avec succès à la fin du mois d’août. L’inauguration officielle du pont pour la circulation routière est désormais prévue pour septembre 2025, ce qui constituera un événement important non seulement pour la province du Guizhou, mais aussi pour l’ensemble du pays. Le pont de Huajian n’est pas seulement un ouvrage d’art, mais aussi un élément d’une stratégie globale de développement de la région.
La province du Guizhou est économiquement déprimée, extrêmement difficile d’accès et a été isolée du reste de la Chine pendant la majeure partie de son histoire en raison de son relief karstique.
Les médias chinois écrivent fièrement que le pont de Huajia est le symbole d’une nouvelle Chine en quête de développement, de progrès et d’innovation. Il symbolise le fait que même les projets les plus ambitieux peuvent être réalisés s’il existe une volonté politique, des ressources et des solutions techniques.
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