Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

De l’importance des élections, petit dialogue honnête entre Franck Marsal et Danielle Bleitrach

Tout est parti d’une réflexion de Franck Marsal à propos de l’article sur Ambroise Croizat dans lequel j’abordais l’histoire de ce ministre communiste qui était toujours resté un lutteur du PCF et de la CGT, et la manière dont Jacques Duclos à propos de l’éviction des ministres communistes, lui, Maurice Thorez, François Billoux raconte la fin des « jours heureux » par la trahison des socialistes et de la bourgeoisie nationale cédant aux USA et se ralliant de fait à l’UE de la guerre froide. Comment Jacques Duclos, malgré cette trahison pose la question de l’unité (1) . Franck Marsal fait à la suite de cet article la remarque suivante et nous engageons un dialogue:

(1) Camarades, n’oubliez jamais la véritable histoire de ceux dont vous revendiquez l’héritage ? – Histoire et société

Franck Marsal : Tout la difficulté dans laquelle nous sommes, c’est que le PCF veut bien bénéficier des résultats obtenus par ses ancêtres en 1945-1946 et se revendiquer de la sécu, mais qu’il refuse toujours de voir comment cela a été rendu possible et de revenir au parti de Thorez. Nous restons dans un entre-deux, centré sur les alliances électorales et occupés à faire renaître la sempiternelle « gauche » aussi impopulaire qu’inutile, alors que la situation mondiale et nationale se rapproche d’une crise sans précédent.

Danelle Bleitrach je dois dire que j’ignore s’il s’agit de moi et des gens que je fréquente mais c’est fou le nombre de gens qui ne s’intéressent absolument pas aux élections locales, municipales en particulier.. et qui ne se sentent pas du tout concernés… les mêmes sont bourrelés devant d’inquiétude à l’idée de la guerre et de la situation française mais ils pensent que c’est trop compliqué pour eux, qu’ils sont impuissants et que tous les politiques sont fous sans exception… Engager le débat est aisé mais il faut partir d’eux et pas d’un vadémécum sur ce que le parti a à leur dire, les écouter sortir leur vision contradictoire de la situation qui est rarement celle de la ville, mais plutôt l’Europe, le monde, la guerre et l’absence de moyens… et relever ce qui va dans le bon sens dans leur vision, partir de là pour construire une alternative. Par exemple, ils sont impressionnés par la Chine mais la voient pacifiste à l’inverse de Poutine (dont ils ont une trouille bleue et pas du tout l’envie de s’y frotter, eux et leurs jeunes), à partir de là on peut parler des heures et ils me donnent leur adresse, veulent continuer à parler mais si l’on tente de leur vendre en prime une quelconque liste aux municipales, ils s’en foutent royalement. Roussel ? Passe quand ils le connaissent mais il ne fait pas le poids, voter pour lui est inutile, c’est déjà là-dessus qu’il faut argumenter. Je ne sais pas s’il va y avoir beaucoup de gens mobilisés sur les élections municipales et même les autres, en dehors de l’extrême droite et encore… Mais comme honnêtement je n’ai pas de solution dans l’état de jachère dans lequel est le peuple français je n’insiste pas tout en étant convaincue que l’on perd un temps précieux… Il m’arrive de me dire qu’ils m’énervent tellement à Marseille qu’ils peuvent toujours attendre que j’aille voter aux municipales alors que le maire du secteur est une grande duduche écolo qui est adorable (beaucoup plus que les communistes du coin qui me font la peau depuis des décennies) mais complètement hors sol sur le plan politique… Pareil pour le maire Payen, pas une paluche qu’il ne serre avec conviction, il met le drapeau que l’on veut au fronton de la mairie, celui d’Israël ou celui de la Palestine et toujours celui de l’Ukraine, il s’en fout totalement… Ces bisbilles alliances et disputes avec la métropole, tous les élus étant comme Sarkozy proches de la case prison, ont pour seul prétexte l’irrésistible conquête du RN qui est divisé mais continue sa progression pendant que LFI vise les restes du PCF partout… Franchement pour une ville de misère où le travail au noir, le trafic de drogue fournissent une bonne partie des ressources c’est dramatique… La seule bonne nouvelle a été la création d »une cellule chez les travailleurs du port comme la représentativité de la CGT dans les manifs et les affichages…

Franck Marsal Beaucoup de communistes ne s’y intéressent pas forcément non plus, mais ils sont convaincus que, sans ses nombreux élus, le parti n’existerait plus. Les élus sont un point d’appui (les bons !), mais le cœur du parti est capable de battre autrement que par ses élus.

C’est parti pour la soirée événement au siège du PCF en présence de Fabien Roussel et Pierre Caillaud-Croizat, petit fils d’Ambroise Croizat, à qui nous rendons hommage ce soir ainsi qu’à tou·tes celles et ceux qui se sont battus pour faire vivre concrètement la France des Jours heureux. Fabien Roussel ne mesure pas à quel point il est actuellement un des rares (et pas en tant qu’élu mais en tant que parti qui reprend pied dans une autre politique qui renoue avec les combats réels d’Ambroise Croizat) à donner une image au PCF.

Danielle Bleitrach -Moi ça fait longtemps que le cœur du parti ne bat plus pour moi et que je ne l’entends plus, je te fais confiance. J’observe à distance et avec symmpathie :

  1. les élus sont certes un point d’appui quand par exemple ils dirigent une municipalité, c’est déjà moins évident quand ils sont simples conseillers municipaux isolés et c’est pire quand il s’agit d’un cadre du parti qui va être élu au sein d’une municipalité dite de gauche où il sera seul de son espèce, cela l’entrainera lui et sa fédération vers le compromis perpétuel qui lui apparaîtra comme le réalisme. On a pourri des tas de jeunes avec cette manière d’en faire des élus. Je me souviens de Paul Laurent disant avec son accent de titi parisien: « Un jeune de vingt ans qui a pour ambition de devenir un conseiller régional c’est triste »… Mais c’est pire que ça, ils sont aspirés dans un monde de petit notables et croient savoir ce que veulent les populations, alors que lesdites populations les abordent avec un discours ad hoc. Ils se mettent au niveau de ce qui est le plus aliéné dans l’espérance des couche populaires, celle qui fait antichambre dans les couloirs comme la dernière chance d’un emploi, d’un logement…
  2. Mais que dire du groupe communiste à l’assemblée nationale et au sénat quand ils ne portent plus le nom de communistes, qu’une bonne partie est plus proche de Mélenchon ou du PS que de la direction et qu’il n’y a plus la forte personnalité d’André Chassaigne ? Sinon voir que leur seul critère de reconnaissance est d’être accompagné par le secrétaire du PCF qui bien que non député reste le seul reconnaissable parce qu’il dépasse un peu ces allées et retour avec le pouvoir du moment qui ne mène nulle part.
  3. Là encore nous sommes dans un moment historique où les illusions tombent, encore faut- il avoir le courage de se confronter aux FAITS et non à ce que l’on croit être les manœuvres dans lesquelles on se perd depuis des décennies et dont les résultats sont ce qu’ils sont. On ne résout pas les problèmes avec les politiques qui les engendrent, toute la société est confrontée à ces FAITS mais bien peu sont capables de sortir de l’ornière des stéréotypes. Et là tous les tacticiens électoraux qui ont acquis ou croient avoir acquis un savoir faire se heurtent au fait que quand on est à contrecourant on perd.
  4. C’est pour cela que l’on doit toujours en revenir au constat qu’ont fait tous les grands dirigeants communistes et que l’on retrouve dans tous leurs écrits : SANS THEORIE PAS DE PARTI REVOLUTIONNAIRE
    Ce qui de temps en temps me laisse espérer, c’est que le PCF est la seule solution, le reste est pire et le fait que Fabien Roussel a une sorte d’instinct de classe et un sens de la souveraineté nationale, il est réellement communiste et désintéressé, et chacun sent bien qu’il a pris le parti des petites gens, ceux qui subissent l’inqualifiable propagande de ceux qui cherchent à les convaincre que tout est de leur faute, que c’est à cause de leurs demandes excessive que la France est ruinée et qu’ils devraient avoir honte de revendiquer. Alors que leurs seigneurs et maitre méritent leurs privilèges qu’ils soient financiers ou d’achapper à la justice… Il est sincérement comme l’était Ambroise Croizat de ce côté là… sans compromis. Oui mais voilà il a hérité d’un parti qui a perdu pied dans le monde du travail, dsorganisé à l’entreprise, revenu au bastions municipaux qui se réduisent comme peau de chagrin, un parti qui igore tout de son passé et de la formation qui fut celle de ses militants. Et pas plus que son parti il n’a pas de colonne vertébrale théorique et le dernier qui a parlé dans le sens de ce qui lui parait une solution tactique à ses problèmes immédiats, celui qui parait comme lui avoir ce sens de classe, cette honnêteté en préservant l’unité du parti et celle de la « gauche » électorale, a raison quitte à se laisser entraîner de ce fait dans des manœuvres de faction…Cela dit ceux qui en proie à un gauchisme de petits bourgeois lui dénient le titre de camarade pour le donner à Melnchon ou à un de ses sucesseurs potentiels sont encore plus grotesques, comme les gourous groupusculaires qui réservent tous leurs coups à ces tentatives du PCF, je ne me sentrai jamais dans un tel camp…
  5. On perd beaucoup de temps, mais après des décennies de liquidation était-il possible de faire différemment ? je me dis que si l’on m’avait donné le parti à diriger, je n’aurais sans doute pas fait mieux et sûrement pire à moins d’avoir trouvé des cadres capables de rendre concretètes mes analyses, ce qui est le problème actuel de Fabien Roussel, donc je respecte ceux qui font, mais je considère aussi que cela ne me concerne que fort peu, le seul apport que je puisse avoir avec les amis d’Histoire et société c’est de faire vivre cette exigence théorique et historique… et j’espère que tu seras plus courageux et plus compétent que moi pour l’organisation …

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5 Commentaires

  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Tout ce qui a été perdu, il va falloir le réapprendre. Mais il y a beaucoup de points d’appui dans le parti, beaucoup de camarades qui ont certains du talent, d’autres de l’expérience. Malheureusement, des camarades de talent et, ou, d’expérience sont laissés sur la touche. Mais, fondamentalement, la question de l’organisation n’est pas séparée de la question de la théorie. On s’organise dans un objectif et une stratégie, dans un cadre théorique.
    La théorie, la critique théorique, je te rejoins, c’est un des points faibles. La capacité théorique, ce n’est pas « avoir raison », « avoir une analyse juste ». Évidement, il vaut mieux partir d’un point de vue « juste » que d’un point de vue « faux ». Mais l’essentiel, c’est la capacité à apprendre et à corriger le tir en fonction de la confrontation à la réalité. La principale difficulté aujourd’hui, c’est le refus de l’auto-critique, dont on a gardé une image catholique, comme une forme de confession, alors qu’ils s’agit de tirer le bilan concret de l’expérience pratique. On fait très peu de bilan, et souvent on ne collecte pas d’informations suffisante pour tirer des bilans méthodologiquement rigoureux. De plus, on pratique trop l’auto-satisfaction. Il faut arrêter de balayer la poussière sous le tapis, il faut admettre que l’on a commis des erreurs et que l’on travaille à les corriger, plutôt que de faire semblant de rien. Il faut revigorer le débat plutôt que de sacraliser les chapelles et autoriser les militants à s’exprimer sans filtre.
    Sur le deuxième aspect, l’implantation d’une organisation dans la classe, il faut une stratégie sociologique cohérente avec notre perception de l’évolution des couches sociales dans la lutte des classes. C’est là que la question électorale pose des difficultés à mon avis. Prioriser les élections, ça ne permet pas d’attirer à nous les couches les plus déterminées à la lutte, mais plutôt des personnes prêtes à des formes de compromis dans une logique de participation au système bourgeois. Il en faut, mais il faut aussi des empêcheurs de tourner en rond, des enragés, des camarades qui ont l’expérience de la lutte la plus dure, celle des garde à vue, des actions coup de poing. C’est aussi cela, revenir au parti de Thorez. Je commence aussi à lire les mémoires de Duclos, je viens de passer les premiers coup de canons de 1914, la bascule si soudaine, en une paire de jours dans la guerre (je crains que cela soit d’une grande actualité) et j’en suis à Verdun. On devrait faire lire cela dans toutes nos réunions, pour faire comprendre concrètement l’horreur de la guerre. Le parti a été formé par des combattants, qui avaient vécu cette horreur dans leur chair. J’avais lu aussi les mémoires de Georges Cogniot, qui explique tout son parcours des années 30 en répétant « le camarade machin a été mis en prison et donc, on m’a demandé de prendre des responsabilités supplémentaires ». Aujourd’hui, de nombreux « lutteurs » sont à l’extérieur du parti, pourrait adhérer, voire attendent le retour du parti communiste historique, mais ne sont pas suffisamment rassurés sur la remise en cause des errements réformistes pour franchir le pas.

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    • Frédéric Normand
      Frédéric Normand

      A l’époque il y avait l’URSS.

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      • Franck Marsal
        Franck Marsal

        Oui.
        Aujourd’hui, nous n’avons plus l’URSS. Mais :
        1) Les rapports mondiaux ont été changé radicalement.
        2) Les forces productives socialisées représentent une part beaucoup plus importantes que ce qu’elles étaient dans les années 1930.
        3) Nous avons accumulé beaucoup d’expérience historique, à une échelle qui dépasse de loin ce qu’était le mouvement communiste international dans les années 30, où une partie très importante du monde n’avait même pas accès aux oeuvres de Marx dans sa langue maternelle.
        Nous traversons une crise de désorientation et de perte de repères, mais c’est nécessairement transitoire et, même s’il faudra passer à nouveau par des expériences douloureuses (c’est déjà le cas pour de nombreux pays), nous avons tout ce qu’il faut pour franchir un nouveau palier, probablement celui de la société socialiste dominante à l’échelle mondiale, d’ici peut-être pas plus qu’une vingtaine d’années.

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      • Etoilerouge
        Etoilerouge

        Il y a la chine et la Russie avec un fort parti communiste. Et la chine n’est pas isolée comme le fut l’URSS. C’est aussi la première économie du monde et de très loin même si cette économie ne permet toujours pas à 1 milliard 500 millions de chinois de vivre tous à un haut niveau. C’est une économie socialiste. Le Vietnam aussi. Le laos aussi, cuba aussi et en Inde il y a une force communiste non négligeable. Tant que Poutine sera là Russie unie dirigera mais après c’est fini. Alors arrêtons les jérémiades. Il faut un vrai parti communiste reprenant le leninisme en France. Pour cela il y a besoin de rassembler tous les communistes voulant un retour au centralisme démocratique au marxisme, à la cellule et à l’objectif du socialisme à la française. Et non à une formation qui pleure sur la gauche. La gauche est une question qui ne peut se résoudre pour le PCF que ds l’objectif du socialisme. Cet objectif est déterminant c’est à dire qu’il détermine la place des classes et des partis, des théories et de la pratique. Tout autre attitude nous laisse voguer sur un ocean changeant immaitrisable sur lequel nos camarades s’épuisent quasi sans effet.

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  • zorba
    zorba

    Je rassure Etoilerouge : l’économie américaine ne permet pas et n’a jamais permis à tous les habitants des Etats-Unis d’Amérique de vivre à haut niveau. Des études récentes montrent même que le nombre de pauvres et de très pauvres augmente encore y compris dans le grand état démocrate qu’est la Californie.

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