Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

ASSATA SHAKUR : MORT D’UNE INDOMPTABLE

De Cuba, encore nous vient cette voix de femme qui répond comme un écho au discours de Fidel Castro à l’ONU… Comme un certain nombre d’entre nous n’ont cessé de répondre à ce message de liberté et d’accomplissement. « J’ai réalisé que j’étais liée à l’Afrique. Je n’étais pas seulement une fille de couleur. Je faisais partie d’un monde à part entière qui aspirait à une vie meilleure. Je fais partie d’une majorité et non d’une minorité. J’ai passé ma vie à grandir. Si vous ne grandissez pas, vous ne comprendrez jamais ce qu’est l’amour véritable. Si vous ne tendez pas la main vers les autres pour les aider, alors vous rétrécissez. Ma vie a été une vie d’action. Je ne suis pas spectatrice ». Voilà ce qu’un certain nombre d’entre nous ont compris et jamais oublié, nous ne sommes pas des spectateurs et cela personne ne peut le briser. (note et traduction de Danielle Bleitrach)

Contre Attaque

9 h ·

« Personne au monde, personne dans l’histoire n’a jamais obtenu sa liberté en faisant appel au sens moral de ceux qui l’oppriment » disait avec une justesse étincelante Assata Olugbala Shakur, femme, noire, révolutionnaire antiraciste et prolétaire.

Née sous le nom de Joanne Deborah Byron à New York, celle qui n’a jamais baissé les armes vient de s’éteindre à Cuba, le 25 septembre, après une vie de combats et d’exil. Assata signifie « celle qui lutte », Olugbala « pour le peuple » et Shakur veut dire « celle qui est reconnaissante ».

Engagée dans les rangs des Black Panthers puis de la Black Liberation Army dans la période incandescente et violente des années 1970, Assata Shakur a mis sa vie et sa liberté en jeu pour combattre le racisme, l’impérialisme et le capitalisme. Elle expliquait : « J’ai déclaré la guerre aux riches qui prospèrent sur notre misère, aux politiciens qui nous mentent le sourire aux lèvres et à tous les robots sans esprit et sans cœur qui les protègent, eux et leur propriété. Je suis une révolutionnaire noire, et en tant que telle, je suis victime de toute la rage, la haine et la calomnie dont l’Amérique est capable ».

Recherchée par le FBI pour son activisme, elle est coincée avec des camarades dans une fusillade sur une autoroute en 1973. Un policier et un militant sont tués dans l’affrontement. Assata parvient à s’enfuir, blessée par balle d’un tir dans le dos alors qu’elle levait les bras. Rattrapée en 1977, elle est accusée sans preuve de la mort de l’agent tué, et elle est condamnée à la perpétuité, après avoir été décrite comme une « tueuse de flic » et diabolisée dans la presse. Derrière les barreaux, dans des prisons de haute sécurité, elle observe le racisme du système carcéral : « J’ai été condamnée à la perpétuité plus 30 ans par un jury entièrement blanc. Ce que j’ai vu en prison, c’était partout de la chair noire enchaînée. Des femmes enfermées dans des cages. Et nous serions les terroristes ? Ça n’a simplement aucun sens ».

Deux ans plus tard, elle parvient à s’évader de prison, ce qui provoque une manifestation d’enthousiasme réunissant des milliers de personnes. À partir de 1979, les USA ne vont jamais cesser de la traquer, et la classent comme une « terroriste intérieure », allant jusqu’à offrir un million de dollars de récompense pour toute aide à sa capture, y compris des décennies plus tard. Installée à Cuba, elle ne sera jamais rattrapée. Elle a tenu tête au plus grand appareil répressif du monde. Assata Shakur est aussi la marraine et la tante du rapeur Tupac Shakur.

Elle lègue son courage en guise exemple, et une série d’idées et de réflexions qui nourrissent nos luttes, dont voici quelques extraits. « Plus tu comprends ce à quoi tu t’attaques, plus tu deviens fort. Les gens voient la peur comme une mauvaise chose. La peur est saine quand tu t’attaques à l’Amérike. Mais quand la peur te contrôle, quand tu as peur de lutter, la peur est une mauvaise chose. J’ai plus peur de ce qui se passerait si je ne luttais pas que de ce qui arrivera si je le fais ».

« J’ai réalisé que j’étais liée à l’Afrique. Je n’étais pas seulement une fille de couleur. Je faisais partie d’un monde à part entière qui aspirait à une vie meilleure. Je fais partie d’une majorité et non d’une minorité. J’ai passé ma vie à grandir. Si vous ne grandissez pas, vous ne comprendrez jamais ce qu’est l’amour véritable. Si vous ne tendez pas la main vers les autres pour les aider, alors vous rétrécissez. Ma vie a été une vie d’action. Je ne suis pas spectatrice ».

« Je pense que pour lutter, il faut être créatif. Dans ma vie, la créativité m’a soutenue, elle a éveillé ma lutte spirituelle ».

Elle a rédigé ces phrases toujours pertinentes à l’égard des médias et de la propagande dominante : « Les gens ne vous soutiendront que si vous répondez aux problèmes qui les préoccupent, que si vous y contribuez dans un sens positif. La première chose que l’ennemi tente de faire est d’isoler les révolutionnaires des masses, de nous caricaturer en monstres horribles et hideux, pour amener les nôtres à nous détester ».

« Seul un imbécile laisse quelqu’un d’autre lui dire qui est son ennemi… Ne laissez jamais vos ennemis choisir vos ennemis à votre place ».

Assata Shakur a survécu au racisme systémique, aux balles de la police, à la prison et à la traque des services fédéraux, sans jamais plier. Elle quitte ce monde mais son enseignement nous rappelle que rien n’est impossible et qu’aucun droit ne s’obtient sans combattre. Sa présence reste parmi nous et continue d’éclairer les résistances.

Son autobiographie est disponible aux Éditions Premiers Matins de Novembre, préfacé et traduit par le collectif Case Rebelle.

Views: 43

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.