Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’illusion de la « super-Sparte » de Netanyahu risque de provoquer l’autodestruction nationale

Opinion

Il n’y a pas que Netanyahu pour avoir des rêves fous de bunkerisation pour résister au vent de l’histoire, tout l’occident semble la proie de cette folie par laquelle des dirigeants et des régimes déconsidérés tentent d’assurer leur propre survie… parce que le fait est qu’ils ne peuvent survivre sans un ennemi menaçant ou supposé tel. On peut se demander pourquoi les USA de Clinton au lieu d’intégrer la Russie on poursuivi l’OTAN mais parce que les USA tels qu’ils sont ne peuvent exister sans un ennemi. Le modèle est le même partout dans ce système mais il est celui de l’autodestruction. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

par Leon Hadar 22 septembre 2025

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprime sur la guerre entre Israël et le Hamas lors d’une conférence de presse le 11 novembre 2023. Photo : Pool / X Capture d’écran

L’aveu récent du Premier ministre Benjamin Netanyahu selon lequel Israël est confronté à « un isolement croissant sur la scène mondiale » et sa suggestion que le pays doit devenir une « super-Sparte » ne représentent pas une sagesse stratégique mais un théâtre politique dangereux qui pourrait conduire Israël sur la voie d’une mentalité de siège auto-imposé et de la ruine économique.

L’invocation par Netanyahu de l’ancienne Sparte – suggérant qu’Israël doit être à la fois « Athènes et super-Sparte » tout en développant des industries d’armement nationales massives pour éviter de dépendre des armes étrangères – révèle une profonde incompréhension des précédents historiques et des réalités géopolitiques contemporaines.

Tout d’abord, soyons clairs sur ce qu’était réellement Sparte : une société isolée et militariste construite sur une stratification sociale extrême, une stagnation économique et, finalement, une non-pertinence historique. Les célèbres prouesses militaires de Sparte se sont faites au détriment du dynamisme culturel et économique. Il n’a produit ni grands philosophes, ni scientifiques, ni artistes. Il n’a rien apporté de durable à la civilisation humaine, si ce n’est des récits édifiants sur le militarisme déchaîné.

Les plus grandes réalisations de l’Israël moderne – son innovation technologique, ses percées scientifiques, ses contributions culturelles et son dynamisme économique – découlent de son intégration à la communauté mondiale, et non de son isolement.

Le phénomène de la « nation start-up » qui a fait d’Israël un centre technologique mondial dépend entièrement des partenariats internationaux, des investissements étrangers et de l’ouverture des marchés.

Économie de l’autarcie

La vision de Netanyahu d’une économie aux « caractéristiques autarciques » n’est pas seulement inculte sur le plan économique. C’est potentiellement catastrophique. Aucune nation moderne, quelles que soient ses capacités, ne peut maintenir avec succès une économie fermée et autosuffisante dans le monde interconnecté d’aujourd’hui. Même les superpuissances comme les États-Unis et la Chine dépendent fortement des chaînes d’approvisionnement mondiales et du commerce international.

L’économie d’Israël est particulièrement mal adaptée à l’autarcie. Le pays manque de ressources naturelles importantes, a un petit marché intérieur et dépend fortement des matières premières et de l’énergie importées. Ses industries les plus prospères – la technologie, les produits pharmaceutiques et la fabrication de pointe – sont par nature mondiales et nécessitent une interaction constante avec les marchés, les fournisseurs et les partenaires internationaux.

Comme l’ont noté les critiques, Israël n’a pas d’autre choix que d’importer depuis des plates-formes d’armes majeures, comme des F-35 d’Amérique et des sous-marins d’Allemagne. L’idée qu’Israël puisse reproduire l’ensemble de la base industrielle mondiale de défense au niveau national est un fantasme, pas une stratégie.

Le plus troublant est peut-être ce que la référence de Netanyahu à Sparte révèle sur son approche des relations internationales. Plutôt que de s’attaquer aux préoccupations légitimes qui ont conduit à l’isolement croissant d’Israël – les préoccupations concernant l’expansion des colonies, le traitement des Palestiniens et la proportionnalité dans les opérations militaires – il opte pour un isolationnisme provocateur.

Il s’agit d’une abdication fondamentale de la responsabilité diplomatique. La sécurité et la prospérité d’Israël ont toujours dépendu du maintien de relations internationales solides, en particulier avec les États-Unis et les partenaires européens. Les tensions actuelles ne sont pas le résultat d’un sentiment anti-israélien inexplicable, mais de choix politiques spécifiques qui ont aliéné les alliés traditionnels.

L’aspect le plus dangereux de la vision de Netanyahou d’une « super-Sparte » est qu’elle risque de devenir une prophétie auto-réalisatrice. En considérant l’isolement et le militarisme comme inévitables, il abandonne l’engagement diplomatique qui aurait pu empêcher un tel isolement. En se préparant à un siège économique, il peut l’inviter par inadvertance.

La vision de Netanyahu consiste essentiellement à transformer son économie et sa société en une machine de guerre, transformant ce qui devrait être une démocratie dynamique en un État de garnison.

La voie alternative

Israël a des alternatives à la voie de Sparte. Le pays pourrait s’engager à nouveau dans le processus de paix, geler l’expansion des colonies, s’engager de manière constructive avec les modérés palestiniens et reconstruire ses relations internationales. Il pourrait tirer parti de ses capacités technologiques et de ses contributions à la sécurité régionale pour devenir un partenaire indispensable plutôt qu’une forteresse isolée.

Le choix entre Athènes et Sparte n’est pas imposé à Israël par des circonstances extérieures – c’est un choix que Netanyahou est en train de faire. Et comme la Sparte originale, choisir l’isolement militariste plutôt que l’engagement et l’ouverture est plus susceptible de conduire au déclin qu’à la force.

Israël mérite mieux qu’un dirigeant qui transformerait la start-up nation en un État de garnison, échangeant ses connexions mondiales contre l’illusion de l’autosuffisance. La vraie question est de savoir si les électeurs israéliens exigeront cette meilleure alternative avant qu’il ne soit trop tard.

Netanyahu’s ‘super-Sparta’ delusion risks national self-destruction – Asia Times

Leon Hadar est chercheur principal à l’Institut de recherche sur la politique étrangère et ancien chercheur à l’Institut Cato. Il est l’auteur de « Sandstorm : Policy Failure in the Middle East ».

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1 Commentaire

  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    C’est le piège dans lequel est enfermé Israël depuis l’assassinat de Rabin et probablement même avant. Et lorsqu’on voit quasiment les puissants courants anti-sémites de la scène politique des USA et même le RN en France « soutenir Israël », on ne peut que se demander si ce soutien n’est pas un cynique calcul raciste, poussant les peuples de la région dans une auto-destruction afin de préserver le plus longtemps possible la mainmise de l’impérialisme occidental sur la région et le financement du complexe militaro-industriel états-unien.

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