Ce long texte de Danielle est le sujet du jour, celui de la politisation, dans cette puissante journée d’action collective. L’action et la politisation sont deux volets dialectiques aussi indissociables que le langage l’est de la pensée (même si Vygotski soulignait que les deux naissent séparément et s’interfécondent). Pour commenter ce texte, qui doit d’abord se lire et se relire, je voudrais commencer par un point fondamental par lequel Danielle me répond, sur l’évolution du parti et la longue période où ce parti ne s’est pas considéré comme légitime à exercer le pouvoir, ce qui l’a conduit à se placer en second par rapport au PS de Mitterrand, dont il fallut aider à la renaissance. Danielle insiste sur la question de Staline, mort en 53, mais dont on fait encore, comme le souligne Danielle, l’argument massue contre tous ceux qui veulent retrouver un sens révolutionnaire à l’action du PCF. Au fond, l’accusation de stalinisme fut le moyen d’enterrer la dynamique révolutionnaire, celle qui se donnait comme perspective la prise du pouvoir. Avec elle, l’idée que le cycle révolutionnaire est clos, et que la perspective, dans un capitalisme occidental stabilisé, est de gagner par l’approfondissement de la démocratie, ce qui donnera progressivement la première place au sein du parti à ceux qui exercent une fonction élective au sein du système capitaliste et évincera les syndicalistes. On leur expliquera que c’est pour « préserver l’indépendance du syndicat » alors qu’on les prive en fait de leur outil politique. Ainsi, le PCF est plus démocrate que les démocrates et la stabilisation pendant quelques décennies du capitalisme occidental prépare l’idée de la « fin de l’histoire ». En s’appuyant sur le rapport Khrouchtchev pour parvenir à l’euro-communisme, il s’agit de clore la période ouverte par Lenine, que résume sa phrase « l’impérialisme est la veille de la révolution sociale du prolétariat. Cela s’est confirmé depuis 1917 à l’échelle mondiale » . Or, les idées dominantes durent toujours plus longtemps que le contexte qui les a fait naître. Elles continuent à se développer et encore longtemps exercent leur influence. Et l’idéologie dominante a toujours pour pendant une contre-idéologie dominée, qu’elle s’efforce de contrôler et d’influencer afin que la politisation demeure dans un cadre d’opposition acceptable et que la domination elle-même ne soit pas menacée. Tant qu’elle y parvient, le pouvoir de classe, le pouvoir social est dans une phase de stabilité. Il est important de dire que nous arrivons donc (seulement maintenant, alors que les bases de la stabilité du capitalisme occidental sont fissurées depuis longtemps) au terme de cette période de négation. La journée d’aujourd’hui marque de ce point de vue, une étape importante dans l’émergence de quelque chose radicalement nouveau, qu’il ne faut surtout pas aborder avec les lunettes du passé. Cela me mène au deuxième aspect que je voudrais mettre en avant (mais il faut lire et relire l’ensemble : la politisation est indissociable de la lecture et de l’écriture) la question du mouvement de la politisation par l’action et la métaphore du filet. Danielle souligne les apports positifs de Fabien Roussel, sa capacité à puiser dans le réel pour inscrire le discours et le travail du parti. Un des moments clés de cette attitude fut lorsque, à peine arrivant comme nouveau secrétaire national, Fabien changea notre discours à l’égard des gilets jaunes, que l’idéologie dominante peignait comme une « menace d’extrême-droite », et appuya une politique d’aller au contact, de discussion. On n’en parle pas, mais là où les sections se sont saisies de cette démarche, un processus s’est enclenché et des « gilets jaunes » sont actuellement des membres actifs et très politisés du parti. Le paradoxe que nous voyons sous nos yeux, est que les jeunes générations (et dans la vie politique actuelle, particulièrement verrouillée, on reste un jeune trublion très longtemps, ce qui fait que la « jeune génération » actuelle a déjà acquis une expérience considérable) sont moins marquées par les vieilles idées qui ont tenu lieu « de contre-idéologie dominée » pendant la phase de réaction. C’est un point positif mais aussi un point négatif. N’ayant pas la conscience des idées limitantes, les jeunes générations peuvent amorcer l’action et ouvrir la politisation sur des nouvelles bases (c’est ce qui se passe aujourd’hui même : sans l’élan populaire qui s’est constitué autour du 10 septembre sorti de nulle part ou pour un tout autre but, aurions-nous, dès le 18 septembre, une journée d’action inter-syndicale unie contre le gouvernement qui n’est même plus là ?), mais elles vont aussi très vite et sans préparation, se trouver confrontées à des obstacles. Il y a besoin de cette rencontre entre l’énergie libérée de la jeunesse et la théorie issue de la lutte idéologique contre les limites imposées à la pensée, ici encore nous faisons retour à Lenine. Le nouveau n’émerge pas au sein de l’ancien, mais à côté, dans une partie disjointe. Il est inutile et dangereux de vouloir imposer aux nouvelles générations militantes d’entrer d’emblée dans les cadres militants issus du passé, puisque leur rôle historique est de les transformer radicalement. C’est, pour reprendre l’image conseillée par Danielle, le filet de pêche, qu’il faut « savoir constamment lancer et retirer, le lancer pour aller à la conquête des masses, le retirer pour faire face à la réaction. » Bonne lecture et bonne manif à tous ! (Note de Franck Marsal pour Histoire&Société)
Rendre compte d’un livre n’a jamais été pour moi autre chose que ce que sa lecture a suscité ccomme écho aux interrogations de l’heure, à celles qu’il suscite et que nous n’avions pas imaginées. Aujourd’hui, il ne s’agit même pas d’un livre mais d’un petit opuscule qui reproduit un article de Roger Vailland, déjà lu en 1964 dans le Nouvel Observateur où il parut la première fois. Il y eut bien d’autres Ecrits de Roger Vailland encore plus explicites. Mais ce qui m’intéresse, ce qui est d’actualité aujourd’hui c’est sa protestation d’être au sein d’un peuple qui ne croit plus à la politique : pendant quelques semaines de 1936, un très grand nombre de Français crurent à la politique. Et puis une nouvelle fois, j’ai vu le peuple français « dépolitisé ». En 1942, l’affreuse année (…) (1). Donc ce court texte écrit en 1964, peu de temps avant 1968 on s’en doute inspiré par les questionnements présents et va donner lieu à un commentaire plus long que lui.
Commenter cet article de Roger Vailland publié par Delga, revient d’abord à une méditation sur cette manière qu’a eu Franck Marsal dans un article de ce blog de caractériser ce qui s’est passé à la fête de l’Humanité, une foule, un discours de Fabien Roussel pris entre deux journées de « mobilisation », celle du 10 et celle du 18 septembre et qu’il dit être « un modeste engouement » autour du PCF. Mais qu’est-ce qu’il entend par là ? N’est ce pas exactement ce que Vailland, au bord de l’asphyxie de la dépolitisation française aurait guetté comme un filet d’air respirable ? L’opuscule sur l’éloge de la politique est un texte que Roger Vailland publia dans le Nouvel Observateur le 26 Novembre 1964. et que les éditions Delga viennent d’éditer dans une petite brochure de 26 pages avec une préface de Marie Noël Rio. Celle-ci note qu’en 1959, il a quitté le PCF sur la pointe des pieds « où l’on ne veut plus de lui! » il dit le manque de la politique, les grandes et héroïques mobilisations du Front populaire et de la Résistance. La dénonciation des crimes de Staline l’a laissé comme mort, il se retire et se cantonne à son métier d’écrivain mais l’idée du communisme ne le lâche pas et il écrit ce texte en dénonçant la dépolitisation, effectivement même s’il va y avoir mai 68, le PCF se range derrière la social démocratie parce qu’il n’est plus question du socialisme, l’utopie serait-elle morte, moins l’utopie terme ambigu que le principe vital du mouvement de l’Hstoire, le matérialisme historique qui coïncide avec le matérialisme dialectique, l’étude du vivant. On peut alors tout de suite proposer à titre d’hypothèse l’idée que l’abandon d’une stratégie révolutionnaire par l’eurocommunisme est bien antérieure au choc de la déstalinisation et a plus à voir avec le partage de l’Europe lors du plan Marshall qui se poursuit avec les guerres coloniales, la renonciation de fait à la Révolution et à la créativité des peuples va donner à la dénonciation du « stalinisme » une pesanteur qui n’aura pas les mêmes effets en Chine ou à Cuba, peut-être même dans le sud global .

la longue phase de « dépolitisation » isolement individualiste et pourtant un traumatisme collectif…
Il ‘(Vailland pas Franck Marsal) nous décrit les « perclus de la politique » qui passaient devant chez lui dans une sorte de débâcle : « De quoi peuvent parler les retraités par force, les demi-soldes? Des beaux récits, les nobles récits d’exploits inconnus. Et celui-ci dix ans après dont la voix tremblait d’indignation ( c’est ainsi que j’ai appris que ce n’est pas une image, qu’une voix peut réeelement trembler d’indignation) parce que ses juges l’avaient accusé d’être un ennemi du peuple( 2).
le sentiment de l’injustice, le procès qui se fait insidieux, le simple fait que l’on n’a plus besoin de vous, dont parle Vailland, est la manifestation de l’isolement de la « dépolitisation » qui frappe encore aujoud’hui et pas seulement les vieillards, le parti n’a pas plus besoin de vous que la boîte qui ferme, il reste encore le stand à monter dans les fêtes, le loto pour ceux qui ont connu d’autres temps mais quel sort est réservé à la jeunesse ? … Dans ces moments, où « l’on ne veut plus de vous » comme le résume Vailland, réflichissez vous êtes nombreux à ressentir cela, à espérer que l’on reconnaitra s’être privé de vous ? Quelle naiveté! Ce sont des générations entière, des peuples qui ont été rejetés, certains d’une manière encore plus violente que vous ne le futes. On ne les récupèrera pas un à un, cela ne sera jamais comblé, personne ne le peut, il faut renoncer à cet espoir là s’il doit vous encombrer pour ressentir ne serait que le modeste engouement dont parle Franck.
Est-ce que ce fut le choc du rapport Khroutchev ? Pour beaucoup d’intellectuels dont Roger Vailland, le PCF celui de Thorez, de Waldeck Rochet et Marchais, n’alla jamais assez loin dans la dénonciation du stalinisme à l’inverse du PCI de Togliatti et le travail fut fait de telle sorte, que cela prit l’allure d’une vaste culpabilisation et de fait l’idée que nous les communistes nous n’étions plus dignes d’aspirer à d’autre pouvoir que celui de maire et de conseiller municipal, seul les socialistes et quels socialistes pouvaient être crdibles… et nous avons continué sur cette lancée majoritaire chez les intellectuels: aujourd’hui, rien n’est réellement dit, tout continue encore à être attribué à Staline qui est mort en 1953.
Il y a eu non pas une ligne mais une manière d’assumer le péché qui a consisté à éviter de parler, d’oser un bilan de la dépolitisation… Il y a la mutation de Robert Hue dans laquelle pas une des conquêtes de formation et d’organisation de la conscience ouvrière n’est demeurée, il y avait des difficultés, on supprimait mais jamais on ne se débarrassait assez de de cet encombrant personnage, Staline, d’ailleurs ceux qui s’opposaient à la destruction étaient baptisés « staliniens » même s’il avaient adhéré après 1956 et en 1968, mais nous avons eu beau comme les trotskiste répéter que nous avions rompu avec ce criminel et que toutes les expériences socialistes étaient des catastrophes dictatoriales mais que nous ce serait différent, notre force de conviction s’est épuisée.
Vailland écrit son article en 64. Quelques temps après ce sera mais 68 et la plainte de Vailland sur la France dépolitisée paraît un écho, à un article célèbre dans le Monde signé Pierre Viansson-Ponté que je vous livre en entier. ici .. Il permet de mesurer ce qui était ressenti dans ces années là et que traduit cet article célèbre à savoir que tout simplement ce renoncement à la révolution et simplement surgissait le programme commun, l’étape, le socialisme reporté aux calendes grecques… Il y avait une stagnation et le marasme, il y avait le monde devenu étranger, sans internationale, la nation n’est plus souveraine … Et si vous faites le bilan de ce que ce redacteur en chef du monde note ce sont les crimes de l’impérialisme, les 500.000 morts en Indonésie sont les communistes, le Vietnam, il n’est pas question de Staline et de ses crimes mais bien de contre-révolution…
« Quand la France s’ennuie… »
Pierre Viansson-Ponté, Le Monde, 15 mars 1968
Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde, la guerre du Vietnam les émeut, certes, mais elle ne les touche pas vraiment. Invités à réunir « un milliard pour le Vietnam », 20 francs par tête, 33 francs par adulte, ils sont, après plus d’un an de collectes, bien loin du compte. D’ailleurs, à l’exception de quelques engagés d’un côté ou de l’autre, tous, du premier d’entre eux au dernier, voient cette guerre avec les mêmes yeux, ou à peu près. Le conflit du Moyen-Orient a provoqué une petite fièvre au début de l’été dernier : la chevauchée héroïque remuait des réactions viscérales, des sentiments et des opinions; en six jours, l’accès était terminé.
Les guérillas d’Amérique latine et l’effervescence cubaine ont été, un temps, à la mode; elles ne sont plus guère qu’un sujet de travaux pratiques pour sociologues de gauche et l’objet de motions pour intellectuels. Cinq cent mille morts peut-être en Indonésie, cinquante mille tués au Biafra, un coup d’Etat en Grèce, les expulsions du Kenya, l’apartheid sud-africain, les tensions en Inde : ce n’est guère que la monnaie quotidienne de l’information. La crise des partis communistes et la révolution culturelle chinoise semblent équilibrer le malaise noir aux Etats-Unis et les difficultés anglaises.
De toute façon, ce sont leurs affaires, pas les nôtres. Rien de tout cela ne nous atteint directement : d’ailleurs la télévision nous répète au moins trois fois chaque soir que la France est en paix pour la première fois depuis bientôt trente ans et qu’elle n’est ni impliquée ni concernée nulle part dans le monde.
La jeunesse s’ennuie. Les étudiants manifestent, bougent, se battent en Espagne, en Italie, en Belgique, en Algérie, au Japon, en Amérique, en Egypte, en Allemagne, en Pologne même. Ils ont l’impression qu’ils ont des conquêtes à entreprendre, une protestation à faire entendre, au moins un sentiment de l’absurde à opposer à l’absurdité, les étudiants français se préoccupent de savoir si les filles de Nanterre et d’Antony pourront accéder librement aux chambres des garçons, conception malgré tout limitée des droits de l’homme.
Quant aux jeunes ouvriers, ils cherchent du travail et n’en trouvent pas. Les empoignades, les homélies et les apostrophes des hommes politiques de tout bord paraissent à tous ces jeunes, au mieux plutôt comiques, au pire tout à fait inutiles, presque toujours incompréhensibles. Heureusement, la télévision est là pour détourner l’attention vers les vrais problèmes : l’état du compte en banque de Killy, l’encombrement des autoroutes, le tiercé, qui continue d’avoir le dimanche soir priorité sur toutes les antennes de France.
Le général de Gaulle s’ennuie. Il s’était bien juré de ne plus inaugurer les chrysanthèmes et il continue d’aller, officiel et bonhomme, du Salon de l’agriculture à la Foire de Lyon. Que faire d’autre? Il s’efforce parfois, sans grand succès, de dramatiser la vie quotidienne en s’exagérant à haute voix les dangers extérieurs et les périls intérieurs. A voix basse, il soupire de découragement devant » la vachardise « de ses compatriotes, qui, pourtant, s’en sont remis à lui une fois pour toutes. Ce qui fait d’ailleurs que la télévision ne manque pas une occasion de rappeler que le gouvernement est stable pour la première fois depuis un siècle.
Seuls quelques centaines de milliers de Français ne s’ennuient pas : chômeurs, jeunes sans emploi, petits paysans écrasés par le progrès, victimes de la nécessaire concentration et de la concurrence de plus en plus rude, vieillards plus ou moins abandonnés de tous. Ceux-là sont si absorbés par leurs soucis qu’ils n’ont pas le temps de s’ennuyer, ni d’ailleurs le cœur à manifester et à s’agiter. Et ils ennuient tout le monde. La télévision, qui est faite pour distraire, ne parle pas assez d’eux. Aussi le calme règne-t-il.
La réplique, bien sûr, est facile : c’est peut-être cela qu’on appelle, pour un peuple, le bonheur. Devrait-on regretter les guerres, les crises, les grèves ? Seuls ceux qui ne rêvent que plaies et bosses, bouleversements et désordres, se plaignent de la paix, de la stabilité, du calme social.
L’argument est fort. Aux pires moments des drames d’Indochine et d’Algérie, à l’époque des gouvernements à secousses qui défilaient comme les images du kaléidoscope, au temps où la classe ouvrière devait arracher la moindre concession par la menace et la force, il n’y avait pas lieu d’être particulièrement fier de la France. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autre choix qu’entre l’apathie et l’incohérence, entre l’immobilité et la tempête ? Et puis, de toute façon, les bons sentiments ne dissipent pas l’ennui, ils contribueraient plutôt à l’accroître.
Cet état de mélancolie devrait normalement servir l’opposition. Les Français ont souvent montré qu’ils aimaient le changement pour le changement, quoi qu’il puisse leur en coûter. Un pouvoir de gauche serait-il plus gai que l’actuel régime ? La tentation sera sans doute de plus en plus grande, au fil des années, d’essayer, simplement pour voir, comme au poker. L’agitation passée, on risque de retrouver la même atmosphère pesante, stérilisante aussi.
On ne construit rien sans enthousiasme. Le vrai but de la politique n’est pas d’administrer le moins mal possible le bien commun, de réaliser quelques progrès ou au moins de ne pas les empêcher, d’exprimer en lois et décrets l’évolution inévitable. Au niveau le plus élevé, il est de conduire un peuple, de lui ouvrir des horizons, de susciter des élans, même s’il doit y avoir un peu de bousculade, des réactions imprudentes.
Dans une petite France presque réduite à l’Hexagone, qui n’est pas vraiment malheureuse ni vraiment prospère, en paix avec tout le monde, sans grande prise sur les événements mondiaux, l’ardeur et l’imagination sont aussi nécessaires que le bien-être et l’expansion. Ce n’est certes pas facile. L’impératif vaut d’ailleurs pour l’opposition autant que pour le pouvoir. S’il n’est pas satisfait, l’anesthésie risque de provoquer la consomption. Et à la limite, cela s’est vu, un pays peut aussi périr d’ennui.
Périr d’ennui à cause de Staline ou parce qu’il n’y a plus d’issue révolutionnaire?
qu’est-ce que mai 68 ? un baroud d’honneur, une révolution de couleur mais aussi une grève immense, la seule dans le monde qui dépassa la rébellion estudiantine pour arrêter la France qui montait encore des champs et des usines dans une intense reflexionqui, osons le dire, ne mena pas trés loin ou plutôt entama des temps nouveaux dans lesquels se combinaient la stagnation des révolutions socialistes, et la contreoffensive de l’impérialisme jusqu’à la chute de l’URSS, et déjà un modèle qui fut celui des révolutions de couleur. Il se poursuit et n’engendre que le chaos. (3)
Ce paroxysme inaugura ce que par commodité en suivant Vailland nous baptiseront la « dépolitisation » française. Mais pour la caste qui déjà gouvernait, le boulet passa si près que De gaulle en chuta et les jeux de la quatrième reprirent derrière un orfèvre en la matière Mitterrand. Est-ce ainsi que l’on doit résumer l’histoire? Celle d’une France qui s’ennuie et à se livre à des « dupes ». Elections piège à con, la France d’aujourd’hui se résigne de plus en plus difficilement à aller voter pour un individu qu’on lui aura vendu comme un produit de consommation et qui s’avère au moins de l’ordre du gadget quand il n’est pas dangereux.
Peut-être que la dépolitisation et l’exigence politique sont deux aspects contradictoires qui se conditionnent l’une et l’autre. Nul ne peut se passer d’un plan, de buts et de moyens de l’atteindre, la politique quand le but en est le changement de politique, de societé est comme une guerre à laquelle les peuples ne veulent pas jouer, cela est grave parce qu’ils savent bien que la guerre n’est pas la même pour les riches et pour les pauvres. Ils savent instinctivement que la violence est l’apanage des riches et des puissants et que si déjà leur revolution n’est pas un rapport de forces qui s’impose, les contrerévolutions sont chaos, misère et morts. On ne part pas là dedans sans savoir les buts politiques, sans confiance…
Une stratégie, celle de Fidel, celle de Mao et sa guerre des partisans a réussi à s’opposer durablement à la contrerévolution qui emportait l’URSS mais aussi le socialisme européen, la stratégie de Mao en revient toujours à l’expérience fondatrice de la longue marche, la guerre des partisans : disperser les forces pour soulever les masses, concentrer les forces pour faire face à l’ennemi. Pour créer des bases révolutionnaires stables, recourir à la tactique de la progression par vague. Au cas où l’est talonné par un ennemi puissant adopter la tactique qui consiste à tourner en rond En somme, c’est la tactique du filet de pêche qu’il faut savoir lancer et retirer à tous moments. On le lance pour la conquête des masses, on le retire pour faire face à l’ennemi.
Retrouver la politisation, par le rassemblement mais aussi par le rôle aguerri du parti, sans théorie et sans parti pas de révolution..
Voilà le filet lancé le plus largement possible … Ce fremissement cet « engouement » que Franck voit dans la fête de l’Humanité serait signe de politisation dans la plus profonde dépolitisation qui ait été infligé au peuple français. Mais écoutons Vailland. Comme citoyen, je veux qu’on me parle politique. Je veux retrouver, je veux provoquer l’occasion de mener des actions politiques (des vraies) je veux que nous redevenions tous des politiques. Qu’est- ce que vous faites lesphilosophes, les professeurs, les écrivains, moi-m^me, les intellectuels? Les politiciens ne manquent pas , ce monde en est plein. Mais les penseurs politiques ? En attendant que revienne le temps de l’action, des actions politiques, une bonne, belle et grande utopie( comme nous pensions en 1945, que l’homme nouveau serait créé dans les dix années qui allaient suivre) ce ne serait peut-^tre pas déjà si mal. « (p. 26 )
Peut-on parler d’utopie aujourd’hui avec ce monde multipolaire et le leadership d’un parti communiste ? A coup sur mais si étrangement raisonnable, pragmatique qu’on oublierait presque la portée du changement et le temps sur lequel la planification chinoise la conçoit, ce qui l’a conçu et dans quelles efforts surhumain ? Avant hier, Franck a montré le rôle joué par la Chine dans la contradiction structurelle Forces productives rapport de production et il a parlé d’une « perception superficielle » ici en France de la nature du processus révolutionnaire, qui est en cours, oui bien sur c’est ce que dit Vinasson Ponté à propos de l’écho du monde dans lequel la France n’est plus parti prenante à la seule différence que la France ne se contente plus de s’ennuyer elle souffre et le capital lui refuse le moindre viatique, le suzerain la traite comme si elle était un pays du tiers monde qui n’a plus rien à vendre que quelques sacs à main et objets de luxe que l’on envisage même d’aller installer aux Etats-Unis pour tenter de ré-industrialiser le saigneur et maitre, il y a le suramement aussi (4)…
Donc ce balbutiement, cet « engouement » est en tant que processus autoconscient dans les limbes « le mouvement qui change l’ordre des choses existant » et le rôle des « masses » est au delà de l’événementiel il est dans la poussée ignorée parfois sur des décennies . Nous sommes dans un temps de la fragmentation des forces et des opinions mais le processus lui est unfié comme tous les processus révolutionnaire.
« Tu as bien travaillé, vieille taupe ».C’est par ces mots qu’Hamlet parle au fantôme de son père. C’est de cette manière que Hegel reprend l’image dans ses Leçons sur l’histoire de la philosophie, désignant ainsi l’œuvre de l’esprit dans le « sous-sol » de l’histoire et sa capacité de secouer la « croûte terrestre » de notre présent. Pour Marx, à son tour reprend l’image de la taupe histoire, à propos de Bonaparte, le futur Napoléon III » bouffon sérieux… conçoit la vie historique et les faits politiques comme une mascarade… Grave polichinelle, il ne prend plus l’histoire universelle pour une comédie, mais sa comédie personnelle pour l’histoire universelle » mais annonce Marx il sera balayé « La révolution est consciencieuse. Elle n’en est encore qu’à la traversée du purgatoire… et quand elle aura accompli son travail préparatoire, l’Europe lui criera dans l’allégresse : “Bien creusé, vieille taupe !” » Ici la référence qui hante Marx est celle de la Révolution française : le bonheur est une idée neuve en Europe et le fait que le prolétariat qui n’a à perdre que ses chaînes réalisera l’émancipation que la bourgeoisie exploitant et pillant l’homme et la nature ne peut que proclamer comme des principes formels qu’elle désavoue dans la production des conditions matérielles d’existence. Notre passé, la révolte, n’est pas mort et enterré mais l’esprit chez Hegel est l’action , la contradiction et ses luttes de classe chez Marx travaille même si nous n’en avons pas conscience. Il ne s’agit pas d’une suite d’événements ni de quelque chose de fictif, d’inventé, mais un organisme vivant qui pour Hegel se gonfle comme un fleuve impétueux, et Marx conserve cette pulsion vitale, ce fleuve du vivant dans lequel Mao allait nager pour dire qu’il ne fallait pas avoir peur mais si la vieille taupe, l’Histoire semble avoir sa source dans le passé, au point qu’un peuple qui a fait une révolution n’oublie jamais le rôle décisif des masse, son action n’en reste pas à la tradition, il s’en nourrit et rompt son action est soumise à la réalité nouvelle et à ses tâches…
Quel est ce présent ? Tout ce que l’on peut noter est que le temps est très court entre le dernier triomphe de l’impérialisme, la chute de l’URSS, la croyance à son caractère définitif et l’ampleur de la transformation intervenue aujourd’hui, il y a eu continuité dans le processus et rupture.
Comment peut se faire cette politisation? par un parti qui constiitue la force de l’expérience et de l’anticipation, l’avant-garde qui va voler le savoir, la science tel Promethée et l’apporte aux autres : L’ouvrier ne peut être doté d’une conscience politique de classe que de l’extérieur, c’est-à-dire de l’extérieur de la lutte économique, de l’extérieur du champ des relations entre ouvriers et patrons. La seule sphère d’où l’on peut tirer ces connaissances n’est que la réponse dont se contentent, dans la plupart des cas, les militants engagés dans les travaux pratiques, sans parler de ceux d’entre eux qui sont enclins à l' »économisme », à savoir : « Il faut aller chez les ouvriers pour apporter des connaissances politiques aux ouvriers, les sociaux-démocrates doivent aller dans toutes les classes de la population, ils doivent envoyer partout des détachements de leur armée. » Lénine, que faire ?, 1902…
En clair Roger Vailland et les siens ne sont pas des oracles mais la traduction d’une faiblesse dans la conduite des luttes, dans la vision des buts et des moyens dont les états-majors révolutionnaire ont besoin de nourrir la conception par tout le savoir que l’humanité a accumulé…
Il faut à la fois voler la science de l’histoire, de la « sagesse » et accepter sa transmutation en maitrise réelle de la manière dont les êtres humains produisent leurs conditions matérielles d’existence. C’est là la « politique »… Mais il y a un règle stratégique dans toute guerre c’est que si le nombre compte, l’essentiel est dans la conviction et l’unité de l’armée… Cela tient pour une part en la détermination du chef et de sa capacité à convaincre ses troupes que leur cause est juste et qu’ils vont gagner même si le temps est long et s’il faut n’envisager d’engagement avec l’adversaire que dans les conditions tactiques les meilleures. Même la guerre est politique c’est-à-dire que l’essentiel en est les raisons, le but et l’examen des points d’appui. C’est d’ailleurs sur ce terrain là l’apport le plus évident de Fabien Roussel par rapport à ses prédecesseurs…
C’est dans le fond cette « retrouvaille » avec la politique la vraie, celle qui envoie loin ses filets pour rassmbler les masses dispersées et qui tout de suite doit construire une force celle qui a réussi à faire de l’épicurien Roger Vailland un communiste résistant qui prit le nom de Marat. La vieille taupe est-elle apparue à la fête de l’humanité mais en jachère… parce qu’elle ne tient pas assez compte de ce vaste filet que l’Histoire jette à nouveau sur les masses, celle du sud mais aussi celles qui chez nous disent n’en plus pouvoir…
Nous avons proposé dans notre livre préfacé par Fabien Roussel que la France adhère au BRICS, c’était une simple orientation, une manière de rupture avec l’atlantisme auquel l’UE, Macron semble s’accrocher jusqu’à la plus stupide des acceptations, et il ne suffit pas d’ailleurs de dire cette chose excellente qu’il faut ne plus obéir aux USA, ou encore sortir de l’OTAN, s’il n’y a pas de perspective autre dans une économie totalement mondialisée… Doit-on attendre le leadership de madame Von der Leyen pour nous accorder un prêt de la BCE ? c’est sous son allure raisonnable aujourd’hui une illusion qui avance la technicité d’une mesure dans une UE dont il faut au contraire dénoncer la politique actuelle en priorité… Ce n’est pas rédhibitoire et les propositions de la section économique ne sont pas exclure a priori, elles ne le sont que tout autant qu’elles créent des illusions. C’est pour cela que nous avons proposé les BRICS pas comme une mesure technique mais comme une choix de rupture politique sans laquelle on peut toujours attendre les prêts de la BCE pour un programme qui ne soit pas celui du surarmement et des marchés financier. Mais même les BRICS qui incarnent la transition d’un ordre néolibéral vers un système international plus multipolaire et pragmatique selon tous les commentateurs ne sont pas la clé de cette force, un des éléments du filet qui rassemble les masses… C’est en effet l’incarnation mais pas la totalité du système c’est ce sur quoi nous insistons il s’agit d’un processus qui ne saurait se limiter à une institution même si celle-ci est le symbole de la transformation. Il faut s’acharner à ce que l’on comprenne que dans un tel processus les protagonistes de la transformation ne peuvent pas être les gouvernants, les représentants, ceux-ci au contraire donnent le sentiment d’être incohérents, incapables et ne retrouvent leur poids de leader qu’en s’identifiant au processus. Il faut inscrire ce qui est avancée dans ce mouvement… Le modeste engouement était simplement la reconnaissance que ce chemin esquissé va dans le bon sens…. c’est déjà le signe de la politisation encore embryonnaire…
Qu’est ce que ce processus qui en a le leadership, y a-t-il alliance ou partenariat stratégique sans alliance? C’est déjà ce que nous abordons dans notre livre. Tandis que l’on s’interroge d’une manière abstraite, le sociologue-anthropologue peut contempler les détails du quotidien pour y lire la profondeur du boulversement en cours, l’observation est celle des faits mais aussi les statistiques qui y correspondent.
Y compris la relation Chine Russie qui dit aussi la complexite, le caractère nouveau…
Il y a entre ces peuples eurasiatiques toute une histoire dont nous ignorons tout et dans lequel l’occident s’est cru le maître des horloges… Cette histoire de voisinage est à la fois un frein et un atout pour les nations, c’est pour cela que c’est les défis du présent qui lui donnent le sens de l’émancipation, de la justice, du développement et l’on découvre tous les jours l’intérêt qu’à eu face à « l’occident » hégémonique, des simples choix alternatifs qui s’ancrent dans d’autres échanges comme celui qui concerne la jeunesse chargée à sa manière de donner forme à ces essais.
Il y a d’autres faits qui demandent à être confirmés et qui pris ensemble ont du sens pour dire y compris la transition du socialisme à la Chinoise et qui multipliés depuis ue vingtaine d’années incitent à entendre l’herbe pousser et l’histoire se faire, ponctuée par des événements. Non il ne s’agit pas de l’URSS, ni même de Staline et pas parce que celui-ci a commis des crimes abominables égaux à ceux de l’impérialisme, non parce qu’il y a eu contre révolution et que de sa propre crise, le capitalisme a été capable d’imposer sa survie et de briser l’élan émancipateur y compris des libérations nationales. Le bilan de cette contrerévolution a impulsé une autre stratégie… dont nous avons du mal à percevoir les jalons…
Le premier concerne la relation entre la Chine, l’Etat chinois et son mode de gouvernance et le capitalisme, les grands « investisseurs ». Disons pour faire simple que ceux-ci n’ont pas la même peur de la Chine que celle que leur inspirait l’URSS, il y a même un mouvement vers la stabilité et la sécurité que représente la Chine dont les capitalistes d’Hong Kong sont le témoignage mais cela va au-delà non seulement toute l’Asie mais d’autres continents et la politique de Trump, la révélation brutale de la situation des Etats-Unis et du dollar accntue le mouvement. Celui-ci ne se comprend pas si on élimine le fait que l’occident à deplace par goût du lucre sa production matérielle dans les pays émergents, il a détruit ce faisant sa capacité d’innovation, l’a coupé de la production et la Chine communiste a comme tous les régimes communistes privilégié le facteur humain en matière d’éductation de recherche, et elle continue toujours plus.
Cela se combine avec l’autre fait qui est un glissement de l’Asie vers un retour à l’acceptation de la suzerainté de la Chine. Il faut bien sur suivre le mouvement des capitaux, mais interroger comme je le fais avec tous les petits commercants en général vietnamiens ou cambodgiens marseillais est trés révélateur. En gros, ils disent: les Chinois ont toujours été comme ça, ils veulent qu’on leur obéisse, mais si on les suit ils sont très vivables en tous les cas ils sont nettement plus vivables et plus efficaces que les occidentaux. Est-ce que c’est dû au retour au capitalisme de la Chine comme l’ont affirmé bien des commentateurs qui étaient les mêmes à renoncer de fait au socialisme définitivement vaincu à la chute de l’URSS, condamnée par les crimes de « Staline ». Ou alors jamais classe dominante, les prolétaires chinois ne travailla plus dur pour asseoir son leadership.
Quelle est la nature de ce leadership, si durement conquis, ce qui relève d’une tradition régionale de pays suzerain fut-ce sous des formes plus bienveillantes que celles des « diables étrangers » est remise en question très concrétement par le rôle d’émancipation égalitaire des pays du sud, l’appel à la charte des nations unies pour que chaque nation soit souveraine et le refus d’intervenir comme on l’a vu au Népal. La Chine n’est pas que traditions, elle est socialiste et son projet émancipateur s’il part de la satisfaction des besoins du peuple chinois est autre. Là encore la dialectique matérialiste doit partir de la réalité d’aujourd’hui. celui ou la Chine pour le meilleur comme pour le pire ne fera pas la révolution à notre place, elle ne nous épargnera aucune lutte, n’en contrôlera aucune, elle se contente de créer les conditions améliorées de solution à des défis urgents…
Savez-vous que si le parti communiste chinois était un pays, il serait le 16 e peuple du monde, il y a l’extraordinaire développement de ce pays continent mais aussi l’échelle du parti qui a un rôle dirigeant, comment imaginer une dictature répressive d’une telle taille ? (5) Il faut affronter cette vision d’une autocratie, un despote bienveillant mais un despote tout de même, on ne peut la contourner vu ce qu’est le processus. A l’inverse de l’URSS, la Chine ne nous demande pas de changer ni de système, ni de moeurs.
La réalité est là, elle est celle de la fin de l’illusion de la toute puissance de l’impérialisme et de l’incapacité dans laquelle se trouve les USA et leurs « alliés » d’imposer leur politique. C’est cette incapacité qui est en cause dans le désaveu y compris de leur peuple.
le désaveu du peuple français, sa lucidité sur la « guerre »
De la même manière, il faut savoir donner du sens à la colère et du rejet du peuple français contre Macron et tous leurs gouvernants, apparement le peuple ne veut pas du pouvoir, il veut des gens compétents et justes pour l’exercer. leurs gouvernants sont incompétents, soucieux d’eux-mêmes et de leur caste ce qui n’est pas faux.

Aujourd’hui alors que la France est dévaluée que les trés très riches ont doublé leur profits et que la bourse, l’or continuent à grimper, le mozart de la finance a comme premier ministre celui de la guerre, logique ? La note en baisse et le CAC 40 en hausse ! quant au personnage il fait étrangement songer à ce que Marx dit de Napoléon III: bouffon sérieux… conçoit la vie historique et les faits politiques comme une mascarade… Grave polichinelle, il ne prend plus l’histoire universelle pour une comédie, mais sa comédie personnelle pour l’histoire universelle »
Les Français ont très vite compris que si l’Ukraine se prenait une raclée telle de la part des Russes qu’il n’y avait pas de chance qu’elle rejoigne l’OTAN , en fait il y a trois pays, la Grande Bretagne et la France dont les dirigeants poussaient la folie jusqu’à proposer qu’à travers eux l’OTAN s’installe en Ukraine.
C’est-à-cause de cette interpénétration que l’on ne saurait à rester là pour concevoir un programme politique d’un parti communiste, un pacte de la gauche, il faut dépasser ce stade ou du moins l’assortir d’une reflexionaujourd’hui à peine entamée sur la production française (à partir par exemple de la Chimie en Isère ou de la sidérurgie). Mais cette démarche ne peut pas se développer en s’appuyant seulement sur une demande de crédit à taux zéro la BCE pour être pertinente elle doit tenir compte des institutions du monde multipolaire, de la mondialisation et de ses bouleversements.
S’affirmer « étatiste » comme l’a fait Roussel est un plus si l’on part comme il l’a fait du vécu. C’est la force de ce discours avoir trouvé l’angle vers la « politisation », peut-être était-ce parce que comme Vailland il cultivait la « politique » comme celle des jours heureux.Mais la question qui n’est pas encore posé est « de quel parti avons-nous besoin? »
les illusions tombent, et la réalité s’impose mais dans quelle direction ?
Ce qui s’impose paradoxalement dans ce désaveu de leurs « représentants » par les Français, comme dans notre analyse franco-française ou à la limite européenne de « l’économie », nous ne cessons de le répéter est le fait que nous ne pouvons continuer à nous bercer de l’illusion que ce sont les Etats-Unis et l’occident qui gèrent le monde et déterminent « le sens de l’histoire » . La construction d’un pacte social, l’intervention des « masses » ne se limite pas à une « participation » par les urnes ou même au droit concédé par les patrons de dire son mot sans changer la logique productive, le mouvement historique fait plus que jamais des masses les protagonistes de l’histoire mais ce n’est pas sur le mode que l’on croit. On a cru à la fin de l’histoire non pas des antagonismes mais au fait que ceux-ci seraient de simples arrangements et correction de la toute puissance de l’économie capitaliste identifié au libéralisme. On a cru au rôle conquérant de l’OTAN et des « interventions « démocratiques supposées, on a cru au pivot asiatique d’Obama et Trump lui même a cru qu’il pouvait reconquérir sa surématie en mettant tout ce beau monde en ordre de bataille contre la Chine. Oui mais voilà non seulement les guerres se sont multipliées et la Chine n’en a pas été affaiblie mais les manoeuvres autour du roi dollar sont de plus en plus hasardeuses et l’inflation destabilise en boomerang alors que les jeux boursiers et un nouvel endettement abyssal aboutit à ce que le capital commence à lorgner la stabilité et la sécurité chinoise. Il ne reste plus pour tenir les masses que la peur de l’écroulement au vu de ce que sont leurs gouvernants.
Ce qui apparaît et est à l’origine de ce désaveu des dirigeants est justement le fait que nous sommes dans un processus et que celui-ci ne dépend pas alors de la volonté des « puissants » en l’occurrence les présidents de Etats-Unis eux-mêmes. C’est seulement dans leur capacité à « chevaucher » ce processus que le dirigeant paraît ou non compétent. Les masses font l’histoire alors même que celle-ci semble plus que jamais échapper à tout le monde.
Le paradoxe est que cette exigence là et le fait que plus personne n’a confiance ni en Macron, ni en l’UE, ni aux USA, se combine avec une peur de la domination étrangère qui ne se limite pas à la xénophobie entretenue envers les immigrés, les pauvres qui nous voleraient nos emplois et généreraient le crime, ça c’est la classe laborieuse, classe dangereuse, il y a le refus de passer sous domination étrangère.
Et ce qui est intéressant est la question du « socialisme », cette transition mise en évidence par Marx dans laquelle la dictature de la bourgeoisie est brisée par celle du prolétariat. le fait est que la Chine a innové et son innovation paraît correspondre au mouvement du réel y compris celui de la classe capitaliste face à son propre Etat autant qu’au prolétariat qui dans un monde dont la démographie chute ne veut pas de guerre et a été créé comme consommateur ou du moins aspire à le devenir alors qu’il est encore « producteur » dans d’autres zones.
Cette crainte génère en même temps une fascination qu’il vaut affronter d’urgence.
mais la Chine les passionne, le succès de notre livre à la fête de l’humanité mais pas seulement. Il en est à sa troisième édition, et c’est un succès de librairie autant que de vente militante et sur tout le territoire. Mais il n’y a pas que notre livre : Delga nous signalait qu’à la fête de l’humanité c’est la première fois que l’un de leur livre dépasse la trentaine d’exemplaires vendus (et il l’a été également dans d’autres lieux de la fête) ce qui porte à la cinquantaine, de nombreux débats ont été sollicités là aussi dans toutes les régions. Et je confirme y compris à Marseille où le blocage, la censure a été totale d’autres courants qui ne sont pas hostiles au PCF mais différents sont en train de préparer un débat dont nous vous dirons la date et le lieu. Mais pour revenir à la fête de l’humanité, il n’y a pas eu que notre livre, deux autres ont dépassé chez Delga la dizaine d’exemplaires vendus il s’agit aussi de livres sur la Chine, dont celui qui venait de sortir d’Elizabeth Martens, dont nous avons fait le compte-rendu hier. En dehors de cette China mania sur fond de China- bashing aucun titre n’a suscité le même engouement si ce n’est un livre sur Staline qui a rapidement épuisé ses quatre exemplaires.
Ce qui fait le succès de ce livre et du collectif qui l’a écrit, de ceux qui animent ce blog c’est d’abord la volonté de ne pas accepter le recyclage de vieilles idées réactionnaires en « nouveautés » permettant de renvoyer toute l’expérience et la réalité du socialisme à un mode dépassé, ce qui a été le régime auquel nous sommes soumis depuis des décennies. Nous refusons de plier devant ce reniement non seulement de ce qu’a été le socialisme soviétique, mais toutes les expérience réussies et ce qu’elles ont apporté et continuent à apporter à l’humanité. Mais nous n’en restons pas à la réhabilitation du passé et à la croyance à sa reproduction à l’identique, la Chine n’est pas la généreuse Union Soviétique ce qui ne signifie pas qu’elle n’apporte pas simplement c’est différent. Ce qui se passe aujourd’hui en Chine et dans ce monde multipolaire a été traité de la même manière imbécile de la part de la gauche et surtout des communistes, alors qu’elle est la norme pour le capitalisme et les forces conservatrices qui s’y réfèrent pour tenter la survie de leur système, pour proposer un partage du monde, un nouveau Yalta.
Au bout de decennies de décervelage, une certaine conception du progrès et des « révolutions » a perdu son principe actif dans l’opinion publique et se sont imposés comme une chappe de plomb tous les poncifs des contrerévolutions alors même que le fait marquant est l’échec franc et massif du modèle contrerévolutionnaire désigné comme libéralisme. Quel est son bilan réel a-t-il réalisé ses « promesses » ou a-t-il été seulement réactionaire, est-ce que cela a été une période dans laquelle s’est affermi la classe capitaliste elle-même? Non, même pas, ils ont continué leur autodestruction, l’ont amplifié. Ou en sommes nous de ce bilan que fait spontanément notre peuple français à sa manière? Notre hypothèse est qu’il y a eu un autre pricipe actif de la mémoire qui a disparu, celui de ce qu’a été la lutte contre le nazisme, nier le rôle de l’URSS, celui de la Chine déjà communiste contre le Japon, l’apport des « colonies » va avec le fait que l’on peut ériger un monuments pour célébrer les « victimes du communisme » et refuser la présence des Russes à la célébration de la lbération du camp d’Auschwitz ou ne pas aller en Chine fêter la victoire sur le Japon , avec l’idée de ne pas faire de peine ni au Japon, ni à l’Allemagne comme si les libérer du nazisme n’était pas un exploit pour ces peuples. Le principe actif du nazisme, de la guerre a pratiquement disparu ce qui favorise l’idée que l’on peut en faire l’expérience devant l’échec général du capitalisme.

Ce qui a pour résultat paradoxal d’ossifier notre regard sur le présent et sur tout ce qui nait dans cette phase, et tous les fronts surlesquels nous devons lutter pas pour diviser mais pour rassembler… nous sommes dans un temps de la fragmentation des forces et des opinions mais le processus lui est unfié comme tous processus révolutionnaire.
notre reflexion doit porter sur ce qui unifie et en quoi la Chine, le monde multipolaire éclaire ce processus mais ne fera rien à notre place ce qui est aussi une libération, un appel à la politisation…
danielle Bleitrach
(1) Roger Vailland. Eloge de la politique. Delga 2025 . 9 euros
(2) combien de ces récits là ai-je entendus, ils m’ont donné très tôt conscience de la nature de ce que nous subissions à tel point que j’ai réfusé le terme « d’exclusion » alors à la mode et j’ai retrouvé celui de défaite ouvrière qui correspondent à de nouvelles phases d’accumulation du capital telles que les analyse Marx, il parle lui « d’invalides du capital ». Certains en moururent de chagin, la dépolitisation n’a jamais été analysée, elle serait pourtant bien utile pour « politiser. Danielle Bleitrach Mustapha El Miri : DEFAITE OUVRIERE ET EXCLUSION . Harmattan 2000. Mais contempler les faits en tant que sociologue m’a enseigné à la fois la profondeur du traumatisme et l’inutilité à chercher à l’affronter en tant qu’individu, c’est aussi un fait politique face auquel une distance s’impose; bien qu’alors ce soit la totalité de votre vie professionnelle autant que familiale, amicale qui se soit trouvée emportée…
3) Encore aujourd’hui on peut noter comme le fait un article d’Asia Times l’ultime mouture de ces « révolutions de couleur » à l’ère des réseaux sociaux : « C’est là que réside le paradoxe. Le capitalisme, autrefois annoncé comme la voie de la prospérité, marchandise aujourd’hui l’instabilité. Les révoltes sont commercialisées comme des produits de consommation, emballées avec des logos, des hashtags et des images héroïques. L’indignation devient une ressource rentable, récoltée par la Silicon Valley et manipulée par ses rivaux géopolitiques. Ce n’est pas de la démocratie au sens propre du terme. C’est de l’ingénierie politique déguisée en pouvoir du peuple. Les jeunes générations, peu instruites et avec des perspectives d’emploi limitées, sont nourries de récits simplifiés qui enflamment la colère mais apportent rarement des solutions. » Ce qui est recherché est la guerre civile sans autre issue que la destabilisation et le chaos en espérant qu’il atteindra la Chine… C’est en ces termes que l’article décrit les révoltes qui ont secoué l’Asie du sud-est, le Népal, le Pakistan, le Sri Lanka, mais l’Inde est dans le viseur.
(5) cela mérite au moins de tenter de connaitre et c’est d’ailleurs cette curiosité du peuple français et des communistes qu’il faut développer dans ce domaine comme dans d’autre: quand la France s’éveillera… nous nous félicitons que notre livre ne soit qu’une étape de cette connaissance et en particulier qu’il nous ait permis de nouer des contacts et d’adjoindre à l’quipe un nouveau rédacteur qui nous aidera à rectifier les stéreotypes, la « dépolitisation » qui demeure sans doute la notre. la politisation est un travail collectif et ne peut se réaliser que sur ces bases…
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