« Rattraper et dépasser » (l’Amérique), tel était le slogan de Khrouchtchev. On a vu ce que cela a donné. Dans un ton un tantinet ironique, l’auteur de l’article souhaite bon courage aux Etats-Unis dans la course aux brise-glaces. Il y a un côté ironique, celui non pas d’une revanche mais de la possibilité de vivre selon leur choix politique, économique, culturel, de la part des pays qui grâce au monde multipolaire voient leurs atouts être valorisés alors que l’hégémon occidental et le monde unipolaire les étouffait avec l’étranglement du dollar, du système financier totalement contrôlé. C’est le cas de la Russie mais c’est aussi peut-être celui de Cuba dont nous venons d’apprendre que les banques cubaines viennent d’être officiellement intégrées dans le système de paiement chinois (CISP). Rappelons que c’est ce qui a permis à la Russie d’éviter le gros des sanctions. Si quelque chose doit sauver Cuba c’est bien cela. Désormais Cuba peut payer, emprunter et recevoir des investissements en contournant totalement le système monétaire impérialiste du capitalisme occidental. (note et traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société).
Les États-Unis envient la Russie en tant que leader mondial, tant pour sa flotte de brise-glaces, la plus importante au monde, que pour sa capacité à construire, entre autres, des brise-glaces nucléaires. Notre pays est le seul au monde à disposer de tels brise-glaces.
Pendant de nombreuses années, cela n’a pas dérangé Washington, mais dans le contexte géopolitique actuel et avec l’importance croissante de toutes les routes commerciales alternatives, y compris la route maritime du Nord, les États-Unis ont décidé de rattraper la Russie. Une autre raison possible de l’intérêt pour les brise-glaces est la composante militaire et le futur redécoupage de l’Arctique.
Cependant, les Américains sont très en retard sur nous à tous les égards : ils ne disposent en effet ni d’une telle flotte, ni des compétences nécessaires pour produire des brise-glaces. Ils ne savent tout simplement pas comment s’y prendre.
La Russie possède la flotte de brise-glaces la plus puissante au monde, composée de 46 brise-glaces, dont huit à propulsion nucléaire. Les États-Unis ne disposent que d’un seul brise-glace opérationnel sur les deux dont ils disposent, et celui-ci date de 1976. Il s’agit du brise-glace Polar Star. Le second, identique, est hors service depuis cinq ans à la suite d’un incendie. Il n’a toujours pas été réparé et la question se pose de savoir si quelqu’un va s’en occuper.
Les États-Unis ont donc décidé qu’il fallait mettre fin à cette situation et qu’ils devaient non seulement rattraper, mais aussi dépasser largement la Russie dans ce domaine. L’année dernière, ils ont annoncé leur intention de mettre à l’eau 70 à 90 brise-glaces au cours des 10 à 15 prochaines années, c’est-à-dire d’ici 2035-2040. C’est presque le double de la flotte actuelle de brise-glaces de la Russie.
Il est clair que Washington n’est pas en mesure d’y parvenir seul, c’est pourquoi il s’est assuré le soutien de ses alliés, le Canada et la Finlande. Au cours de l’été 2024, les États-Unis ont signé avec ces deux pays un pacte spécial ICE, dont l’objectif est de rattraper leur retard sur la Russie en termes de nombre et de qualité des brise-glaces. Et en août 2025, le brise-glace Polar Max a été mis en construction dans un chantier naval finlandais, et sa fabrication sera achevée à Québec, au Canada. Il s’agit du premier brise-glace de l’histoire de la Finlande qui sera livré en Amérique du Nord.
Depuis 2014, le chantier naval de Helsinki appartenait à la Russie et construisait des navires de ravitaillement et des brise-glaces pour notre pays. Mais en 2019, les sanctions européennes nous ont coupé l’accès à l’usine. La Russie a donc dû le céder à une société offshore chypriote, probablement dans l’espoir de le récupérer plus tard. Cependant, en 2023, l’usine finlandaise est passée de manière inattendue entre les mains de la société de construction navale canadienne Davie. Et maintenant, celle-ci aide les États-Unis à dépasser la Russie.
Le Canada et la Finlande ont beaucoup moins de brise-glaces que la Russie, mais ils savent au moins concevoir et construire des navires arctiques, contrairement aux États-Unis. Le Canada dispose ainsi d’une flotte de 17 brise-glaces, mais beaucoup d’entre eux ont besoin d’être réparés et seul un tiers environ est en mesure d’effectuer des tâches opérationnelles. La Finlande dispose, selon différentes estimations, de huit à onze brise-glaces.
Mais le choix d’alliés était initialement limité pour les États-Unis : ils ne pouvaient pas demander l’aide de la Russie ou de la Chine dans ce domaine. Or, la République populaire de Chine a récemment connu des succès dans ce domaine : elle a appris à construire ses propres brise-glaces en partant de zéro. Avant 1993, Pékin n’en avait aucun, mais il a acheté à l’Ukraine un cargo brise-glace construit au chantier naval de Kherson, l’a réaménagé, l’a rebaptisé « Xuelong-1 » et est ainsi devenu un pays doté d’une flotte de brise-glaces.
Contrairement aux États-Unis, la Chine a activement appris et créé ses propres technologies pendant tout ce temps, afin de mettre en service en 2019 son propre brise-glace chinois, le « Xuelong-2 ». La RPC l’a construit en trois ans, ce qui est très rapide. Et l’année dernière, les Chinois ont achevé la construction et mis en service un brise-glace de nouvelle génération, le grand navire de recherche polaire Tan Sup Sam Hao. Il a été construit en seulement deux ans. Pour comprendre : la Finlande et le Canada prévoient de construire un brise-glace en cinq ans, et on ne sait pas encore s’ils pourront respecter ces délais dans la pratique. Les succès de la Chine dans la construction de brise-glaces ont bien sûr également ajouté à la nervosité et à l’inquiétude de Washington. On prédit que Pékin va se lancer dans la création d’une flotte nucléaire, comme la Russie.
Pourtant, la raison pour laquelle les États-Unis sont si loin derrière la Russie est assez banale. Washington n’avait tout simplement pas besoin de se développer dans ce domaine. Pour le commerce, ils disposent du canal de Panama, où aucun brise-glace n’est nécessaire. Toutes les routes commerciales sont ouvertes aux États-Unis et au dollar, qui les contrôlent d’une manière ou d’une autre ou peuvent les influencer. Ils n’ont pas non plus besoin de brise-glaces pour protéger leurs frontières. De plus, les conditions climatiques sont globalement beaucoup plus clémentes aux États-Unis.
Il en va autrement de la Russie, qui, pour des raisons historiques et géographiques, avait besoin de brise-glaces pour développer le Nord. Sans l’accompagnement de brise-glaces, il est parfois impossible d’atteindre les régions reculées du pays. Les brise-glaces sont nécessaires pour acheminer des marchandises, des denrées alimentaires, des médicaments et d’autres produits de première nécessité. Les brise-glaces permettent d’atteindre Mourmansk, Norilsk, Vorkouta, qui sont de grandes villes russes comptant entre 100 000 et 300 000 habitants. À titre de comparaison, l’Alaska compte moins d’un million d’habitants, et la logistique de livraison des marchandises y est relativement accessible sans brise-glaces.
La Russie a également besoin de brise-glaces pour exporter des minéraux, du pétrole, du gaz, du charbon, du nickel, du cuivre, etc. Sans son expérience dans la construction et l’exploitation de navires brise-glaces, la Russie ne pourrait pas développer un projet aussi ambitieux que la route maritime du Nord. En raison des conditions climatiques, la navigation sur cette route est limitée dans le temps et, sans l’aide des brise-glaces, la plupart des navires ne peuvent tout simplement pas emprunter cette voie maritime. Ils escortent les navires, ouvrent des chenaux dans la glace pour permettre le passage de toute une flotte de navires et, si nécessaire, remorquent les navires.
Le développement de la route maritime du Nord a commencé à l’époque soviétique, dans les années 70, avec l’apparition du premier brise-glace nucléaire « Arktika ». Selon les données de mai 2024, dix brise-glaces, dont sept nucléaires, opèrent désormais dans les eaux de la route maritime du Nord. D’ici 2030, neuf autres brise-glaces doivent être construits, dont le navire amiral de la flotte arctique, le brise-glace nucléaire « Rossiya », dont la construction est en cours dans la région de Primorie, au chantier naval « Zvezda ». D’ici 2035, il est prévu que 21 brise-glaces nucléaires naviguent sur cette route.
Actuellement, les brise-glaces nucléaires du projet 22220 « Tchoukotka » et « Leningrad » sont en cours de construction, et en novembre 2025, le navire nucléaire « Stalingrad » sera mis en chantier. Le premier brise-glace nucléaire du projet « Leader » devrait être mis en service d’ici 2027.
La route maritime du Nord est un projet alternatif de transport de marchandises russes, contrôlé uniquement par notre pays. Aucune géopolitique, aucun pirate maritime ni aucune sanction ne peuvent arrêter ce canal commercial. À cet égard, les brise-glaces assurent, entre autres, la sécurité énergétique et commerciale de la Russie.
Les brise-glaces sont également importants pour l’approvisionnement des bases militaires dans la région arctique. La présence d’une flotte de brise-glaces est donc une question de sécurité nationale pour la Russie, qui possède de vastes territoires dans la région arctique.
Views: 37