Parlons de la guerre. Dans son discours lors du défilé militaire à Pékin, Xi Jinping a proposé cinq points pour la gouvernance mondiale. Comme les trois petits singes, la presse française s’est fermé les yeux, bouché les oreilles et n’a pas dit un traître mot. La question de la guerre mériterait de notre part une réflexion sur notre conception du pacifisme, et cette réflexion pourrait s’inscrire dans notre conception générale du marxisme, moyennant une critique du « marxisme occidental » et de son lien avec l’impérialisme. Ce sera l’objet d’un article plus approfondi ce week end.
• Justice internationale et développement pacifique – Xi Jinping a appelé à défendre fermement l’équité et la justice sur la scène mondiale, et à rester engagé dans une voie de développement pacifique. Il a souligné les efforts constants déployés pour améliorer le bien-être du peuple chinois.
• Tournant historique et renouveau national – Il a rappelé que cette victoire marque une étape décisive : la Chine est passée d’une période de crise profonde à une voie de renaissance nationale, en s’inscrivant aussi dans le cadre des transformations globales majeures.
• Mémoire et solidarité contre le fascisme – Xi a rendu hommage aux peuples et gouvernements antifascistes qui ont lutté aux côtés de la Chine. Il a insisté sur l’importance de ne jamais revenir à la « loi de la jungle » où les forts écrasent les faibles, et a appelé à ce que l’humanité reste solidaire pour éviter les tragédies historiques.
• Promotion de la paix globale et de la coopération – Il a affirmé que la modernisation de la Chine s’inscrit dans une perspective pacifique, faisant de son pays une force en faveur de la stabilité mondiale. Il a exprimé le souhait que tous les États apprennent des leçons du passé, valorisent la paix, et œuvrent ensemble pour une modernisation globale bénéfique à l’humanité.
• Invitation à l’unité et à la prospérité partagée – Dans une tonalité rassembleuse, Xi a encouragé un avenir où les pays collaborent pour une prospérité partagée.
Au contraire, nos médias se sont focalisés sur le défilé militaire et les armes nouvelles affichées par la Chine pour semer la panique et justifier les annonces belliqueuses de la bourgeoisie.
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« La Chine étale sa puissance nucléaire »
Dans l’humanite.fr du 3 septembre, et sous un chapeau pas très original, « Missiles, drones, avions de chasse : au sommet de l’OCS, la Chine étale sa puissance militaire sous le regard de Vladimir Poutine et Kim Jong-un », Alex Nodinot rappelle quand même que le 80e anniversaire célébré à Pékin marque la « victoire chinoise contre le colon japonais et le fascisme , et voit dans la réaction de Trump des « relents de maccarthysme », qui viennent « rejoindre les rangs d’une indignation générale des Occidentaux, apeurés de voir réunis en Chine des dirigeants autoritaires – ou jugés comme tels – qui désirent plus que jamais remettre en ordre l’ordre mondial ». Il aurait pu ajouter, ça ne mange pas de pain, que ces dirigeants étaient là pour rappeler le combat commun de leurs trois pays contre l’axe. Passons.
1 – Qui pratique la « prolifération nucléaire » ?
Il cite Xi Jinping « Le peuple chinois se tiendra fermement du bon côté de l’histoire et du côté du progrès humain. Il adhérera à la voie du développement pacifique. »
Mais il se ravise aussitôt « Malgré ces promesses du président chinois, le défilé militaire du 3 septembre avait bel et bien des allures de démonstration de force. Pékin a présenté une profusion de nouvelles armes, plus terrifiantes les unes que les autres… ».
Et il conclut « L’histoire de la Chine et les menaces états-uniennes la poussent certes à être vigilante, mais la prolifération demeure le pire des scénarios »
Il n’y a pas dix jours, Alex Nodinot écrivait « Les exercices militaires annuels en Indonésie ont débuté, et rassemblent une douzaine d’alliés des États-Unis, entraînés dans une dangereuse stratégie d’endiguement de la Chine […] Craignant tous deux la montée en puissance de la superpuissance asiatique, ils sont également tenants d’une farouche tradition anticommuniste. En Indonésie, les militants ont été massacrés par millions dans les années 1960 – notamment par le général Pranbowo Subianto, l’actuel président du pays […] Aux États-Unis, les sbires de Donald Trump multiplient les références à la « Chine communiste », entraînant dans leur sillage belliciste leurs alliés asiatiques comme européens, preuve en est de l’envoi en début d’année du groupe aéronaval français et du porte-avions Charles de Gaulle. Porteur d’une « troisième voie » en Asie-Pacifique, Emmanuel Macron est de facto aligné sur Washington, comme ses semblables occidentaux » https://www.humanite.fr/monde/asie-pacifique/contre-la-chine-les-etats-unis-et-leurs-allies-militarisent-le-pacifique
Alors si face aux « menaces états-uniennes » la Chine « doit être vigilante », mais sans « proliférer » pour autant, comment doit-elle se défendre ? Avec des baguettes et des boulettes de riz gluant ?
Le minimum syndical qu’on puisse exiger d’un journaliste serait de comparer l’arsenal US et l’armement chinois. Le budget militaire des USA se montait déjà à 877 milliards de dollars en 2024, contre 296 milliards (voire 350 milliards) pour la Chine, 5200 ogives US contre 500 en Chine.
Alors qui pratique la « prolifération » ?
La Chine a refusé de participer avec les USA et la Russie à un sommet sur le désarmement. On ne discute pas avec un ennemi bardé de sabres, de dagues et de massues quand on n’a en poche qu’un couteau à huîtres. Elle se prémunit avec la bombe atomique, comme notre pays l’a fait, et elle adapte son armée aux technologies nouvelles et à l’IA, parce que les guerres modernes l’utilisent déjà. Il ne suffit pas de s’opposer à la guerre impérialiste, il faut aussi la prévoir et s’en prémunir.
2 – La conception métaphysique de la guerre et de la paix
Politzer aurait volontiers pris ce cas d’école pour illustrer ses cours de philo, dans le chapitre sur la métaphysique. Suivant cette conception du monde, qui domine la pensée occidentale depuis plus de vingt siècles, rien ne change, les choses, les êtres et les sociétés sont cloisonnés, et deux contraires ne peuvent exister en même temps. La vie n’est pas la mort, la dictature n’est pas la démocratie, la paix n’est pas la guerre.
Nous avons déjà parlé de la dictature démocratique de la bourgeoisie et de son opposition à la dictature démocratique du prolétariat. Dictature et démocratie s’opposent mais l’une n’existe pas sans l’autre, et d’autre part selon la classe qui domine la société, la nature de la dictature démocratique s’inverse. Lorsque les classes auront disparu, dictature et démocratie n’auront plus de raison d’être au sens où nous les connaissons.
Il en est de même pour la guerre et la paix. L’une et l’autre s’opposent et se conditionnent mutuellement, mais la guerre peut être juste ou injuste, la paix aussi.
Jaurès disait : « Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage. Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie – qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille – un régime de concorde sociale et d’unité. » [discours du 7 mars 1895]
Ainsi, dans la société capitaliste parvenue au stade du capitalisme monopoliste d’Etat, la guerre et la paix sont inséparables, elles n’existent pas l’une sans l’autre, se conditionnent et se transforment l’une en l’autre. La guerre ne disparaîtra pas avant la fin de l’impérialisme et une ère de paix universelle pourra alors s’ouvrir. Telle est la conception matérialiste dialectique de la guerre.
3 – Guerre juste ou guerre injuste
En 1938, un des chapitres des conférences de Mao Zedong « De la guerre prolongée », s’intitule « La guerre pour la paix éternelle » : la guerre s’oppose à la paix, mais elle-même se divise en deux opposés. La victoire célébrée le 3 septembre est une victoire sur le nazisme. La guerre des nazis ou aujourd’hui celle des néo nazis, et celle qui s’oppose à eux, ne sont pas de la même nature. Les guerres de libération nationale contre l’impérialisme ne sont pas des guerres « inter-impérialistes », ce sont des guerres légitimes, des guerres justes.
« Toute guerre progressiste est juste et toute guerre qui fait obstacle au progrès est injuste. Nous autres communistes, nous luttons contre toutes les guerres injustes qui entravent le progrès, mais nous ne sommes pas contre les guerres progressistes, les guerres justes. Nous communistes, non seulement nous ne luttons pas contre les guerres justes, mais encore nous y prenons part activement. La Première guerre mondiale est un exemple de guerre injuste ; les deux parties y combattaient pour des intérêts impérialistes, et c’est pourquoi les communistes du monde entier s’y sont résolument opposés. […] La guerre menée par le Japon est une guerre injuste, une guerre qui entrave le progrès. Les peuples du monde entier, y compris le peuple japonais, doivent lutter et luttent déjà contre elle. En Chine, depuis les masses populaires jusqu’au gouvernement, depuis le Parti communiste jusqu’au Kuomintang, tout le monde a levé l’étendard de la justice et poursuit une guerre révolutionnaire nationale contre l’agression. Notre guerre est une guerre sacrée, juste et progressiste ; son but est la paix, non pas la paix pour un seul pays, mais la paix pour tous les pays du monde, non pas une paix temporaire, mais une paix perpétuelle ».
4 – Comment passer de la guerre à la paix ?
Comment faire en sorte que la guerre se transforme en paix, et si possible vaincre l’impérialisme sans combat ; comme nous l’écrivons dans notre livre : « Peut-on sauver les USA de l’hégémonisme ? »
Pour redresser une barre tordue il faut la serrer dans l’étau et aligner les deux extrémités, mais c’est insuffisant. Il faut la tordre en sens inverse pour qu’ensuite elle se redresse naturellement et retrouve sa planéité. Face à un ennemi puissant et menaçant, il faut lui présenter une menace au moins égale à la sienne pour lui ôter tout espoir de persévérer. La Chine a atteint le niveau des USA dans bien des domaines, et sur le terrain commercial c’est elle qui menace les USA de droits anti dumping de 33,3 % à 78,2 % sur la fibre optique monomode à coupure décalée. https://www.globaltimes.cn/page/202509/1342603.shtml?id=12
Et, sans pour autant égaler l’arsenal US, la Chine déploie un armement moderne capable d’outrepasser les défenses des USA ou d’intercepter tous leurs missiles. Il serait dangereux d’engager un conflit militaire avec elle.
5 – « La guerre pour la paix éternelle »
Mao poursuit : « La guerre qui vient de commencer nous rapproche de la dernière des guerres, en d’autres termes, de la paix perpétuelle pour l’humanité tout entière ». […] « Pourquoi disons-nous que cette guerre nous rapproche de la paix perpétuelle ? Elle est un effet du développement de la crise générale du capitalisme mondial, apparue avec la Première guerre mondiale. Cette crise générale a obligé les pays capitalistes à s’engager dans une nouvelle guerre ; elle a obligé en premier lieu les pays fascistes à se lancer dans de nouvelles aventures militaires. On peut prévoir que cette guerre ne sauvera pas le capitalisme mais hâtera sa faillite. Cette guerre sera plus étendue et plus acharnée que celle d’il y a vingt ans, tous les peuples y seront inévitablement entraînés ; elle sera longue et l’humanité aura à subir de grandes souffrances. Cependant, grâce à l’existence de l’Union soviétique et à la conscience de plus en plus éveillée des peuples du monde, des guerres révolutionnaires grandioses éclateront assurément au cours de cette guerre ; elles seront dirigées contre toutes les guerres contre-révolutionnaires et conféreront à la guerre actuelle le caractère d’une guerre pour la paix perpétuelle. Même si plus tard une nouvelle période de guerres survient, la paix perpétuelle dans le monde entier ne sera plus très éloignée. Dès que l’humanité aura supprimé le capitalisme, elle entrera dans l’ère de la paix perpétuelle et elle n’aura plus besoin de faire la guerre ».
Xuan pour Histoire & Société
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