Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La mauvaise voie, la mauvaise route, et la mauvaise direction

Les libéraux grecs s’inquiètent d’une crise financière en France. Au vu de ce qui monte un peu sourdement, quoique fermement, dans le pays, ils pourraient s’inquiéter aussi d’être lâchés par la France d’une autre manière, celle d’une poussée sociale dans des institutions à bout de souffle. Mais c’est un autre sujet, sur lequel nous reviendrons, parlons donc de cette fameuse dette. Comme l’argent lui-même (tel que Marx nous le dit), la dette est un rapport social. Et s’agissant de la dette d’état, Marx la décrit comme le rapport principal asservissant l’Etat à la bourgeoisie financière, ce que l’histoire a confirmé maintes fois. L’histoire de la dette française est sans appel : sur la base de la modernisation de la France, engagée par le gouvernement de la Libération et sous l’impulsion des communistes et de la CGT, l’économie française est rapidement rétablie. Le départ des ministres communistes en 1948 ne signe pas la fin de l’influence du Parti. Celui-ci va jouer un rôle d’opposition très important jusqu’aux années 60 et les bases de développement (Edf, la sécu, la Régie Renault, la SNCF, le Commissariat à l’Energie Atomique, le CNRS, et toute une série d’institutions clés) seront préservées. Sur cette base, non seulement la dette est remboursée pendant cette période, mais la France obtient les moyens financiers et monétaires de l’indépendance, sous la forme d’un des plus importants stock mondial d’or. C’est sur cette base matérielle que le Général de Gaulle imposera ce qui demeure encore l’exception française en Europe occidentale : le départ des troupes états-uniennes de notre sol. Malheureusement, on le sait, l’unité internationale du mouvement communiste est défaite à la fin des années 50. Le PCF s’éloigne de son histoire. Les libéraux et sociaux-démocrates atlantistes reprennent le dessus, ils vont détruire ce qui a été construit, pour nous mener à la quasi capitulation actuelle. Ils ne sont pas allés jusqu’au retour des troupes US, car ils ont encore peur du peuple mais ils ont laissé le capital US prendre en main des pans entiers de notre tissu industriel et – souvent – davantage pour le piller que pour le développer. La bourgeoisie a mené grand train en consommant sans vergogne les bases de la souveraineté nationale et elle présente encore l’addition au peuple, sous la forme de la soumission aux intérêts du capital états-unien et du chantage habituel des bourgeois, celui de la dette. Ne pas céder au chantage est une chose, sous-estimer l’adversaire en est une autre. La dette cesse d’être un problème dès lors que les bases de développement du pays sont relancés. Cela ne peut se faire dans les circonstances politiques actuelles, ni même avec un gouvernement de gauche à la merci des atermoiements réformistes. Seul l’engagement clair de la France vers les Brics et le Sud comme perspective première de coopération internationale pour notre pays, et la construction d’une société socialiste basée sur le pouvoir politique des travailleurs organisés peut nous sortir réellement (pas en langage) du chantage à la dette. (note de Franck Marsal pour Histoireetsociété)

Un site libéral grec transpire la trouille : un des deux piliers de l’Union Européenne, le nôtre, commence à chanceler : « Si la France tombe, nous tombons tous ! » On relèvera que l’auteur qualifie la Grèce d’« animal d’essai » entre les mains des marchés et de la troïka » avec un ressentiment certain. L’honnêteté aurait dû lui souffler aussi que Sarkozy et Merkel puis Hollande et Merkel s’étaient chargés de signifier leur punition aux gouvernements grecs successifs. Chacun son tour. La France est deuxième, deuxième pour la dette juste avant la Grèce, soit à la fin du premier trimestre 2025 : 3 345,4 milliards d’euros ou 113,9 % du PIB. Et il s’agit de faire avaler la pilule aux masses populaires comme en Grèce.

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Il reste à la grande bourgeoisie peu de marge de manœuvre sauf tomber le masque de la démocratie et du « libéralisme ». Au RN de démontrer son alignement complet avant d’être définitivement désigné respectable et éligible. Ce ne serait pas la première « trahison » de ce type pour une social-démocratie qui soutient déjà le néo nazisme sous le manteau. Tandis que Bayrou met la dette dans la balance pour justifier les mesures anti sociales, faire payer au peuple l’asservissement aux USA et poursuivre la guerre contre la Russie, Mertz annonce au congrès régional de la CDU à Osnabrück la fin de la prospérité en Allemagne « L’État social tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est plus finançable au vu de nos performances économiques »,

Le second pilier de l’Europe se fissure donc aussi. L’austérité, la censure et le bellicisme doivent être alors imposés par tous les moyens.

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Dans « Les erreurs stratégiques à l’origine des difficultés économiques des principales économies européennes » la Chine Populaire désigne une menace plus grande pour l’Europe, qui est son asservissement aux USA, et constitue une cause majeure de ses difficultés économiques. Ce faisant, elle « suit la mauvaise voie, emprunte la mauvaise route, prend la mauvaise direction »…« L’Europe se réveillera-t-elle cette fois-ci ? »

De quelle « mauvaise voie, mauvaise route et mauvaise direction » s’agit-il ? L’éclat donné par la Chine au 80e anniversaire de la Libération n’est pas dénué de sens, car nos camarades chinois ont parfaitement compris dans quelle direction se dirigent les bourgeoisies occidentales. Les peuples d’orient et de l’URSS l’ont vécu dans leur chair. Le fascisme et la guerre ne sont donc pas exclus, même si le fascisme à l’échelle de l’Europe porte déjà dans son ventre des conflits internes irréductibles, et constitue la dernière carte des impérialismes décadents. Notre peuple pourra-t-il rejeter l’un comme l’autre ?

L’histoire ne se répète pas et les deux camps ne sont pas les mêmes. Celui du fascisme est profondément divisé et dominé par l’hégémonisme d’un impérialisme finissant. Les autres sont au bout du rouleau. Face à eux se dressent les peuples et les nations émergentes, que la Chine Populaire essaie d’unir dans un front mondial anti impérialiste et anti fasciste. Les communistes et le peuple de notre pays devraient balayer la propagande sur les « régimes autoritaires » et s’unir dans le même camp, avec le monde multipolaire, contre la guerre et le fascisme.

Voici ces deux textes. Trad et présentation pour histoire & société Xuan

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« Si la France tombe, nous tombons tous »

https://www.liberal.gr/k-stoypas/pesei-i-gallia-peftoyme-oloi

Costas Stoupas

29/08/2025

La France s’engage sur la voie qui a conduit la Grèce à la faillite en 2010. La réforme de la sécurité sociale tentée par Macron il y a quelques années s’est heurtée à un mur de protestations mené par les « gilets jaunes ». Il en a été de même pour certaines privatisations. En 2010, la Grèce était un petit « animal d’essai » entre les mains des marchés et de la troïka. Nous avons fait faillite, nous avons signé les mémorandums et le reste du monde a assisté à notre drame comme dans un théâtre d’ombres. Ils auraient pu nous « sauver » avec 200 à 300 milliards et il leur restait encore de la monnaie. Imaginez maintenant que la même chose arrive à la France : une dette publique de plus de 3 000 milliards d’euros, un PIB deux fois et demie supérieur à celui de l’Espagne et deux fois supérieur à celui de l’Italie. Si Paris perd la confiance des marchés, les spreads s’envoleront non seulement là-bas, mais aussi à Rome, Madrid et même Berlin. L’euro tanguera comme un bateau dans un Atlantique déjà agité. Si la Grèce provoquait un « effet domino », la France pourrait provoquer… un accident nucléaire.

Qui paiera la facture ? L’Allemagne ? Avec qui ? Avec l’Italie (dette de 140 %), l’Espagne (103 %) ou la Grèce (152 %) ? Autrement dit, les ivrognes se rassembleront pour soutenir celui qui s’est évanoui à cause de l’alcool. Bonne chance. Et le pire, c’est que la France n’est pas un pays périphérique. C’est une puissance nucléaire, membre du Conseil de sécurité et le bras armé de l’Europe. Si elle coule, Poutine ou Erdogan n’auront pas besoin de larguer des bombes ; les Français les auront eux-mêmes larguées sur les fondations de l’Europe.

Le FMI le dit avec élégance : « Des mesures crédibles et un consensus sont nécessaires. » Traduction : soit vous faites preuve d’intelligence, soit le scénario grec se reproduit. Sauf que cette fois, les « Troïcans » ne viendront pas planter leurs tentes place Syntagma ; la zone euro elle-même se confinera. Mais qui prendra ces mesures ? Mélenchon, le « Lafazan » français, ou Le Pen, qui promet d’abaisser l’âge de la retraite pour gagner les élections ? Chacun a le droit de se suicider ; la question est de savoir s’ils nous entraîneront avec eux.

Si la France traversait aujourd’hui une crise comme la Grèce en 2010, le choc serait multiple :

1 – Finance – Marchés et Banques – En 2010, la dette grecque s’élevait à 350 milliards d’euros (2 % du PIB de la zone euro). La dette française dépasse aujourd’hui les 3 000 milliards (110 % du PIB). Si elle est remise en question, une panique se produira sur les marchés obligataires, bancaires et des CDS dans toute l’Europe. L’euro sera davantage sous pression qu’en 2010-2012.

2 – Politique – Cohésion européenne – La Grèce a « levé » la troïka. L’opération a été difficile, mais gérable. La France ne peut pas s’appuyer sur les outils existants (MES, OMT). Le dilemme sera « fédération ou dissolution ».

3 – Géostratégique – Rôle de la France – Un Paris en proie au chaos économique signifie une Europe affaiblie : politique étrangère fragile, instabilité en Afrique, soutien réduit à l’Ukraine. Un cadeau offert à Moscou et à Pékin.

4 – Effet domino – En 2025, de nombreux pays de l’UE ont une dette supérieure à 100 % de leur PIB : Grèce 152,5 %, Italie 137,9 %, France 114,1 %, Belgique 106,8 %, Espagne 103,5 %. Hors UE, Japon environ 240 %, États-Unis environ 122 %, Canada environ 107 %, Royaume-Uni environ 101 %. Un « accident » français pourrait entraîner l’effondrement de tout le système.

Conclusion :

En 2010, la Grèce était l’animal de laboratoire. La France serait le catalyseur d’une crise systémique. Le dilemme pour l’Europe serait clair : davantage d’unification ou de désintégration.

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Les erreurs stratégiques à l’origine des difficultés économiques des principales économies européennes

Par Global Times 28 août 2025

globaltimes

Prise entre deux guerres acharnées et un conflit commercial, l’économie européenne, déjà en difficulté, semble s’enfoncer davantage dans la crise. Des signaux d’alarme sur la crise de la dette au Royaume-Uni et en France à l’Allemagne qui reconnaît l’insoutenabilité de son système de protection sociale, les principales économies européennes ressemblent à des blocs fragiles, au bord de l’instabilité.

Lundi, le Premier ministre français François Bayrou a averti que le pays était confronté à un « danger immédiat » de surendettement. Samedi, le Telegraph citait des économistes avertissant que le Royaume-Uni était confronté à une crise de la dette comparable à celle des années 1970. Le même jour, la Deutsche Welle rapportait que le chancelier allemand Friedrich Merz avait admis que « l’État-providence actuel ne peut plus être financé par ce que nous produisons ».

En apparence, ces pays semblent aux prises avec des défis budgétaires, mais sous-jacents se cache un problème bien plus profond : l’Europe semble perdre le contrôle de son identité et de son orientation dans les jeux géopolitiques. Le principal accélérateur de cette crise réside dans les trois guerres dans lesquelles l’Europe se trouve prise. 

L’une d’elles est constituée de conflits armés et de fumée de guerre – la guerre entre la Russie et l’Ukraine, et celle de Gaza – qui continuent d’alimenter les risques sécuritaires croissants pour l’Europe. Prenons l’exemple du conflit russo-ukrainien. Ces trois dernières années, des occasions de désescalade se sont présentées, mais les États-Unis ont utilisé la crise ukrainienne pour poursuivre une stratégie visant à affaiblir la Russie tout en contenant l’Europe, jetant de l’huile sur le feu et rendant la résolution toujours plus lointaine. Pourtant, certains pays européens ont suivi aveuglément la stratégie d’expansion de l’OTAN menée par les États-Unis, face à un voisin inflexible s’étendant sur tout le continent eurasien. Cela a finalement conduit l’Europe à l’impasse actuelle. Aujourd’hui encore, certains responsables politiques européens tentent de convaincre les électeurs que seul le renforcement militaire peut assurer leur bien-être, utilisant cet argument pour justifier l’augmentation des budgets de la défense et la réduction des programmes sociaux.

Quel a été le gain de l’Europe ? Elle a perdu le marché russe et ses approvisionnements énergétiques. Les risques de guerre ont conduit à la désindustrialisation et à la fuite des capitaux, tandis que la crise des réfugiés a creusé les divisions sociales, plongeant de nombreuses grandes économies dans une croissance négative. 

Le deuxième champ de bataille est la guerre commerciale. « L’Amérique d’abord » est la pierre angulaire de la politique étrangère de l’administration américaine actuelle, et l’Europe n’est évidemment plus traitée comme un partenaire à part entière, mais comme une cible de manipulation, de pression et d’extraction d’avantages directs. 

Prenons les récentes négociations entre les deux pays. L’UE se voit imposer des droits de douane de 15 % sur ses exportations vers les États-Unis, tout en s’engageant à ne pas imposer de droits de douane sur certaines importations américaines dans l’UE. Par ailleurs, Bruxelles a également accepté d’investir 600 milliards de dollars aux États-Unis, y compris dans des équipements militaires américains, et de dépenser 750 milliards de dollars dans l’énergie.

À quoi les États-Unis renoncent-ils dans cet accord ? Interrogée à ce sujet à la Maison-Blanche, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a failli répondre « à rien », soulignant que « le point de départ était un déséquilibre, un excédent de notre côté ». Mardi, Politico a commenté l’accord avec des termes forts, affirmant que « le siècle d’humiliation de l’Europe pourrait bien ne faire que commencer ».

Certains spécialistes ont souligné que, face à la stratégie relativement obscure, mais ancienne et profondément toxique des États-Unis contre l’Europe, le pays a perdu la capacité de se sauver pleinement sur le plan stratégique. Bien que le niveau de développement de l’Europe semble encore parmi les meilleurs en apparence, elle n’est en réalité plus l’un des pôles mondiaux et continue de décliner.

Malgré les appels occasionnels des responsables politiques européens à un « développement économique » et à une « autonomie stratégique », il ne s’agit que de paroles en l’air. L’Europe continue de suivre largement les directives des États-Unis dans divers domaines, notamment l’augmentation des dépenses militaires. Sur des questions clés, notamment la gestion à long terme de la Russie et des États-Unis, l’UE manque toujours de consensus, même après une crise financière trop lourde. 


L’Europe n’est pas seulement aux prises avec une crise économique ; elle est prise dans un « faux pas stratégique » plus vaste : elle suit la mauvaise voie, emprunte la mauvaise route, prend la mauvaise direction. Le défi pour l’Europe est désormais de changer de cap, de dépasser ses dépendances obsolètes et d’explorer de nouvelles pistes de coopération économique. 

Une question demeure : l’Europe se réveillera-t-elle cette fois-ci ?

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