Comme à son ordinaire, Xuan nous ramène à l’essentiel et à ceux qui trouvent dans la thèse des deux voir plus impérialismes qui s’affrontent une position de repli face à la débacle et à la révélation (à travers l’Ukraine, Gaza et à peu près toute la planète) de la catastrophe militarisée que représente l’hegemon et ses « alliés » (sic) il oppose la réalité de la pression insoutenable exercée par les USA . c’est un sujet sur lequel, il faudra sans cesse revenir tant idéologiquement l’imprégnation de ce « tous pareils » est forte et en fait conduit au fascisme…Xuan a également raison de dire que le débat ouvert par notre livre va bien au-delà de cette publication et comment de ce fait son rôle redouble celui au sein des communistes, de la gauche et de fait de la souveraineté française. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Nous avons vu que l’application de taxes de 40 % sur les marchandises transbordées par le Vietnam ont de lourdes conséquences sur les Investissements Directs Etrangers au Vietnam. Dans l’article suivant, le Vietnam invite les investissements de la Corée du sud et se propose aussi d’investir en Corée du sud.
Tous impérialistes !
Des groupes « marxistes-léninistes », voire des partis communistes, ont développé une certaine théorie de l’impérialisme contemporain. Puisque, disent-ils, dans « L’impérialisme stade suprême du capitalisme » l’exportation de capitaux devient importante par rapport à l’exportation de marchandises, et puisque c’est un trait significatif de l’impérialisme, alors tous les pays qui exportent des capitaux sont impérialistes. Ainsi, tout comme la Chine Populaire, les BRICS, etc. le Vietnam et la Corée du sud seraient aussi des pays « impérialistes ».
Revenons une centaine d’années en arrière. Dans ‘L’impérialisme stade suprême du capitalisme’, Lénine combat en particulier la théorie de Kautsky d’un « super-impérialisme » dominant tous les autres et mettant fin aux conflits entre eux. Nous voyons que l’actualité confirme la thèse de Lénine, puisque l’hégémonisme US ne réunit pas les pays impérialistes dominés en un seul mais les punit pour briser leur concurrence.
Lénine relève plusieurs traits significatifs de l’impérialisme en 1917 :
1) les monopoles apparaissent et jouent un rôle décisif ;
2) le capital bancaire fusionne avec le capital industriel pour former le capital de financement ;
3) l’exportation de capitaux devient importante par rapport à l’exportation de marchandises ;
4) L’univers est divisé en une poignée d’États-usuriers et une immense majorité d’États-débiteurs produisant la grande masse des produits alimentaires et semi-ouvrés
5) en cas de besoin leur marine de guerre joue le rôle d’huissier ;
6) les entreprises capitalistes géantes se partagent les marchés mondiaux ;
7) la division territoriale du monde entre les plus grandes puissances capitalistes est achevée
Dans un premier temps les pays impérialistes ont donc investi dans les colonies. Lénine cite par exemple un grand développement des transports ferroviaires. Comme l’indique l’illustration ci-dessus, il ne s’agissait pas de développer des industries autochtones qui pourraient devenir concurrentes mais de développer le capitalisme dans ces colonies en pillant leurs ressources naturelles et leurs fabrications à faible valeur ajoutée.
Lénine décrit ces « investissements » :
« Les exportations de capitaux influent, en l’accélérant puissamment, sur le développement du capitalisme dans les pays vers lesquels elles sont dirigées. Si donc ces exportations sont susceptibles, jusqu’à un certain point, d’amener un ralentissement dans l’évolution des pays exportateurs, ce ne peut être qu’en développant en profondeur et en étendue le capitalisme dans le monde entier. »
Nous avons cité dans « Quand la France s’éveillera à la Chine – La longue marche vers un monde multipolaire » : à la veille de la seconde guerre mondiale Mao Zedong écrit : « L’impérialisme avec toute sa puissance financière et militaire en Chine est la force qui soutient, inspire, cultive et préserve les vestiges féodaux de ce pays avec toute leur superstructure bureaucratico-militariste »[1].
En d’autres termes l’impérialisme entretient le féodalisme et entrave le développement national industriel, commercial et financier de ses colonies. L’agriculture et l’artisanat sont pillés, le seul capitalisme qui se développe c’est celui des impérialistes.
Lénine écrit encore : « La perspective du partage de la Chine provoque chez Hobson l’appréciation économique que voici : “ Une grande partie de l’Europe occidentale pourrait alors prendre l’apparence et le caractère qu’ont maintenant certaines parties des pays qui la composent : le Sud de l’Angleterre, la Riviera, les régions d’Italie et de Suisse les plus fréquentées des touristes et peuplées de gens riches — à savoir de petits groupes de riches aristocrates recevant des dividendes et des pensions du lointain Orient, avec un groupe un peu plus nombreux d’employés professionnels et de commerçants et un nombre plus important de domestiques et d’ouvriers occupés dans les transports et dans l’industrie travaillant à la finition des produits manufacturés. Quant aux principales branches d’industrie, elles disparaîtraient, et la grande masse des produits alimentaires et semi-ouvrés affluerait d’Asie et d’Afrique comme un tribut. ” » […] « L’univers est divisé en une poignée d’États-usuriers et une immense majorité d’États-débiteurs. […] En cas de besoin, sa marine de guerre joue le rôle d’huissier ».
Mais comme « la bourgeoisie produit soi-même son propre fossoyeur », l’impérialisme crée lui-même les conditions de sa disparition par les délocalisations et la mondialisation.
J’ai cité deux fois le “danger” de l’impérialisme … « préparant peut-être ainsi l’émancipation économique, puis politique, des races de couleur ”. La crainte et la prescience de Schulze-Gævernitz que relève Lénine ont été confirmées par l’essor des peuples coloniaux, l’indépendance politique de leurs nations et leur essor économique, encouragés par la révolution bolchévique et dans le sillage de la Chine Populaire. Les faits montrent qu’à partir du moment où les anciennes colonies acquièrent leur indépendance politique, elles doivent se développer sur le terrain économique et technologique, passer de l’économie agricole, de la fourniture de matières premières et de marchandises à faible valeur ajoutée à des productions techniquement plus avancées. Les IDE servent non plus leur pillage impérialiste mais leur décollage technologique. Et cela quelle que soit la classe au pouvoir, qu’il s’agisse de pays socialistes ou non, c’est la « longue marche vers un monde multipolaire ».

Ce n’est pas une extension de l’impérialisme, au contraire l’impérialisme se transforme en peau de chagrin.
Il y a une certaine impudence, de la part de l’intelligentsia d’un pays qui a bombardé le palais d’été à Pékin et s’est enrichi en maintenant ces pays sous un couvercle de plomb, à s’indigner parce qu’ils se développent aujourd’hui hors de la férule coloniale et impérialiste, à donner des leçons de protection sociale, voire de socialisme, et à les traiter d’impérialistes quand ils peuvent échanger des IDE pour investir dans leur propre économie.
Maintenant les anciennes puissances coloniales devront elles-mêmes subvenir à leurs besoins, recréer des industries et développer leurs propres forces productives. Mais le capitalisme en est incapable, l’hégémonisme US accumule les dettes et la hausse des prix : « Les tarifs douaniers commencent à peser sur les prix à la consommation aux États-Unis » https://www.globaltimes.cn/page/202508/1340817.shtml ; « La dette nationale américaine atteint un record de 37 000 milliards de dollars dans un contexte de préoccupations budgétaires croissantes » https://www.globaltimes.cn/page/202508/1340768.shtml
Seul le socialisme peut réaliser ce renouveau ici.
Xuan
[1] Mao Zedong – Œuvres Choisies Tome II « La révolution chinoise et le parti communiste chinois » p 333
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