Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les plus anciens génomes d’humains modernes jamais séquencés réécrivent l’histoire des premiers Européens

Aujourd’hui est le dernier jour de ma semaine de rédacteur en chef d’histoireetsociete, une semaine marquée en ce qui me concerne par le doute sur ce que je peux attendre de sursaut français. Qu’est-ce qu’un européen qui nie l’unité d’un continent au nom de ce qui demeure fondamentalement l’anticommunisme, la défense du capitalisme y compris par l’unité des contraires. Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump en Écosse, « la Commission européenne court comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier », tel a été le diagnostic d’un économiste pourtant non marxiste qui va jusqu’à comparer cette humiliation à celle de la Chine par la guerre de l’Opium. Il est vrai que nous sommes dans le temps de la fragmentation, de l’obscurantisme, des peurs, des censeurs. La stupidité des débats politiciens mais aussi la stupéfaction devant la propagande qui règne en maître à l’université d’été du PCF, dans les colonnes de l’Humanité me laisse mal augurer de ce que l’on peut attendre du prochain congrès. La division groupusculaire sans issue de ceux qui se réclament encore du communisme, la gauche qui s’avère incapable de présenter une alternative crédible à l’abstention ou à la montée de l’extrême-droite, le déclin parait irréversible, ici comme dans la majeure partie de l’UE. L’incapacité de tout ce beau monde à percevoir l’alternative des BRICS, le rôle de la Chine, tout cela n’incite pas à l’engagement. En revanche la conscience que nous vivons un basculement historique de notre espèce humaine nous rend l’histoire et même l’anthropologie plus proche avec de formidables découvertes… S’abstraire par impuissance de la sordide politicienne culture d’un monde qui meurt pour se sentir dans la longue marche de l’humanité vers son unité dans la diversité est en ce qui me concerne une consolation comme de relier par la science toujours plus efficace ces origines à ce destin commun. Si je comprends bien, caricaturalement nos amours avec Néanderthal sont bien plus récents que nous le pensions et nous avions alors la peau noire mais des yeux bleus. La force du matérialisme historique et dialectique a toujours été de donner à la lutte des classes cette aspiration à la connaissance. Le refus de l’exploitation ancre l’espèce humaine dans une force vitale qui rejoint ce que le mythe, la religion ont de puissance sur le collectif, mais c’est à travers la connaissance scientifique comme dans le mythe de Prométhée, le seul héros que Marx reconnaissait. Il s’avère que la médiocrité dans les aspirations rime le plus souvent avec la médiocrité dans l’art poétique comme dans toute culture, et la bigoterie, la censure, portent mal le projet grandiose de l’émancipation humaine. Nous en sommes là et histoire et societe joue modestement un rôle de vulgarisation non déshonorant. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Par Marine Benoit le Ecouter 9 min.

Une équipe internationale dirigée par des chercheurs de l’Institut Max-Planck d’Anthropologie Évolutive est parvenue à séquencer les plus anciens génomes d’Hommes modernes connus à ce jour. Leur travaux, qui constituent une véritable prouesse technologique, dévoilent de nouvelles et capitales informations sur le parcours des premiers humains modernes en Europe, tout juste sortis d’Afrique, et sur leurs interactions avec Néandertal.

Une vision d'artiste de Zlatý kůň

Une vision d’artiste de Zlatý kůň, femme dont le crâne a été trouvé sur le site du même nom et qui appartenait à un petit groupe d’humains modernes qui n’a laissé aucun descendant. Celui-ci s’est séparé le premier de la population qui a quitté l’Afrique il y a environ 50.000 ans et a ensuite colonisé le reste du monde.

Tom Björklund

Les génomes de Ranis13 et de Zlatý kůň représentent les plus anciens génomes humains modernes de haute qualité séquencés à ce jour.
Ils révèlent l’existence d’un petit groupe isolé récemment hybridé avec les Néandertaliens et qui n’a pas laissé de descendants actuels.
Ils décalent également dans le temps le tout premier métissage de l’Homme moderne avec Néandertal, qui aurait finalement eu lieu il y a environ 45.000 à 49.000 ans, soit bien plus tard qu’on ne le pensait.

Ce sont des travaux à marquer d’une pierre blanche en paléogénomique. Ce 12 décembre 2024, un article paru dans la prestigieuse revue Nature nous fait savoir qu’une équipe internationale dirigée par des chercheurs de l’Institut Max-Planck d’Anthropologie Évolutive, en Allemagne, est parvenue à séquencer les plus anciens génomes d’êtres humains modernes, datés de 45.000 ans environ. Ces génomes, appartenant à sept individus, mettent en évidence une lignée de Sapiens qui a divergé le plus anciennement du groupe d’humains modernes sorti d’Afrique il y a environ 50.000 ans.

Un génome de qualité exceptionnelle

Les résultats de l’équipe démontrent également que ces premiers Hommes modernes d’Europe se sont hybridés avec les Néandertaliens plus tard qu’on ne le pensait jusqu’ici, il y a entre 45.000 et 49.000 ans, avançant ainsi dans le temps l’épisode de métissage commun à toutes les populations non-africaines, celui-là même qui a entraîné la présence d’environ 2 à 3% d’ADN néandertalien dans le génome des populations non-africaines actuelles. Il s’agit là de résultats époustouflants, d’abord parce que nos connaissances sur la génétique des premiers humains modernes sont encore très limitées, ensuite parce que les chercheurs ont réussi à obtenir le génome de la plus haute qualité jamais atteinte pour un individu de plus de 10.000 ans. Rappelons qu’il en a 45.000 !

Le crâne de Zlatý kůň. Crédits : Marek Jantač/Petr Velemínský/Département d’Anthropologie du muséum national à Prague

Cette formidable prouesse a pu être réalisée à partir d’ossements retrouvés sur deux sites distincts : Zlatý kůň, en République Tchèque, et la Ilsenhöhle à Ranis, en Allemagne, distants l’un et l’autre de 230 kilomètres. En 1950, la grotte de Zlatý kůň livre un crâne. Appartenant à une femme, on le soupçonne d’être très ancien – peut-être 15.000 ans -, mais en l’absence de tout contexte archéologique, il ne peut être daté. Plus de soixante-dix ans plus tard, l’Institut Max-Planck le soumet à une série d’analyses génomiques. Verdict : bien plus vieux qu’on le pensait, il fournit à la surprise générale le plus ancien génome humain moderne, remontant à 45.000 ans. Aussi, depuis trois ans, la femme de Zlatý kůň est considérée comme la plus ancienne représentante de la plus ancienne lignée d’humains modernes du territoire européen.

Le groupe familial de Ranis

Direction Ranis cette fois. Dès les années 1930, cette grotte nous gâte d’un type d’outils en pierre taillée qui se voit associé à une culture particulière : celle du Lincombien-Ranisien-Jerzmanowicien (LRJ), que l’on estime remonter à 45.000 ans (chaque culture est souvent identifiée par un style ou une technique spécifique de fabrication des outils en pierre, os, ou autres matériaux). L’attribution de cette culture à Néandertal ou à Sapiens est débattue durant des décennies. Et pour cause : si un important tas d’ossements accompagnait les outils, celui-ci semblait ne contenir que de la faune. Mais le dicton « il ne faut jamais se fier aux apparences » est aussi valable en archéoanthropologie. « Il y a quelques années, une analyse biochimique a mis en évidence des protéines humaines dans la mêlée, indiquant qu’on avait loupé quelque chose », raconte Hélène Rougier, anthropologue et professeure associée à l’Université de l’État de Californie, à Northridge.

Une vue d’artiste de cette population de Zlatý kůň-Ranis qui, il y a environ 45.000 ans, a probablement voyagé à travers les paysages ouverts des steppes d’Europe. Crédits : Tom Björklund

L’experte, qui compte parmi les signataires de l’article de Nature, entame donc un minutieux travail de tri. De leur côté, des archéologues retournent fouiller à Ranis pour être sûrs de ne rien manquer. Au total, 13 petits fragments osseux appartenant à au moins six humains modernes et non à des Néandertaliens sont identifiés. Hélène Rougier parvient à savoir que deux de ces individus étaient « immatures », quand la génétique, elle, montre que trois étaient des femmes, trois des hommes, et qu’ils étaient parents biologiques. Plus impressionnant encore, l’équipe déduit d’un petit morceau de phalange et d’un fragment de clavicule que le groupe comprenait une mère (phalange) et sa petite fille en bas âge (clavicule).

Des liens génétiques

Parmi les 13 fragments, un os – un bout de fémur – était particulièrement bien préservé. « Il est même l’os humain moderne pléistocène le mieux conservé que l’on ait jamais eu pour extraire de l’ADN », affirme, enthousiaste, Hélène Rougier. « Il nous a permis d’obtenir un génome de haute qualité pour cet individu masculin appelé Ranis13. » Même si elle tient toujours un peu du miracle, une telle qualité de conservation n’est pas surprenante dans le nord de l’Europe, et plus particulièrement dans une grotte où les écarts de température sont limités. « Dans les régions d’Afrique qui regorgent de fossiles, il fait si sec qu’il ne reste presque jamais rien de l’ADN », regrette Hélène Rougier.

Mais alors que nous apprennent les génomes de Ranis et Zlatý kůň ? D’abord qu’ils portaient des variants associés à une couleur de peau et des cheveux foncés, ainsi qu’à des yeux marrons, reflétant leur origine africaine récente. Ensuite qu’ils avaient l’un et l’autre une proximité génétique. « À notre grande surprise, nous avons découvert une relation génétique de cinquième ou sixième degré entre Zlatý kůň et deux individus de Ranis », a déclaré lors d’une conférence de presse Arev Sümer, auteur principal de l’étude. « Cela signifie que Zlatý kůň faisait génétiquement partie de la famille élargie de Ranis et qu’elle fabriquait probablement aussi des outils de type LRJ. »

Une population à part

Cela veut aussi dire que nous disposons désormais de plusieurs fossiles appartenant à un même groupe : la branche des Homo sapiens anciens qui s’est séparée la première. Car si le génome de la population Zlatý kůň-Ranis montre que cette dernière comptait des Néandertaliens parmi ses ancêtres récents – résultat du fameux épisode de métissage qui peut être détecté chez tous les non-Africains actuels -, aucune trace d’une hybridation plus récente n’a pu y être détectée. « On peut imaginer que la population Zlatý kůň-Ranis a suivi une route différente en sortant d’Afrique, de sorte qu’elle n’a pas occupé aussi largement les régions où vivaient les Néandertaliens que les autres populations de premiers Hommes modernes d’Europe », détaille Hélène Rougier. « On peut aussi envisager que Sapiens est finalement arrivé plus tard qu’on ne le pensait en Europe. »

Pour les chercheurs, la population de Zlatý kůň-Ranis devrait être composée tout au plus de quelques centaines d’individus qui ont pu être répartis sur un territoire plus vaste que celui mis en évidence dans l’étude. Toutefois, il n’existe à ce jour aucune preuve que ce petit groupe d’Hommes modernes anciens ait contribué aux Européens plus récents ou à quelque autre population du monde.

Un métissage plus tardif entre Sapiens et Néandertal 

Jusqu’ici, le tout premier métissage entre Sapiens et Néandertal était daté entre 50.000 et 60.000 ans (nous savons par ailleurs que les deux espèces ont cohabité environ 5000 ans en Europe). Mais en analysant la longueur des segments d’ADN néandertalien dans le génome de Ranis13 et en utilisant les dates au radiocarbone obtenues sur cet individu, les chercheurs ont établi qu’il est plutôt survenu entre 45.000 et 49.000 ans. Étant donné que toutes les populations non-africaines actuelles partagent cette ascendance néandertalienne avec Zlatý kůň et Ranis, il faut comprendre qu’il y a environ 45.000 à 49.000 ans, une population ancestrale non africaine cohérente devait encore exister.

Ainsi, « tout vestige humain moderne trouvé en dehors d’Afrique et datant de plus de 50.000 ans n’a pas pu faire partie de la population non africaine ancestrale qui s’est hybridée avec les Néandertaliens et dont on trouve aujourd’hui les descendants dans une grande partie du monde », conclut Johannes Krause, archéogénéticien à l’Institut Max-Planck et l’un des auteurs principaux de l’étude.

L’étude génomique d’une autre équipe internationale, parmi lesquels de nombreux chercheurs de l’Institut Max-Planck, sont parus au même moment, de façon concertée, dans la revue Science. Portant sur plus de 334 génomes d’humains modernes, elle démontre que la grande majorité du flux génétique néandertalien est attribuable à une période unique de flux génétique qui s’est probablement produite il y a 50.500 à 43.500 ans, soit un résultat cohérent avec ceux obtenus grâce aux fossiles de Zlatý kůň et Ranis.

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