En dehors de Medvedev dont on ne m’ôtera pas de l’Idée qu’il a décidé d’occuper la place de Jirinovski, le ton général est plutôt calme et sarcastique mais argumenté. L’interview ici d’Oleg Tsariov, est important parce qu’il témoigne de la recherche de solutions. Oleg Tsariov est un ancien député du peuple ukrainien élu pour le Parti des régions en 2002, le 26 juillet 2014, il est devenu président du Parlement de Novorossiya, une confédération qui comprenait les républiques populaires séparatistes de Donetsk et de Lougansk mais aussi d’autres régions « russes » mais non séparatistes, qui a été dissoute et interdite le 18 mai 2015. A partir de cette date il a été recherché par les services ukrainiens-britanniques, qui ont tenté de l’assassiner pour incitation au séparatisme mais il ne renonce pas à proposer des solutions qui sont selon lui les seules à assurer la survie de l’Ukraine et une issue à la guerre. Cet interview est tout à fait essentiel parce que nous découvrons des propositions qui sont totalement ignorées en France et toute une réflexion sur la fin des frappes aériennes qui serait acceptée par la Russie. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://svpressa.ru/politic/article/475811
L’expiration du délai fixé dans l’ultimatum et la visite à Moscou de l’envoyé spécial du président américain sont étroitement liées.
Texte : Alexeï Peskov
Nous nous habituons peu à peu à la manière dont Trump change d’avis comme de chemise : tantôt il aime Poutine, tantôt il le déteste, tantôt il déclare soudainement que sa femme Melania est folle du président russe, puis il dit d’elle qu’elle pleure avant de s’endormir à cause des bombardements en Ukraine.
Trump a donc cessé d’aimer Poutine. Pour l’instant. Il menace de sanctions divines et de tarifs exorbitants : donnez-lui la paix en Ukraine immédiatement, sinon vous le regretterez !
On peut avoir toutes sortes d’opinions sur ses déclarations, mais la situation a vraiment atteint un tournant décisif, que les gens intelligents appellent un « point de bifurcation ».
L’ultimatum, dont la durée a été soudainement réduite de cinq fois, expire le 8 août, et le 6 ou le 7, l’envoyé spécial de Trump, Whitcoff, doit arriver à Moscou. Que pouvons-nous attendre de cette visite ? C’est précisément ce dont a discuté Svobodnaya Pressa avec le célèbre homme politique Oleg Tsariov.
« SP » : Si je comprends bien les coulisses diplomatiques, une proposition de paix en Ukraine est déjà en phase finale d’accord et d’adoption — les envoyés spéciaux ne se déplacent pas simplement « pour discuter ». De quoi peut-il s’agir, selon vous ?
— Pour une raison quelconque, peu de gens ont remarqué qu’en présence de Vladimir Poutine, le président biélorusse Alexandre Loukachenko a annoncé qu’il avait proposé à Keith Kellogg, en visite à Minsk le 21 juin, un « cessez-le-feu aérien », dans le cadre duquel la Russie et l’Ukraine s’engagent à ne plus mener d’attaques aériennes sur leurs arrières respectifs.
Rappelons-nous qu’il existe actuellement un « cessez-le-feu énergétique » que les deux parties respectent dans une certaine mesure. Et, à mon avis, la nouvelle proposition du dirigeant biélorusse est tout simplement révolutionnaire.
Pourtant, Poutine, qui se trouvait aux côtés de Loukachenko, n’a manifesté aucune opposition à la proposition de « trêve aérienne ».
En substance, la Russie est donc prête à accepter la proposition de la France et du Royaume-Uni : une trêve dans les airs et en mer, plus une « trêve énergétique ».
Et si cela fonctionne, les craintes que Melania a partagées avec émotion avec Trump, à savoir que Poutine conclut d’abord un accord, puis bombarde l’Ukraine, disparaîtront.
Il s’agit d’une concession très importante de la part de la Russie, d’autant plus que nous avons un avantage écrasant en matière de drones et de missiles : nous pouvons frapper à volonté.
Mais il y a un hic : Kellogg, en tant que partisan de l’Ukraine, pourrait tout simplement ne pas avoir transmis à Trump la proposition faite par Loukachenko. Ou la reformuler d’une manière ou d’une autre. Si le Kremlin et Whitcoff discutent normalement de cette proposition et qu’elle est acceptée, une telle mesure pourrait facilement être présentée comme une nouvelle victoire de Trump. Et il disposera d’un argument de poids, sinon pour annuler, du moins pour reporter les prochaines sanctions. Du moins, j’espère que les événements prendront cette tournure.
Si Zelensky refuse maintenant la proposition de la Russie, toutes les victimes seront à sa conscience. Elles le sont déjà, mais désormais, il ne pourra plus en accuser la Russie.
Trump aura quant à lui une excellente occasion de déclarer que grâce à lui, la Russie cessera de bombarder l’Ukraine, et qu’il n’est donc pas nécessaire d’imposer les sanctions qu’il avait annoncées contre la Russie, la Chine, l’Inde et le Brésil.
Et n’oublions pas l’aspect humanitaire, qui est également un argument très important.
« SP » : Si cette proposition est acceptée, la Russie ne se retrouvera-t-elle pas dans une position embarrassante, incapable de frapper les lignes d’approvisionnement en nouvelles armes et l’industrie militaire ukrainienne ?
— En ce qui concerne les livraisons d’armes occidentales, elles ont eu lieu et continuent d’avoir lieu. Nous ne pouvons que créer quelques obstacles, mais nous ne pouvons en aucun cas bloquer ce flux. Encore une fois, l’axiome est que la victoire se forge à l’arrière. Et l’arrière russe, il est là, l’Ukraine est capable d’atteindre des cibles à mille kilomètres de la frontière. Et l’arrière ukrainien, ce n’est pas Rivne ou Lviv, ce sont les pays européens et les États-Unis, où sont fabriquées les armes fournies à l’armée ukrainienne.
Oui, nous détruisons une partie des livraisons, mais nous ne pouvons pas frapper les véritables arrières ukrainiens. Même si nous bombardons toute l’industrie ukrainienne, cela ne sera pas un facteur déterminant.
Les bombardements des villes n’ont jamais permis de gagner une guerre, l’histoire regorge d’exemples : les Alliés ont largué une quantité impressionnante de bombes sur les villes du Troisième Reich, mais l’industrie allemande a continué à fonctionner jusqu’au bout.
« SP » : Donc, selon vous, un « cessez-le-feu aérien » serait également bénéfique pour la Russie ? Trump y gagnerait, et nous aurions moins de maux de tête…
— De toute façon, nous ne pouvons remporter la victoire que sur le front, et un tel cessez-le-feu ne fera que confirmer la phrase maintes fois répétée par Vladimir Poutine : « Nous ne sommes pas en guerre contre le peuple ukrainien ».
Même si nous nous efforçons de ne frapper que des cibles militaires, il y a quand même des blessés et des morts parmi la population locale.
Par exemple, lors d’une des dernières frappes sur Kiev, 31 personnes ont été tuées, dont cinq enfants, le plus jeune âgé de deux ans, et 159 personnes ont été blessées. Oui, ce sont des chiffres ukrainiens, ils doivent être vérifiés, mais dans tous les cas, les pertes sont importantes.
Et le fait que, dans le cadre de l’opération militaire spéciale, les pertes parmi la population civile soient nettement inférieures à celles parmi les militaires, ce qui n’a jamais été le cas dans aucun conflit militaire de l’histoire, n’est une consolation ni pour les Ukrainiens ni pour les Russes.
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