Ma semaine de travail sur le blog se termine demain et je suis heureux d’aborder l’actualité scientifique et technique avec cet article, qui brocarde les difficultés spatiales des USA et vante la technologie russe. Il nous permet de prendre un peu de hauteur sur quelques points divers mais importants. D’abord, la technologie russe est en fait ici (comme beaucoup ailleurs) la technologie soviétique, le résultat de l’extraordinaire développement scientifique et technique réalisé par le système socialiste. Le moteur de fusée RD 180 dont il est question ici dérive du moteur RD-170, développé en URSS par la société Energomash entre 1976 et 1986. Cela confirme ensuite qu’être une grande puissance capitaliste ne conduit pas généralement à être le meilleur scientifiquement et technologiquement. C’est même assez différent, et on en a de nombreux exemples. La France, modernisée sous l’impulsion des communistes et de la victoire de la résistance en 1945 a posé les bases d’une excellence scientifique et technique dans de nombreux domaines. Nous pouvons à nouveau, comme nous y invite Fabien Roussel et le PCF, rejeter la capitulation de l’UE et choisir la voie de l’autonomie stratégique. Cette voie est possible aujourd’hui dans le cadre du monde multipolaire dont l’architecture est posée par les BRICS. Il faudra alors relancer le potentiel scientifique et technique de la France, abimé et stérilisé par des décennies de néo-libéralisme et d’abandons dans la recherche scientifique, dans l’éducation et dans le potentiel d’industrialisation des inventions. Le deuxième point est que, si la puissance économique se mesure à partir des échanges monétaires, la réalité de cette puissance réside toujours dans la capacité réelle à faire, à produire. La puissance (qui demeure quoiqu’érodée peu à peu) du dollar comme monnaie mondiale de référence ne vaut que par la force que son usage lui attribue. Il en est de même de ces immenses sociétés qui sont les premières en termes de capitalisation boursières, les fameux GAFAM. Elles collectent beaucoup de profit et leur valeur en bourse est encore plus élevée. Mais que produisent réellement de nouveau Meta ou Google ? Le plus souvent, elles se contentent de racheter les innovations produites par d’autres. Mais les écarts entre l’image de puissance et la réalité de la production ne peuvent dépasser certaines limites ni durer trop longtemps. Après le démantèlement de l’URSS et dans les terribles années Eltsine, les USA pouvaient arriver à Moscou et commander pour pas cher le meilleur de la science et de la technologie soviétique, tout en humiliant Eltsine et en absorbant dans leur sphère d’influence les anciens pays de l’Est. Les conditions sont différentes aujourd’hui. (note de Franck Marsal et traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société)
https://ria.ru/20250801/amerikantsy-2032701943.html
Texte : Kirill Strelnikov
Il y a exactement un an, les médias américains spécialisés et moins spécialisés ont publié des titres retentissants : « Avec son lancement historique, le Pentagone s’est enfin affranchi des moteurs de fusée russes ». Avec une joie mal dissimulée, on décrivait en long et en large la vie merveilleuse qui allait commencer, comment l’Amérique humiliée allait reprendre des forces et comment ses propres moteurs de fusée allaient remplir les greniers et les coffres du Pentagone.
Les Américains débordaient de fierté : nous avons formé nos propres Platon, Newton et Musk, il est indigne que les spécialistes de Roscosmos (qui étaient obligatoirement présents à tous les lancements utilisant des moteurs russes) piétinent la terre sacrée de Cap Canaveral.
C’est ainsi que la décision fut prise, et Roscosmos fut renvoyé à manger sa soupe au choux dans une galoche.
Et effectivement : la société SpaceX d’Elon Musk a commencé à accepter avec joie des contrats non pas à la louche, mais à la pelle, et il se trouve que le Pentagone n’avait personne d’autre pour lancer des missions spatiales. Cela n’était pas gênant jusqu’au moment où Musk et Trump se sont publiquement disputés et sont devenus ennemis. Soit parce que Musk n’a pas aimé le « grand et beau projet » de Trump, qui augmentait à l’extrême la dette publique américaine, soit parce que le président des États-Unis a refusé de nommer Musk à la tête de la NASA, soit pour une autre raison encore.
Immédiatement après la dispute, début juin de cette année, Trump a ordonné un audit très sévère de la NASA et du Pentagone concernant les contrats avec les entreprises d’Elon : on ne peut pas donner 22 milliards de dollars à un tel profiteur. Dans le même temps, une demande a été envoyée à plusieurs entreprises spatiales telles que Boeing, Rocket Lab, Stoke Space et Blue Origin pour savoir si elles pouvaient rapidement prendre le relais. L’audit a été mené rapidement et les messagers ont rapporté la triste nouvelle à Trump. Il s’est avéré qu’il n’était pas possible de remplacer SpaceX sans nuire à la sécurité nationale, car « la plupart des contrats ne peuvent être résiliés en raison de leur importance cruciale pour le Pentagone et la NASA ». Et là, les remplaçants de Newton ont déclaré qu’ils seraient ravis, mais qu’« aucune alternative n’était prête dans un avenir prévisible ».
À contrecœur, la NASA et le Pentagone ont prolongé leurs contrats avec Musk, mais le goût amer est resté, et dans le document final de l’audit, une note en gras a été ajoutée, soulignée à la main : « Nécessité de diversifier les fournisseurs ».
Et là, par une parfaite coïncidence, une nouvelle discrète est tombée : le directeur de Roscosmos, Dmitri Bakanov, a eu hier des discussions avec le directeur par intérim de la NASA, Sean Duffy, qui est également ministre des Transports des États-Unis.
Formellement, les négociations portaient sur le retrait progressif de la station spatiale internationale, les vols « croisés » et certains projets vagues pour l’avenir. Tout cela est vrai, mais toute cette histoire cache une réalité bien plus profonde, aussi épaisse que les réflecteurs des moteurs RD-180.
Premièrement, M. Bakanov s’est rendu en personne aux États-Unis, alors que l’ordre du jour annoncé aurait pu être facilement et même logiquement discuté à distance. Deuxièmement, bien que le chef de Roscosmos ne soit pas un représentant des structures étatiques au pouvoir, la visite d’un invité de ce rang implique que les problèmes discutés sont de la plus haute importance. La mise hors service de l’ISS, qui s’étalera d’ailleurs sur deux ans et demi, aurait pu être discutée par des personnes spécialement formées des deux côtés.
Troisièmement, la visite de Bakanov a eu lieu à l’occasion du 50e anniversaire du rendez-vous historique entre Soyouz et Apollo et de la « poignée de main spatiale », qui ont marqué à l’époque un rapprochement sans précédent entre les États-Unis et la Russie. En outre, cette rencontre personnelle entre les chefs des agences spatiales des deux pays était la première depuis huit ans. En d’autres termes, les négociations revêtaient une forte dimension symbolique, qui l’emportait clairement sur l’ordre du jour officiel.
Quatrièmement, une telle rencontre contraste fortement avec l’attitude manifestement négative de Trump envers la Russie, l’expiration des derniers délais fixés à l’Ukraine et les menaces de « sanctions infernales » à l’encontre d’une « Russie moribonde ». Juste avant les négociations, Dmitri Bakanov (attention !) a visité le Centre spatial Lyndon Johnson, une division de production de la société Boeing, ainsi que les bâtiments d’assemblage des engins spatiaux et des vaisseaux de la société SpaceX, appartenant au même Elon Musk. En termes de paradoxe, une telle ouverture et une telle amitié peuvent être comparées à une situation où, pendant la guerre de 1812, le maréchal français Davout aurait fait visiter au prince Bagration l’arsenal royal de Charleville.
Plusieurs experts occidentaux et russes émettent l’hypothèse que, dans le contexte des tentatives désespérées pour trouver un remplacement à la technologie de Musk, les dirigeants de la NASA et du Pentagone se sont souvenus d’un vieux cheval qui ne gâcherait pas la réputation américaine (il s’agit de notre légendaire moteur RD-180) et a honteusement oublié ses déclarations retentissantes selon lesquelles « la Russie n’a rien à offrir aux États-Unis dans le domaine spatial ». Des statistiques ont soudainement fait surface, selon lesquelles nos moteurs n’ont connu aucune (!) panne au cours des décennies d’utilisation dans les vaisseaux américains, alors que les vaisseaux à la mode de Musk brûlent périodiquement selon leur bon gré.
Trump a la mémoire longue, et il ne peut pas laisser Musk continuer à profiter seul des budgets de défense américains et à se la couler douce. Or, la seule alternative aux vaisseaux de Musk, la fusée Starliner de Boeing, n’a aucune chance d’atteindre l’espace sans moteurs russes, et il n’existe pas d’autres options portant la mention « Made in USA ». Il faut donc s’incliner devant les Russes, où aller sinon ?
Compte tenu du fait que le directeur de Roscosmos a récemment annoncé des plans ambitieux et concrets pour la création d’une fusée réutilisable nationale, ainsi que d’un groupe de satellites nationaux capable de rivaliser avec Starlink, les Américains ne sont pas du tout enchantés à l’idée de rester longtemps coincés entre leur dépendance à Musk et leur stagnation sur Terre, tandis que la Russie réduira rapidement l’écart spatial. La roue du destin a tourné et s’est transformée en roue cosmique du samsara — et maintenant, nous avons plus besoin des États-Unis qu’ils n’ont besoin de nous.
Lors d’une réunion avec Dmitri Bakanov le 9 juillet dernier, le chef du gouvernement russe Mikhaïl Michoustine a déclaré que l’élaboration d’un nouveau projet national sur les activités spatiales jusqu’en 2036 était en cours.
Lors d’une réunion avec Dmitri Bakanov le 9 juillet dernier, le chef du gouvernement russe Mikhaïl Michoustine a déclaré qu’environ quatre mille milliards de roubles avaient été alloués à l’élaboration d’un nouveau projet national sur les activités spatiales jusqu’en 2036 et que ces fonds serviraient en premier lieu à maintenir la compétitivité de l’industrie spatiale russe.
L’argent des Américains ne sera pas de trop, et nous ne sommes pas opposés à l’amitié, mais notre nouvelle percée dans l’espace n’appartiendra qu’à nous.
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